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poésie - Page 2

  • Poussière d’oubli

    goffette,l'oiseau de craie,anthologie,poésie,littérature française,littérature française de belgique,écrivain belge,cultureCe que j’ai vu, je l’ai écrit
    comme la pluie sur les vitres
    et les larmes des roses, et tout
    ce que j’ai oublié demeure

    là, dans ce grand sac de voyelles
    posé contre le pied de la table
    où le temps passe entre ma vie
    et moi sans blesser personne.

    Quand plus rien ne chante au-dehors
    je puise dans le sac et sème
    sur la page un peu de poussière
    d’oubli et le jour paraît comme

    un musicien qui tend son chapeau.

    Guy Goffette, Petits riens pour jours absolus (2016)
    in L’Oiseau de craie (2023)

  • L'Oiseau de craie

    « Espace Nord consacre une admirable anthologie à l’œuvre du grand poète gaumais. Il était temps. Quel régal ! » a écrit Nicolas Crousse dans Le Soir. L’Oiseau de craie est le beau titre de cette anthologie qui va de 1971 à 2021 – cinquante ans de poésie, ça se fête. Serait-ce Guy Goffette lui-même cet « oiseau de craie » qui « persiste à crier terre / dans la courbe des mots » (Arrière-saison) ?

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    Rossano Rosi qui a choisi les textes donne une clé dans la postface, en remarquant que « craie » est l’anagramme d’« Icare », présent comme un leitmotiv dans la poésie de Guy Goffette. La figure mythologique d’Icare « rassemble sous son aile, si on peut dire, des motifs puissants : emprisonnement, appel de la liberté, univers des oiseaux, tentation de l’envol, inanité pour l’Homme de toute tentative d’envol, chute, mort… » (R. R.)

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    A travers le feuillage des jours
    le soleil passe la main
    et lance sur le carrelage
    la monnaie de notre pièce
    Solo d’ombres et de voix
    pour que nous y trouvions
    la force de prendre
    le présent par l’avenir
    comme un enfant par ses yeux
    et rassemblions assez d’oiseaux
    pour croire en l’arbre fraternel
    qu’ensemble nous portons

    Guy Goffette, Solo d’ombres (1983)

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    Un voile d’éther

    Nous avons beau savoir que le ciel n’est rien
    qu’une illusion pareille au bonheur quand tout va :
    les p’tits bateaux au fil du temps, l’horizon
    comme un archet ou comme

    la hanche d’une femme dans les bras du sommeil,
    tout, tout s’aigrit à la moindre occasion :
    la vue d’une chambre étroite, d’une rangée
    de peupliers sous la fenêtre

    – les mêmes peupliers, la même fenêtre,
    forme et fond de l’insupportable absence –
    beau savoir, oui, que ce n’est qu’un voile d’éther
    sur nos yeux blessés, c’est encore pour lui

    que nous bradons l’espace et toutes les couleurs.

    Guy Goffette, Le Pêcheur d’eau (1995)

  • Peu de chose

    Avril (4).jpgC’est peu de chose, la poésie :

    Un air plus tiède,
    L’arbre sans vent,
    Le soir qui cesse d’approcher,
    Les douces plantes qu’un remords
    Ramène au jardin des anciens jours.

    C’est peu de chose, la poésie :
    Un cœur irrésolu,
    Tous les chemins qui recommencent…

    Et la vie peut-elle autre chose
    Que tendrement, avidement
    Recommencer ?

    Robert Vivier, Cahier d’un printemps
    (Pour le sang et le murmure, 1954)

  • Proust en revue

    Un siècle a passé depuis que Proust est mort d’une pneumonie à 51 ans, en novembre 1922. J’ai pensé à lui en relisant la mort de Bergotte« On l’enterra, mais toute la nuit funèbre, aux vitrines éclairées, ses livres, disposés trois par trois, veillaient comme des anges aux ailes éployées et semblaient pour celui qui n’était plus, le symbole de sa résurrection » – puis en ouvrant un petit recueil de textes parus dans diverses revues, quand il avait un peu plus de vingt ans, une publication de 1001 nuits : L’Indifférent.

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    C’est le titre de la première nouvelle, la plus longue, sur le thème amoureux. « Madeleine de Gouvres venait d’arriver dans la loge de Mme Lawrence. » Contre l’avis de cette dernière qui juge Lepré (non invité) « très gentil mais très insignifiant », l’élégante Madeleine cherche à le rencontrer et l’invite à dîner, avant qu’il ne parte pour un long voyage.

    Malgré l’humiliation d’avoir dû insister pour qu’il accepte, elle compte sur sa beauté, sa réputation et « sa grande situation mondaine » pour le séduire. Veuve du marquis de Gouvres depuis quatre ans, elle voit bien que Lepré est inférieur aux hommes qui la fréquentent d’habitude. Mais elle pense que son indifférence est un masque, qu’il ne résistera pas à l’amour qu’elle éprouve pour lui. Chez elle, il se montre agréable, mais froid. Or il passe pour un « charmant homme ». Arrivera-t-elle à ses fins ?

    Avant la nuit raconte la confession inattendue d’une mourante à son meilleur ami, au risque de perdre son estime. Souvenir, une jolie histoire de parfum respiré dans un couloir du Grand Hôtel de T. (Trouville-sur-Mer). Contre l’obscurité tente de « dégager de la littérature contemporaine quelques vérités esthétiques », en particulier sur « l’obscurité des idées et des images » chez les jeunes poètes symbolistes.

    Dans « Passion malade », son commentaire à la suite de ces quatre textes de jeunesse publiés en 1893 et 1896, Jérôme Solal montre que ceux-ci « qui ne seront pas retenus pour le recueil Les plaisirs et les jours, premier livre publié par Proust en 1896, abordent les questions qui traverseront de part en part A la recherche du temps perdu. » Proust avant Proust, en quelque sorte.