Rose rose, rose blanche,
Rose thé,
J’ai cueilli la rose en branche
Au soleil de l’été.
Rose blanche, rose rose,
Rose d’or,
J’ai cueilli la rose éclose
Et son parfum m’endort.
Robert Desnos,
Chantefables & Chantefleurs
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Rose rose, rose blanche,
Rose thé,
J’ai cueilli la rose en branche
Au soleil de l’été.
Rose blanche, rose rose,
Rose d’or,
J’ai cueilli la rose éclose
Et son parfum m’endort.
Robert Desnos,
Chantefables & Chantefleurs
Ce que j’ai vu, je l’ai écrit
comme la pluie sur les vitres
et les larmes des roses, et tout
ce que j’ai oublié demeure
là, dans ce grand sac de voyelles
posé contre le pied de la table
où le temps passe entre ma vie
et moi sans blesser personne.
Quand plus rien ne chante au-dehors
je puise dans le sac et sème
sur la page un peu de poussière
d’oubli et le jour paraît comme
un musicien qui tend son chapeau.
Guy Goffette, Petits riens pour jours absolus (2016)
in L’Oiseau de craie (2023)
« Espace Nord consacre une admirable anthologie à l’œuvre du grand poète gaumais. Il était temps. Quel régal ! » a écrit Nicolas Crousse dans Le Soir. L’Oiseau de craie est le beau titre de cette anthologie qui va de 1971 à 2021 – cinquante ans de poésie, ça se fête. Serait-ce Guy Goffette lui-même cet « oiseau de craie » qui « persiste à crier terre / dans la courbe des mots » (Arrière-saison) ?
Rossano Rosi qui a choisi les textes donne une clé dans la postface, en remarquant que « craie » est l’anagramme d’« Icare », présent comme un leitmotiv dans la poésie de Guy Goffette. La figure mythologique d’Icare « rassemble sous son aile, si on peut dire, des motifs puissants : emprisonnement, appel de la liberté, univers des oiseaux, tentation de l’envol, inanité pour l’Homme de toute tentative d’envol, chute, mort… » (R. R.)
A travers le feuillage des jours
le soleil passe la main
et lance sur le carrelage
la monnaie de notre pièce
Solo d’ombres et de voix
pour que nous y trouvions
la force de prendre
le présent par l’avenir
comme un enfant par ses yeux
et rassemblions assez d’oiseaux
pour croire en l’arbre fraternel
qu’ensemble nous portons
Guy Goffette, Solo d’ombres (1983)
Un voile d’éther
Nous avons beau savoir que le ciel n’est rien
qu’une illusion pareille au bonheur quand tout va :
les p’tits bateaux au fil du temps, l’horizon
comme un archet ou comme
la hanche d’une femme dans les bras du sommeil,
tout, tout s’aigrit à la moindre occasion :
la vue d’une chambre étroite, d’une rangée
de peupliers sous la fenêtre
– les mêmes peupliers, la même fenêtre,
forme et fond de l’insupportable absence –
beau savoir, oui, que ce n’est qu’un voile d’éther
sur nos yeux blessés, c’est encore pour lui
que nous bradons l’espace et toutes les couleurs.
Guy Goffette, Le Pêcheur d’eau (1995)
C’est peu de chose, la poésie :
Un air plus tiède,
L’arbre sans vent,
Le soir qui cesse d’approcher,
Les douces plantes qu’un remords
Ramène au jardin des anciens jours.
C’est peu de chose, la poésie :
Un cœur irrésolu,
Tous les chemins qui recommencent…
Et la vie peut-elle autre chose
Que tendrement, avidement
Recommencer ?
Robert Vivier, Cahier d’un printemps
(Pour le sang et le murmure, 1954)
Un siècle a passé depuis que Proust est mort d’une pneumonie à 51 ans, en novembre 1922. J’ai pensé à lui en relisant la mort de Bergotte – « On l’enterra, mais toute la nuit funèbre, aux vitrines éclairées, ses livres, disposés trois par trois, veillaient comme des anges aux ailes éployées et semblaient pour celui qui n’était plus, le symbole de sa résurrection » – puis en ouvrant un petit recueil de textes parus dans diverses revues, quand il avait un peu plus de vingt ans, une publication de 1001 nuits : L’Indifférent.
C’est le titre de la première nouvelle, la plus longue, sur le thème amoureux. « Madeleine de Gouvres venait d’arriver dans la loge de Mme Lawrence. » Contre l’avis de cette dernière qui juge Lepré (non invité) « très gentil mais très insignifiant », l’élégante Madeleine cherche à le rencontrer et l’invite à dîner, avant qu’il ne parte pour un long voyage.
Malgré l’humiliation d’avoir dû insister pour qu’il accepte, elle compte sur sa beauté, sa réputation et « sa grande situation mondaine » pour le séduire. Veuve du marquis de Gouvres depuis quatre ans, elle voit bien que Lepré est inférieur aux hommes qui la fréquentent d’habitude. Mais elle pense que son indifférence est un masque, qu’il ne résistera pas à l’amour qu’elle éprouve pour lui. Chez elle, il se montre agréable, mais froid. Or il passe pour un « charmant homme ». Arrivera-t-elle à ses fins ?
Avant la nuit raconte la confession inattendue d’une mourante à son meilleur ami, au risque de perdre son estime. Souvenir, une jolie histoire de parfum respiré dans un couloir du Grand Hôtel de T. (Trouville-sur-Mer). Contre l’obscurité tente de « dégager de la littérature contemporaine quelques vérités esthétiques », en particulier sur « l’obscurité des idées et des images » chez les jeunes poètes symbolistes.
Dans « Passion malade », son commentaire à la suite de ces quatre textes de jeunesse publiés en 1893 et 1896, Jérôme Solal montre que ceux-ci « qui ne seront pas retenus pour le recueil Les plaisirs et les jours, premier livre publié par Proust en 1896, abordent les questions qui traverseront de part en part A la recherche du temps perdu. » Proust avant Proust, en quelque sorte.