« Espace Nord consacre une admirable anthologie à l’œuvre du grand poète gaumais. Il était temps. Quel régal ! » a écrit Nicolas Crousse dans Le Soir. L’Oiseau de craie est le beau titre de cette anthologie qui va de 1971 à 2021 – cinquante ans de poésie, ça se fête. Serait-ce Guy Goffette lui-même cet « oiseau de craie » qui « persiste à crier terre / dans la courbe des mots » (Arrière-saison) ?
Rossano Rosi qui a choisi les textes donne une clé dans la postface, en remarquant que « craie » est l’anagramme d’« Icare », présent comme un leitmotiv dans la poésie de Guy Goffette. La figure mythologique d’Icare « rassemble sous son aile, si on peut dire, des motifs puissants : emprisonnement, appel de la liberté, univers des oiseaux, tentation de l’envol, inanité pour l’Homme de toute tentative d’envol, chute, mort… » (R. R.)
A travers le feuillage des jours
le soleil passe la main
et lance sur le carrelage
la monnaie de notre pièce
Solo d’ombres et de voix
pour que nous y trouvions
la force de prendre
le présent par l’avenir
comme un enfant par ses yeux
et rassemblions assez d’oiseaux
pour croire en l’arbre fraternel
qu’ensemble nous portons
Guy Goffette, Solo d’ombres (1983)
Un voile d’éther
Nous avons beau savoir que le ciel n’est rien
qu’une illusion pareille au bonheur quand tout va :
les p’tits bateaux au fil du temps, l’horizon
comme un archet ou comme
la hanche d’une femme dans les bras du sommeil,
tout, tout s’aigrit à la moindre occasion :
la vue d’une chambre étroite, d’une rangée
de peupliers sous la fenêtre
– les mêmes peupliers, la même fenêtre,
forme et fond de l’insupportable absence –
beau savoir, oui, que ce n’est qu’un voile d’éther
sur nos yeux blessés, c’est encore pour lui
que nous bradons l’espace et toutes les couleurs.
Guy Goffette, Le Pêcheur d’eau (1995)