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recueil

  • Colère

    Steinem Actions & rébellions.jpg« Comme vous le voyez, à relire ces pages, la colère me gagne quand je constate le peu de changement ou les réactions violentes suscitées par ces tentatives de changement. Mais la colère est comme une batterie, un réservoir d’énergie pour l’action. J’espère que vous accueillez et utilisez tout ce que vous pouvez éprouver. C’est uniquement quand elle est réprimée et retournée contre soi que la colère se transforme en amertume ou conduit à la dépression, et les preuves ici ne manquent pas qui démontrent que l’action constitue un antidote puissant à ces émotions, en plus d’être la seule voie pour progresser. »

    Gloria Steinem, Préface de 1995 à la deuxième édition d’Actions scandaleuses et rébellions quotidiennes.

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    Nafi Belgaimage-37618775-1024x673.jpgP.-S. Un coup de chapeau à la combativité sportive de Nafissatou Thiam, une athlète dont j’admire le parcours depuis sa victoire olympique à Rio en 2016.


    Voici Nafi à nouveau médaille d’or de l’heptathlon aux Championnats du monde 2022 (Eugene, Oregon, Etats-Unis), à 27 ans !

    Nafissatou Thiam le 18 juillet 2022 après sa victoire à Eugene @ BelgaImage (Source : Moustique)

  • Actions & rébellions

    Actions scandaleuses et rébellions quotidiennes de Gloria Steinem« le texte fondateur de la plus célèbre des féministes américaines » – est disponible en français depuis 2018, traduit de l’américain par Mona de Pracontal, Alexandre Lassalle, Laurence Richard et Hélène Cohen.

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    Grande référence, par exemple dans Sorcières de Mona Chollet, Gloria Steinem, née en 1934 dans l’Ohio, a commencé à signer des articles en tant que journaliste, avant de devenir conférencière et d’œuvrer à la diffusion du message féministe. Au début des années 1970, elle a fondé Ms Magazine avec l’avocate Dorothy Pitman Hughes. « Gloria a un vrai talent pour trouver les mots justes, ceux qui résonnent en nous », écrit l’actrice Emma Watson dans la préface.

    Actions & Rébellions rassemble des textes des années soixante aux années quatre-vingts, durant la deuxième vague féministe. Dans sa Note aux lectrices et lecteurs français, l’autrice se réjouit qu’un nouveau lectorat accède à ces textes, tout en regrettant qu’ils restent d’actualité pour la plupart. « Nous vivons une époque dangereuse », écrit-elle en s’inquiétant des dérives de l’information via des médias « aux mains d’annonceurs » et de l’argent versé massivement à des groupes racistes ou religieux conservateurs.

    « Depuis que la Cour suprême a reconnu en 1973 l’avortement comme un droit constitutionnel, les féministes travaillant spécifiquement sur les questions de liberté de procréation et les rares journalistes enquêtant sur l’ultra-droite n’ont eu de cesse de sonner l’alarme face à des attaques de plus en plus pernicieuses » : ses craintes et son analyse, dont un large extrait est repris dans le Nouvel Obs, viennent d’être confirmées par la décision de la Cour suprême à présent dominée par des juges très conservateurs. J’y reviendrai à la fin de ce billet.

    Dans Une vie entre les lignes (1983, inédit), Gloria Steinem revient sur son parcours d’écriture et d’activité féministe, en insistant sur l’importance de constituer des équipes « interraciales » pour que toutes les femmes participent aux discussions et au combat. Elle a fait équipe d’abord avec Dorothy Pitman Hughes, puis avec Florynce Kennedy et enfin avec Margaret Sloan : des années de « déplacements en tandem », « exposées aux regards et à la désapprobation », mais aussi soutenues par un public nombreux et varié. Il lui a fallu apprendre à surmonter sa peur de parler en public.

    « J’ai été une Playboy Bunny » raconte son engagement, sous un faux nom, dans un club new-yorkais. Du 24 janvier au 22 février 1963, elle tient le journal de cette immersion et rend compte des règles imposées aux femmes qui y travaillent, de la manière dont elles sont traitées, des retraits de points selon les infractions, des salaires décevants. Cela lui a valu un procès en diffamation qui s’est soldé par un arrangement à l’amiable négocié par le journal et la perte de commande d’articles sérieux « car désormais [elle était] devenue une Bunny ».

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    Affiche du film américain réalisé par Julie Taymor sur la vie de Gloria Steinem (2020)

    Puis elle a suivi les campagnes électorales d’hommes politiques démocrates. En campagne compile des extraits. Souvent, elle était bénévole dans des tâches subalternes, « comme les autres femmes », puis elle prend conscience que « toute relation de pouvoir dans la vie est politique ». Elle décide alors de suivre les réunions de femmes courageuses et convaincues « qu’un mouvement dirigé par des femmes contre le sexisme était une nécessité ».

    Devenue déléguée de Shirley Chisholm, « presque la seule à se focaliser sur les problématiques des femmes et celles d’autres groupes privés de pouvoir », elle assiste à une réunion entre des membres du National Women’s Political Caucus et McGovern à Washington. Le sujet de l’avortement est le plus sensible. Sa formulation concernant « la liberté de reproduction et la liberté sexuelle de tout citoyen américain » sera défendue par le NWPC à la convention de 1972.

    « Jamais plus les femmes ne seront en politique que des êtres sans cervelle bonnes uniquement à faire le café ou des journalistes dépourvues d’assurance, incapables de voir cette moitié du monde qui est la leur. Le dirigeant parfait n’existe pas. Nous devons apprendre à nous diriger nous-mêmes. » Dans Sororité, Réunion d’anciennes, La chanson de Ruth (qu’elle n’a pas pu chanter) à propos de sa mère, Gloria Steinem témoigne de son vécu personnel.

    Les mots et le changement montre comment des expressions nouvelles reflètent « les transformations de la perception et parfois de la réalité elle-même ». Les féministes ont valorisé la « liberté de procréer » comme concept et comme droit humain fondamental, l’emploi du nom « de naissance » pour les femmes comme pour les hommes, par exemple. Dans un post-scriptum de 1995, Steinem constate avec humour à propos du double travail (à l’extérieur et à la maison) que « les femmes sont bien plus nombreuses à devenir les hommes qu’elles auraient aimé épouser », mais que « trop peu d’hommes deviennent les femmes qu’ils auraient aimé épouser. »

    Le recueil Actions & Rébellions aborde toutes les facettes du combat féministe : la manière de communiquer et l’affirmation de soi (Quand les hommes et les femmes parlent), l’importance des réseaux de femmes, une analyse de la violence sexuelle (Erotisme et pornographie), les mutilations génitales, les médias… On y trouve, après cinq portraits de femmes célèbres, un compte rendu de la première Conférence nationale des femmes à Houston en 1977.

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    A La Grande Librairie le 21/3/2019 (YouYube), avec son portrait dans les premières minutes

    Si Hitler était vivant, de quel côté serait-il ? aborde sous un angle original le combat conservateur pour obtenir « l’interdiction constitutionnelle de l’avortement ». Gloria Steinem décrit l’obsession « du déclin de la natalité blanche » dans la plupart des groupes anti-IVG et rappelle les mesures prises par les nazis pour restaurer la suprématie masculine contre l’égalité prônée par les féministes allemandes qui avaient engrangé des acquis dès le début du XXe siècle. « Le sacrifice de l’existence individuelle est nécessaire pour assurer la conservation de la race », écrit Hitler dans Mein Kampf. Rappel des faits et citations sont édifiants.

  • Corona di Sonetti, XI

    Seban Du Bellay Portrait.jpgSois présent à la noce, au festin, au tournoi,
    Comme un galant Ronsard ; fuis cette solitude
    Qui peigne et frise un vers et parfume l’envoi ;
    Que ton âme chétive ignore sa quiétude !
    Tu n’entends plus, hélas, fleurir l’esprit du roi,
    Ni fouiller la nature et gagner par l’étude
    L’estime de tes pairs, ni de sa propre loi
    Déposséder ton cœur pour quelque servitude !
    Que de mélancolie en tes sombres Regrets !
    Que de dédain pour Rome et de propos aigrets ;
    Contre Pétrarque, enfin, quelle rude anguillade !
    Mais quel hymne d’amour pour la France et l’Anjou !
    Célébrons le Liré, ce verdoyant bijou,
    D’un rondeau bien tourné, d’une folle ballade.

    Jean-Loup Seban, Les Chapellades du poète courtisan, Van Loock, Bruxelles, 2022.

    Portrait de Du Bellay

     

  • Hommage à Du Bellay

    Des mains amies m’ont mis entre les mains Les Chapellades du poète courtisan de Jean-Loup Seban. Ce recueil de poésie vient de paraître (hors commerce) à l’occasion des cinq cents ans de la naissance de Joachim Du Bellay, grand poète de la Pléiade, ou, comme l’écrit l’auteur, « en l’honneur du Quint-centenaire de la Nativité du sieur du Bellay, Gentil-homme angevin, Poëte excellent ».

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    Jean-Loup Seban se désigne comme un « rimeur d’oire » (d’aujourd’hui). Vous pouvez lire son parcours de professeur, chercheur et pasteur sur le site de l’Association des Écrivains belges. Après la lecture de ses Chapellades (coups de chapeau, selon le glossaire), j’y ajouterai le titre de « versificateur ». « Le poète est un être inspiré, un quasi penseur ; le versificateur est un virtuose. Le poète est un rejeton des dieux ; le versificateur un amant des Muses. » Ainsi le présente Marcel Detiège (à propos d’un autre recueil, La Bouquineuriade) sur le site de l’Association Royale des Écrivains et Artistes de Wallonie-Bruxelles.

    « Souffrez, cher amateur d’ancienne poésie,
    Qu’un vieux bibliophile, ivre de fantaisie,
    Vous présente un hommage au rimeur Du Bellay
    Dont l’œuvre émerveilla tant le clerc que le lai
    De la plus belle cour du monde sublunaire ! »

    Ainsi s’ouvre l’Epistre au lecteur de Seban. Sa « Corona di Sonetti » m’a littéralement éblouie : quinze sonnets dans lesquels nous nous plaisons d’abord à retrouver la personnalité de l’auteur de Défense et Illustration de la langue française, ami de Ronsard, avec qui il fonde la Brigade, puis la Pléiade.

    « Après les brumes, le mauvais temps et les crépuscules du Moyen Age, le soleil se levait enfin sur la France » écrit François Bott au début d’un article du Monde des Livres glissé dans mon XVIe siècle de Lagarde et Michard (Pique-niques Renaissance, sur la nouvelle édition Pléiade de Ronsard et des Œuvres poétiques de Du Bellay en deux tomes dans les Classiques Garnier, 29/10/1983).

    Mais revenons aux sonnets de Jean-Loup Seban : « Ecoutons Du Bellay conseiller l’artisan… » Truffés d’allusions littéraires (le renvoi aux notes en bas de page n’est pas indiqué à l’aide de chiffres mais de signes typographiques : astérisque, croix latine ou double, etc.), ses poèmes nous racontent la vie et l’œuvre du poète qui fut aussi courtisan.

    Tout au plaisir de retrouver le dernier vers d’un sonnet au début du suivant, je découvre peu à peu, et avec ravissement devant tant de virtuosité, en quoi consiste une « couronne de sonnets » : non seulement la chute du poème y devient l’ouverture d’un autre, mais le quinzième sonnet, « Sonetto maestro », sonnet maître, est composé par le premier vers de chacun des quatorze sonnets ! Waouh ! si j’ose écrire. 

    Sous le titre « Apollon malcontent »,  Jean-Loup Seban poursuit même, à partir de ce sonnet maître, par un sonnet à bouts rimés – « rimeur » et « rimailleur », décidément. Puis ce sont des vers en hommage aux poètes de la « Brigade stellifère »« Terza rima » :

    « Aux sept filles d’Atlas, aux sept bardes d’Egypte,
    Gloires d’Alexandrie et du monde lettré,
    Des français se sont joints dans l’éternelle crypte ! »
    (premier tercet)

    Et puis viennent d’autres « poëteries » : sonnets, ballade, stance, iambes… Faut-il rappeler l’origine italienne du sonnet (« sonetto ») et l’admiration des poètes de la Pléiade pour la Renaissance italienne ? Voici « Un amant pétrarquisant » :

    « Noble ami de Manuce, en la Sérénissime,
    Bembo, par ses sonnets dignes d’un troubadour
    Pétrarquisant, cueillit le plus charnel amour
    Auprès de Maria, la veuve aimant la rime ! »

    Sans oublier « Le chat du poëte », qui rappelle la fameuse épitaphe de Du Bellay en mémoire de son chat Belaud.

    « Louons de Belaud la grâce gentille,
    Emmusiquons, cher luth, la cantatille ! »

    Précieux livret paru en mai 2022 chez Claude Van Loock à Bruxelles, Les Chapellades du poète courtisan sont agréablement illustrées d’estampes « du cabinet de l’auteur ». Le papier se caresse de page en page. Deux encarts y sont glissés, un glossaire très utile pour qui ne partage pas tant d’érudition et une reprise du frontispice : un portrait de Du Bellay sous lequel sont cités ces vers de Jacques Moysson : « Tes vers, ta fluidité, /Ta Muse, & ton docte Livre, / Du Bellay te font revivre / D’immortelle éternité. » Merci, Jean-Loup Seban, ami des Muses.

  • Convictions

    Certaines de mes convictions

     

    L’idée
    est une abeille
    qui cherche
    à créer
    un essaim.

    Les nuages
    sont
    des livres gonflés de pluie.

    peter bakowski,le coeur à trois heures du matin,poésie,littérature anglaise,australie,recueil,cultureL’aurore est
    une fille
    ôtant
    son collier d’étoiles.

    Le cœur
    est un portier
    las de traîner
    nos bagages d’excuses.

    La peur
    est graine
    de solitude.

    Seuls les poissons
    vivent
    dans de belles
    prisons.

    L’amertume est le plus ancien désert.

    La vérité seule peut
    faire durer un poème
    plus longtemps
    qu’une bougie.

    Peter Bakowski, Le cœur à trois heures du matin