Le peintre qu’on nomme l’orage a bien travaillé, ce soir,
Des figures de grande beauté sont assemblées
Sous un porche à gauche du ciel, là où se perdent
Ces marches phosphorescentes dans la mer.
Et il y a de l’agitation dans cette foule,
C’est comme si un dieu avait paru,
Visage d’or parmi nombre d’autres sombres.
© Linda Van der Meeren, Cooper’s Moon (détail), Expo Kleur (Asse, 2022)
Mais ces cris de surprise, presque ces chants,
Ces musiques de fifres et ces rires
Ne nous viennent pas de ces êtres mais de leur forme.
Les bras qui s’ouvrent se rompent, se multiplient,
Les gestes se dilatent, se diluent,
Sans cesse la couleur devient autre couleur
Et autre chose que la couleur, ainsi des îles,
Des bribes de grandes orgues dans la nuée.
Si c’est là la résurrection des morts, celle-ci ressemble
A la crête des vagues à l’instant où elles se brisent,
Et maintenant le ciel est presque vide,
Rien qu’une masse rouge qui se déplace
Vers un drap d’oiseaux noirs, au nord, piaillant, la nuit.
Ici ou là
Une flaque encore, trouée
Par un brandon de la beauté en cendres.
Yves Bonnefoy, Impressions, soleil couchant (La vie errante)
Commentaires
Que ce poème est beau, superbe où sans cesse un couleur devient autre.
Merci, bon lundi
"Le peintre qu’on nomme l’orage", je le vois à l'œuvre certains soirs de mes fenêtres - ce poème l'évoque magnifiquement.
Bonne journée, Colo.
Bonjour, quel est votre avis sur ce magnifique poème ? Avez vous compris le sujet qu'il traite ?
Bonsoir, Sayam. Ce n'est pas ici le lieu d'une analyse littéraire, mais je vous conseille de lire et relire... ou de commencer par vous-même contempler le ciel après l'orage ou au couchant : imaginer les éléments du spectacle, jusqu'à la tombée de la nuit où tout s'éteint (derniers vers).
Bonnefoy est vraiment un merveilleux poète, chez moi il voisine avec Jaccottet et je passe de l'un à l'autre les jours où rien ne va c'est toujours un bonheur
j'ai commandé un de ses livres jamais lu et je l'attends avec impatience
j'ai eu l'occasion comme toi de le retrouver dans le livre de Marie Gillet
Je découvre la poésie de Bonnefoy dans ce recueil poésie/Gallimard que je suis en train de lire, grâce à Marie Gillet justement.
Je ne connais pas très bien Yves Bonnefoy, il faudrait que je me procure un de ses recueils. L'illustration est très belle, je suis retournée voir ton billet sur l'artiste.
Linda a beaucoup peint sur la guerre. Sa dernière exposition montre surtout son exploration de la couleur (cliquer sur "Kleur" sous l'illustration).
J'ai lu la poésie de Bonnefoy quand j'étais à l'université. Merci d'avoir rappelé cette expérience.
Jane, vous le connaissez mieux que moi !