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  • Album Eluard

    A la faveur d’un tri de bibliothèque, l’Album Eluard de 1968 est arrivé entre mes mains. C’était le septième édité par la Bibliothèque de la Pléiade, offert à l’occasion de l’annuelle Quinzaine de la Pléiade, à l’achat de trois volumes. Cette iconographie commentée a été confiée à Roger-Jean Ségalat, les 467 illustrations puisées pour la plupart dans les albums de Paul Eluard et de sa famille, ainsi que dans des collections privées ou publiques, notamment du musée de Saint-Denis, renommé Musée d’Art et d’Histoire Paul Eluard.

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    Dessin de couverture : Eluard par Picasso

    En dehors de poèmes de Paul Eluard (1895-1952), je ne connaissais pas grand-chose de sa biographie et seulement les grandes lignes de son engagement partagé entre le surréalisme et le communisme. Né Grindel, à Saint-Denis qui n’était pas encore « la triste agglomération industrielle que nous connaissons », écrit Ségalat, il a choisi pour nom de plume Eluard, le nom de jeune fille de sa grand-mère maternelle. Fils d’un comptable devenu marchand de biens et d’une couturière qui a ouvert un atelier avec quelques ouvrières, il n’est pas « un rejeton de la misère » comme certains l’ont présenté.

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    A Aulnay-sous-Bois puis à Paris, il est bon élève à l’école communale puis au collège Colbert. Vacances d’été en Suisse, séjour d’anglais à Southampton, tout se passe bien jusqu’au diagnostic de tuberculose en 1912. Il passera un an et demi dans le sanatorium de Clavadel près de Davos. Il y rencontre Hélène Diakonova, surnommée Gala, fille d’un avocat de Moscou. Elle sera sa première femme, épousée en 1917. Mobilisé depuis 1914, il a passé la guerre dans les hôpitaux de l’armée, « soit comme malade, soit comme infirmier ». En mai 1918 naît leur fille Cécile.

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    Max Ernst, Au rendez-vous des amis, 1922, huile sur toile, 130 x 195 cm, Wallraf-Richartz museum, Cologne

    « Du combattant timide, la guerre a fait un pacifiste ; du jeune homme romantique, un poète. » Il publie des poèmes dans des revues peu connues, écrit des lettres, lit beaucoup. Jean Paulhan le présente en 1919 au groupe Littérature qui partage l’esprit du mouvement Dada. Eluard « allait devenir l’un des éléments actifs de la révolution dadaïste et se faire des amis des compagnons de ce combat : Tzara, Soupault, Breton, Aragon et Ribemont-Dessaignes. Il crée même sa propre revue, Proverbe, qui n’aura que cinq numéros : « créations verbales et transmutations de mots »

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    La nourrice des étoiles, portrait-collage de 1938 : Eluard par Breton (détail)

    « Eluard, le moins dadaïste des Dadas, le moins doctrinaire des hommes, dont les seules pierres de touche sont l’amitié, l’amour et la poésie, réussit, pendant toute la période Dada, à n’être l’ennemi de personne. » Aimant la peinture, il s’entoure de tableaux de Picasso, Ernst, Chirico, d’objets d’art primitif africains de polynésiens. Breton, qui veut « ruiner la littérature », lui fait promettre comme à Desnos de ne plus écrire – promesse tenue par Eluard jusqu’en 1924.

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    Paul et Gala deviennent amis avec Max Ernst qui habite avec eux. En 1924, « il vit de plus en plus difficilement la liaison entre Gala et Ernst, qu’il a pourtant acceptée » (Eluard.org) et surprend tout le monde en partant seul pour un voyage autour de monde. Mourir de ne pas mourir paraît le lendemain de son départ, comme un testament. Gala le rejoindra à Singapour. A leur retour, le Surréalisme a pris forme avec le Premier Manifeste d’André Breton. Eluard rédige un tract : « Nous sommes les spécialistes de la Révolte ». En 1927, Breton, Aragon, Eluard, Péret et Unik annoncent publiquement leur entrée dans le parti communiste. Querelles, affrontements, exclusions… Nouvelles relations : en 1929, Gala rencontre Dali, qu’elle aimera et épousera, tandis qu’Eluard rencontre Nusch (Maria Benz), qui sera sa deuxième femme.

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    Ex-libris de Paul Eluard dans son exemplaire de Nerval (source)

    A la mort de son père, Eluard a hérité d’une fortune dépensée en quelques années. Il ne s’attache pas aux biens matériels, mais aime dormir sous un Picasso accroché au mur. « Toute la vie d’Eluard est de bohème, de déménagements, de disponibilité, de repas partagés, de départs. Il voyage beaucoup, suit qui l’emmène, qui a besoin de lui. Il n’économise ni son argent ni son amour. « Après moi le sommeil » est la devise de son ex-libris. » Le corps nu de Nusch photographié par Man Ray encercle les poèmes de Facile (1935).

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    Une page de Facile (Poèmes de Paul Eluard/Photographies de Man Ray) (source)

    Après cette époque foisonnante du surréalisme et la rupture avec Breton, la pensée d’Eluard tourne autour de trois thèmes : l’amour, la poésie, l’injustice sociale. Impossible de résumer les rencontres, les voyages, les publications, les conférences… Il se trouve en Suisse en 1946 quand il apprend la mort subite de Nusch qui le laisse « hébété, sans forces, rongé de souffrances et de remords ». C’est encore l’amitié qui le sauve du désespoir.

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    Le harfang des neiges par Valentine Hugo,  
    inspiré par un vers d'André Breton, était à la tête du lit d'Eluard.

    Au Congrès de la Paix à Mexico, en 1949, il rencontre une jeune femme, Dominique Laure (Odette Lemor), qui revient avec lui à Paris. Il l’épouse en 1951 à Saint-Tropez, avec Picasso et Françoise Gilot pour témoins. Ce sera la renaissance du Phénix, un an avant une crise cardiaque fatale. Ensuite, il devient « un nom, une œuvre, un mythe. »

  • Choses vues

    Avignon,promenade,buplèvre buissonnant,cour,déco,photosSur la rive du Rhône à Avignon et aussi sur le Rocher des Doms, ces fleurs jaunes : connaissez-vous le buplèvre buissonnant (Bupleurum fruticosum) ?

    Cette plante du bassin méditerranéen qui fleurit tout l’été s’appelle aussi le buplèvre ligneux. Elle porte de jolies ombelles !

     

     

     

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    Ce n’est pas seulement l’alliance des belles pierres blanches anciennes et du végétal qui m’a plu en découvrant cette vue d’une fenêtre.

    Quelle atmosphère paisible dans cette cour d’entrée d’une bibliothèque traversée d’un rayon de lumière !

    L’une en profitait au soleil, l’autre à l’ombre.

     

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    Rue de la République, sur la terrasse d’un snack, une déco originale.

    Artificielle mais sympathique, cette orchidée plantée dans un café noir et une tasse bleue, non ?

  • Annotations

    christophe boltanski,les vies de jacob,récit,littérature française,photos,enquête,photomaton,culture« Je ne me souviens plus si la photo est tombée d’elle-même ou si je l’ai décollée par mégarde en soulevant le papier transparent qui la protégeait. C’était la première de la série. Celle qu’il avait choisie pour inaugurer son album. Celle où il posait en costume-cravate et étalait ses dents blanches. Au verso, je vis des annotations rédigées à la main en hébreu, précédées d’une date. Par curiosité, je retournai le portrait suivant et découvris au dos la même écriture carrée qui emplissait l’espace. J’en détachai trois autres, délicatement, avec le pouce, en prenant soin de ne pas déchirer la page, sans rien trouver, puis j’exultai : encore un message derrière la photo du bas. Il avait disséminé ses petits mots un peu partout. »

    Christophe Boltanski, Les vies de Jacob

  • L'album de Jacob

    Avec Christophe Boltanski, j’en étais restée à La Cache, son fameux premier roman, autobiographique. Dans Les vies de Jacob (2021), il mène l’enquête à partir de l’étonnant album photo trouvé aux puces par une productrice de cinéma ; elle voudrait qu’il en tire un synopsis. Dans les premières pages, et puis régulièrement, il s’adresse à Jacob B’chiri, cet inconnu qui soulevait régulièrement le rideau d’une cabine de photomaton pour se faire tirer le portrait : il y a 369 « selfies » dans l’album à couverture verte.

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    Christian Boltanski, Chance (détail), 2014, Carriageworks, Sydney. Image: Zan Wimberley

    « Vous ne choisissez pas une histoire. Elle s’impose à vous. Elle déboule sans prévenir, l’air de rien. Vous la chassez. Elle revient. A priori, elle ne vous concerne pas. Elle semble même assez éloignée de vos préoccupations, et pourtant elle vous touche. Vous essayez de comprendre pourquoi sans y parvenir. Vous ne savez pas par quel bout la prendre, jusqu’au moment où vous percevez une note familière, comme un écho assourdi de votre musique intérieure, et, doucement, vous vous laissez gagner. Elle vous trotte dans la tête, pareille à une rengaine. Vous êtes fatigué de la ressasser, mais impossible de s’en défaire. Elle finit par vous obséder. Il n’existe alors plus qu’un seul moyen pour s’en débarrasser : l’écrire. »

    Le narrateur recueille des indices, comme cette note finale sur une étiquette, demandant de contacter le consulat d’Israël en cas d’accident. L’homme des photos est-il mort ou vivant ? Comment son album a-t-il échoué entre les mains d’un brocanteur ? Les étiquettes à son nom, « B’chiri Jacob », indiquent différentes adresses. Du papier adhésif au logo d’El-Al. En trois ans et demi, dans les années ’70, vingt-quatre étapes entre Israël, l’Italie, la Suisse, la France – Jacob était-il un espion ?

    Peu à peu, le lecteur découvre des pistes avec l’enquêteur. Aux adresses mentionnées, celui-ci espère trouver quelqu’un qui l’aurait connu, qui pourrait lui en dire davantage. Quand il découvre des notes et des dates au dos des photos, c’est un grand pas vers des réponses à ses questions, bien que ce ne soit pas évident. « Face, tu te tais et te surexposes. Pile, tu te livres et te dissimules. »

    A l’ambassade d’Israël à Paris, d’abord il n’apprend rien, ni en appelant un cinéaste qui s’intéresse à un homonyme, Jacob B’chiri, un chanteur tunisien. Les vies de Jacob est un récit à suspens, plein de questions, de fausses pistes, et même quand sa famille sera identifiée, les mystères, les secrets, les non-dits ne manqueront pas. L’acharnement du narrateur, obsessionnel, aboutira-t-il au synopsis commandé ? La productrice s’impatiente.

    Christophe Boltanski réussit à nous intéresser à son enquête sur l’homme aux 369 visages dont il devine, touche après touche, la personnalité – une sorte de Juif errant auquel il s’est tellement attaché qu’il lui restitue non pas une mais des histoires, un « drôle de fantôme » (Le Monde). Il y a quelque chose de Perec dans l’allure de ce récit, l’inventaire d’un album photos devenant comme l’inventaire d’une vie.

    En nous emmenant à la rencontre de Jacob, en tutoyant celui qu’il n’a pas connu, voilà qu’il réalise cette conviction exprimée au début de son récit, composé durant une période de confinement : « Je me méfie des images, des écrans, de tout ce qui fait obstacle entre moi et les autres. […] Sans même attendre cette virtualisation forcée du monde, j’ai toujours été convaincu que rien ne remplace une rencontre. »

    Neveu de l’artiste plasticien Christian Boltanski, qui a si souvent utilisé des photographies anonymes dans son travail, décédé il y a un an, Christophe Boltanski s’est éloigné ici du thème familial de ses premiers récits (La cache, Le guetteur). D’une certaine manière, tout de même, comme l’écrit Sophie Joubert en tête d’un entretien avec l’auteur dans l’Humanité, « Entre enquête et fiction, Les Vies de Jacob fait écho aux précédents livres de l’écrivain et journaliste. »

  • Safari-photo

    Parfois, une promenade en solo rend plus attentif, si l’on décide par exemple de traquer non pas l’animal sauvage – quoique… – mais l’insolite, dans son propre quartier, où l’on n’a jamais tout vu tant il y a matière à regarder autour de soi. 

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    C’est, par exemple, une lavande échappée d’un jardinet, qui s’épanouit à même le trottoir : attirée par la lumière ? les passants ? Avoir des racines n’empêche pas d’aller voir ailleurs.

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    Les nouveaux trottoirs du square révèlent peu à peu des aménagements bienvenus : des passages pour piétons mieux agencés, des box à vélos métalliques, de beaux bancs en métal et bois. Bientôt, puisque nous voilà en automne, les fosses encore à terre nue devraient accueillir des plantations.

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    De l’autre côté du square, quelqu’un s’est débarrassé d’une porte d’armoire vitrée contre le ptérocaryer, qui en a vu d’autres. L’insolite ? C’est quand un arbre se retrouve dans un autre arbre. A vous d’imaginer la suite de l’histoire.

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    Un jardinet de ville a le double mérite de réjouir celle ou celui qui en prend soin et celui ou celle qui l’admire en passant et parfois s’arrête, pour regarder mieux. Ce beau dahlia rose a-t-il sa place dans ce répertoire de l’insolite ? Je la lui donne.

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    Bien sûr, ce Manneken-Pis qui semble abandonné dans un jardin très minéral y a droit d’office, lui. Comment est-il arrivé là ?

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    Une éclaircie bienvenue me fait lever les yeux vers un feuillage inattendu sous un bow-window. Merci, je le dis chaque fois silencieusement, à ces semeurs d’ornements pour le plaisir des flâneurs, aux habitants qui les maintiennent en état. Cette couleur bordeaux est-elle d’origine ? Elle fait de l’effet, c’est sûr.

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    C’est le propre d’un safari de débusquer un fauve : le voici. Bleu nuit pour faire ressortir le jaune du regard, pour surprendre. Je trouve sur la Toile le slogan de cette société de lettrage : « Je marque et on vous remarque ».

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    Avenue Huart Hamoir, un grand panneau sur la belle porte cochère en fer forgé d’une « Maison de rapport avec bureaux, écuries et remise en intérieur d’îlot, pour et par l’entrepreneur F. Vasanne, 1914 » (Inventaire du patrimoine architectural) attire l’œil. C’est devenu un « espace de co-working ». Le nombre d’associations installées là est impressionnant.

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    Floraison récente aux fenêtres, les panneaux bleus de « CurieuzenAir » : cette large enquête sur la qualité de l’air a récolté 5578 inscriptions en région bruxelloise ! « A partir du 25 septembre 2021, les participant.e.s placent un panneau immobilier avec deux tubes de mesure à leur fenêtre. Ce dispositif de mesure restera en place pendant un mois afin de mesurer la quantité de NO2 de l'air extérieur. Les données de tous les points de mesure seront utilisées pour cartographier en détail la quantité de NO2 et améliorer les modèles informatiques existants. » Insolite et utile.

    Bon, assez vadrouillé. Jeudi, je reviens à mes lectures, promis, et d'abord au maître-livre de mes vacances. Bonne semaine à vous.