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  • Trier ses photos

    Le début de l’année peut être un bon moment pour trier ses photos numériques. Le genre de résolution difficile à tenir. Je regarde celles de l’année écoulée et au lieu de penser à la corbeille, je me surprends à en sélectionner quelques-unes, qui me rappellent des moments ou des détails insolites.

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    En mai dernier, une pie qui s’est dorée longtemps au coucher du soleil sur un toit voisin. A la communion d’une jeune ballerine, un joli décor peint par sa mère sur la nappe de fête.

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    En juin, le manège d’une corneille : elle sautillait sur la terrasse, un caillou dans le bec, et l’a déposé au pied d’une plante en pot. Quelle surprise, en y regardant de plus près, d’y découvrir un petit œuf bleuté (d’accenteur mouchet, d’après mes recherches) ! Deux jours plus tard, il avait disparu. Etonnante aussi, sur cette fleur dont j’ai oublié le nom, de voir se déployer peu à peu les pétales d’abord enroulés sur eux-mêmes.

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    En juillet, une affiche sympathique aperçue sur le boulevard, pour encourager l’utilisation du Villo en ville. Un câlin amusant entre Mina la noire et le chat blanc en céramique.

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    Depuis l’automne, c’est la première fois que nous en voyons dans le quartier, une bande d’étourneaux se posent régulièrement dans l’îlot, souvent sur les peupliers au loin. Ce jour de brouillard, ils avaient choisi les érables sycomores tout proches de nos fenêtres. Nos grandes baies vitrées piègent parfois les oiseaux. En décembre, une mésange s’est cognée si fort à la fenêtre de mon bureau que je l’ai crue morte, inanimée sur les galets. Quel bonheur, au bout de quelques minutes de voir frémir une aile, puis la tête se relever, et enfin la mésange s’envoler !

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    Heureusement, la chatte était à l’intérieur, elle n’a pas perdu une miette du spectacle. Une seule fois, elle a pris la vie d’une fauvette venue se poser juste à côté d’elle. Un jour, elle a ramené une mésange, intacte, à l’intérieur ; j’ai mis quelque temps à la capturer pour la rendre à la nature. Quant à ce chat roux-ci, il s’est laissé photographier, imperturbable, bien placé pour guetter le retour de ses maîtres et jouir du spectacle de l’avenue. Et vous, avez-vous trié vos photos de 2018 ?

  • Dessiner les corps

    Ernest Pignon-Ernest (45).JPG« Ces parcours [Naples, 1988-1995] interrogeaient les représentations de la mort que secrète cette ville depuis deux mille ans. Le sacré, là-bas, vient du sous-sol. Virgile déjà y situait les enfers dans L’Enéide. J’ai, dans la façon de dessiner les corps, les drapés, les cavités, dans la façon de faire circuler la lumière et les ombres, tenté, par le dessin, d’exprimer quelque chose qui parle des relations profondes qui se forgent dans cette cité entre les hommes et les mythes, entre la vie et les représentations de la vie et de la mort.

     

    Ernest Pignon-Ernest (39) Marie-Madeleine.jpg

    Cette omniprésence de la mort, ce sacré charnel, cette sensualité qui règnent m’ont amené à un dialogue avec la peinture caravagesque… Avec cette peinture qui ne vise pas à définir les reliefs des corps mais à travailler la forme des ténèbres qui les absorbent. »

     

    Ernest Pignon-Ernest, Conversation avec Roger Pierre Turine, Tandem, 2018
     Ernest Pignon-Ernest, Empreintes, Le Botanique,
    Bruxelles,  13.12.18 – 10.02.19

    Napoli 90 (détail) © Ernest Pignon-Ernest
    Etude pour Marie-Madeleine, Napoli 90 (détail) © Ernest Pignon-Ernest

  • Pignon-Ernest au Bota

    Ernest Pignon-Ernest n’est pas un artiste de musée, ses dessins collés in situ appartiennent aux lieux, aux villes qui les ont inspirés. Aussi est-ce une occasion rare pour les Bruxellois que cette exposition « Empreintes » au Botanique, jusqu’au 10 février 2019. Elle offre un face à face direct avec des œuvres, des photographies, des études et résume le parcours d’un artiste « pionnier et initiateur de l’art urbain en France » (Bota).

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    Grenoble, 1976 (à gauche) / Plateau d’Albion, Vaucluse, 1966 (à droite) © Ernest Pignon-Ernest

    Sa première intervention dans l’espace public, en 1966, est un parcours de pochoirs sur le Plateau d’Albion dans le Vaucluse : « Hiroshima ». Quand il apprend que la force nucléaire française va s’installer non loin de son atelier de peinture, il réagit en reproduisant sur des murs, des rochers de la région la célèbre photo emblématique « sur laquelle on voit que l’éclair nucléaire a brûlé un mur décomposant un passant dont il ne reste plus que la silhouette, ombre portée, comme pyrogravée sur la paroi » (site de l’artiste, E P E).

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    La Commune de Paris, 1971 © Ernest Pignon-Ernest

    A partir de là, Ernest Pignon-Ernest devient un artiste de terrain, « politiquement et socialement engagé en vue d’éveiller les esprits sur la réalité du monde » (Bota). Pour le centenaire de la Commune de Paris, en 1971, il décide de « témoigner au ras du sol » (E P E) et recourt à la sérigraphie pour multiplier ses « Gisants ». La grande salle du Museum Botanique reprend la chronologie de ses créations, de ville en ville, de thème en thème.

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    Jumelage Nice - Le Cap, 1974  © Ernest Pignon-Ernest

    Lors du jumelage de Nice, sa ville natale, avec Le Cap, en 1974, en pleine période d’apartheid, il place sur tout le parcours des festivités « des centaines d’images d’une famille noire parquée derrière des barbelés », le « cortège des absents » comme il dit. Le Havre, Avignon, Calais, Paris, Tours, Charleville, Certaldo en Toscane, Santiago du Chili, Anvers… Vous trouverez toutes les interventions Ernest Pignon-Ernest sur son site, avec une notice où il explique chaque fois le contexte et ses intentions, accompagnée de photos. 

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    Jean Genet, Brest, 2006  © Ernest Pignon-Ernest

    Toutes ne sont pas détaillées ici, l’exposition permet surtout de comprendre le processus de création de l’artiste, de la recherche et des esquisses à la réalisation concrète. Ses « Arbrorigènes » (1983-1986), nés d’une complicité avec le biologiste Claude Gudin, ne sont pas des sculptures, écrit-il, « c’est la photosynthèse elle-même, et s’il y a une recherche plastique dans cette intervention, elle n’est pas dans la forme des personnages mais dans leur insertion entre les branches et feuilles qui fait de l’espace végétal un espace plastique et poétique. » (E P E)

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    Les Arbrorigènes, 1983-1986 © Ernest Pignon-Ernest

    Une exception. La plupart du temps, Ernest Pignon-Ernest montre la solitude, la douleur, l’exclusion, la souffrance, la mort. On reste figé devant ses « Cabines », images de la détresse humaine, sous le double choc de l’installation réaliste et de l’émotion ressentie devant la douceur et la force expressive d’un dessin préparatoire.

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    Cabines, Lyon, 1997 - Paris, 1999 © Ernest Pignon-Ernest

    Sur un grand panneau central, la double figure de Pasolini, représenté debout, vivant, portant son propre cadavre, illustre une intervention récente en 2015, quarante ans après l’assassinat du poète et réalisateur italien. Un film documentaire est projeté derrière la grande salle, « Ernest Pignon-Ernest et la figure de Pasolini », où on le voit coller ses sérigraphies à Naples et dialoguer avec des jeunes du quartier, avec Davide Cerullo qui en est originaire, a connu la prison et cherche à sortir les enfants de la délinquance organisée par la culture.

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    Pasolini, 2015 © Ernest Pignon-Ernest

    Impressionnants aussi, ces « Linceuls » dessinés pour la Prison Saint Paul, à Lyon, en 2012. L’artiste y avait animé quelques séances d’atelier, et on lui a proposé d’intervenir sur place avant que cette prison désaffectée devienne un campus universitaire. Quand il y a découvert des noms de « tombés sous les balles nazies », il a voulu dessiner des visages, des corps, des présences entre ces murs.

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    Linceuls (détail), Prison Saint Paul, Lyon, 2012 © Ernest Pignon-Ernest

    La galerie, à l’étage, est principalement consacrée aux poètes auxquels Ernest Pignon-Ernest a rendu hommage. Un ouvrage récent regroupe ses beaux portraits de Maïakovski, Rimbaud, Neruda, Artaud, Desnos… sous le titre « Ceux de la poésie vécue ». « Comme si j’étais joyeux, je suis revenu », dit un poème de Mahmoud Darwich. « Sans préjuger de la joie, car elle se fait là-bas infiniment attendre, Ernest Pignon-Ernest a donné corps et figure à ce retour », écrit André Velter, auteur du texte (Intervention à Ramallah, en Palestine, un an après la mort du poète palestinien).

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    Mahmoud Darwich, Ramallah, Palestine, 2009  © Ernest Pignon-Ernest

    Je vous recommande aussi un petit livre rouge des éditions Tandem : Ernest Pignon-Ernest, Conversation avec Roger Pierre Turine (2018), une belle rencontre entre l’artiste et le critique (commissaire de l’exposition), tous deux nés en 1942, amateurs de vélo (le Ventoux) et de Coupe du Monde par ailleurs. Allez au Botanique découvrir cette « première belge, percutante, émouvante, poignante mais sans pathos, tant ce sont des vérités de la condition humaine qui sourdent des dessins à la pierre noire » (Claude Lorent, La Libre Belgique).

  • Pas d'un fil

    En avril, ne te découvre pas d’un fil. Ce dimanche 8 avril, quasi estival à Bruxelles, fait mentir le proverbe : blouses légères et bermudas reprennent du service, la crème solaire aussi, on s’active et on s’installe sur les terrasses d’appartement, c’est le grand appel du dehors.

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    Et si nous allions nous promener au Moeraske ? Personne au jardin partagé près du parc Walckiers, il a du retard par rapport au grand potager un peu plus loin, où les jardiniers ont déjà beaucoup travaillé : la terre est retournée, la haie taillée, les abords nettoyés, ici on est prêt pour la belle saison.

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    Sur la prairie sèche, zone protégée, le printemps reste discret, du vert naissant sur les arbres et arbustes. Du côté des marécages, des branches, des troncs cassés ou couchés accentuent l’impression d’abandon – en fait, cette zone « relique » des milieux humides qui composaient jadis le fond de la vallée de la Senne (la rivière cachée de Bruxelles) protège et nourrit une multitude d’espèces animales tout au long de l'année. (Source : Plan de gestion du Moeraske)

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    En haut d’un talus, voici le dortoir des perruches vertes, leurs grands nids attirent le regard des promeneurs, surtout quand elles en sortent pour fendre l’air avec leur cri strident caractéristique. Sous l’un de ces arbres, un promeneur attire notre attention sur les champignons qui poussent sur des troncs morts, une belle illustration de l’intérêt d’en laisser sur place. Celui-ci porte le beau nom d’amadouvier, si je ne me trompe.

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    Ils ont des formes fascinantes, ces nids géants, quel travail ! Depuis des semaines, j’observe un couple de pies qui a construit son nid en haut de l’érable sycomore sous mes fenêtres, malgré quelques attaques de corneilles. Ce sont des allées et venues incessantes, et en plus des rameaux plus ou moins longs qu’elles s’ingénient à faire passer entre les branches, elles ont même amené des fils de couleur et dernièrement, un énorme ruban en plastique blanc qui a ôté toute discrétion à leur abri ! (Photos 10 mars et 8 avril)

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    Près de l’église Saint-Vincent, il y avait du monde à la pétanque, à la brocante. Nous avons continué sur le sentier de la Renarde, qui passe en bas du clos du Château d’eau, avec ses nouvelles maisons identiques et pimpantes. Quelle belle situation tout près du Moeraske et du parc du Bon Pasteur – pourtant j’ai lu que certains de leurs habitants s’y sentent isolés et craignent les cambriolages. Et voilà le premier arbre rose de notre promenade.

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    Plus loin, dans un jardin de la rue Ranson, par-dessus la haie de forsythias, un magnolia offre sa superbe parure. Je suis toute surprise de remarquer sur les plaques de rue que nous sommes ici à Bruxelles-Ville, comme on appelle couramment la Ville de Bruxelles : cette commune qu'on associe d’abord au centre historique a annexé différents quartiers des communes limitrophes.

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    En effet, nous sommes à Haren, un « village » rattaché à la commune de Bruxelles-Ville, et non à Evere tout proche. Au retour, près de l’entrée d’une petite entreprise, dernier arrêt devant un beau magnolia étoilé, blanc comme neige. Vive le printemps !