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féminisme - Page 6

  • Pas de nom

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    « Les femmes n’ont pas de nom. Elles ont un prénom. Leur nom est un prêt transitoire, un signe instable, leur éphémère. Elles trouvent d’autres repères. Leur affirmation au monde, leur « être là », leur création, leur signature, en sont déterminés. Elles s’inventent dans un monde d’hommes, par effraction. »

    Marie Darrieussecq, Etre ici est une splendeur. Vie de Paula M. Becker

    Paula Modersohn-Becker, Autoportrait au sixième jour de mariage, 1906,
    Musée Paula Modersohn-Becker, Brême

  • Araignée

    Fe spider-louise-bourgeois.jpg« L’araignée, synonyme d’épouvante, de malignité. Et pourtant nous nous aimions, dit l’artiste, facétieuse et grave à la fois, comme à son habitude, semblant tendre un miroir où contempler nos peurs, manquements, hideurs en même temps que nous inviter à partir d’un rire aux éclats de verre. Coupant, sanglant. Dangereux. Plein d’une menace sous-jacente. Ne pas se fier à l’évidence. A qui voudrait voir dans la représentation de la mère une projection des angoisses, de la sensation d’étouffement que celle-ci pouvait susciter en elle, enfant, Louise Bourgeois répond, dans son portefeuille de neuf gravures : « L’ami (l’araignée – pourquoi l’araignée ?) parce que mon meilleur ami c’était ma mère et elle était réfléchie, intelligente, patiente, apaisante, raisonnable, délicate, subtile, indispensable, propre, et utile comme une araignée. Elle savait aussi se défendre, et me défendre moi, en refusant de répondre à de « stupides » embarrassantes et indiscrètes questions personnelles. Je ne me fatiguerai jamais de la représenter. Je veux : manger, dormir, discuter, blesser, détruire… - Pourquoi ? – Mes raisons n’appartiennent qu’à moi. Le traitement de la Peur. » (Louise Bourgeois, Ode à ma mère. Neuf pointes sèches originales, Paris, Ed. du Solstice, 1995.)

    Amie, donc, cette gigantesque araignée osseuse, y compris quand, avec Spider (1997), elle enserre-protège une cellule domestique, à l’abri de laquelle quelques vestiges de tapisserie – du métier de la mère de Louise – défendent encore leur lustre ?

    Audrey Pulvar, La femme

    Louise Bourgeois, Spider, 1997, collection The Easton Foundation, photo M. Geuter
    © The Easton Foundation / Vegap Madrid

    Source : http://mu-inthecity.com/2016/06/louise-bourgeois-cellules-sensibles/

  • La Femme de Pulvar

    A la bibliothèque, j’ai emprunté un album de peinture portant le nom de Audrey Pulvar sur la couverture et ce titre ambitieux, La Femme, qu’elle dédie ainsi : « A ma fille, à ma mère, à mes sœurs, à nous autres », avant de citer Baudelaire et Marylin Monroe en épigraphe.

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    De quoi s’agit-il ? Un avant-propos sur les Guerrilla Girls annonce une approche rebelle : ces artistes et activistes américaines « militent pour la reconnaissance de l’apport des femmes à l’art en général, pictural et plastique en particulier. »

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    Oeuvres des Guerrilla Girls exposées au Museum of Modern Art (MoMA), 2010, Wikimédia Commons

    Pourquoi l’histoire de l’art leur accorde-t-elle si peu de place, et même notre époque ? Qu’il semble interminable, « ce combat pour un – utopique ? – demain plus serein, égalitaire, respectueux de chaque entité, plus instruit de l’universalité des prérogatives de chaque être humain sur lui-même. »

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    Frédéric Bazille, Portraits de famille, 1867 (détail)

    Abondamment illustré, souvent en pleine page, l’album montre la façon dont les artistes, hommes et femmes, ont regardé, dessiné, peint ou sculpté « la femme ». Audrey Pulvar commente ces représentations qui témoignent de la place et du rôle des femmes dans la société et dans l’art, jusqu’à nos jours. Elle interprète les œuvres d’un point de vue féministe.

    L’art reflète une époque : la journaliste observe comment la peinture, conservatrice voire machiste, utilise la femme comme « matière organique », puis évolue vers plus de réalisme, ce qui fait souvent scandale, et enfin se fait plus respectueuse des femmes telles qu’elles sont, de leurs corps réels et non plus sublimés ou fantasmatiques.

    Souvent, quand un essai sur l’art éveille ma curiosité sur une œuvre qu’il ne montre pas, je cherche à la visualiser. Ici, les nombreuses illustrations relèguent au second plan le texte qui interroge leur signification, bien qu’il propose de nombreux rapprochements et des citations intéressantes.

    « Un corps, des hommes », « Un corps, des peurs », « Un corps, une matière », « Un corps, une mère, une femme », « Un corps, l’autre » : sous cette structure assez lâche, Audrey Pulvar, en cherchant à aborder son sujet sous tous les angles, a peut-être desservi son objectif. Les œuvres de femmes artistes restent minoritaires dans ce beau livre, agréable à feuilleter.

     

     

  • Gentleman

    woolf,leonard,ma vie avec virginia,virginia,autobiographie,littérature anglaise,féminisme,colonialisme,guilde des femmes,politique,culture« La Guilde [Co-operative Women’s Guild] organisait des week-ends de formation ou des sessions de conférences à Londres ou dans d’autres grandes villes comme Manchester ou Leeds, et j’y allais souvent pour parler des impôts, des affaires étrangères ou de l’Empire colonial. En apparence, il n’y avait rien de commun, qu’il s’agisse de la façon de penser, de vivre au quotidien, entre l’épouse d’un ouvrier du textile du Lancashire ou d’un mineur de Durham et une habitante d’un village cinghalais. Et pourtant, je pense que les jours, les semaines, les mois, les années que j’ai passés à échanger avec ces personnes qui m’étaient étrangères, les hommes et les femmes de Kandyan, des rizières, de la jungle de Hambantota, m’ont aidé à comprendre et entrer véritablement en contact avec Mrs. Barton et Mrs. Harris. C’est une erreur de dire que les gens pauvres et primitifs sont plus « réels » que les gens riches et sophistiqués, qu’il y a davantage de « réalité » au Congo ou dans une mine de charbon qu’à Cambridge ou Cavendish Square. Mais ces gens qui vivent à nu, sans protection à la fois physique et mentale, démunis et complètement vulnérables aux catastrophes, acquièrent une sorte de simplicité cristalline, une lucidité réaliste qu’on peut lire dans leurs regards qui, pour moi, avaient un charme et une force esthétique et humaine d’une grande qualité. A Ceylan, je pense que j’ai beaucoup appris en passant du temps assis sous un arbre à parler avec un villageois ou une vieille femme – et à les écouter me répondre. Cela m’a permis de parler vraiment avec toutes les femmes du Mouvement. Et je n’étais pas mécontent lorsque l’une d’elles, après une heure d’une conférence sur les impôts, venait me voir pour me dire : « Vous êtes le seul gentleman que nous comprenons lorsqu’il nous parle. »

    Leonard Woolf, Ma vie avec Virginia

    Photo de couverture : Virginia et Leonard Woolf en juillet 2012 (détails)

  • Porte dérobée

    lessing,doris,le carnet d'or,roman,littérature anglaise,liberté,communisme,féminisme,création littéraire,amitié,culture« Et en y réfléchissant, ce que j’ai fait si souvent, je découvre que j’arrive par une porte dérobée à l’une des autres questions qui m’obsèdent. Je veux dire la question de la « personnalité ». Dieu sait si l’on nous empêche d’oublier que la « personnalité » n’existe plus. C’est le sujet d’un roman sur deux, c’est celui des sociologues et de tous les autres –ologues. On nous a tellement rabâché que la personnalité humaine s’est désintégrée sous la pression de toutes nos connaissances que je l’ai même cru. Pourtant, quand je revois ce groupe sous les arbres et que je le recrée dans ma mémoire, je comprends soudain que c’est absurde. […]

    lessing,doris,le carnet d'or,roman,littérature anglaise,liberté,communisme,féminisme,création littéraire,amitié,cultureLes moments que je me rappelle ont tous cette assurance absolue d’un sourire, d’un regard, d’un geste sur un tableau ou dans un film. Suis-je alors en train de dire que la certitude à laquelle je m’accroche appartient à l’art visuel et non au roman – pas du tout au roman, conquis par la désintégration et l’effondrement ? Quel intérêt un romancier éprouverait-il à s’accrocher au souvenir d’un sourire ou d’un regard, alors qu’il connaît bien les complexités qui s’y dissimulent ? Et pourtant, si je ne le faisais pas je serais à jamais incapable de tracer un seul mot sur le papier : de même que je me retenais au bord de la folie, dans cette froide ville du nord, en me remémorant délibérément la sensation du soleil chaud sur ma peau. »

    Doris Lessing, Le carnet d’or

    Photo de Doris Lessing en 1962 (The Guardian - Photograph Stuart Heydinger/Observer)