« L’araignée, synonyme d’épouvante, de malignité. Et pourtant nous nous aimions, dit l’artiste, facétieuse et grave à la fois, comme à son habitude, semblant tendre un miroir où contempler nos peurs, manquements, hideurs en même temps que nous inviter à partir d’un rire aux éclats de verre. Coupant, sanglant. Dangereux. Plein d’une menace sous-jacente. Ne pas se fier à l’évidence. A qui voudrait voir dans la représentation de la mère une projection des angoisses, de la sensation d’étouffement que celle-ci pouvait susciter en elle, enfant, Louise Bourgeois répond, dans son portefeuille de neuf gravures : « L’ami (l’araignée – pourquoi l’araignée ?) parce que mon meilleur ami c’était ma mère et elle était réfléchie, intelligente, patiente, apaisante, raisonnable, délicate, subtile, indispensable, propre, et utile comme une araignée. Elle savait aussi se défendre, et me défendre moi, en refusant de répondre à de « stupides » embarrassantes et indiscrètes questions personnelles. Je ne me fatiguerai jamais de la représenter. Je veux : manger, dormir, discuter, blesser, détruire… - Pourquoi ? – Mes raisons n’appartiennent qu’à moi. Le traitement de la Peur. » (Louise Bourgeois, Ode à ma mère. Neuf pointes sèches originales, Paris, Ed. du Solstice, 1995.)
Amie, donc, cette gigantesque araignée osseuse, y compris quand, avec Spider (1997), elle enserre-protège une cellule domestique, à l’abri de laquelle quelques vestiges de tapisserie – du métier de la mère de Louise – défendent encore leur lustre ?
Audrey Pulvar, La femme
Louise Bourgeois, Spider, 1997, collection The Easton Foundation, photo M. Geuter
© The Easton Foundation / Vegap Madrid
Source : http://mu-inthecity.com/2016/06/louise-bourgeois-cellules-sensibles/
Commentaires
Sur Louise Bourgeois un petit livre m'a marquée, celui de Makhi Xenakis : https://livre.fnac.com/a2206915/Makhi-Xenakis-Louise-Bourgeois-l-aveugle-guidant-l-aveugle. C'était une personnalité complexe.
j'aime les araignées, les vraies et celles de Louise Bourgeois :-)
@ Aifelle : Merci pour la référence, Aifelle.
@ Adrienne : Ma mère m'a appris à les protéger, à les mettre dehors plutôt que de les tuer. J'aimerais voir ces sculptures en vrai.
Je mets chaque fois que possible les araignées dehors. En revanche, quand j'entreprend de débarrasser les lieux de leurs chefs d’œuvre encombrants il arrive qu'elles disparaissent dans l'aspirateur, je l'avoue.
Bonjour Zoë. Cela ne signe peut-être pas toujours leur arrêt de mort, qui sait ? Je m'en vais lire votre récapitulatif.
Voilà deux femmes que j'apprécie: Audrey Pulvar d'un côté et Louise Bourgeois et son immense œuvre de l'autre avec ses nombreux thèmes et bien sûr ses immenses araignées.Beaucoup de symbolisme chez elle et une vie familiale perturbée , si je me souviens bien.
C'est une artiste que je voudrais connaître davantage. Eveiller la curiosité sur l'une ou l'autre est un des mérites de ce genre d'ouvrage.
J'ai vu une exposition de Bourgeois à Paris, Beaubourg. A l'époque je me disais qu'il fallait détester sa mère pour la représenter sous la forme d'une araignée ! Je suis arachnophobe, maladie assez répandue. Et bien, non, il n'en est rien ! Vu aussi une énorme araignée d'elle à Washington et une à Bilbao si ma mémoire ne me trompe pas... Elles me poursuivent.
L’œuvre de cette femme est tout à fait fascinante, tout autant que la photo de ton billet. Quant aux araignées, je les aime bien, tant qu'elles ne sont pas trop grosses ! L'autre jour, l'une d'elles a sauté des replis d'un jean, j'avoue avoir eu une grosse frayeur face à la taille de la bête (je me demande bien d'où elle venait d'ailleurs...) ;-)
@ Claudialucia : J'imagine à quel point ces sculptures sont impressionnantes, qu'on craigne l'araignée ou pas. Comme toi, j'y voyais un symbole négatif et je me trompais, c'est pourquoi j'ai voulu citer ce passage.
@ Margotte : Tu as raison, tout dépend de la taille : je prends les petites dans un tissu pour les mettre gentiment dehors, mais je prends plus de précautions pour les grandes, plus rares, de peur qu'elles ne me sautent dessus. A cette saison, elles cherchent à se mettre au chaud pour l'hiver, sans doute.