« – Madame Kitteridge, est-ce que vous vous êtes mariée ? Tom m’a raconté que vous aviez épousé Jack Kennison, mais je me suis dit : ça ne doit pas être vrai.
Olive Kitteridge s’immobilisa, la serviette au-dessus de la tête, et regarda le mur.
– Si, c’est vrai. J’ai épousé Jack Kennison.
Cindy la scruta.
– Eh bien… félicitations, alors. Ça ne vous fait pas bizarre ?
– Oh si, c’est bizarre.
Olive la regarda et hocha la tête.
– Bizarre, touuuuuut à fait.
Elle hésita, reprit son séchage de cheveux. Et ajouta :
– Mais nous sommes assez vieux, lui et moi, pour savoir comment ces choses marchent, alors ça va.
– Quelles choses ?
– Avant tout : savoir quand la fermer.
– Et sur quels sujets vous la fermez ?
Olive sembla réfléchir à la question.
– Eh bien, par exemple, quand il prend son petit déjeuner. Je ne lui dis pas : Jack, bon Dieu, pourquoi tu racles ton bol si fort ?
– Et vous êtes mariés depuis combien de temps ?
– Ça va faire bientôt deux ans. Tu te rends compte, à mon âge, commencer une nouvelle vie…
Olive posa la serviette sur ses genoux et leva légèrement la main, paume ouverte.
– Sauf que ce n’est jamais une nouvelle vie qui commence, Cindy. C’est la vie qui continue. » »
Elizabeth Strout, Olive, enfin




« Bien sûr, il y a le destin, ses coups de dés, les désordres qu’il sème à tout-va. Pourtant, le libre arbitre existe. Dans les choses petites ou grandes, nous avons toujours une part de liberté, petite ou grande, elle aussi. Moi, lorsque je me sens à deux doigts d’être emporté par la colère, je fais la promenade qui, du monastère, mène jusqu’au phare. Cela n’a l’air de rien. Et pourtant… Cette promenade me transforme chaque fois. Je la poursuis jusqu’à son extrême pointe, là où, par gros temps, les vagues s’écrasent contre les rochers. J’en reviens trempé mais calmé. Et cette promenade, je l’ai faite de ma seule volonté. A toi de chercher ce qui, dans ta vie, dépendra de ta seule volonté. Ne serait-ce qu’une promenade le long de la mer. C’est ta part de libre arbitre. »