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autobiographie - Page 6

  • Karen et elle

    Karen et moi (2011) est le premier roman de Nathalie Skowronek, vous êtes plusieurs à l’avoir recommandé sur vos blogs. Avec raison. Ce roman né de l’intention d’écrire la vie de Karen Blixen comporte une double trame : l’existence de la baronne Blixen (jusqu’à son retour au Danemark) alterne avec un parcours personnel en écho, celui de la future romancière (qui sera reçue samedi à l’Académie).

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    "Jeune femme au livre" d'A. A. Deneika a remplacé
    le portrait de Karen Blixen sur la couverture

    « Cela fait longtemps que Karen est entrée dans ma vie. » Nathalie Skowronek avait onze ans quand elle a lu La ferme africaine, en voyage au Kenya avec son frère et ses parents – « et elle c’était moi et moi j’étais elle. Karen, my sister. Comme elle, je venais d’un monde qui m’étouffait, petite fille choyée de la bonne société, pélican noir au milieu de demoiselles bien peignées, comme elle j’étais la moins préparée à faire face à cette force que je sentais rugir et qui me poussait vers l’ailleurs, loin, très loin de ce pour quoi j’avais été programmée (enfance sans histoire, études honorables, beau mariage.) »

    Elle écrit la vie de Karen Blixen pour sortir de la solitude et du sentiment « de regarder passer sa vie ». La suit du Danemark jusqu’au pied des montagnes du Ngong, puis dix-sept ans plus tard de l’Afrique vers l’Europe, « retour à la case départ », jusqu’à Skagen, « un bout de femme face à l’océan, à l’extrême nord de son pays natal. »

    Avant de se marier, son père Wilhelm Dinesen a vécu deux ans en Amérique du Nord dans une cabane au milieu des Indiens qui l’appellent « Boganis » (noisette) – c’est ainsi qu’il signera ses Lettres de chasse et ses articles. Ses parents appelaient Nathalie Skowronek « Epinglette » à cause de sa taille fine et de ses « attitudes piquantes ». Dans sa bulle d’enfant, « il y avait des rêves et des mots », elle passait son temps à lire.

    Wilhelm et Ingeborg (d’une famille bourgeoise « richissime », polyglotte cultivée et intelligente) ont eu trois filles et deux fils. Progressiste, le père de Karen prend la défense des Indiens, de la vie sauvage. Une vie « normale » ne l’intéresse pas. Sa mère note : « Exactement comme notre petite Tanne. » Karen-Tanne se promène avec son père dans les bois, il lui transmet son amour de la nature, de la liberté. Peu avant ses dix ans, il se suicide et sa fille préférée en ressent un chagrin immense, puis veut être à la hauteur : « On ne peut se contenter d’une vie ordinaire après avoir été reine. »

    Quand vient l’âge de se marier, Karen s’ennuie, Nathalie aussi. Complice de son père qui cache ses soucis, celle-ci observe « les trop longues siestes » de sa mère déprimée. Elle envie à Karen le « soutien indéfectible » de sa mère Ingeborg. Nathalie ignorait que les angoisses de sa mère remontaient à sa propre enfance : elle venait d’avoir quatre ans lorsque son père, « rescapé d’Auschwitz », était parti.

    Karen était amoureuse de Hans, qui ne voulait pas d’elle. Bror Blixen, son frère jumeau, lui a proposé de s’associer en devenant sa femme. Ils s’installeraient au Kenya pour faire fortune. Elle accepte. Nathalie Skowronek se marie juste après ses études de lettres avec un homme qu’elle connaît depuis des années – « J’ai cru qu’en me mariant j’arriverais à me mettre à l’abri de moi-même. »

    A dix-huit ans, elle rêvait de partir vers le sud, mais sa famille l’en a dissuadée : sa mère avait besoin d’elle, il valait mieux ne pas s’éloigner. Les débuts de sa vie de couple la rassuraient, elle devenait plus sociable, « experte dans l’art du faire semblant ». Quand Karen arrive à la ferme – Mbogani, ça ressemblait au nom indien de son père – tout vêtu de blanc, Farah l’y attend et lui offre un lévrier d’Ecosse en cadeau de bienvenue. Karen l’appelle « Dusk », crépuscule, en souvenir de leur première rencontre.

    Le « temps béni » de la découverte de la nature africaine, de la vie sauvage, Nathalie l’a vécu lors d’un second voyage au Kenya avec ses filles. « Mentalement » elle leur disait : « Ne faites pas comme moi, n’ayez pas peur, ouvrez les yeux, désirez plus, écoutez ce que la savane nous dit. » En suivant leurs vies en parallèle, Nathalie Skowronek dévoile peu à peu sa propre personnalité, son milieu, son premier travail dans les magasins de vêtements de la famille. « Mon patronyme, une alouette en français, n’est pas un nom juif mais polonais. » Un nom probablement « acheté » par un ancêtre pour éviter à ses fils « un enrôlement forcé dans l’armée russe ».

    Comme Karen tombée amoureuse en Afrique de Denys Finch-Hatton, Nathalie Skowronek a rencontré quelqu’un lorsqu’elle travaillait pour une maison d’édition, et senti immédiatement que cet homme, un écrivain, était fait pour elle. Vivre entre deux hommes, rappelez-vous, c’était le thème de La carte des regrets, qu’on retrouve ici dans les deux destins racontés.

    Plusieurs livres « compagnons de route » irriguent Karen et moi, comme L’appel de la forêt, Les Mémoires d’Hadrien, Aurélien et d’autres. Nathalie Skowronek a mis plus de temps que Karen Blixen à oser choisir sa vie, mais comme elle, un jour, elle s’est reconstruite par l’écriture. Elle signe ici un très beau roman, dans son style apparemment simple où les mots sont d’une justesse admirable.

  • Voix d'enfant

    Amigorena le-premier-exil.jpg« Et comme je réentends aujourd’hui en écrivant ma voix d’enfant – cette voix si rare, cette voix que je gardais toute la journée, jour après jour, enchaînée tout au fond de l’obscur cachot de mon ventre – proposer à Celeste :
    « ¿ Vamos a las rocas ? », et, comme je l’entends me répondre en aboyant : « Oui, oui, allons aux rochers ! »,
    ce n’est pas seulement l’air et le vent et le sable et l’eau couleur crinière-de-lion du fleuve colossal, ni la noire excitation et les noirs aboiements de joie de mon chien qui renaissent devant mes yeux, c’est la sensation absolue, purement physique, d’habiter le corps tendre et fragile de l’enfant que j’étais alors qui remplace celle d’habiter le corps vieilli, et souffreteux, où je vis à présent. »

    Santiago H. Amigorena, Le premier exil

  • Six ans en Uruguay

    Le premier exil (2021) est ma première rencontre avec l’univers de Santiago H. Amigorena. Né en Argentine en 1962, celui-ci reconstitue en français, depuis 1998 (Une enfance laconique), les différentes époques de sa vie marquée par deux exils. Le premier, raconté ici (avec la mention « roman » sous le titre), est celui de sa famille de Buenos Aires à Montevideo ; le second les mènera tous à Paris et le fera passer de l’espagnol au français.

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    L’incipit du Premier exil, que vous avez pu lire ici, se rapporte au décès de son arrière-grand-père maternel à cent quatre ans, en présence de toute la famille – l’auteur avait six ans : « Je regardais fixement son visage. Je regardais – et j’attendais. Tout le monde attendait. Tout le monde attendait – et il n’y avait plus rien à attendre. » Voulant demander à sa mère si son grand-père était mort, il lui dit : « ¿Me mori? » Une « erreur enfantine » révélatrice, il me semble. J’ai failli abandonner ce premier chapitre qui compte cent dix pages, tant il m’a paru égocentrique, voire égotiste.

    La prise de conscience du temps qui passe ou est passé est au cœur du récit de cet écrivain admirateur de Proust. La mort ouvre « une nouvelle ère de notre existence, celle de l’absence de l’être cher et disparu », écrit Amigorena, ajoutant bientôt qu’alors il ne savait pas encore « que le temps caresse la mémoire et que l’oubli atténue le manque, apaisant la première morsure de la disparition ». Cherchant à restituer le regard et la sensibilité de ses six ans, il ne masque pas pour autant la voix du narrateur de soixante ans, l’âge auquel il écrit ces souvenirs-là.

    Passer les vacances d’été en Uruguay était habituel pour sa famille comme pour beaucoup d’Argentins, mais cette fois, ils avaient fui leur pays après le coup d’Etat militaire de 1966 et une attaque de l’université : « Il y avait, dans cette manière explicitement fasciste de s’attaquer non seulement à la jeunesse, non seulement aux étudiants, mais à la pensée, aux penseurs – quel que fût leur âge, quelles que fussent leurs opinions politiques –, une violence nouvelle qui fit fuir d’Argentine des centaines et des centaines de professeurs. » Son père professeur de psychologie et sa mère exerçaient tous deux comme psychanalystes. « Autant dire que le chemin de l’exil nous ouvrait grand ses bras. »

    L’Uruguay était « un petit havre de démocratie égaré dans un continent que le feu et le sang commençaient de dévorer de toutes parts ». La compagnie de Celeste, un cocker « noir comme l’encre » que ses parents lui avaient offert peu de temps avant le départ, et celle de son grand frère avec qui il allait sur la plage (au bord du Rio de la Plata) ont permis à l’enfant de six ans de ne pas trop souffrir de ce bouleversement. « Sentais-je déjà, enfant, que la passion pour la mer ne s’arrêterait jamais ? que semblable à celle de Tiepolo pour le ciel elle me ferait tourner sans cesse mon regard d’adulte vers l’azur partout répandu ? »

    Le nom du chien a été choisi par ses parents en hommage à Proust. Son père a-t-il voulu lui forger un destin d’écrivain ? – « cet Autre, Marcel, dont je ne cesserais jamais de suivre les pas, pastichant jusqu’à ses pastiches, avide de devenir l’ombre de son ombre, l’ombre de sa main, l’ombre de son chien. » Un mot des italiques : elles sont souvent utilisées par l’auteur pour citer et aussi se citer, en intercalant entre deux paragraphes des phrases retrouvées dans ses cahiers ou dans d’autres de ses livres. Ce sont parfois des vers :

    « On ment plus qu’il ne faut
    par manque de fantaisie :
    la vérité s’invente aussi. »

    Amigorena décrit l’univers de ses six ans : le quartier, la première et la deuxième maison où ils habitent à Montevideo – celle-ci, de quatre étages, « parmi les plus cossues » avait un jardin « riquiqui », mais un arbre « immense », son « gomero » (un gommier des Malouines ou de Magellan) auquel il consacre de très belles pages, son terrain de jeu, de lecture, de repos, où il lui arrivait de s’endormir malgré que ce fût interdit par sa mère.

    « Je croyais, il y a trente ans, qu’il me fallait tout écrire avant de publier, et je rêvais d’un seul ouvrage, de quelque trois ou quatre mille pages, qui mériterait le titre que je lui avais déjà attribué : Le Dernier Livre. Que j’avais tort ! Et que j’avais raison. Que j’avais tort et raison, et que – j’étais prétentieux. Presque aussi prétentieux qu’aujourd’hui où, ayant déjà publié quelques milliers de pages – et ayant compris que jamais je ne trouverai la pierre philosophale, que jamais je ne transformerai mon sombre silence en or trébuchant et sonore –, j’écris encore. » Plus loin : « ce n’est qu’en écrivant – ou en décrivant seulement comme c’est le cas ici – que les espaces du passé resurgissent dans la pensée. » On découvrira à la fin du livre le plan général de l’œuvre d’Amigorena en six parties. Il répète souvent ceci : « J’écris pour ne plus écrire. »

    Le thème de l’écriture, le seul enseignement sans lequel il ne serait pas ce qu’il est, sa « raison sociale », écrit-il, est omniprésent dans Le premier exil. A l’école, leur goût commun de la solitude le rapproche d’Abu, fils de diplomates africains. C’est aussi à six ans qu’il commence à suivre une analyse – il y gardera le silence, autre leitmotiv de son enfance « d’un mutisme farouche » – et à passer des après-midi chez le dentiste. Après ce long chapitre consacré à « la première année du premier exil », viendront la deuxième, la troisième et la quatrième.

    Au récit des amitiés d’école, des événements politiques, des jeux, de l’écriture, s’ajoute la souffrance de savoir son frère amoureux, « heureux avec quelqu’un d’autre » que lui. Au surnom ironique que lui donnent ses camarades, « le dieu du silence », répondra la déclaration de son « futur meilleur ami » : « Moi, je sais pourquoi il ne parle pas. C’est parce que tout ce qu’il a à dire il le dit à sa façon : en écrivant. » L’auteur instille dans son texte un rythme personnel à l’aide de tirets, de répétitions, de subjonctifs ou d’associations de mots fantaisistes, qui jouent sur les sonorités surtout.

    Donnant peu à peu plus de place à ce qui se déroule autour de lui durant ces années-là, Amigorena poursuit sa recherche du temps perdu qu’il résume ainsi dans le dernier chapitre : « Si nos seules patries sont l’enfance et la langue, l’amour et l’amitié sont nos seules nations : ce sont les seules contrées où notre errance sur terre trouve un sol ferme où poser les pieds. Un sol ferme et mouvant : vivant – comme le sable, comme l’océan. »

  • Intimité

    « Bien sûr, il y a des choses que tu rates en ne voyageant pas. Tu as dû renoncer à voir un jour Le Rêve, l’une des grandes peintures de Rousseau qui se trouve au MoMa de New York et qui, dit-on, fait trembler le sol sous les pieds. Tu ne verras pas non plus la Madonna del Parto de Piero Della Francesca, qui est à Monterchi et qui porte une tunique bleue capable d’émouvoir une institutrice allemande ; le Baiser à la dérobée de Fragonard, qui est à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, ce sera pour une future réincarnation slave. Et, entre nous, il est temps de renoncer à l’idée saugrenue de contempler de tes propres yeux le hanami, la neige la plus exquise du monde, le moment précis où les cerisiers fleurissent au Japon.

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    Henri Rousseau, Le Rêve, 1910, huile sur toile, 298,5 x 204,5 cm, MoMa, New York

    Tu te dis que l’imagination reste ta plus fidèle alliée et qu’avec ce que tu as là-dedans, ton esprit s’amuse comme un fou. Tu prends un autobus, tu descends, tu entres dans le musée et tu marches droit vers le tableau qui t’attire. C’est rapide et bon marché. Avec certaines de ces œuvres, tu entretiens la même intimité qu’avec les livres de ta bibliothèque ou les plantes de ton jardin. »

    Maria Gainza, Ma vie en peintures

  • Sa vie en peintures

    Voici un livre passionnant qui m’a fait sourire tout du long. María Gainza, journaliste argentine et critique d’art, nous invite à Buenos Aires dans son premier roman, Ma vie en peintures (El nervio óptico, 2014, traduit de l’espagnol par Gersende Camenen, 2018). « Les aspects visuels de la vie ont toujours eu pour moi plus de poids que sa substance. » (Joseph Brodsky) « « Je vais regarder le petit tableau », dit Liliana Maresca après avoir pris sa dose de morphine. » (Lucrecia Rojas) Les deux épigraphes donnent le ton.

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    L’imaginative María Gainza mêle avec verve choses vécues et choses vues dans un récit par épisodes où la narratrice parle d’elle-même, de sa famille, de ses amis tout en racontant ses rencontres avec des peintures. « Le cerf de De Dreux » commence avec une pluie soudaine et le passage d’un taxi qui l’éclabousse. Trempée, la petite robe jaune qu’elle porte ce jour-là pour « faire visiter une collection privée à un groupe d’étrangers. C’est ce que je faisais dans la vie et c’était pas mal comme travail […] » Après l’orage, une voiture dépose un couple d’Américains, « elle en blanc et lui en noir, impeccables et parfaitement secs, comme si leur chauffeur venait de les récupérer chez le teinturier. »

    L’hôtesse, qui l’a « scannée de haut en bas » à son arrivée, a le bon goût de lui prêter des « pantoufles blanches poilues », ridicules. « Tout ce qu’il me restait, c’était le trait d’esprit, le coup d’œil sagace, et j’étais plus ou moins remise en selle lorsque je suis tombée sur un cheval gris pommelé qui galopait dans ma direction sous un ciel couleur d’étain. » La femme en gris remarque l’hésitation dans son regard et décoche : « Alfred de Dreux. On ne vous en parle pas à l’université ? A propos du dix-neuvième siècle ? »

    Je vous donne ces détails du préambule ironique à sa rencontre avec « La chasse au cerf » au musée national d’Art décoratif pour rendre l’atmosphère du livre de María Gainza – des illustrations permettent de découvrir les œuvres, de différents musées de Buenos Aires. « Tout l’art se joue dans la distance qui sépare ce que l’on trouve joli de ce qui nous captive. » Quand elle décrit et commente un tableau, c’est sur le même ton primesautier qui donne tant de sel à ce roman dont chaque chapitre peut se lire comme une nouvelle. Chacun raconte une histoire autour de l’œuvre d’un artiste, célèbre ou non.

    Dans Ma vie en peintures, une scène de chasse peut mener à une assiette de gibier ou à la balle perdue qui a emporté une amie, un brouillard « de lin » causé par des brûlis de pâturages hors contrôle à un petit musée à l’autre bout de la ville, un coup de téléphone du frère de la femme de son premier mari au souvenir d’un feuilleton télévisé. Au passage, on découvre des ruines en tous genres et le dialogue difficile de la narratrice avec une mère issue du milieu patricien qui la considère comme « celle qui a gâché sa vie, la petite gauchiste distinguée qui vit comme une paria. »

    Ce qui rend le roman très vivant, c’est ce mélange d’observations et d’anecdotes avec les considérations esthétiques d’une amatrice d’art pour qui les musées sont un but de promenade idéal, qui examine la peinture sans souci des conventions en la matière et trouve les mots pour décrire son dialogue personnel avec une œuvre.

    Elle se souvient par exemple d’avoir accompagné son père avec Alexia, sa sœur de cœur, chez un peintre animalier à qui son père achète un chat hyperréaliste. Trois ans plus tard, lorsque les deux amies découvrent un autoportrait de Foujita avec son chat, elle devine immédiatement le verdict d’Alexia : « A côté de ce chat, celui de ton père a l’air empaillé. » Un séjour à Mar del Plata avec des amis surfeurs et voilà « Mer orageuse » de Courbet, « la vie avec tout son panache ». Une visite chez l’ophtalmo pour l’œil droit qui papillote et voici Rothko sur un poster dans la salle d’attente.

    María Gainza montre beaucoup d’aisance à raconter quelques épisodes de sa vie et à nous rappeler en même temps, sans lourdeur ni superficialité, le parcours des peintres évoqués. Je n’ai pas encore signalé les nombreuses citations littéraires qui se glissent dans son roman comme si de rien n’était. La littérature, l’art, l’écriture, ce sont ses joies, à n’en pas douter, et elle sait les partager.

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    Remarqué sur les blogs d’Annie, de Keisha et de Marilyn, Ma vie en peintures présente en couverture « Jeune fille assise » du peintre argentin Augusto Schiavoni – pour María Gainza sa « copie conforme » : « J’étais comme ça à onze ans, les yeux écartés, glacials comme la pointe d’une aiguille, la mine renfrognée, le menton frondeur. » Et plus loin, cette phrase avec laquelle je conclus : « Toute interprétation n’est-elle pas aussi une autobiographie ? »