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Exposition - Page 46

  • Nomade Nouria Bajat

    Dans la petite galerie Art Nomade, tout près de la Porte de Hal, Nouria Bajat présente « Le voyage de mes couleurs », jusqu’à la fin du mois. Cette artiste d’abord tournée vers la céramique, la mosaïque – la table au plateau vert et bleu est son œuvre –, a osé le grand saut dans la peinture, avant tout par amour de la couleur. 

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    Le tableau de l’affiche qui m’a décidée à pousser la porte, avec aussi la recommandation d’un ami, est un beau portrait de petit format mais très présent, « Mon James Joyce avec le chapeau à la plume de James Ensor » (ci-dessus). Il voisine avec un « Hommage à Egon Schiele » original où elle a repris dans le haut de la toile des mains de Schiele à la gestuelle si particulière. Près de ces deux œuvres de 2002, des peintures plus récentes et plus sombres, où le bleu domine, montrent une évolution récente vers l’abstraction.

     

    Schiele, Kokoschka, Klimt, le fameux trio viennois, on ne s’étonne pas qu’elle les admire, en regardant « L’éternité » aux couleurs vibrantes. A gauche de l’entrée, « Le Pierrot  russe » de Nouria Bajat, qui m’a subjuguée, est tout mouvement, fantaisie. Sur un fond bleu et or, comme une mer profonde, Pierrot n’a gardé de blanc que le visage aux yeux ourlés de noir, sous un calot rouge, et le bas de son vêtement, où quelques pétales de couleurs semblent tombés de la cascade florale du haut – même la fraise de son costume se pare ici de bleu, de rouge, de vert, de jaune. Un Pierrot pas du tout lunaire, plutôt oiseau de paradis. A côté de lui, « Les mariés de Chagall », en blanc, sont un peu pâles.  

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    © Nouria Bajat, Un Pierrot russe (détail)

    Dans le passage vers la seconde salle est accrochée une esquisse de Nouria Bajat pour une fontaine installée à la Fondation Maeght, un mur d’eau mosaïque de toutes les nuances du bleu. Et voici deux petites peintures de fleurs exubérantes, un hommage aux tournesols de Van Gogh et « La nature sauvage », face à une grande toile plus abstraite, verticale, « Le jardin de Cézanne ». 

    C’est là que l’artiste, qui m’a accueillie avec un large sourire dès que je lui ai adressé la parole, m’a gentiment offert un thé tout en répondant à mes questions. Le Maroc qu’elle a redécouvert longtemps après l’avoir quitté (à l’âge de trois ans), la difficulté d’être une femme artiste, encore aujourd’hui, l’importance d’une chambre ou d’un atelier à soi, l’art « nomade » par nature – d’où le titre de cette exposition –, nous avons abordé bien des sujets. Une belle rencontre. 

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    Photos par courtoisie de l'artiste, Nouria Bajat, 20/5/2015

    « Le voyage de mes couleurs » de Nouria Bajat, une exposition qui sera peut-être prolongée au-delà du 29 mai prochain (à vérifier*), est visible à la Galerie Art Nomade tous les jours sauf le dimanche de 10 à 16h. et le samedi de 11h30 à 16h. On y oublie instantanément la grisaille des jours sans soleil.

     

    *Après une nocturne ce vendredi 29 mai, de 17h à 22h,
    l
    exposition se prolonge jusqu’au 7 juin.
    (Mise à jour 26/5/2015)

  • L'âme humaine

    Mucem (1).jpgL’homme en tant qu’individu

    Fait d’os et de chair,

    De moelle et de nerfs,

    De peau recouverte de poils et de cheveux,

    Se nourrit d’aliments et de boissons ;

    Mais son « âme », son esprit vit de trois choses :

    Voir ce qu’il a envie de voir,

    Dire ce qu’il a envie de dire

    Et faire ce qu’il a envie de faire ;

    Si une seule de ces choses venait à manquer à l’âme humaine,

    Elle en souffrirait

    Et s’étiolerait sûrement.

     

    Extrait de la charte de la confrérie des chasseurs mandingues, Empire du Mali, XIIIe siècle.

    Texte publié par Youssouf Tata Cissé dans « Soundjata, la Gloire du Mali », Karthala-ARSAN, 1991 (cité au MuCEM, Galerie de la Méditerranée).

  • Bouquets

    chagall,catalogue,exposition,bruxelles,2015,autobiographie,mémoires,peinture,art,vie,fleurs,culture« Quand j’arrivai à Nice pour la première fois, je me sentis au royaume des fleurs. Pour moi, c’était une nature nouvelle, qui m’enchantait. L’abondance et la variété des fleurs m’émerveillait et me fascinait. Un tel contraste par rapport à Vitebsk, où la pauvre Bella, pour trouver une petite fleur à m’offrir, devait courir hors de la ville chez quelque jardinier. A Nice, on pouvait composer des centaines de bouquets de mariée et les présenter à mes épouses imaginaires dans le monde entier. N’était-ce pas la raison pour laquelle je les représentais si souvent dans mes peintures ? »

    Marc Chagall, Mémoires in Catalogue Marc Chagall, rétrospective 1908-1985, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, 2015.

     

    Marc Chagall, La mariée à double face, 1927, collection privée.

  • Chagall texto

    Le catalogue de la rétrospective Chagall à Bruxelles permet de la revisiter à travers de très belles illustrations, la part des textes y est aussi essentielle. Michel Draguet, commissaire de l’exposition, qui écrit dans la préface que « Chagall n’a, sans doute, jamais été autant d’actualité », y signe une belle analyse : « Chagall et la modernité : entre fable et utopie ».

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    Photo de Chagall © Studio Lipnitzki / Roger-Viollet

    Pourquoi Chagall « texto » ? Parce que si on connaît son autobiographie Ma vie, écrite en 1921-1922, on découvre ici pour la première fois la traduction française de ses notes ultérieures en russe, retrouvées dans les archives de Marc et Ida Chagall. « Mémoires » de Marc Chagall, un texte d’une trentaine de pages, fournit une splendide entrée à ce catalogue.

     

    « Les années passent, les mois et les jours s’envolent. Tant de pluie est tombée, tant de neige ! On se réveille un beau matin et il semble qu’un an vient de passer, mais ce n’est qu’un nouveau jour, et çà et là une nouvelle ride a surgi : dans le dos, au plafond, sur la joue. Que de tristesse, de sourires, d’attentes, de rencontres et d’espoirs ! Quand vais-je laisser mes pinceaux et prendre la plume pour écrire encore quelques lignes sur ma vie ? Il y a près de cinquante ans, à Moscou, j’ai écrit en hâte ce petit livre sur neuf ou dix cahiers d’école, et voici la question : qui suis-je ? Je ne suis ni Michel-Ange, ni Mozart, ni Haydn, ni Goya, mais simplement un certain Chagall de Vitebsk, et je n’ai aucune envie d’imposer ma biographie aux autres. »

     

    C’est le début de ce texte émouvant, où l’artiste qui a tant aspiré à la paix cherche à guérir de la guerre, des larmes, des souffrances. Après la seconde guerre mondiale, il veut récupérer à Berlin les tableaux laissés chez Walden, à la galerie Der Sturm. Le galeriste lui demande de nouveaux tableaux, maintenant qu’il est célèbre – « Mais vos vieux tableaux, je ne les ai plus. » Au procès contre Walden, le juge lit à voix haute une lettre où Robert Delaunay a écrit que « Chagall ne connaît pas son métier. » Déception, amertume des amitiés trahies. De retour à Paris – « Quel air, quel mirage, quelle ivresse ! » –, Chagall constate qu’à La Ruche aussi, toutes ses affaires ont disparu : tableaux, lettres, livres, photographies, son chevalet même.  

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    Marc Chagall, rétrospective 1908-1985, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Fonds Mercator/MRBAB, Bruxelles, 2015.

    « Tout art est le résultat du travail : du travail en atelier, de l’observation de la nature. C’est ainsi. Mais depuis longtemps je considère que tout ce qui nous traverse l’esprit – même si ce n’est pas toujours logique – est aussi important que le reflet du monde extérieur. C’est peut-être justement l’expression de notre monde intérieur mais aussi du monde extérieur lui-même. Pour moi, dans l’art, les soupirs ont de l’importance. »

     

    La Bible, les voyages, l’exil, la musique, Kafka (« Non seulement je le connais, mais je le porte en moi, ou bien c’est moi qui suis en lui, depuis l’enfance »), les couleurs, le plafond de l’Opéra de Paris…, Chagall écrit sur tout ce qui compose sa vie d’homme, sa vie d’artiste. Il ne faudrait pas que ses merveilleuses couleurs et sa fantaisie fassent oublier les difficultés et les malheurs qu’il a rencontrés.

     

    Draguet le rappelle : « l’œuvre de Chagall s’ouvre sur une fuite éperdue du village juif prisonnier de la Russie impériale de la fin de siècle. » Antisémitisme d’Etat, racisme ordinaire ont fait de lui un exilé habité par l’héritage hassidique de sa vie en Russie ; « le blasphème que constitue le simple acte de dessiner » l’a isolé de son milieu familial. Le voilà « nomade », voué à peindre et figurer sans cesse son « pays de nulle part », un monde imaginaire ancré dans l’existence terrestre.

     

    « Dieu, toi qui te dissimules dans les nuages,
    Ou derrière la maison du cordonnier,
    Fais que se révèle mon âme,
    Ame douloureuse de gamin balbutiant.
    Montre-moi mon chemin.
    Je ne voudrais pas être pareil à tous les autres :
    Je veux voir un monde nouveau (…) »

     

    « Seul est mien
    Le pays qui habite mon âme
    J’y entre sans passeport
    Comme chez moi
    Il voit ma tristesse et ma solitude
    Il m’endort
    Et me couvre d’une pierre parfumée »

    Jean-Claude Marcadé examine le terreau russe dans l’oeuvre de Chagall, il souligne sa « très grande affinité » avec le monde poétique d’Essénine. Marcello Massenzio met en garde contre les lieux communs réduisant son art « à la seule dimension onirico-fantastique ». A côté des toiles « idylliques », d’autres expriment les drames de son époque. Dès 1933, sa peinture devient l’une des cibles principales de la propagande nazie antisémite – Le rabbin jaune est transporté dans les rues de Mannheim puis exposé pour faire savoir au contribuable « comment on gaspille (son) argent », c’est la campagne contre « l’art dégénéré ». Cette année-là, Chagall peint La chute de l’ange et Solitude. L’Apocalypse en lilas. Cappricio (gouache de 1945-1947, ci-dessous), montrée à l’exposition, projet d’une œuvre jamais réalisée, est une puissante vision de l’Holocauste. 

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    Marc Chagall, Apocalypse en lilas. Capriccio, 1945 © The London Jewish Museum of Art

    L’analyse des tableaux de Chagall par Ugo Volli non comme un espace fictif ou narratif, mais comme un discours où la présence simultanée de figures ou de « nuages de figures » est avant tout « relation de sens », aide à comprendre comment les motifs récurrents y fonctionnent, surtout comme des symboles ou des attributs (« Une peinture hiéroglyphique ? »). Enfin pour tous ceux qui aiment les petits commentaires éclairants, le catalogue offre une très utile « lecture critique » d’une cinquantaine d’œuvres de Chagall. Un beau livre à acquérir ou à emprunter en bibliothèque, je vous le recommande.

     

     

     

     

  • Lumières du XIXe

    Logée entre le Sablon et le Palais de Justice, l’Association du patrimoine artistique ouvre régulièrement ses portes au public pour de petites expositions au 7, rue Charles Hanssens. « Autour de l’impressionnisme » propose une sélection de peintures du XIXe siècle, à voir jusqu’au dimanche 22 mars. Quatorze artistes parmi lesquels Guillaume Vogels et Henri Evenepoel sont les mieux représentés. L’affiche est un détail d’un beau pastel, Paysage, de Rodolphe De Saegher.

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    Au rez-de-chaussée de cette maison bruxelloise, quelques pièces en enfilade prêtent leurs murs aux couleurs de ces peintres belges, connus ou méconnus, des œuvres issues exclusivement de collections privées. Vogels est ici à l’honneur. Les paysages de ce peintre bruxellois, que j’aime depuis la première toile que j’ai vue, sont avant tout des atmosphères. Au soleil éclatant, il préfère les ambiances de pluie, d’orage, les crépuscules, la neige, on en montre ici de magnifiques exemples : Hiver et Chemin sous la neige, dans la première salle, puis le grand Neige, exposé au Cercle des XX en 1988 ; en face, dans des tons plus chauds, Un coin des étangs de la distillerie (dernière illustration).

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    Guillaume Vogels, Hiver, 1886

    Il paraît que les cadres dorés surprennent ou gênent certains, plus habitués aux pages blanches des livres d’art ou aux toiles contemporaines sans cadres : un joli texte de Pierre Loze prend leur défense, contre « le goût dominant des graphistes, grands créateurs, metteurs en forme de notre goût ». Il rappelle que tous les cadres ont leur caractère, leur époque. « Et si ces cadres apparemment envahissants avaient bel et bien une fonction ? Celle de nous faire entrer dans une longue contemplation qui éloigne la contamination du contexte, d’organiser une sorte d’effort de concentration  pour se vouer exclusivement à l’œuvre ? » 

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    Guillaume Vogels, Neige, 1887

    Près des Bords de la Lys d’Emile Claus (au centre de la vue d’ensemble ci-dessous), une petite toile d’Anna Boch sur un chevalet : Maison de campagne, avec la silhouette d’une femme dans l’ombre sur la route. La lumière, c’est le grand sujet de tous ces peintres de plein air et en particulier des luministes. Juliette Wytsman s’installe dans un jardin, Anna De Weert au milieu d’un verger ou près de son atelier, Jenny Montigny devant une allée d’arbres. 

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    Le titre de l’exposition – Autour de l’impressionnisme – ouvre à la diversité des approches. Voici Constantin Meunier avec une Hierscheuse, et surtout Henri Evenepoel, avec des dessins, peintures, affiches, près desquels sont repris des extraits de sa correspondance – ces observations terribles qu’il écrit à son père, de Paris, où il tombe très malade et meurt du typhus en 1899, à l’âge de vingt-sept ans ! 

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    Evenepoel, Au square, lithographie

    Evenepoel a l’art de camper des silhouettes vivantes d’un coup de crayon, il croque des enfants de dos, assis à jouer. On retrouve « le petit Charles » dessiné près d’une chromolithographie, « Au square » (sous verre, impossible à photographier sans reflets) : une élégante à l’ombrelle rouge retient par le poignet une fillette en robe jaune tenant un petit seau rouge, le regard attiré par quelque chose au sol que nous ne voyons pas – une scène toute en mouvement, très gaie. 

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    Les lavandières, un pastel aux figures stylisées et aux aplats à la manière nabi, est accroché un peu haut pour être bien regardé. Un grand dessin aquarellé d’Evenepoel est exposé dans le hall d’entrée, projet d’affiche pour le parfumeur Blaise. On peut voir aussi cette affiche pour le Salon des Cent, un projet pour une couverture de magazine, « La Vie à Paris ». Et des peintures à l’huile, comme Bateaux sur le canal de Willebroeck, Portrait d’un sculpteur. D’un séjour en Algérie, une lumineuse Vue d’Alger, la ville blanche, la mer et le ciel, un mendiant, des joueurs de tambour… 

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    Henri Evenepoel, Vue d’Alger

    L’APA prépare un hommage à Evenepoel d’ici un an. La dernière monographie le concernant (1994) répertorie quelque trois cents œuvres parmi lesquelles une centaine n’était pas localisée. L’Association en a retrouvé à ce jour une vingtaine et fait appel à ceux qui peuvent l’aider à en redécouvrir dans des collections privées.

    C’est une noble tâche de mettre le patrimoine artistique de Belgique en valeur, et de travailler à sa connaissance, sa conservation et sa restauration, les « trois mots-clés » de  cette association. Quelques livres sur les peintres exposés sont proposés à la vente, comme cette monographie consacrée à Guillaume Vogels bien illustrée et à prix modique (textes de Constantin Ekonomidès, un des collaborateurs de l’APA). Un beau peintre dont je vous reparlerai sans doute un jour. 

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    Attention à l’horaire des visites, si ce parcours impressionniste belge vous tente : jeudi, vendredi et samedi de 14 à 18h et dimanche 22 mars de 14 à 18h. D'où ce billet dès aujourd’hui.