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Culture - Page 44

  • Objets d'exception

    Un rendez-vous à ne pas rater en cette année Art Nouveau à Bruxelles : Histoires d’objets d’exception. Une sélection de chefs-d’œuvre de sa collection est présentée par la Fondation Roi Baudouin au musée BELvue. L’accès à l’exposition est gratuit et l’on y reçoit aussi un joli catalogue illustré. On entre pour l’occasion à gauche, dans l’aile du Palais royal qui sert d’écrin très raffiné aux objets d’art, bijoux, tapis, dessins, meubles, verreries, céramiques…

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    Dix artistes signent ces objets rares du patrimoine belge. Les plus précieux sont en vitrine dans la première salle éclairée par un grand lustre au-dessus d’un tapis de Victor Horta (pour la Villa Carpentier à Renaix). Une notice raconte l’histoire de chaque objet.

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    Vue d'ensemble de la première salle © jo@exelmans.be

    Charles Samuel a sculpté l’élégante Fortune (1894), en équilibre sur une roue entourée de putti, dans une des défenses d’éléphant fournies par van Eetvelde, Secrétaire de l’Etat indépendant du Congo, aux sculpteurs belges de l’époque. Anvers dominait alors, avec Londres et Liverpool, le marché de l’ivoire, « l’or blanc du Congo ».

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    Charles Samuel, La Fortune, 1894, ivoire, argent ou bronze argenté, 51 cm, FRB

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    Vitrine "Libellule" © jo@exelmans.be

    Un agrandissement photographique permet de détailler la composition des bijoux et d’en apprécier la finesse : de Philippe Wolfers, un pendentif Libellule, un peigne Oiseaux et iris, un pendentif Cygne et Serpents, entre autres. L’épouse de Wolfers porte ce dernier sur son portrait peint par Firmin Baes. La scénographie de l’exposition est particulièrement soignée, comme toujours avec la Fondation Roi Baudouin.

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    Philippe Wolfers, Pendentif Cygne et Serpents, 1899,
    or, émail, opale, rubis, diamants et perle, 5 x 5 cm / 40 cm

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    Au mur : Firmin Baes, Portrait de Sophie Willstädter, 1903, huile sur toile, 146 x 81 cm, FRB

    De fins dessins de fleurs signés du même Wolfers sont repris sur les voiles aux fenêtres de la galerie circulaire qui accueille la suite : « Iris, pavots, lys, roses, narcisses, orchidées…. » C’est ravissant, comme vous pouvez le voir aux deux baies entre lesquelles un cadre art nouveau (déjà montré ici) présente une belle série de dessins – quel trait délicat pour ce pendentif ! Ne manquez pas sa sculpture Automne ou Vendanges en marbre de Carrare, pour laquelle il a sculpté un socle en marbre serpentin vert sur mesure. Wolfers ou le raffinement.

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    Philippe Wolfers, dessins / un détail pour un pendentif

    Les deux paravents en acajou sur roulettes de Paul Hankar (pas bien vus à la dernière Brafa, une conférence était en cours sur le stand de la Fondation) s’intègrent très bien dans la galerie. Marc Meganck, qui a écrit les textes du catalogue, ressuscite l’ambiance du restaurant du Grand Hôtel de Bruxelles (sur le boulevard Anspach, entre la Bourse et la place de Brouckère) pour lequel ils ont été réalisés à partir d’une illustration ancienne où on voit un des paravents dans la salle du restaurant, « derniers témoins du Grand Hôtel démoli en 1973 ».

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    Des deux côtés : paravents de Paul Hankar pour le restaurant du Grand Hôtel à Bruxelles, 1897

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    Victor Horta, Guéridon tripode, 1905-1906, bronze et bois pétrifié, FRB

    Victor Horta a conçu un étonnant guéridon tripode pour le jardin d’hiver aménagé dans sa maison (rue Américaine) quand il y est revenu après son divorce : du bois fossilisé aux couleurs chaudes, acheté à Munich, est fixé dans une monture en bronze. Plus tard, il le placera au bel étage et y déposera un faisan empaillé. Au bout de la galerie on découvre un ensemble de meubles réalisés pour lui-même ou pour des commandes.

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    A droite : Philippe Wolfers, Vase Mimosa ou Coraux, 1901,
    émail sur cuivre, argent (partiellement doré), cornaline, 13,3 x ∅ 8,3 cm
    Au milieu  : Philippe Wolfers, Vase Plumes de paon, 1899-1902,
    émail sur cuivre, argent (partiellement doré), nacre et turquoise, 14,8 x ∅ 9,7 cm, FRB
    © jo@exelmans.be

    L’exposition Histoires d’objets d’exception reste en place au musée BELvue jusqu’au 7 janvier 2024. Il ne manque pas de choses admirables tout au long du parcours d’exposition : mobilier, très jolis vases Art nouveau en faïence fine ou émaillés, étonnante horloge de Serrurier-Bovy, carreaux en céramique, reliures, ex-libris gravés par Rassenfosse
    Allez-y !
    (Pour info, Les Filles du BELvue proposent un repas « bio, local et gourmand ».)

  • Lire "Mrs Dalloway"

    Loin des conventions du récit d’intrigue avec ses péripéties, Virginia Woolf explore la personnalité humaine à travers les impressions et les émotions de ses personnages, auxquelles se mêlent leurs souvenirs. En 1925, quand Mrs. Dalloway est publié, le renouvellement du roman moderne est en cours :  Proust a écrit les premiers tomes d’A la recherche du temps perdu ; Joyce a fait sensation avec Ulysse.

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    En couverture de l'édition Penguin Books 1992, un détail de 
    Stanley Cursiter, The Sensation of Crossing the Street, 1913 

    « Mrs. Dalloway said she would buy the flowers herself. » (« Mrs. Dalloway dit qu’elle irait acheter les fleurs elle-même. ») Le récit commence par cette phrase, le matin, et se terminera à la fin de la soirée que Clarissa donne chez elle. Virginia Woolf raconte cette journée du mercredi 13 juin 1923 à travers différents personnages. On suit d’abord Clarissa Dalloway dans les rues de Londres, grisée par la fraîcheur matinale : celle-ci lui rappelle l’air de Bourton (elle a grandi à la campagne) qu’elle respirait par la fenêtre ouverte, à dix-huit ans, et une remarque de son ami Peter Walsh sur la terrasse, disant qu’il préférait les gens aux choux-fleurs. Il lui a écrit d’Inde qu’il doit revenir bientôt.

    Une voisine l’aperçoit de loin – Clarissa ne l’a pas vue –  et lui trouve le charme d’un oiseau, même à plus de cinquante ans et très blanche depuis sa maladie. Clarissa regarde tout ce qui se passe autour d’elle : « […] what she loved ; life ; London ; this moment of June. » Elle le dit à un ami qu’elle rencontre, Hugh Whitbread : « I love walking in London. Really, it’s better than walking in the country. »

    Depuis quelques années, Mrs. Dalloway attendait sur l’étagère : pas la traduction française par S. David (Livre de poche), lue et relue (chaque fois qu’une de mes élèves de rhéto choisissait Virginia Woolf sur la liste de littérature étrangère pour un exposé oral), mais l’exemplaire en anglais (Penguin Books) de la bibliothèque de maman, excellente polyglotte, qui s’était inscrite une année à un cours de littérature anglaise dans sa commune.

    En marge de la description des mouvements d’un aéroplane qui va tracer des lettres publicitaires dans le ciel, ma mère a noté « Voilà ce que Papa faisait (…) » – mon père était pilote à la Force aérienne belge. Elle a écrit « Papa » et non son prénom, comme si cette note m’était destinée – elle connaissait mon amour pour Virginia Woolf. J’ai toujours pensé que ma faible connaissance de l’anglais mettait hors de portée mon rêve de la lire un jour dans sa langue originale. Cet été, je me suis attelée à ce défi, quelques pages par jour, d’abord en anglais puis en français, avec des allers-retours pour vérifier la compréhension et en cas de blocage. Quelques recours au dictionnaire, pas trop. Je ne cherchais pas à traduire mot à mot, mais à entrer dans le texte et à sentir son mouvement.

    C’est fabuleux. Jamais je n’avais imaginé pouvoir me mettre au diapason d’une langue aussi rythmée, musicale, d’une narration plus fluide dans l’original que dans la traduction, avec des répétitions, des anaphores… Encore mieux qu’en français, j’ai ressenti ce que ressentent tour à tour Clarissa, puis Rezia, la femme de Septimus, puis Septimus lui-même, traumatisé par la guerre – une sorte de double inversé de Clarissa tournée vers la vie, alors que lui pense à la mort. Ce n’est qu’à la fin que leurs destins se croiseront. Tous les thèmes (vie publique, vie privée) sont présents dans ce roman génial.

    Présent, passé et futur cohabitent dans la conscience. Se souvenant de sa grande amie Sally Seton, Clarissa pense à l’amour entre elles, un doux souvenir qu’elle oppose à la relation entre sa fille Elizabeth et Miss Kilman, censée l’éduquer aux bonnes manières, une femme fanatique et sectaire. De retour chez elle, Mrs Dalloway est en train de féliciter Lucy pour le brillant de l’argenterie quand on sonne à la porte – à onze heures du matin, le jour où on prépare une soirée ! Peter Walsh, son ancien amoureux, vient la voir dès son arrivée à Londres.

    Il est à Londres pour régler des affaires personnelles. Il est amoureux d’une femme indienne, mariée, deux enfants. Clarissa l’invite à sa soirée, puis on le suit, lui, dans ses pensées, ses visions, ses souvenirs, ses activités du jour. Le flux de conscience, dans Mrs. Dalloway, est rendu aussi pour d’autres personnages qu’elle : Peter, le couple Rezia-Septimus, et d’autres dont nous découvrons les préoccupations au fur et à mesure de la journée dont Big Ben sonne les heures.

    Durant la soirée, Clarissa joue son rôle d’hôtesse à la perfection. Peter et Sally, à qui elle a promis de revenir près d’eux, pensent à leur jeunesse. Virginia Woolf fait dire à Sally Seton qu’il n’y a « qu’une chose qui vaille la peine d’être dite : ce que l’on sent ». Une seule fois dans la traduction. Or il y a deux phrases de plus dans l’original : « For she had come to feel that it was the only thing worth saying : what one felt. Cleverness was silly. One must say simply what one felt. » (« L’intelligence est/était stupide. On doit dire simplement ce que l’on sent. »)

    Lire Mrs. Dalloway, cest le bonheur inépuisable de la redécouverte, la marque dun chef-d'œuvre.

  • Empreinte

    claudie hunzinger,les grands cerfs,roman,littérature française,cerfs,nature,forêt,chasse,affût,observation,contemplation,désolation,livres,culture« Sous l’épicéa, dans la fine couche de givre, il restait l’empreinte d’un corps qui s’y était posé la nuit. Celle d’un grand cerf devenu mulet que l’absence du poids de sa ramure tombée déconcertait ? On dit que les cerfs sont parfois tellement troublés par la chute de leurs bois qu’ils s’isolent du clan. Je me suis couchée à même l’empreinte, sur mes jambes repliées. Je voulais ressentir la perte, porter ma tête comme si toute sa montée osseuse, tout son travail de l’année passée, chapitre après chapitre, était devenu inutile. Était tombé. Ce genre de méditation est assez vertigineux. On est vite pris d’une sorte d’ivresse. Celle du vide, de faire le vide. Tout y passe ? Jusqu’à notre statut d’humain. »

    Claudie Hunzinger, Les grands cerfs

  • Léo et les cerfs

    Les grands cerfs de Claudie Hunzinger, prix Décembre 2019, son dernier roman publié avant Un chien à ma table, j’ai attendu un peu pour le lire, par souci de ne pas enchaîner, de laisser aux deux récits leur empreinte distincte. Aussi parce que je savais y trouver, en plus de l’hommage à la beauté de la vie sauvage, sa désolation à l’ère d’une nouvelle extinction animale de masse.

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    © Claudie Hunzinger, Page d’herbe, Musée Lapidaire, Montauban, Belgique, 2007

    Remontant aux Hautes-Huttes dans sa voiture, un soir d’automne, Pamina voit dans ses phares « un tonnerre de beauté » qui traverse le chemin « d’un bond, pattes rassemblées, tête et cou rejetés en arrière, ramure touchant le dos, proue du poitrail fendant la nuit ». – « J’étais sûre que c’était Wow. » Une brève apparition d’un grand cerf, magique, à la première page.

    Nils, son compagnon, vit dans leur vieille métairie au milieu des livres, alors que Pamina (la fille de la reine de la nuit dans La Flûte enchantée, un des surnoms que Grieg donne à Sophie Huizinga dans Un chien à ma table), quand elle n’est pas en train d’écrire ou de présenter ses livres, sort explorer les alentours. D’avoir croisé Wow la décide à entrer dans l’affût, la cabane qu’elle a autorisé Léo à installer en bordure du pré sur leur terrain.

    La trentaine, crâne rasé, « indéchiffrable », Léo est arrivé à pied un jour pour en faire la demande. Les cerfs sont sa passion. Les attendre, les observer, et si la lumière est bonne, les photographier, voilà à quoi il passe la plus grosse partie de son temps libre – « connecté cerfs à quatre-vingt-dix-neuf virgule neuf pour cent ». Il les distingue si bien qu’il a donné des noms aux grands cerfs qui vivent à proximité des Hautes-Huttes.

    Pamina avait deviné leur présence, mais ignorait à quel point leur territoire se superpose au leur, dix mois sur douze. Parmi les livres qui traînent dans la maison, De natura rerum de Lucrèce, une édition bilingue, est son livre de chevet : « Les humains et les bêtes. Et puis, une poésie scientifique. La science comme méthode, menée par l’amour. Car la nature à la fois s’exhibe et se cache et c’est Vénus qui ouvre ce texte pour initiés. » Ce poème ancien et La fabrique du pré de Francis Ponge « faisaient la paire ».

    Assise dans l’affût, elle découvre : « le monde arrive et se pose à nos pieds comme si nous n’étions pas là. Comme si nous n’étions pas, tout court. » Une guêpe, des corneilles, pas de cerf – l’attente. Ce n’est qu’en parlant avec Léo, qu’elle en apprend davantage sur les cerfs autour d’eux : « huit à vingt-deux mâles, tous des célibataires, les biches étant plus haut avec les bichettes et les faons ». Pamina est étonnée de l’entendre critiquer l’ONF dont les décisions menacent leur survie. Elle connaît le rôle des « adjudicataires » (elle les reconnaît « à leur pick-up, à leur tenue kaki ou à leur ressemblance avec Poutine »), mais a toujours aimé les gardes forestiers.

    Léo accepte de la guider pour comprendre la vie de ce « clan traqué », elle en fera « un livre de grand air ». Dans le froid, la neige, Pamina apprend à lire les traces, à suivre les pistes, puis passe aux affûts « de lever du jour ». Elle instaure « une sorte de protocole » : se préparer, sortir tous les jours avec un carnet et un couteau, ne pas s’en faire si elle n’en rapporte rien – « ce rituel, je le devinais, n’était pas tant fait pour contempler un cerf que pour m’extraire avant tout de moi-même ».

    Notes de février : étoiles, rochers, enfin des cerfs qui broutent puis viennent se coucher à dix mètres. Plongée « dans l’expérience et la découverte », avec en tête l’idée du livre à écrire. « Mais je n’imaginais absolument pas que le roman de nature qui commençait à m’habiter allait prendre le visage de la société elle-même, moi qui avais voulu lui fausser compagnie. » Elle ne sait pas encore dans quel imbroglio elle va se retrouver, qui va mettre à mal son amitié avec Léo. « Nous aussi, nous avons la peste même si nous prétendons à l’innocence. »

    Claudie Hunzinger raconte les « apparitions », la contemplation. Léo lui apprend les règles du clan, décrit les grands cerfs qu’il appelle par leur nom, l’avertit quand l’un deux a été « tiré ». Le garde forestier qu’elle interroge sur la chasse est sans état d’âme : la régénération des forêts, leur rendement financier, ça passe « par un peuplement de cervidés réduit au minimum ». Les adjudicataires, eux, veulent « une chasse très peuplée ». Il lui explique comment l’ONF décide du quota de cerfs à tirer.

    Les grands cerfs, c’est bien sûr Pamina et les cerfs : la romancière rend magnifiquement leur univers. On apprend beaucoup sur eux, sur leurs bois (ce même mot qu’on emploie pour leur parure et pour les arbres), leur velours, leur mue, cette splendeur fascinante. Au grand bain d’émerveillement de Claudie Hunzinger se mêle, avec force aussi, son angoisse, voire son désenchantement du monde.

    * * *

    A partir de cette semaine, T&P change de rythme pour les grandes vacances.
    La belle saison nous appelle à sortir, à flâner, à ralentir.
    Sauf imprévu, rendez-vous le lundi et le jeudi pour le billet complémentaire.
    Bel été à toutes & à tous !

    Tania

  • Villa des rêveurs

    Un immense rideau s’ouvre sur « House of dreamers », la nouvelle exposition proposée par la Villa Empain. Ulla Von Brandenburg a composé Backdrop (toile de fond) à partir de pans de rideaux récupérés à l’Opéra de Varsovie, d’anciens décors. Une entrée théâtrale pour « une déambulation poétique dans les espaces de la Villa Empain » (Guide du visiteur, source des citations).

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    © Ulla Von Brandenburg, Backdrop (détail), 2023 (vu de l'entrée)

    Le souvenir de « Flamboyant » m’a donné l’envie de découvrir cette nouvelle mouture d’un intérieur recomposé, cette fois « par la réalisation de grands décors in situ ». Dans le grand hall devenu « salle de bal », un piano surmonté d’un double bronze facétieux voisine avec un cosy-corner près de l’escalier : deux fauteuils art déco éclairés par une magnifique lampe vitrail aux libellules. L’installation de Than Hussein Clark « a été réalisée en hommage à Oscar Wilde et participe à une ambiance cabaret ».

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    Une partie de l'installation © Than Hussein Clark

    Dans la salle à manger, Sébastien Gouju a dressé une table de lendemain de fête sous une fresque d’Anastasia Bay évoquant les banquets antiques. Objets fatigués, restes en céramique dans les assiettes, cela m’a rappelé Le dernier souper de Corine Borgnet vu en mars à la Maison des Arts (« Sub terra »), un coup de cœur. Cette table-ci m’a moins impressionnée, mais j’ai été attirée par les bouquets de fleurs en verre soufflé : l’artiste associe leurs « formes ramollies » à la « gueule de bois », amusant, non ?

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    Fresque réalisée in situ © Anastasia Bay, table dressée © Sébastien Gouju (vue partielle)

    La fresque continue au grand salon, une scène de bacchanale, autour d’un mobilier griffé Pierre Marie. Les sièges ont tous des tablettes pour les livres, bien ! Sur la table basse, aux carreaux fabriqués à partir d’émaux de Longwy, une lampe de la céramiste Katja Tönnissen répond à de grandes lampes sur pied dans un angle de la pièce, aux « couleurs diaphanes » encore plus joyeuses.

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    Vue partielle du grand salon

    Avant de monter l’escalier, j’admire encore un peu le grand rideau de l’entrée suspendu sous le plafond, son jeu de couleurs très différent de ce côté. Puis, à la fenêtre, Lumière née de la lumière de Bang Hai Ja. J’étais curieuse de découvrir le « bureau des rêveurs » à l’étage. Avec ses couleurs vives au plafond et sur les meubles, son atmosphère « principalement féministe » m’a paru plutôt enfantine, excepté l’étagère aux livres féministes d’Ad Minoliti et Le presse-papier à priape de Man Ray.

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    Vue partielle du Bureau des rêveurs

    La « salle de jeux » est plus intéressante. Je m’y attarde avant de pénétrer dans la salle de bain rebaptisée « salle de bien-être ». Son espace tout en longueur est occupé dans le fond par la céramiste Claire Lézier. Ses œuvres sont présentées au milieu de plantes vertes qui répondent joliment aux mosaïques murales. Un grand buste de femme en céramique de Marion Benoit évoque Rhéa, Titanide grecque de la Fertilité, c’est beau.

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    Une partie de l'installation © Claire Lézier, avec, sur l'appui de fenêtre, Titanide © Marion Benoit

    J’étais passée trop vite devant la niche dans le mur de droite et j’y reviens, intriguée par ce qui se déroule sur l’écran entouré de figurines : Whispering Pines 10 (Pins chuchotant), une vidéo de Shana Moulton, raconte la quête de Cynthia, son alter ego, qui désire la santé et la sérénité. Cela vaut la peine de prendre à l’entrée de la pièce un petit siège pliable pour regarder les dix épisodes tous différents. Cette œuvre onirique, dont une partie est visible en ligne, m’a enchantée par sa fantaisie, son univers sonore, sur fond de séquoia géant.

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    Aperçu du Salon de thé

    Le « salon de thé » offre lumière et espace autour d’œuvres modernes et contemporaines. Au mur, un bel ensemble d’assiettes peintes avec des émaux signé encore Marion Benoit. Dans une vitrine, entre autres objets, un dessin de Cocteau et un service à thé de Malevitch. Comme j’aurais aimé m’installer sur ce petit canapé de Than Hussein Clark (il vient du lobby du théâtre de Brême) pour prendre le thé dans cette pièce, sur ce ravissant tapis si moelleux !

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    Maison © Simone Fattal (Chambre végétale)

    Deux chambres nous attendent : une chambre végétale et une chambre animale, séparées par deux boudoirs dédiés aux « Objets de mon affection ». J’en retiens une émouvante Maison en céramique verte de Simone Fattal, libano-américaine, « éventrée comme le serait un foyer ayant subi les dommages d’une guerre civile », aux parois « semblables à de grandes feuilles », espoir de reconstruction ?

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    © Claire Lézier, Chat, 2023, grès émaillé, Courtoisie Fracas Gallery

    Je suis heureuse de retrouver ici Elise Peroi avec deux tissages, Recueillir I et II, où apparaissent des éléments végétaux, des coquillages, des animaux. Dans la chambre animale, une photographe est au travail. Je m’approche de la fenêtre vers la propriété voisine pour regarder un chat noir. Dans un angle du plafond de la petite pièce attenante, Laure Prouvost a accroché un joli nid d’hirondelle, Swallow Swallow. 

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    © Laure Prouvost, Swallow Swallow. 

    « House of dreamers » m’a donné des impressions plus légères que d’autres expositions de la Villa Empain, pourquoi pas ? La légèreté va avec le rêve, d’autant plus durant un été dont on craint la chaleur trop pesante. C’est l’occasion de faire agréablement connaissance avec des signatures contemporaines de diverses nationalités, comme toujours à la Fondation Boghossian. Jusqu’au premier octobre.