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Portrait de femme

D’abord j’ai aimé le film de Jane Campion, Portrait de femme (1996, avec Nicole Kidman et John Malkovich), dont je ne manque jamais les rediffusions télévisées : une adaptation magnifique du chef-d’œuvre de Henry James, The Portrait of a Lady (1881). C’est en lisant le billet de Christian Wéry sur Mme Osmond (2017) de John Banville, qui a prolongé l’histoire d’Isabel Archer, que j’ai eu envie d’enfin lire Un portrait de femme cet été (dans la traduction de Philippe Neel).

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Portrait of a Lady de Jane Campion : Nicole Kidman dans le rôle d'Isabel Archer (AlloCiné)

« Il y a, dans la vie, et sous certaines conditions, peu de moments plus aimables que l’heure consacrée à la cérémonie connue sous le nom de goûter. Que l’on participe ou non au repas, dont certains s’abstiennent toujours, il y a telles circonstances qui rendent le moment exquis en soi. Et celles que j’envisage au début de ce modeste récit formaient un cadre admirable pour un passe-temps innocent. Les éléments du petit festin étaient disposés sur la pelouse d’une vieille maison de campagne anglaise, à l’heure que l’on pourrait appeler le cœur véritable d’un magnifique après-midi d’été. » (Incipit)

A Gardencourt, un « vieux gentleman », Mr Touchett, « venu d’Amérique trente ans auparavant », prend le thé en compagnie de Ralph, son fils, l’air intelligent et maladif à la fois, et de Lord Warburton, trente-cinq ans, au « visage remarquablement beau, coloré, clair et franc » qui contraste avec celui des « deux canards boiteux ». La conversation va bon train.

Au début des années 1870, Lord Warburton est encore célibataire, faute d’avoir rencontré une femme « intéressante » – « Trouvez-en une, épousez-la, et votre vie en deviendra bien plus intéressante » lui dit le vieillard, bien que son propre mariage n’ait pas été des plus heureux. Mais il lui déconseille de s’éprendre de la nièce de sa femme, une jeune Américaine que Mrs Touchett (elle a passé l’hiver à Albany) amène en Angleterre. Isabel Archer fait alors son apparition, sans sa tante montée tout droit à sa chambre, comme à son habitude, sans saluer sa famille.

Arriveront ensuite Henrietta Stackpole, une amie d’Isabel ; Caspar Goodwood, un prétendant américain qu’Isabel a repoussé ; Mme Merle, une amie de Mrs Touchett qui deviendra bientôt celle de sa nièce. Quand le riche et charmant Lord Warburton, amoureux à son tour, demande Isabel en mariage, la jeune femme l’éconduit : elle n’est pas sûre du tout de vouloir se marier, elle tient à sa liberté et veut d’abord découvrir le monde. Sa tante va l’emmener à Londres puis lui faire visiter l’Europe.

Ralph et son père sont tous les deux enchantés d’Isabel, belle et spirituelle, spontanée. Quand Mr Touchett, malade, lui parle de son héritage, Ralph, secrètement amoureux de sa cousine mais miné par la tuberculose, lui suggère de léguer la moitié de sa propre part à Isabel qui n’a pas de fortune, pour « donner un peu de vent à ses voiles » – sans mentionner à qui elle le doit. Son père y consent. Quand il meurt, la jeune femme accède à une aisance financière qui lui donne un statut enviable dans le monde.

Six mois plus tard, au début du mois de mai, Mme Merle retrouve à Florence Gilbert Osmond, un grand ami, qui a une fille, Pansy. Lettré, cultivé, philosophe, il a un goût parfait en art mais ne possède pas grand-chose. Mme Merle veut lui faire rencontrer la jeune Américaine « très intelligente, très aimable, et pourvue d’une belle fortune ». Sans ambiguïté, elle déclare à Osmond : « Je sais seulement ce que je veux en tirer. »

Ralph séjourne aussi en Italie, pour sa santé et pour Isabel. Curieux de voir ce que sa cousine va devenir, il est devenu son grand confident. Elle aime discuter de tout avec lui. Quand elle lui demande son avis sur Mr Osmond, sa réponse est sage : « Ne vous arrêtez jamais à ce qu’une personne vous dit d’une autre. Jugez les êtres et les choses par vous-même. » En revanche, il ne cache pas sa méfiance pour Mme Merle qui « ne connaît que les gens du meilleur ton ». Elle est « trop tout » d’après lui, mais Isabel prend sa défense.

Nous n’en sommes pas encore à la moitié du roman, qui compte près de mille pages. Comme Ralph, tout en goûtant les charmes du tour en Italie, nous nous demandons comment Isabel va se comporter en présence de Mr Osmond, comment elle va réagir quand ses autres amoureux vont réapparaître sur son chemin. Comme lui, nous souffrirons de la voir user de sa liberté pour faire un choix malheureux, sans s’en rendre compte.

« Tous les romans de James sont des allégories de la déception », écrit Mona Ozouf  dans « L’été avec Henry James » (La Cause des livres). Ce qui fascine, en lisant Un portrait de femme, c’est l’art avec lequel James dépeint les situations, dit les dessus et les dessous des conversations, en explorant la psychologie des personnages à travers leurs perceptions, leurs réactions. Du grand art.

Commentaires

  • J’ai l’impression que ce serait trop long pour moi même si l’analyse des personnages semble intéressante.

  • Lire, c'est choisir, et chacun, chacune a ses critères, bien sûr. L'adaptation de Jane Campion, longue aussi (le film dure plus de deux heures), permet de faire connaissance avec ce personnage très attachant, si on le désire.

  • c'est mon roman préféré de H James
    lu et relu
    quand j'ai acheté James en pléiade je l'ai à nouveau relu et j'ai toujours éprouvé cette même impression du roman parfait
    le film est très réussi

  • J'ai relu ton billet que j'avais lu, contrairement au roman que je croyais avoir lu - ce qui m'a offert le plaisir de la découverte de ce chef-d'œuvre.

  • J'ajoute le lien : http://asautsetagambades.hautetfort.com/archive/2018/02/08/portrait-de-femme-henry-james-6024731.html

  • Je suis doublement gâtée chez toi aujourd'hui, j'ai aimé lire Henry James et j'aime tous les films de Jane Campion!! Henry James c'est très fin./ Jane Campion: exceptionnel!

  • Nous voilà d'accord. Bonne après-midi, Anne.

  • J'ai vu le film d'abord, lu le roman ensuite. C'est un grand plaisir pour les deux et comme toi, je ne rate pas les rediffusions lorsqu'il y en a.

  • Dresser un jour la liste des rediffusions qu'on ne manque jamais ?

  • Moi aussi je le relirais avec bonheur, il y a si longtemps.

    Merci pour le lien vers le blog de Christian, un billet que j'avais raté, un autre roman à lire, c'est parfait!

  • Il sera question de cette "suite" ici aussi - le mois prochain.

  • Merci, la bacchante. En fait, j'ai terminé le roman, mais je ne voulais pas trop en dire.

  • Oh je l'ai lu, et même en VO
    https://enlisantenvoyageant.blogspot.com/2018/12/un-portrait-de-femme.html
    J'ai relu mon billet, j'étais absolument conquise, quel talent!

  • En anglais, waouh, je ne sais si j'oserais m'y lancer. Je suis allée relire ton billet - merci pour le lien - et je patauge un peu dans ma mémoire de lectrice avec ce livre. J'étais d'abord convaincue de l'avoir lu il y a longtemps, mais je n'en ai trouvé jusqu'à présent aucune trace chez moi et je l'ai découvert (ou redécouvert ?) sans impression de "déjà lu". Rien que du bonheur.

  • Le "Portrait" est désormais inscrit dans mes tout prochains projets de lecture : merci de vos conseils, Tania.

  • Je vous souhaite beaucoup de plaisir à découvrir le passé de Mme Osmond, Christw.

  • Je n'ai pas vu le film ! Je vais le faire et, promis, je vais relire ce roman que j'ai tant aimé dès que j'aurai terminé Vassili Grossman. C'est bien cela, ce que dit Mona Ozouf des romans de Henry James. Je ne l'avais jamais formulé si clairement. Merci !

  • Bonne relecture quand le moment viendra & bonne découverte du film de Jane Campion, Marie.

  • Je n'ai pas vu le film malgré les rediffusions dont tu parles il faut dire aussi que j'aurais entendu mon mari soupirer d'ennui toute la soirée auprès de moi !! Il faudra que je relise ce roman lu il y a bien longtemps durant un été d'ailleurs. Les personnages sont formidables et bien entendu l'écriture d'Henri James est magnifique, un auteur qu'il me faudrait relire un jour mais je ne sais pas quand !!

  • Une précision à propos de ce film : au Québec, on l'a intitulé "Portraits de femmes", et cela rend justice aux autres personnages féminins forts, chacun dans leur genre, dans cette histoire.
    Les relectures attendent leur heure et parfois tout d'un coup elles s'imposent. La "suite" bientôt.

  • J'ai vu ce magnifique film deux fois,mais je ne sais si j'arriverai au bout des mille pages, à moins que du temps s'ajoute au temps ? Merveilleuse Nicole Kidman... Douce soirée Tania. brigitte

  • J'espère que l'occasion s'en présentera, Brigitte. A son heure, comme répondu plus haut. Bises.

  • Bonjour Tania, merci pour ce billet sur un roman magnifique. j'ai aussi beaucoup aimé le film de Jane Campion trop rarement diffusé à la télévision française. Et ce film a été boudé par la critique et le public français lors de sa sortie et c'est bien dommage. Bon dimanche.

  • Bonjour, Dasola. J'ignorais ce mauvais accueil du film en France. En Belgique, Arte et la Trois (RTBF) font régulièrement de bons choix pour les rediffusions. De Jane Campion, j'aimerais beaucoup revoir "Un ange à ma table" aussi.

  • Bonjour Tania
    En voyant ce billet et certains des commentaires, je vois que je ne suis pas seul à découvrir parfois une oeuvre "classique" seulement après en avoir vu une adaptation au cinéma... Je sais que certain(e)s ne veulent au contraire pas "lier" les deux, que ce soit voire un film qui "contredirait" l'idée que l'on s'est faite des personnages à la seule lecture du livre, ou bien ne pas vouloir "remonter" jusqu'au livre en jugeant que le film (apprécié) se suffit à lui-même... Personnellement, j'aime bien confronter les deux approches (et parfois les comparer!).
    Concernant "Un portrait d femme, votre billet sur le livre (960 pages, dans l'une des éditions existantes!) serait en tout cas tout à fait éligible aux challenges estivaux sur de gros bouquins, chez dasola et/ou chez sibylline... Il vous suffit (si vous le souhaitez!) de rajouter logos et liens et de nous en prévenir par un commentaire sur nos blogs respectifs!
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

  • C'est souvent intéressant de comparer le roman et l'adaptation, le texte étant il me semble toujours plus riche. Dans ce cas-ci, la magnifique réalisation et l'interprétation de Nicole Kidman m'ont amenée au livre - et aussi cette suite de John Banville, "Mme Osmond", que je ne voulais pas ouvrir sans avoir d'abord lu le roman d'Henry James.
    (Merci pour l'invitation, mais pour ce qui est de la lecture, je préfère l'inspiration du moment et la passion aux défis en tous genres.)

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