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Culture - Page 61

  • Au-delà des nuages

    Achter de wolken ou Au-delà des nuages, tel est le titre d’un beau film intimiste vu en août à la télévision. Ce premier long métrage de la réalisatrice Cecilia Verheyden date de 2016. Les rôles principaux sont magnifiquement interprétés par deux acteurs flamands renommés, Chris Lomme et Jo De Meyere.

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    Bande annonce à voir ici

    Après la mort du mari d’Emma, malade, leur fille et leur petite-fille viennent la soutenir, puis l’accompagnent à la cérémonie funéraire. Parmi les nombreux amis présents, il y a Gerard qui fut le meilleur ami du défunt dans sa jeunesse. Tandis que la fille d’Emma cherche à la faire sortir de la maison et à rencontrer des gens, celle-ci n’aspire qu’à être seule et tranquille.

    Puis elle reçoit un message de Gerard sur son téléphone : « wil je zien » (je veux te voir) auquel elle répond « waarom ? » (pourquoi ?) avant de raccourcir le mot en « waar ? » (où ?) Gerard et Emma s’aimaient avant qu’elle ne fasse le choix de se marier avec l’autre des deux amis il y a plus de cinquante ans. Il en reste quelque chose que le film va dévoiler peu à peu, pas à pas. Emma ne se rend pas au premier rendez-vous qu’elle a accepté, Mais Gerard n’a pas l’intention de s’en tenir là – après tant d’années où cette femme lui a manqué, il est décidé à persévérer.

    L’intrigue principale est bien sûr liée à l’évolution de la relation entre eux deux, à leurs rencontres, à leurs souvenirs qui reviennent à la surface. La personnalité d’Emma, son désir de continuer à mener sa vie de manière autonome, apparaît bien dans ses rapports tendus avec sa fille Jacky (Katelijne Verbeke), elle-même mal à l’aise dans une liaison amoureuse avec un homme marié. La mère supporte mal les visites et les conseils de sa fille qui lui semble vouloir prendre le contrôle sur son mode de vie. Elle refuse de lui raconter tout ce qu’elle fait.

    En revanche, les rencontres entre Emma et sa petite-fille Evelien (Charlotte De Bruyne) sont pleines de complicité et de franchise. Quand Emma lui parle d’un rendez-vous avec un homme qu’elle a aimé avant de se marier, Evelien est choquée – si vite après l’enterrement de son grand-père ?! – puis de plus en plus curieuse de la liberté avec laquelle Emma se conduit.

    Peut-on retomber amoureux après cinquante ans d’éloignement et où cela peut-il mener ? C’est la grande question explorée dans le scénario de Michael de Cock d’après sa propre pièce de théâtre, écrit en étroite collaboration avec Jo De Meyere et Chris Lomme. Après de nombreuses conversations intenses, ils ont abouti à cette histoire dont l’amour et la vie sont l’enjeu, à tous les âges de la vie. Les dialogues sont excellents. Il y a des moments très drôles aussi, comme la séquence du dancing (une idée de la fille d’Emma, désireuse que sa mère continue à voir du monde).

    J’ai trouvé les images et les ambiances de Cecilia Verheyden très belles, que ce soit dans la maison, le jardin d’Emma ou dans les scènes d’extérieur, sous la pluie ou sur une plage. J'ai aimé la musique (Steve Willaert) qui accompagne à merveille les scènes d’atmosphère, les moments de solitude, les retrouvailles. Bref, un premier film très réussi, notamment grâce au superbe jeu plein de sensibilité de ses deux grands acteurs. Achter de wolken / Au-delà des nuages a remporté le prix du Jury au Washington DC International Film Festival.

  • Sympa

    Sympa resto (1).jpg

    Sympa, ce panneau qui décline l’esprit maison d’un resto de village, affiché près de la cuisine. L’accueil à l’Auberge de Saint-Pantaléon-les-Vignes y correspond bien. C’est aussi cela, les vacances dans la Drôme : déjeuner sous les branches d’un immense platane.

     

    Sympa Grignan.jpgElle est belle, l’affiche aux couleurs d’Ann Veronica Janssens sur la grille du cimetière de Grignan.
    La chapelle était malheureusement fermée le dimanche où nous y sommes passés pour les revoir. Aurait-il fallu insister davantage comme lu ici ? « Attention la porte de la chapelle étant très lourde il faut pousser fort pour pouvoir l'ouvrir. » (Ce serait mieux de l’indiquer sur place.)

     

    Sympa Singer.jpg

    Sympa, la vieille Singer sous l’écriteau d’un atelier de couture à Venterol. Je découvre que le prolongement de la rue du Bout du Monde où j’ai pris cette photo s’appelle route de la Gare – où donc est-elle, cette gare ? Dans le passé, sans aucun doute.

  • Pour te plaire

    Josse La nuit des pères.jpg« Pour être digne de toi, pour te conquérir, pour te plaire, pour que tu me remarques enfin, j’ai voulu devenir ton fils. Un autre fils que tu allais aimer. Te souviens-tu de ce jour ? Je l’avais décidé et rien n’aurait pu m’en empêcher. Un après-midi, après l’école, je m’étais glissée dans la salle de bains. J’avais approché une chaise du miroir et sorti de ma poche les ciseaux subtilisés à la cuisine le matin, en espérant que maman n’en aurait pas besoin et qu’elle ne retournerait pas toute la maison pour les retrouver. Les enfants, avez-vous pris les ciseaux ? Son inquiétude à nous imaginer blessés par les lames. C’est dangereux, les enfants, n’y touchez pas. Mais, maman d’amour, sais-tu qu’il existe des blessures bien plus terribles que celles des couteaux de cuisine ? J’ai attaqué le travail. »

    Gaëlle Josse, La nuit des pères

  • Un père et un frère

    La nuit des pères de Gaëlle Josse raconte l’histoire d’un retour : celui d’une fille près de son père, en août 2020. Première phrase : « A l’ombre de ta colère, mon père, je suis née, j’ai vécu et j’ai fui. » On apprendra plus tard le prénom de la narratrice, Isabelle. Son frère Olivier l’attend sur le quai à la gare de Chambéry. Au début de l’été, il lui avait téléphoné pour qu’elle vienne, « depuis le temps. Il faut qu’on parle de papa. Et puis, cela lui fera plaisir. »

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    « Les bras d’un frère. Olivier, le fidèle. Présent, toujours. » Kiné en ville pendant vingt ans, il est revenu au village dix ans plus tôt, à la mort de leur mère. Leur père, dont la violence a pesé sur les siens, est en bonne forme physique, à quatre-vingts ans, mais la mémoire « commence à lâcher. Il a la maladie de l’oubli. » Isabelle, tendue, sent refluer tous ses souvenirs d’enfance et en particulier, sa peur, au milieu de la nuit, quand elle entendait crier son père.

    Elle retrouve les lieux familiers, la maison où son père vit seul à présent. Heureusement la chambre en bas, celle où sa mère a fini sa vie, a été complètement transformée, il n’y reste que ses livres sur des rayonnages. A première vue, il semble apaisé, content de la revoir. Isabelle appréhendait leurs retrouvailles, elle est contente de retrouver son frère sur qui elle a toujours pu s’appuyer.

    Quand son père lui demande des nouvelles de Vincent – il a oublié que son compagnon est mort il y a un an et demi –, elle est incapable de lui répondre, choquée et engloutie dans le souvenir des circonstances du drame, un malaise fatal en plongée, en plein tournage. Isabelle réalise des documentaires sur le monde sous-marin. Un univers où elle se sent bien, à l’opposé de celui de son père, guide de montagne. Une montagne dont elle était jalouse, à laquelle il donnait tout son temps, toute son énergie,  alors qu’il n’avait aucune attention pour sa fille, jamais.

    Souvenirs d’enfance, des parents, souvenirs avec Vincent, les ombres du passé sont lourdes à porter, mais Isabelle « se lève, s’habille, mange, chie [sic], voyage, lit, dort, fait encore des projets pour ne pas tomber tout à fait ». Et puis un soir, de manière inattendue, après un repas à eux trois, son père, pour la première fois, raconte ce qui l’a tourmenté toute sa vie, ce qui s’est passé en 1960 quand il a dû servir son pays en Algérie.

    J’ai été un peu gênée par les choix narratifs : récit d’Isabelle d’abord, adressé au père, ensuite celui du père puis du frère à la première personne, ce qui déséquilibre le roman, à mon avis. La « maladie de l’oubli » (belle formule) et les décisions qu’elle entraîne pour un père et pour ses enfants, Gaëlle Josse en fait l’occasion, pour chacun des trois, d’une plongée dans les profondeurs de soi-même et des liens qui façonnent une existence, douloureuse et nécessaire.

  • Intérieur

    « Une femme fouille dans un tiroir de la table. A sa droite, un chat est assis sur un chauffe-pieds. A gauche, un jeune garçon regarde attentivement par une fenêtre, un bâton à la main. On discerne encore, en haut de la composition, au-dessus du lit-clos, la tête d’un autre enfant qui semble épier la scène. »

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    Jacobus Vrel, Intérieur avec femme et garçonnet, petit enfant épiant depuis l’alcôve,
    huile sur panneau, 71,5 x 59, 5 cm, Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique

    « Le tableau fut longtemps attribué à un dénommé Nicolaes Koedijck, artiste qui n’existe pas. Il s’agissait sans doute d’une confusion avec Isaac Koedijck (1617-1666) […]. La signature de Vrel était probablement visible sur les deux morceaux de papier posés sur le sol, avant que quelqu’un ne l’efface afin de vendre le tableau sous un autre nom, mieux connu des amateurs. »

    Livret de l’exposition Enigmatique Jacobus Vrel, précurseur de Vermeer, Fondation Custodia, Paris, 2023