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patrimoine - Page 13

  • La tour de la RTBF

    Un désistement m’a finalement permis de participer à la visite de la Tour de la RTBF organisée par PatriS, dans le cadre des Estivales 2015 à Schaerbeek. Le jeudi 13 août à midi trente, Cécile Dubois attendait à l’entrée du site au bout de l’avenue Colonel Bourg un premier groupe de quinze personnes (vu le succès des inscriptions et le nombre limité de visiteurs, le suivant était attendu une heure plus tard). 

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    A droite, les bâtiments actuels de la RTBF et de la VRT

    Qu’on sorte de l’autoroute E40 ou du tunnel Montgomery pour emprunter le boulevard Reyers vers la place Meiser, célèbre pour ses embouteillages, cette tour est une espèce de phare au-dessus d’un quartier qui a connu bien des transformations et va en connaître de nouvelles avec la démolition du viaduc Reyers et la construction de la nouvelle « cité des médias ». 

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    Il y a un siècle, ce site était occupé par le Tir national, qu’une grande plaine séparait du boulevard. La guide nous a montré des photographies de ce bâtiment en style néo-médiéval : sur l’une d’entre elles, on voit des moutons brouter paisiblement à l’avant. Les militaires venaient s’y entraîner au tir et s’exerçaient à l’arrière aussi, sur un terrain vallonné. Les civils y avaient accès. 

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    Source : http://www.delcampe.net/page/item/id,11386374,var,Guerre-40-45-fascicule-historique-31-pages-sur-le-TIR-NATIONAL-a-Schaerbeek,language,F.html

    Durant les deux guerres mondiales, le Tir national a été réquisitionné par l’armée allemande. Parmi les personnes exécutées ici pendant la grande guerre, on peut citer Philippe Baucq, architecte résistant à qui un monument est dédié au parc Josaphat, deux héroïnes infirmières, Gabrielle Petit et Edith Cavell (arrêtée il y a juste cent ans, en août 1915). Durant la seconde guerre, 261 personnes ont été exécutées sur le site – je vous en reparlerai sans doute un jour, quand je visiterai l’Enclos des fusillés tout près d’ici. 

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    Dans les années 1960, le Tir National est démoli et le terrain cédé à la Télévision belge qui se sent à l’étroit à Flagey. Les nouveaux bâtiments de la RTBF et de la VRT (la scission linguistique a lieu en 1977) sont construits en plusieurs phases, de 1964 à 1981, sur un site de 21 hectares. De grands studios projetés plus près du boulevard n’ont jamais été réalisés et ces terrains ont été revendus, à présent occupés par des immeubles de bureaux. 

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    La construction de la tour Reyers, inaugurée en 1981, est une véritable prouesse technique. Cette tour de béton armé de 89 m de haut a été dessinée par l’architecte Roger Bastin. Elle ne pouvait monter plus haut vu la proximité de l’aéroport national. Sur le fût de 70 m édifié par coffrage grimpant sur un socle de 9 mètres de profondeur, on a soulevé en quatre jours par câbles une superstructure de 4000 tonnes ! La Sonuma diffuse un film d’archives sur cet événement. 

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    On peut monter dans la tour Reyers par un escalier de 460 marches, mais nous avons préféré l’ascenseur qui mène au vingt-quatrième étage, le dernier se monte à pied. Un responsable de la sécurité nous a rappelé les consignes : regarder où l’on met les pieds sur la plate-forme (34 m de diamètre) et ne pas rester planté devant une antenne. La tour ne propage pas d’ondes radio, elle sert uniquement d’émetteur par faisceaux hertziens vers les relais de Wavre et de Hannut. Le passage au numérique a changé la donne. 

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    http://www.adt-ato.brussels/fr/zones-strat%C3%A9giques/reyers

    Avant l’ascension, Cécile Dubois nous a présenté le schéma du futur pour cette « zone stratégique » en région bruxelloise : d’ici 2028-2030, le nouveau quartier comprendra du logement (55 %), des commerces (10 %), le nouveau « Media-park » (30 %, la VRT et la RTBF y auront de nouveaux bâtiments) et un parc qui pourrait porter le nom d’Edith Cavell. Le site sera beaucoup plus accessible au public qu’aujourd’hui et certains rêvent d’utiliser alors la tour pour une activité touristique ou même un restaurant. 

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    Derrière les bâtiments de la télévision, un espace vert de 8 ha - le futur parc

    De là-haut, le panorama est à couper le souffle : c’est très impressionnant. Il faut tout un temps pour s’habituer à regarder Bruxelles à cette échelle-là. On distingue beaucoup mieux la distribution des espaces verts dans la ville. L’œil va du plus proche – la place Meiser si paisible vue d’ici, le viaduc Reyers à moitié emmailloté pour les travaux de désamiantage – au plus lointain : Palais de Justice, Atomium, Cinquantenaire, Altitude 100, etc. 

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    En bas, la place Meiser ; en face, l'avenue Cambier vers le parc Josaphat au bout duquel émerge le Brusilia

    Nous avons eu de la chance pour profiter de cette vue à 360° : ni pluie ni vent, juste une brume de chaleur (ou de pollution ?). J’aurais volontiers passé plus d’une heure là-haut. Aussi suis-je déjà partante pour une nouvelle visite de la tour Reyers (elle-même divisée entre la RTBF et la VRT, l’imaginiez-vous ? A la sortie de l’ascenseur, deux portes se font face sur le palier, vers l’une et vers l’autre).

  • L'église St-Servais

    Inséparable de la belle avenue Louis Bertrand qu’elle domine, l’église St-Servais attend une restauration depuis des années – elle devrait commencer bientôt. Ce jeudi 23 juillet, Yves Jacqmin, notre guide PatriS, l’a présentée au groupe des Estivales, d’abord devant l’entrée où les échafaudages dissimulent en partie la statue du Saint. 

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    Paroisse historique de Schaerbeek, cette église a été construite pour remplacer la première, petite église de village, qui se situait en contrebas (emplacement marqué aujourd’hui par le grand « Vase aux Bacchantes » de G. Devreese). Il n’en subsiste que la cure et son jardin de curé. St Servais, premier évangélisateur en région gallo-romaine au IVe siècle, a été l’évêque de Tongres avant de partir pour Maastricht où se trouvent sa tombe et son « Trésor ».

     

    La décision de démolir l’ancienne église a été prise en 1864, malgré sa valeur architecturale – des artistes se sont mobilisés en vain contre cette destruction exécutée en 1905. La nouvelle église St-Servais inaugurée en 1876 et l’ancienne ont donc coexisté quelque temps. La petite, désacralisée, a servi de gymnase (on y pratiquait l’escrime) et d’école de dessin (qui préfigure l’Ecole de la Ruche). 

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    On compte une trentaine de paroisses dédidacées à Saint Servais entre la mer du Nord et Cologne. D’après la Légende dorée, inspiratrice de tant d’artistes, il descendrait de la sœur de Sainte Anne, mère de Marie. On raconte que, prisonnier des Huns, il a été protégé par des anges et un aigle. Le musée de Tongres contient des objets le concernant. Servais avait une réputation de diplomate. (C’est aussi le troisième des « saints de glace », fêté le 13 mai.)

     

    Les plans de l’église sont de Gustave Hansotte, architecte entre autres de l’église Royale Sainte-Marie. Le choix de son emplacement est lié avant tout à un plan d’urbanisme, le chœur n’est plus orienté vers l’est comme le voulait la tradition. La façade est signée. La commune de Schaerbeek s’est impliquée financièrement dans son édification, vu son accroissement démographique à la fin du XIXe siècle. 

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    L’église St-Servais est de style néo-gothique, mais de construction moderne avec une armature métallique dissimulée. Certaines pierres viennent de carrières locales, on a utilisé aussi la pierre de Gobertange. A l’intérieur, le guide nous rappelle la diversité du patrimoine religieux de Schaerbeek, tous les styles y sont représentés : éclectisme à l’Eglise Royale Sainte-Marie, romane et byzantine, néo-classicisme à Sts-Jean-et-Nicolas, néogothique pur ici et à Ste-Elisabeth (Cage aux Ours). Au XXe siècle, le néogothique sera mêlé à l’art déco ou stylisé.

     

    En outre, St-Servais a conservé son mobilier du XIXe siècle, « rescapé de Vatican II » : confessionnaux, chaire de vérité, fonts baptismaux, autels, statues polychromes, banc de communion sont restés en place. On les doit à des artisans spécialisés primés à des concours internationaux. L’orgue (1935) est remarquable, deux concerts par an permettent d’apprécier ses très belles sonorités. Il est du facteur allemand Johannes Klais.  

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    Bien qu’imitateur du XIIIe, le néogothique du XIXe siècle comporte sa part d’invention. Nous regardons des visages copiés de l’antique sous les colonnettes des ogives, une chaire de vérité en bois sculpté d’inspiration médiévale. Guillaume Geefs, l’auteur des fonts baptismaux (c’est lui qui a réalisé le monument de la Place des Martyrs) était aussi portraitiste royal. D’origine modeste (des parents boulangers), devenu bourgmestre en 1850, il a réussi une belle ascension sociale. Schaerbeek était au XIXe une commune de sculpteurs : Léon Mignon y avait son atelier, Paul De Vigne, Constantin Meunier (avant de s’installer rue de l’Abbaye), Charles Van der Stappen

     

    Les toiles anciennes accrochées à gauche du chœur proviennent de l’ancienne église St-Servais, qui dépendait du chapitre de Soignies. On y faisait la quête pour l’entretien des églises mais l’abbaye tardait à restituer cet argent à la fabrique d’église de St Servais qui peinait déjà pour assurer les travaux nécessaires. Heureusement, des curés actifs prenaient des initiatives, comme l’organisation d’un pèlerinage à St-Servais dont on faisait le tour à cheval. 

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    D’autres tableaux viennent de « couvents improductifs » fermés par Joseph II, comme la « Vision de Saint Servais » par Gaspard de Crayer, un Christ en croix et une Assomption du XVIIe siècle. A droite du chœur, une belle Annonciation est pour l’instant masquée par des échafaudages.

     

    La visite s’est terminée à l’extérieur. En prenant quelques photos avant de sortir, j’ai aperçu de beaux vitraux XIXe dans une chapelle latérale. Yves Jacqmin nous a fait remarquer qu’en faisant le tour de l’église, nous descendons : cette déclivité du terrain a été récupérée par le bâtiment, l’entrée latérale comporte un perron. Le chevet, entouré d’une grille en fonte, est surmonté de faux arcs-boutants. Une petite entrée basse donne sur la sacristie, invisible de l’intérieur. De ce côté aussi, l’église est judicieusement placée dans la perspective de la rue Gallait. 

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    Si comme moi, vous n’étiez jamais entré dans l’église St-Servais, je vous recommande la prochaine visite programmée ce jeudi 30 juillet à 12h30 – si les inscriptions sont encore ouvertes.

  • Deux choses

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    Deux choses à ajouter en ce qui concerne l’avenue Demolder.

     

    Elle porte le nom d’un écrivain et avocat belge, Eugène Demolder (1862-1919) qui a épousé la fille du peintre Félicien Rops – vous vous souvenez peut-être du portrait de Claire Demolder par Van Rysselberghe.

     

    L’été, les roses trémières montent à l’assaut des arbres de l’avenue et elles sont particulièrement belles cette année, atteignant même leur feuillage.

  • L'avenue Demolder

    Dimanche 19 juillet, 17 h. Pour découvrir l’avenue Eugène Demolder, rendez-vous était donné à la « Cage aux ours », surnom de la place Verboeckhoven dû à la ressemblance, à sa création, d’une rocaille dans la fosse du chemin de fer qui passe en dessous avec la fosse aux ours de Berne (place aujourd’hui défigurée par une passerelle blanche controversée).  

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    Photo © Sylvie Wilhelm / http://fr.sylvie-wilhelm.com/

    C’est une autre histoire qui nous éloignerait de cette « Estivale » à la découverte de façades admirables dans une avenue prestigieuse, véritable « festival d’ornements » selon la formule d’Anne-Cécile Maréchal, notre guide PatriS. Construite à partir de 1908, cette avenue bourgeoise a été conçue dans le cadre du prolongement de l’axe royal (rue Royale, rue Royale Sainte-Marie, Hôtel communal) vers la gare de Schaerbeek (place princesse Elisabeth).

     

    Parmi les huit artères qui aboutissent à la Cage aux Ours, la plupart portent les traces d’un passé industriel. Celle-ci, beaucoup plus large, dotée de jardinets de rue et de grilles qui concourent à son élégance, a vu beaucoup d’architectes et d’entrepreneurs s’y établir : ils affichaient ainsi leur « carte de visite » et se trouvaient sur place pour diriger les travaux dans le quartier. 

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    Photo © Sylvie Wilhelm

    Le parcours commence devant la « résidence Demolder », un immeuble signé J. Teughels, dont l’entrée donne sur la place. Un de ses occupants nous présente une copie des plans de façade pour M. Colignon, notaire. L’étude et la salle d’attente occupaient le rez-de-chaussée, les clercs travaillaient au-dessus, puis c’était l’appartement personnel du notaire. Les trois étages supérieurs étaient donnés en location, surmontés de chambres de bonne spacieuses. 

     

    Nous apprenons que l’ascenseur est d’époque, en acajou, avec des vitres biseautées. Les appartements – quelque 170 mètres carrés – ont des parquets de chêne garnis de frises (essences tropicales) et des cheminées de différents marbres. La sculpture d’angle est de Pierre de Soete, également médaillier. Enfin, les caves sont étonnantes, prévues pour conserver trois à quatre mille bouteilles ! 

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    Photo © Sylvie Wilhelm

    Les numéros 11 à 17, côté impair, sont du même architecte, G. Leemans, et pourtant les maisons, de plus en plus hautes, sont très différentes. L’éclectisme est à la fête dans cette avenue : art nouveau, art déco, beaux-arts s’y mélangent, entre autres. La signature de l’architecte au bas d’une façade signifie aussi qu’il est fier du résultat.

     

    Au n° 13, un grand sgraffite orné a disparu, comme au n° 11 ou au n° 14 – la guide nous montre le dessin initial des façades, ce qui permet de juger des modifications apportées en un siècle (on peut consulter l’Album de la Maison Moderne à la Maison des Arts de Schaerbeek.) Mais un sgraffite à petites fleurs blanches typiques de Privat-Livemont est encore visible au-dessus et en dessous du bow-window. Graphiste et décorateur, celui-ci enseignait à l’Ecole industrielle de la Ruche, toute proche. Les entrepreneurs avaient ici les « bonnes personnes » sous la main. Un temps oublié, l’art du sgraffite, heureusement, est aujourd’hui retrouvé.  

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    Au 17, la ferronnerie de la porte monumentale est sans doute l’œuvre du fondeur pour lequel la maison a été construite. Le plan intérieur montre la disposition typique de l’époque : loggia vers la rue, puis salon et fumoir ; à l’arrière, salle à manger et véranda. En face, plusieurs maisons de François Hemelsoet : au 24, une ferronnerie art nouveau spectaculaire a été refaite à l’identique, de même que les pilastres du balconnet qui la supporte. Au 26, les portes ont été changées pour aménager un garage, la loggia à vitraux a disparu.

     

    Du côté impair, la guide attire notre attention sur la « maison aux iris », sur d’autres récemment restaurées, sur un joli porche dont les marches dissimulent l’entrée des domestiques. Deux maisons de J. Teughels encore (ci-dessous) datent des années vingt : leurs lignes sont simplifiées, le décor stylisé, tout en gardant beaucoup d’élégance. Les quatre colonnes en granit rouge de la seconde font grand effet en contraste avec la pierre blanche de façade. 

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    Maisons J. Teughels  / Photo © Sylvie Wilhelm

    Henri Jacobs a aussi œuvré ici, notamment pour une demeure construite en deux temps, ce qu’il a subtilement masqué à l’aide d’une frise et d’autres détails qui achèvent d’imbriquer les deux parties successives. Son style s’y révèle : soubassement en pierre bleue, jeu des briques en façade, éléments art nouveau, pierre travaillée et enfin les grilles pour unifier (ci-dessous). Leur motif se prolonge devant la maison voisine, ce qui améliore encore l’impression d’ensemble.

     

    1909 a été une année faste pour Jacobs : il a gagné quatre des prix décernés par la commune de Schaerbeek. Sa maison personnelle est sur l’avenue Foch, mais il a dessiné aussi la « maison Fontaine » au 46, où nous retrouvons les pâquerettes de Privat-Livemont autour d’un visage de femme. En haut de la maison qui lui fait face, de beaux sgraffites restaurés illustrent les quatre saisons – et les quatre âges de la femme, suggère une participante. 

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    La maison construite "en deux temps" de Henri Jacobs

    C’est à Joseph Diongre, connu pour son œuvre art déco (paquebot Flagey, maison communale de Woluwe-St-Lambert) qu’on doit deux maisons pittoresques dans un style plutôt « balnéaire », aux 51 et 53. De fausses jumelles, très bien préservées, l’une plus étroite que l’autre – on peut s’amuser au jeu des différences.

     

    En arrivant au boulevard Lambermont, nous remarquons des châssis en aluminium qui ne seraient plus autorisés aujourd’hui. C’est la commune qui a créé le boulevard, en échange l’Etat a offert les deux ponts monumentaux et leurs escaliers en pierre bleue, chaussée de Haecht et chaussée d’Helmet. L’âne rouge, dans le second tronçon de l’avenue vers le square Riga, attire le regard vers deux jolies maisons aux façades renflées, décorées l’une de pommes, l’autre de raisins. Un peu plus loin, Thomas Owen a vécu au n° 74.  

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    La maison "Chu-Chin-Chow"

    A côté d’un bel immeuble à appartements, une maison néo-Renaissance est ornée de chauves-souris, anges, raisins, tête de bouc en macaron, une ambiance de bacchanale. A nouveau les signatures de Teughels, Lauwers, Diongre au bas de belles façades où règne un éclectisme « de bon goût ». Pour finir, l’étonnante maison « Chu-Chin-Chow » au n° 99 : conçue en hommage à une comédie musicale à succès adaptée au cinéma, elle date de 1934. Rénovée avec respect, elle a gardé le dessin particulier du bois qui garnit ses fenêtres et sa corniche, ainsi que le joint creux en façade. L’entrée est très originale.

     

    Si vous voulez découvrir vous-même l’avenue Eugène Demolder, sachez qu’une autre promenade guidée est prévue le dimanche 30 août, même heure, même endroit (Mise à jour 24/7/2015 : le groupe est complet.)* Un grand merci à Sylvie Wilhelm, photographe, rencontrée lors de ce parcours, pour le partage de ses photos (1 à 5).

     

    ***

     

    * Pour information, il ne reste que trois dates ouvertes pour les Estivales 2015 :

    30/7 12h30 Eglise Saint-Servais

    06/8 12h30 Eglise Saints-Jean-et-Nicolas

    06/9 17h A vélo - Schaerbeek se la joue "cottage".

  • Monique / Misha

    Née en 1937, la petite Monique De Wael de la rue Floris à Schaerbeek est recueillie par ses grands-parents à Anderlecht quand ses parents sont arrêtés en 1941. Elle n’a que quatre ans, mais doit alors porter le fardeau d’une réputation honteuse : « la fille du traître », d’un résistant devenu collaborateur de la Gestapo. 

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    Rue Floris

    Serge Aroles, un chirurgien et chercheur qui écrit sur les enfants-loups, dénonce en 2008 l’imposture d’un récit autobiographique à succès paru aux Etats-Unis en 1997, Survivre avec les loups (Misha : A Mémoire of the Holocaust Years). Malgré les insultes à son égard, il persiste dans ses accusations. Il faudra des problèmes juridiques entre l’auteure Misha Defonseca, son nègre et l’éditrice, pour que celle-ci enquête sérieusement sur la vraisemblance d’une histoire traduite dans le monde entier et adaptée au cinéma avec succès, celle d’une petite fille juive partie à la recherche de ses parents à travers toute l’Europe en 1941.

     

    La vérité éclate : Misha Defonseca s’appelle en réalité Monique De Wael, elle n’est pas juive, elle n’a pas fait ce grand voyage. Comme aurait dit Aroles, « les loups ont tué des fillettes juives, les loups ne les ont jamais aidées. » Mariée aux Etats-Unis, la fille de Robert De Wael vivait dans un déni total. Mais les preuves contre elle ont fini par lui faire avouer son imposture.