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patrimoine - Page 9

  • Aux étangs d'Ixelles

    La visite guidée d’« Ixelles, berceau de l’Art nouveau et de l’Art Déco », un parcours organisé par la commune autour des étangs d’Ixelles, le dernier jour de mai, a vite affiché complet : trop tard pour s’inscrire à celle de 16h30, va pour 18h30. Cécile Dubois, qui connaît bien son sujet, nous a emmenés à la découverte d’un des plus beaux quartiers de Bruxelles.

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    Il a été aménagé à la fin du XIXe siècle, quand le Maelbeek, ruisseau qui prend sa source à l’abbaye de la Cambre et se jette dans la Senne à Schaerbeek, a lui aussi été comblé. Il ne reste que quelques-uns de ses étangs d’origine, dont ceux d’Ixelles. Rendez-vous était donné avenue du général de Gaulle pour découvrir comment l’Art nouveau, avec ses formes organiques, puis l’Art Déco, plus stylisé, ont inspiré les architectes au début du XXe siècle. De 677 habitants en 1818, Ixelles passe à cinquante mille en 1900, de quoi donner du travail à beaucoup de monde.

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    Avenue Général de Gaulle, 38 et 39 (photo 2010) © SPRB-DMS (1904, Ernest Blerot) / Ixelles

    Aux numéros 38 et 39 de l’avenue subsistent deux maisons conçues par Ernest Blerot. De la deuxième génération Art nouveau, il cherchait à démocratiser ce style, alors que la première, au service de la bourgeoisie industrielle et socialiste, souvent des libres penseurs, voulait avant tout se démarquer. Blerot a rendu l’Art nouveau plus populaire, intégrant des notes anciennes comme le pignon néo-gothique du 38, et aussi quelque chose de très neuf à l’époque : des garages. Il pressent le succès de l’automobile, pas l’évolution de son gabarit – dans un de ces garages, on a installé une salle de bain pour une chambre d’hôte.

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    Détail du 39

    Soubassement en pierre bleue, contrastes de tons sur la façade se voient voler la vedette par des fers forgés remarquables, aux motifs de clématite utilisés aussi en mosaïque à l’intérieur (à retrouver dans le catalogue de Flora’s Feast). Cette liane fleurie ornait à l’origine quatre maisons mitoyennes. Deux ont été démolies pour faire place à La Cascade, immeuble moderniste dû à René Ajoux que certains surnomment « la salle de bain d’Ixelles » à cause de ses carreaux de façade d’inspiration hygiéniste.

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    La Cascade (1939, René Ajoux) / Ixelles

    Nous nous tournons vers les étangs où on a rénové la rocaille et son petit temple inachevé, contraste de couleur, de forme, du lisse opposé au rugueux. Puis nous faisons quelques pas vers la place Flagey (un bassin d’orage y a été aménagé pour pallier les inondations de caves et du parking souterrain), pour admirer son fameux « paquebot » où se sont déroulées les sélections et les demi-finales du Concours Reine Elisabeth de violoncelle 2017 (la finale, à Bozar).

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    Vue sur le Flagey (ancien INR, 1930, J. Diongre) / Ixelles

    Construit en 1930 pour l’Institut National de Radiodiffusion, emblématique avec sa tourelle d’angle, le Flagey est moderniste à l’extérieur – fenêtres en bandeau et horizontales de briques jaunes (comme à la Villa Cavrois de Mallet-Stevens) – et Art Déco à l’intérieur. Ce chef-d’œuvre dû à Joseph Diongre a été sauvé de la démolition et restauré grâce à un partenariat entre le public et le privé.

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    Résidence du Lac (1957, J. Cuisinier, détail) / Ixelles

    Non loin d’un immeuble d’angle brun qui mêle également ces deux styles (Saintenoy fils, 1938), au square de Biarritz, un immeuble en retrait, la Résidence du Lac (1957) présente une courbe concave comme le Brusilia à Schaerbeek, il est du même architecte, Jacques Cuisinier.  

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    Rue du Lac, 6 à Ixelles (1902, E. Delune), photo Wikimédia Commons 2006 / actuellement en travaux / Ixelles

    Rue du Lac, une façade originale due à Ernest Delune est en pleine restauration, elle était très dégradée. Commandée par un entrepreneur pour l’arrière d’une maison éclectique située au 5, rue de la Vallée (1893), à l’emplacement d’une petite cour triangulaire, elle utilise l’arc outrepassé (arc en plein cintre qui se poursuit au-delà du demi-cercle) pour la verrière (derrière laquelle une cage d'escalier donne accès à un atelier d’artiste) et pour l’entrée avec sa fenêtre placée de manière originale dans le même arc que la porte. Les vitraux aux pensées (voir Flora’s Feast) sont en verre américain chenillé, qui fait bel effet aussi bien dehors que dedans.

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    Immeuble à appartements au carrefour formé par la rue de la Vallée et la rue Vilain XIIII / Ixelles

    Il serait fastidieux de vous raconter toute la promenade, qui a duré plus de deux heures : maisons, immeubles, époques, le quartier présente une diversité de styles très intéressante, comme souvent à Bruxelles, qui cultive l’éclectisme. Ici, on remarque comment on a transformé un hôtel particulier en immeuble de rapport (la guide nous montre des photos anciennes, des plans), là on admire deux maisons (fausses jumelles) de Blerot où des sgraffites remplacent les impostes (rue Vilain XIIII).

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    Rue Vilain XIIII, 9 et 11, deux maisons de Blerot (1902)

    Près d’un monument, Cécile Dubois présente la résidence Belle Vue aux grands appartements bourgeois et celle du Tonneau (bien nommée), deux réalisations de l’architecte et self-made-man Collin bien connu des Bruxellois à cause de l’affaire Etrimo, une faillite qui ne doit pas faire oublier son objectif : permettre à chaque Belge de devenir propriétaire.

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    Le Tonneau, 1938-40 (Stanislas Jasinski et Jean-Florian Collin)

    Avenue Emile Duray, après une maison de Blomme aux jolis motifs de briques, nous arrivons au square du Val de la Cambre, un ensemble qu’il a dessiné pour la société Cogeni dans un style tourné vers le passé, inspiré par larchitecture médiévale et baroque (Stanislas-André Steeman y a habité dans la deuxième cour, au-delà du porche à clocheton, au 21).

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    Square du Val de la Cambre (1928-1932, A. Blomme) / Ixelles

    Tant de belles constructions méritent de s’y attarder, des immeubles d’un tel luxe pour l’époque qu’on les appelle « Palais », comme le Palais de la Cambre qui devait border tout un îlot (avenue Emile Duray), finalement limité à cinq immeubles avec des connexions en sous-sol.

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    Palais de la Cambre (détail), 1925 à 1930 (Camille Damman) / Ixelles

    Le rond-point de l’Etoile a disparu au boulevard général Jacques, devenu carrefour sur une quasi autoroute urbaine. Les immeubles construits avant la guerre se tournent vers le rond-point, après la guerre on les oriente différemment pour détourner les terrasses du trafic. Le plus prestigieux est le Palais de la Folle chanson (nommé d’après une statue de Jef Lambeaux) dû à Antoine Courtens, une copropriété qui se voulait bien située à proximité du Bois de la Cambre.  

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    Palais de la folle chanson et son hall d'entrée (1928, Antoine Courtens), / Ixelles

    Après avoir levé les yeux vers le campanile étoilé de sa spectaculaire rotonde d’angle, un espace de réception, c’est sur le marbre devant sa belle entrée ronde (comme l’entrée Ravenstein du Palais des Beaux-Arts de Horta) que s’est achevé ce parcours passionnant qui donne envie de se promener plus souvent aux alentours des étangs d’Ixelles... et de rouvrir les deux beaux livres de Cécile Dubois sur Bruxelles.

  • Avec jardin

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    Avenue de l’Opale, une maison Art Déco est à vendre, avec jardin : en prime, une jolie fontaine en vitrail d’imposte et d’autres vitraux à l’intérieur.

    L’architecte est le fils d’Henri Jacobs qui a conçu des écoles Art nouveau à Schaerbeek.

     

     

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    Bientôt une pause-vacances pour moi ;
    pour vous, quelques extraits choisis.
    Bonne lecture.

    Tania

  • Maison Art Déco

    Pour la dernière des Estivales auxquelles je me suis inscrite cet été, Cécile Dubois nous a fait visiter une « maison Art Déco à tendance moderniste » au 59, boulevard Reyers, juste en face de la RTBF, un boulevard qui a beaucoup gagné avec la démolition du viaduc cette année, encore en travaux. Un atelier d’architecture occupe cette maison de 1932, signée Paul Aernaut.

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    Je reprends à l’Inventaire du Patrimoine architectural cette définition : « Le modernisme (à partir des années 1920) est un courant international prônant la suprématie de la fonction sur la forme. Il se caractérise par l’emploi de volumes géométriques élémentaires, de la toiture plate, des fenêtres en bandeau et des matériaux modernes comme le béton armé. »

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    C’est à la fin du XIXe siècle qu’on a décidé le tracé des grands boulevards bruxellois, celui-ci s’est appelé d’abord « Boulevard militaire » avant de prendre le nom d’Auguste Reyers, bourgmestre de Schaerbeek de 1909 à 1921. Le Tir National, juste en face, disposait de terrains vallonnés pour l’entraînement. Après sa destruction, ce sont les radios-télévisions belges qui s’installent là dans les années 60-80 ; aujourd’hui cachées par des immeubles de bureaux, elles vont faire place au futur Mediapark. 

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    L’architecte Paul Aernaut a construit cette maison pour deux Verviétois, des fabricants de matériel électrique qui par la suite vendront aussi des radios. Puis un salon de coiffure s’y est installé, fréquenté par des gens de la RTBF. L’urbanisme a refusé l’ajout d’un étage supplémentaire, puis la conversion de la maison en bureaux. Enfin, le propriétaire actuel l’a restaurée. Au-dessus de l’atelier d’architecture se trouvent une salle à manger et un salon que nous pourrons visiter, mais pas le dernier niveau tout à fait privé.

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    Les pièces en enfilade sont éclairées par de grandes baies vitrées permises par une structure en béton et dotées par-dessus d’un vitrage aux motifs géométriques que nous retrouverons partout dans la maison, en particulier dans les portes. Les suspensions contemporaines des bureaux s’y intègrent bien. Les cheminées d’angle en marbre ont été maintenues.

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    Nous suivons notre guide au jardin, où une surprise nous attend : une œuvre de Willy Anthoons, élève d’Oscar Jespers, passé du figuratif à l’abstrait (œuvres au Middelheim et au Kroller-Muller). Ici, derrière un petit bassin circulaire, sous une pergola en béton, trois bas-reliefs (1933) illustrent le thème du sport, en vogue à cette époque favorable à l’hygiénisme.

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    En rentrant dans la maison, dotée d’un toit terrasse, nous traversons la cuisine au sol noir et blanc (comme à la Villa Cavrois) pour aller admirer le hall et la cage d’escalier. La rampe a été poncée, elle était du même bois noirci que le reste. L’enduit au mur est nouveau, à l’origine il était à la feuille d’or. Les marbres du hall et du vestibule sont conservés. 

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    A l’étage, nous retrouvons les mêmes baies vitrées, avec une jolie vue arborée côté boulevard, et en plus, au salon, une alcôve dotée du même éclairage par le haut. Idem, plus étonnant encore, pour l’alcôve de la belle salle de bain en marbre strié de noir où est placée la baignoire, avec de part et d’autre de petites portes au vitrage identique. Les grilles de rue originales mériteraient une restauration.

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    Un peu plus loin sur le boulevard Reyers, la guide nous arrête devant une maison de la même époque, transformée en appartements, dont les châssis originaux ont été remplacés – et cela modifie beaucoup son allure. Paul Aernaut ayant aussi construit une maison pour le père de Jacques Brel, Cécile Dubois nous montre, en plus de photos anciennes et d’une monographie sur Anthoons, une biographie du chanteur avec des photos de ses multiples domiciles à Bruxelles.

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    Nous verrons sa maison natale au cours de la promenade dans les rues « des pierres précieuses » (saphir, émeraude, diamant…) mais nous commençons par l’avenue Emile Max, une avenue aérée aux larges trottoirs, pour admirer une belle maison d’inspirations Beaux-Arts et Art Déco occupée à présent par l’Ecole anglaise, au 163 (ci-dessus) : Jules Libois y a apposé une signature très explicite sur sa profession et son origine.  

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    Bâtie pour un haut fonctionnaire, cette maison de 1930 possède dans sa large façade (14m90) une deuxième porte pour l’entrée de service, à côté de la porte de garage. Un seul étage pour cette demeure dotée d’une véranda à l’arrière, d’un grand palier servant de salle de billard et de vastes réceptions. Le terrain continuant à l’arrière jusqu’à l’avenue de l’Opale, son propriétaire y fera construire deux maisons pour ses enfants. L’éclectisme du 163 contraste avec la maison moderniste juste à côté (1928), d’un style plus radical, en blanc et noir (ci-dessous).

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    Que de choses à regarder ! La hauteur de porte, au numéro suivant, semble conçue pour un géant. Et voici un endroit particulier : Albert Delcorde a construit ici une école catholique avec un local pour les scouts à l’arrière – l’unité scoute de Jacques Brel dans son quartier natal – et l’entrée du plus vieux cabaret bruxellois, L’os à moelle.

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    De l’autre côté de la rue, Cécile Dubois commente à la demande d’une participante une belle façade de style Beaux-Arts, au 142 (ci-dessous, à gauche), aux matériaux coûteux, en plus des sculptures ornementales, un style qui « a chevauché » la première guerre mondiale, contrairement à l’Art nouveau qui a laissé la place à l’Art Déco. Celui-ci caractérise les deux immeubles à appartement aux numéros 141 et 143, « identiques en miroir » (1933). 

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    Le site du comité Opale-Opaal, tenu par des Opaliens attachés à leur quartier, propose un index des maisons intéressantes rue par rue, dont la rue d’Opale, forcément, et aussi l’avenue du Diamant où je choisis, pour terminer ce billet, de vous montrer la maison natale de Jacques Brel, aujourd’hui celle d’un notaire, au 138.

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    L’architecte René Doom,  déjà primé au concours de façades de Schaerbeek de 1913 pour les numéros 130 et 132, a remporté la médaille d’or au concours de 1914 pour sa propre maison, au 143, de style éclectique, avec le même motif de vigne qu’il a souvent choisi pour l’ornementation.

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    (Ne manquez pas de cliquer sur les liens vers l’IPA dont les notices comportent souvent plusieurs photos.)

     

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  • Le grand escalier

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    « D’un dessin épuré, le grand escalier construit dans le belvédère est d’une simplicité remarquable. Traité en marbre noir et blanc et doté d’une rampe linéaire en marbre noir, il relève de l’esthétique dépouillée qu’affectionnait Mallet-Stevens. »

    La Villa Cavrois, Editions du Patrimoine, Centre des Monuments nationaux, Paris, 2015.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • A la Villa Cavrois

    Premier août : nous découvrons enfin le chef-d’œuvre de l’architecte Mallet-Stevens, la Villa Cavrois, à présent « monument historique » français, qu’on peut visiter depuis la fin de sa formidable restauration en juin 2015 (on peut en mesurer l’ampleur sur le blog des Amis de la Villa Cavrois). Après plusieurs passages à la Villa Noailles (Hyères), nous étions curieux de la comparer avec cette architecture moderniste située à Croix (Nord) près de Roubaix. Villa-château du XXe siècle, celle-ci fut construite de 1929 à 1932 pour Paul et Lucie Cavrois, et inaugurée au mariage de leur fille Geneviève.

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    Dans un quartier résidentiel, encore campagnard à cette époque, la Villa Cavrois tranche avec les belles maisons des environs, de style néo-régionaliste. Son propriétaire, issu d’une famille enrichie dans l’industrie textile, voulait pour sa famille nombreuse (trois enfants du premier mariage de Lucie Vanoutryve avec Jean, le frère de Paul décédé en 1915, et quatre enfants de Lucie et Paul Cavrois) une vaste maison conçue pour un mode de vie moderne : air, santé, confort, lumière.

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    La maison du gardien (accueil), à l’angle du domaine, illustre d’emblée le choix de l’horizontalité : le joint horizontal noir en creux souligne les briques de parement jaunes spécialement conçues pour la villa (le joint vertical, discret, reste dans le ton). J’ignorais que Mallet-Stevens, neveu d’Adolphe Stoclet, avait visité plusieurs fois le palais Stoclet en cours de construction sur l’avenue de Tervueren à Bruxelles. Inspiré par l’œuvre d’art totale de l’architecte autrichien Josef Hoffman, il a opté ici pour un revêtement de façade résolument moderne, une brique jaune comme à l’Hôtel de Ville d’Hilversum (Dudok).

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    On découvre donc la façade nord de côté, en empruntant l’allée circulaire destinée aux automobiles qui déposaient les visiteurs devant l’entrée couverte, puis un deuxième cercle entoure une pelouse en creux, surmontée d’une belle dédicace de l’architecte. Même rondeur pour la constellation de verre dans l’auvent central et pour ses colonnes d’appui.

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    En contournant la Villa par l’est (ci-dessus), voici la piscine rectangulaire en parallèle avec la bâtisse, parfaitement intégrée (profondeur non restituée). La plus belle façade est au sud, côté jardin : des horizontales soulignées par les garde-corps blancs des terrasses et des balcons, et la tour d’escalier menant au belvédère, verticale en partie arrondie qui assure l’équilibre et la beauté géométrique de l’ensemble. Plus on s’en éloigne, par les allées du jardin, plus son dessin se laisse admirer.

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    Nous descendons quelques marches pour longer le bassin central au bout duquel s’offre la plus belle vue sur la villa, reflétée dans le miroir d’eau. Si on recule encore en empruntant l’allée derrière les rosiers, jusqu’au pied du grand hêtre pourpre qui clôt ce triangle de verdure, on trouve là deux bancs sur lesquels je vous invite à vous asseoir : la villa y apparaît juste entre les feuillages. Toutes les allées présentent des angles de vue intéressants.

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    Et maintenant, entrons. La porte donne sur un vestibule en marbre blanc très graphique – bandes blanches et noires pour les appliques et les « boîtes à lumière » à l’entrée du hall-salon (à comparer avec les décors de Mallet-Stevens pour Le Vertige, film de Marcel L’Herbier, en 1926), bandes chromées des cache-radiateurs, miroirs qui épousent les angles droits. Nous verrons beaucoup de miroirs dans la Villa Cavrois, jouant avec les volumes et surtout avec la lumière, et bien sûr de grandes baies vitrées, rendues possibles par le chauffage central.

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    Dans l’immense salon (92 m2, 6m75 sous plafond), une grande verrière donne sur le jardin juste dans l’axe du miroir d’eau. Le vert clair des murs est réchauffé par les bruns du parquet, des meubles en noyer et par le marbre jaune de Sienne autour de l’alcôve où l’on descend par quelques marches, sous un mur semi-cylindrique, pour s’asseoir près du feu ouvert. On retrouvera ces tons chauds dans le fumoir près du bureau de Paul Cavrois.

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    Des portes coulissantes ouvrent sur la salle à manger des parents, luxueuse, en marbre vert de Suède. Celle des enfants, juste à côté, est plus gaie. Des lattes horizontales en bois (zingana) strient les murs et encadrent un bas-relief sur le thème des loisirs : dominos, quilles, tourne-disques, mécano, raquettes…, je vous laisse découvrir sur la photo cette œuvre de Jan et Joël Martel refaite à l’identique. Puis vient le domaine des domestiques, au sol en damier noir et blanc (comme dans la plupart des sanitaires). La cuisine et ses annexes sont équipées d’un mobilier blanc fonctionnel en acier émaillé, les murs recouverts de faïence blanche jusqu’au plafond. Tout est pratique et lumineux.

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    A la Villa Cavrois, les matériaux et la décoration même minimaliste sont raffinés : couleurs et marbres différents pour chaque pièce, parquet, bois précieux. Mallet-Stevens a dessiné le mobilier dans le même esprit géométrique que la demeure. Il a fait installer partout un éclairage indirect, des haut-parleurs derrière des découpes rondes dans les murs, des horloges intégrées qui donnent l’heure dans toute la maison, comme à Hyères. Le plan reçu à l’entrée permet de se situer – aile des parents, aile des enfants, pièces du personnel. On peut aussi se munir d’une tablette avec application 3D et d’écouteurs pour obtenir des explications ou visualiser des photos anciennes.

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    Nous retraversons le vaste couloir pour découvrir dans une des chambres « de jeune homme », de l’autre côté du rez-de-chaussée, un jeu de couleurs et de lignes géométriques tout à fait dans l’esprit « De Stijl », alors qu’à l’étage, nous découvrirons de douces harmonies dans la chambre des parents. Leur salle de bains attenante est somptueuse. Mais je vous laisse la surprise des étages, des terrasses, je ne vais pas tout vous dévoiler, sauf ce coup de cœur  (ci-dessous) : le boudoir bleu de Lucie Cavrois, avec ses meubles blonds en sycomore, sa moquette d’un bleu plus soutenu et ses fauteuils de velours vert.

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    Malgré l’heure tardive, après la visite, nous avons pu déjeuner non loin de là, au Bô Jardin dans le parc de Barbieux, aussi j’offre un peu de publicité au restaurateur : la vue sur le parc fleuri y est fort agréable, le menu aussi. Un beau cadre pour se promener avant de reprendre la route.