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Exposition - Page 16

  • Lumières d'Anna Boch

    Le catalogue de l’exposition consacrée à Anna Boch au Musée Royal de Mariemont en 2000 offre une présentation très complète de cette artiste belge, je l’ai rouvert pour vous.

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    En couverture du catalogue : Anna Boch, La cueillette (détail),
    vers 1910, Collection privée

    Anna Boch (1848-1936) a fait ses débuts de peintre auprès d’Isidore Verheyden, son maître et son ami, puis s’est associée aux XX, adoptant le pointillisme sous l’influence de Théo Van Rysselberghe, avant de poursuivre sa propre voie  qui la rapprochera des « luministes » autour d’Emile Claus. Elle a peint surtout des paysages, des jardins, des fleurs. Comme son frère Eugène Boch, peintre et ami de Van Gogh, elle a aussi été une mécène active et appréciée.

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    Damseaux, Emile de, « [Le château La Closière à La Louvière] », S.l., s.n., [ca 1868-1871], PHENIX (UMONS),
    consulté le 15/4/2020, http://biblio.umons.ac.be/public/bv/?p=3004

    Née dans une famille de la haute bourgeoisie, celle de la faïencerie Boch Frères-Keramis à La Louvière, Anna Boch a mené sa vie d’artiste tout en jouissant d’une grande aisance matérielle. Elle a vécu à La Closière, château extravagant que son père a fait construire par Poelaert (l’architecte du Palais de Justice de Bruxelles), où son cousin Octave Maus venait souvent en visite. Puis Anna Boch fait édifier son hôtel particulier à Bruxelles (rue de l’Abbaye à Ixelles). Elle avait une propriété à la Côte belge, s’est acheté une voiture (Minerva, 1907) pour voyager en Grèce, en Italie, dans le sud de la France et en Bretagne.

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    Anna Boch, Femme dans un paysage, 1890-1892,
    huile sur toile, 101 x 76 cm, Amsterdam, Stedelijk Museum

    On aime les belles choses dans ce milieu où les filles reçoivent par tradition une formation musicale et picturale. Lors des voyages en famille, son frère et elle emportent de quoi faire des croquis et des aquarelles. Ses plus anciennes œuvres datent de 1864, quand elle a seize ans. Son premier professeur à Bruxelles la déçoit, mais elle est ensuite l’élève d’Euphrosine Beernaert avec qui elle parcourt la Zélande et dont elle gardera une œuvre toute sa vie.

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    Anna Boch, Portrait d'Isidore Verheyden dans son atelier, 1883-1884,
    huile sur toile, 70 x 60 cm, collection privée

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    Isidore Verheyden, Portrait de mademoiselle Anna Boch, 1884,
    huile sur toile, 95 x 71 cm, Bruxelles, MRBAB

    Isidore Verheyden (1846-1905) l’aide à « saisir la nature en mouvement ou au repos » (Paul Colin). La palette d’Anna Boch s’éclaircit, ils travaillent ensemble en atelier et en plein air pendant une dizaine d’années (1876-1886). Ses premières œuvres exposées ont du succès ; en 1885, la même année qu’Ensor, elle est élue comme « vingtiste » à l’âge de 37 ans. Verheyden étant marié et père, Anna Boch « opta pour la solitude » (Cécile Dulière). Le jeune peintre néo-impressionniste Théo Van Rysselberghe, devenu son mentor, fait d’elle en 1892 un magnifique portrait.

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    Théo Van Rysselberghe, Anna Boch dans son atelier, 1889-1893,
    huile sur toile, 95 x 68 cm, Springfield, USA, Fine Arts Museum

    Anna fait de beaux achats aux expositions des XX : La musique russe d’Ensor, où c’est peut-être elle au piano, avec le jeune Willy Finch qui l’écoute ; Le Pouldu de Gauguin ; La Vigne rouge de Van Gogh, une des rares toiles vendues de son vivant. Attirée par la démarche néo-impressionniste, elle acquiert en 1892 La Seine à la Grande Jatte de Seurat, en 1907 La Calanque de Signac (en revendant ses deux toiles de Van Gogh).

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    Anna Boch, La desserte (détail), 1889
    huile sur toile, 90 x 140 cm, collection privée

    Mais l’artiste n’aime pas le côté systématique du pointillisme et revient à sa peinture « plus sensuelle et plus spontanée, friande du « morceau » enlevé avec brio et de la symphonie chaude et vibrante » (Paul Colin). Elle peint des paysages lors de ses voyages, des toiles « d’un chromatisme puissant et harmonieux » (Thérèse Thomas). En 1904, elle rejoint le cercle « Vie et lumière » d’Emile Claus et Georges Buysse.

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    Anna Boch, Falaise à Sanary, s. d., 
    huile sur toile, 81 x 61 cm, Gand, Musée des Beaux-Arts

    En plus de ses participations régulières à La Libre Esthétique, Anna Boch organise deux premières expositions personnelles : au Cercle Artistique et Littéraire de Bruxelles en 1907, à la galerie Druet à Paris en 1908. Vues du Midi, coins de Belgique et de Hollande, jardins fleuris, champs de pavots, fermes, plages, voiliers au port… Un « plein succès ». J’aimerais vous montrer son Bouquet au Bénédicité (légué au musée des Beaux-Arts de Tournai), mais il est invisible sur la Toile. Ses œuvres ont toujours été très favorablement accueillies par le public.

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    Anna Boch, Femme lisant dans un massif de rhododendrons, s.d., collection privée

    Avant la première guerre mondiale, elle acquiert en 1911 une propriété à Ohain, dans le Brabant wallon, une retraite campagnarde avec un beau jardin et une grande pergola qui l’inspireront. Elle y peint sa filleule Ida-Anna, fille du fidèle couple de domestiques de sa grande maison d’Ixelles. Jusqu’à la fin de sa vie, elle continue à exposer, propose des paysages, des bouquets, des natures mortes, quelques personnages et portraits.

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    Anna Boch, Fillette au jardin. La Pergola, vers 1912, huile sur toile, 58,5 x 78,5 cm, Mettlach, Keramik Museum

    Il y aurait beaucoup à raconter sur les liens privilégiés d’Anna Boch avec l’art nouveau (elle fait appel à des artistes de renom pour ses demeures, comme Horta), avec la musique (à ses « lundis musicaux » bruxellois participent Eugène et Théo Isaÿe, Gabriel Fauré, Vincent d’Indy ou encore la cantatrice Marie-Anne Weber), avec la céramique (elle en a peint elle-même, a introduit Finch dans la manufacture familiale et, plus tard, fait engager Charles Catteau chez Boch Frères Keramis).

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    Juliette Samuel-Blum, Buste de Anna Boch, Bruxelles, MRBAB

    Son testament de 1935, repris à la fin de ce catalogue très riche, témoigne de ses affections, de sa générosité envers toutes sortes d’associations pour les artistes et les musiciens nécessiteux, les élèves pauvres, les hôpitaux, et de ses legs importants aux musées belges, notamment un Seurat, un Signac, un Gauguin et deux bustes aux MRBAB, de son orgue à l’église d’Ecaussines. Anna Boch, « la grande dame des XX », est inhumée au cimetière d’Ixelles.

  • Spilliaert aux MRBAB

    « L’inclassable et mystérieux Spilliaert » titrait La Libre le 13 mars dernier pour présenter l’exposition de la Royal Academy à Londres, prévue ensuite au Musée d’Orsay à partir du 15 juin prochain. Puisque le chemin des expositions nous est actuellement défendu, voici le premier catalogue que je rouvre ici pour vous, celui de la rétrospective « Léon Spilliaert, Un esprit libre » aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB) à Bruxelles, en 2006-2007.

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    En couverture du catalogue de 2006 (nl) : Spilliaert, Baigneuse, 1910, Bruxelles, MRBAB
    (Encre de Chine, pinceau, pastel sur papier, 649 x 504 mm)

    En 1925, Spilliaert (1881-1946) répond à un questionnaire : « Mon activité favorite : la promenade. Mon idée du bonheur : vivre dans les dunes. L’endroit où je voudrais habiter : les dunes entre Nieuport et La Panne. » Il nous a laissé une œuvre picturale d’une « grande diversité de style, de contenu et d’esprit » et de nombreux dessins d’illustration « en étroite relation avec la littérature », souligne Anne Adriaens-Pannier, la spécialiste du peintre d’Ostende et de la côte (pour toutes les citations).

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    Léon Spilliaert, Boîtes devant une glace, 1904
    (Pastel, fusain sur papier, 585 x 401 mm), MRBA, Bruxelles

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    Léon Spilliaert, Autoportrait à la lune, 1908, MRBAB, Bruxelles
    (Encre de Chine, lavis, pinceau, plume, crayon de couleur sur papier, 488 x 630 mm)

    « Spilliaert demeure libre de toute éducation théorique ou historique, et se construit en autodidacte un vocabulaire d’images tout à fait personnel, rebelle à tous les exemples d’un académisme traditionnel. » Sa période considérée comme la plus créative va de 1899 à 1912, mais jusqu’en 1946, il a peint « avec une inlassable ardeur », tout en se tenant au courant des courants littéraires, artistiques et philosophiques. Il se rendait régulièrement à Bruxelles et à Paris.

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    Léon Spilliaert, Deux novembre. Feuilles blanches, 1908
    (Lavis d'encre de Chine, pinceau, crayon de couleur sur papier, 499 x 650 mm), Gand, MSK.
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    Léon Spilliaert, La princesse Maleine, 1910 (Collection particulière)
    (Encre de Chine, lavis, pinceau, craie blanche sur papier, 63 x 48 cm)

    Il commence à créer quand le symbolisme domine encore, avec « l’arsenal du dessinateur » : encre de Chine, pinceau ou plume, crayon de couleur, aquarelle. Déjà la manière dont il illustre deux recueils poétiques de Verhaeren, puis les trois volumes du Théâtre de Maeterlinck, témoigne de son originalité. De 1904 à 1909, il explore son environnement quotidien et se confronte à sa propre image, dans une série d’autoportraits.

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    Léon Spilliaert, La verrière; 1909, Collection particulière
    (Encre de Chine, lavis, pinceau, crayon de couleur sur papier, 645 x 505 mm) spilliaert,exposition,catalogue,2006,bruxelles,mrbab,art,peinture,culture
    Léon Spilliaert, Printemps, 1911, MRBAB, Bruxelles
    (Encre de Chine, gouache, pastel sur carton,701 x 891 mm)

    Puis il se détourne de l’introspection pour décrire la société qui l’entoure : femmes de pêcheurs, vues d’Ostende, de la digue, baigneuses, dirigeable... « Il est toujours à la recherche de l’universel qui se cache derrière l’accidentel ». Ses compositions évoluent vers « une abstraction simplifiée », un renouveau formel non reconnu par ses contemporains.

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    Léon Spilliaert, Le nuage, 1902, Collection particulière
    (Crayon, encre de Chine, lavis, pinceau sur papier, 253 x 372 mm)

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    Léon Spilliaert, La buveuse d'absinthe, 1907, Fondation Roi Baudouin
    (Encre de Chine, pinceau, gouache, aquarelle, craie de couleur sur papier, 105 x 77 cm) 

    A partir de 1912, Spilliaert vit une succession d’expériences diverses : on le reconnaît dans le milieu artistique – il expose –, il se fait des amis, supporte difficilement la première guerre mondiale, se marie et s’installe près de Bruxelles, devient père. Moins angoissé, apaisé par le mariage et la vie du foyer, il réalise des lithographies et continue son travail d’illustrateur. Il peint un autre genre de femmes, d’élégantes citadines.

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    Léon Spilliaert, La dame dans le train, La veuve, 1908, MRBAB, Bruxelles
    (Encre de Chine, lavis, encre brune, pinceau, crayon de couleur sur papier, 518 x 415 mm)
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    Léon Spilliaert, Hindoustan, 1920, Collection particulière 
    (Crayon, aquarelle, encre de Chine, pinceau sur papier, 470 x 599 mm)

    En 1922, il retourne à Ostende. En plus du dessin et de l’aquarelle, il découvre la gouache et « explore la légèreté de fantaisies orientées vers la mer et vers les paysages imaginaires ». Créant des effets picturaux surprenants, il réalise aussi des portraits d’amis « qui trahissent une pénétrante connaissance de la psychologie du modèle ».

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    Léon Spilliaert, Paysage d'hiver au lierre, 1915, Musée des Beaux-Arts, Gand 
    (Crayon, aquarelle, gouache sur papier, 285 x 237 mm)spilliaert,exposition,catalogue,2006,bruxelles,mrbab,art,peinture,culture
    Léon Spilliaert, Arbre derrière un mur, 1936, Collection Johan A. H. van Rossum
    (Aquarelle, gouache, encre de Chine, plume sur papier, 350 x 520 mm)

    Après 1928, sa quête spirituelle personnelle prend le dessus, nourrie de son expérience de la musique et de la poésie. La dernière période de son œuvre, considérée comme moins puissante, fait écho à ses nombreuses promenades dans les bois, les parcs. La nature l’inspire, il peint beaucoup les arbres. Il me semble qu’on regarde ces paysages d’un œil neuf aujourd’hui, je leur trouve un grand charme dans leur stylisation, leur simplicité apparente.

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    Léon Spilliaert, Retour du bain, 1908, Collection particulière
    (Aquarelle, pastel, crayon de couleur, encre de Chine, pinceau sur papier, 520 x 420 mm)
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    Léon Spilliaert, Jeune homme à l'écharpe rouge, 1908, Collection particulière
    (Encre de Chine, lavis, pinceau, aquarelle, gouache, crayon de couleur, peinture argentée sur papier,
    502 x 652 mm)

    Pour ma part, si je suis fascinée par l’atmosphère puissante et souvent étrange des œuvres de Spilliaert, qui culmine dans des encres très sombres et spectaculaires, dans ses nocturnes, j’aime beaucoup la façon singulière dont il a peint dans ses marines les jeux du sable et de la mer, de l’eau et du ciel qui s’interpénètrent ou se confondent. (Taf Wallet , peut-être influencé par Spilliaert, a su montrer cela aussi, d’une autre manière.)

    spilliaert,exposition,catalogue,2006,bruxelles,mrbab,art,peinture,cultureLéon Spilliaert, Marine jaune et mauve, 1923, MRBAB, Bruxelles
    (Aquarelle, gouache, pastel sur papier, 523 x 601 mm)
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    Léon Spilliaert, Marine bleue et jaune, 1934, Collection Johan A. H. van Rossum
    (Aquarelle, gouache sur papier, 493 x 683 mm)

    J’espère qu’après Londres, on pourra faire plus ample connaissance avec ce peintre belge très original et si personnel à Paris, l’été prochain, comme prévu. Sinon, bienvenue dans nos musées quand ils rouvriront. On peut admirer un très bel ensemble de Spilliaert dans les collections permanentes des MRBAB à Bruxelles et, à Ostende, au Mu.Zee (où il partage un espace privilégié avec Ensor) et à la Spilliaert Huis.

  • Midi

    devenir matisse,exposition,musée matisse,le cateau cambrésis,peinture,sculpture,art,culture,apprentissage« Lorsque, le 12 juillet 1904, Henri Matisse arrive à Saint-Tropez, loue une maison que lui a trouvée Signac et qu’il occupera jusqu’au 15 septembre, Matisse est d’abord plus jeune que ces néo-impressionnistes ; de la même génération que Marquet et Manguin, il est né en 1869, alors que Signac est de 1863, et Cross de 1856. Il connaît à peine le midi, a passé cinq mois en Corse mais en 1898, a lu D’Eugène Delacroix au Néo-impressionnisme, et depuis quatre ans hésite sur la voie à suivre.

    Henri-Edmond Cross, Etude pour le Cap Layet, 1904,
    aquarelle sur papier (Collection particulière)

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    Il se sent un peu seul, car il trouve Signac dogmatique, mais se rapproche de Cross, dont il partage les mêmes inquiétudes. Ensemble ils vont peindre des aquarelles et c’est de Cross que Matisse apprend la méthode « pointilliste ». Résultats ? D’abord une grande amitié, qui ne se démentira jamais, même quand leurs voies vont diverger. »

    Henri Matisse, Collioure, rue du soleil, été 1905,
    huile sur toile (Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis)

    Jacques-Louis Binet : Cross et le néo-impressionnisme, de Seurat à Matisse (Canal Académie).

     

     

  • Devenir Matisse

    Devenir Matisse, la belle exposition du musée Matisse dans la ville natale du peintre, Le Cateau-Cambrésis, vient de fermer ses portes. La semaine dernière, ce parcours dans les années de formation du peintre m’a enchantée : j’y ai vu beaucoup d’œuvres que je ne connaissais pas, peintures et sculptures prêtées par d’autres musées et de collections particulières, en France et à l’étranger.

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    Deux autoportraits de Matisse (1900 / 1918)

    Le Journal de l’exposition est disponible sur le site du musée. Après le rappel des origines et de la révélation qu’a été la peinture pour l’étudiant en droit de vingt ans lors d’une convalescence, on y suit le séjour de Matisse à Paris où il fréquente des académies, des ateliers, des écoles. Ce sont les cours de Gustave Moreau, qui encourage ses élèves à copier les grands maîtres au Louvre, qui vont le faire progresser le plus. Vers 1894, il s’y lie d’amitié avec Evenepoel, dont La petite Matisse (1896), un portrait de sa fille, contraste avec celui que Matisse a fait de son fils Pierre (1909), à la modernité patente. Quelle évolution aussi de son Autoportrait de 1900 à celui de 1918 !

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    Evenepoel, La petite Matisse, 1896 (Musée Dhont-Daenens, Deurle)
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    Matisse, Portrait de Pierre, 1909

    De deux natures mortes aux livres peintes en 1890,  retrouvées dans le grenier de la maison familiale, Matisse dit : « On est dans tout ce qu’on fait, dans ses premières toiles aussi bien que dans ses dernières. » Près de Jeune fille lisant de Corot est accrochée La liseuse de Matisse de 1895, de facture encore classique, qu’on peut comparer à une Etude de Marguerite lisant de 1906 – à nouveau le grand écart entre son travail d’avant et d’après 1900.

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    Corot, Jeune fille lisant, vers 1868 (National Gallery of Art, Washington)
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    Matisse, La liseuse, 1895

    Il lui a fallu beaucoup de persévérance dans les dernières années du XIXe siècle. A Paris, Matisse a dessiné dans la rue avec Marquet. De belles encres de Chine de l’un et de l’autre montrent des passants, des carrioles, des chevaux, des autoportraits. Ce travail sur le vif les a beaucoup aidés. Aux grands dessins de nus d’académie succèdent de nombreuses copies réalisées au Louvre : des natures mortes, des antiques, puis Chardin, Philippe de Champaigne, Ribeira…

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    Devenir Matisse, "Les copies au Louvre"

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    Chardin, La Pourvoyeuse, 1739 (Le Louvre, Paris) / Matisse d'après Chardin, 1896-1903

    La grande nature morte de Jan Davidsz. de Heem, La Desserte, que Moreau lui a conseillé de copier, lui donne un mal fou. C’est passionnant d’observer, à côté de la peinture prêtée par Le Louvre, la copie qu’en fait Matisse (Musée Matisse de Nice) et puis la reprise de ce sujet d’une façon tout à fait moderne, presque cubiste, en 1915,  « amplifiant la présence des lignes de construction du tableau et s’affranchissant totalement de la réalité » (Journal de l’exposition). De grands bronzes sont présentés de salle en salle : le Louvre a prêté entre autres le magnifique Apollon de Piombino et Jaguar dévorant un lièvre de Barye près de sa copie par Matisse.

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    Jan Davidsz. de Heem, La desserte, 1640 (149 x 203 cm)

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    Matisse, Nature morte d'après La Desserte de Jan Davidsz. de Heem, 1915 (MOMA, New York)

    Les voyages vont considérablement l’influencer. D’abord en Bretagne, à Belle-Ile-en-Mer, avec son voisin à Paris, le peintre Wéry. Deux vues de Paris peintes dans les années 1900 illustrent un changement radical dans le choix des couleurs, plus lumineuses, avec l’irruption du blanc dans sa peinture. Inspiré par les aquarelles de Turner, les tableaux de Monet, Matisse abandonne la palette des maîtres anciens.

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    Matisse, Belle-Ile-en-Mer, pochade, 1896 (Collection particulière)

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    Matisse, Vue de Notre-Dame, 1904 (Collection particulière)

    En 1904, « grâce à Signac qui leur trouve une location à bas prix », Matisse découvre Saint-Tropez, puis Collioure. Divisionnisme, fauvisme : « Voici les idées d’alors : construction par surfaces colorées. Recherche d’intensité dans la couleur, la matière étant différente. » Comme en témoignent une petite toile superbe de Manguin (collection particulière), Cavalière, femme endormie ou une aquarelle de Cross, Etude pour le Cap Layet.

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    Matisse, Paysage de Saint-Tropez au crépuscule, juillet 1904 (Collection de Bueil & Racct-Madoux, Paris)

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    Henri Manguin, Cavalière, Femme endormie, printemps-été 1906 (Collection particulière)

    Que de belles choses à cette exposition, de Matisse et d’autres ! Elle continue au premier étage, avec des  portraits, des bronzes, des œuvres d’élèves de Matisse dans la section appelée « La transmission ». Mais l’Académie ouverte un temps par Matisse à Paris, fréquentée surtout par des élèves nordiques, ne durera pas, elle ferme en 1911. Cela lui prend trop de temps et d’énergie, il choisit d’être peintre et non professeur.

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    Max Weber, Les Baigneuses, 1906 (Collection particulière)

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    Aperçu de la collection permanente

    Retrouver ensuite les Matisse du musée – peintures, dessins, sculptures – est chaque fois un grand plaisir. La collection permanente vaut par elle-même le voyage dans cette ville du Nord où Matisse est cité et illustré de tous côtés. On ne peut quitter le musée Matisse sans revoir la magnifique collection Tériade dont je vous ai déjà parlé (Rouault, Léger, Chagall…). Les restaurants en face du musée affichant complet, nous avons trouvé une table accueillante un peu plus haut, à l’Hostellerie du Marché, qui propose une cuisine fraîche et bio.

  • Artiste Activiste

    L’affiche est joyeuse, le graphisme très reconnaissable, mais qui était vraiment Keith Haring dont Bozar (Palais des Beaux-Arts de Bruxelles) propose actuellement une large rétrospective ? Vous trouverez « les cinq choses à savoir sur Keith Haring » à la trop courte vie (1958-1990) sur le site.

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    En voici un extrait significatif, que je partage avec vous : « « Un porte-parole d’une société à un moment donné de l’histoire ». Voilà comment Haring définit l’artiste. Avec un langage pictural simple et accessible, il aborde des thèmes difficiles –  le racisme, la guerre nucléaire, le VIH – et les met à la portée de tous. »

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    L’exposition montre les diverses facettes de son engagement (aussi pour la reconnaissance des homosexuels et des LGBT), son parcours de la clandestinité dans le métro de New York au succès dans la sphère artistique ou sur le marché de l’art en passant par le magasin « Pop Shop », avec les mêmes motifs combinés sur des supports divers. Noir sur blanc, noir sur couleur, ou l’inverse. C’est dynamique, quoique répétitif, avec de nombreuses vidéos le montrant à l’œuvre et une longue fresque de quinze mètres de long, La Matrice (ci-dessus).

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    En face de la galerie Ravenstein, du côté de Bozar où on entre à la Cinematek, sur la jolie terrasse installée (temporairement) rue Baron Horta, on retrouve Keith Haring sur la palissade peinte en jaune qui sépare Bozar dun futur siège bancaire à lallure futuriste.