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Belgique - Page 7

  • Une nouvelle de Hanf

    Des nouvelles de Verena Hanf, une romancière déjà présentée sur ce blog, et une nouvelle publiée dans une jolie collection, voilà qui fait grand plaisir en ce début d’année. Une chatte rondouillette fait des yeux doux sur la couverture de La griffe, publiée ce mois-ci par Lamiroy dans la collection Opuscule.

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    Photo Overnature

    « J’aime le brouillard, il est doux et tendre, m’enveloppe dans une douceur humide, s’adapte à mon corps et cache mes pas. » Est-ce un chat conteur ? Non, il s’agit de la jeune Alma, la narratrice : elle se souvient de sa chère Emma qui l’appelait « mon chat ». D’autres traitent Alma de « gros matou » parce qu’elle est petite et ronde. En fait, elle adore cuisiner et manger. « Je suis une félinofille farouche, je suis un gros chat humain qui aime la nature, la nuit et le brouillard. »

    Dans la maison voisine, Alma a vu une ombre aux cheveux longs passer à la fenêtre. Elle épie la nouvelle occupante de la maison du vieux Pierre, décédé depuis presque un an – Emma l’y avait trouvé mort et s’était occupée de l’enterrement, sans savoir qu’elle le rejoindrait quelques mois plus tard. Alma est orpheline, une « enfant trouvée ». Elle les considérait un peu comme ses parents, sans le leur dire. Emma et Pierre étaient « tendres et gentils » avec elle, alors qu’à l’école elle était l’enfant « différent » – et pire encore pour la voisine d’en face.

    Pour lui tenir compagnie, à part sa poupée Camomille, il n’y a plus que Pierrot-le-Rouquin, le matou de Pierre, et « sa nouvelle copine », une petite chatte grise qu’Alma a baptisée Emeline. La jeune femme donne un coup de main au restaurant du village, où elle travaille en silence. Le soir, elle aime se promener.

    En cinq mille mots (principe de la collection), Verena Hanf nous met à l’écoute des sentiments d’Alma, curieuse de sa nouvelle voisine et bien décidée à se préserver des fâcheux. Une histoire rondement menée, forcément, et qui ne mène pas où l’on imaginait. La griffe m’a déjà mise en appétit pour un prochain roman de Verena Hanf annoncé chez un autre éditeur bruxellois, Deville.

  • Tous les rêves

    Pour vous présenter mes meilleurs vœux, voici une chanson de Pierre Rapsat, très bien reprise par Scala à Noël (aller à 21:30 sur l’enregistrement RTBF du concert de Noël au Palais Royal), portée par la si belle voix de Pierre Rapsat lui-même :

    Tous les rêves, tous les rêves que l’on a partagés
    Tous les rêves, tous ces rêves faut pas les oublier
    Tout ce qui nous apporte un peu de redoux
    Tout ce qui nous importe s’éloigne de nous

    Tous les rêves, tous ces rêves, tous ces baisers volés
    Tous ces rêves envolés qu’on a abandonnés
    Et qui nous donnaient l’envie d’aller jusqu’au bout
    À présent nous supplient de rester debout

    Mais les rêves, tous ces rêves que l’on ne faisait plus
    Mais les rêves, tous ces rêves que l’on croyait perdus
    Il suffit d’une étincelle pour que tout à coup
    Ils reviennent de plus belle, au plus profond de nous

    Aimons les étoiles (laissons-les filer)
    Laissons-les filer
    Aimons les étoiles

    Tous ces rêves nous élèvent, nous font aimer la vie
    Tous ces rêves, ça soulève et ça donne l’envie
    L’envie d’un monde meilleur, c’est beau mais facile
    De pas commettre trop d’erreurs, c’est bien plus difficile

    Car les rêves, car les rêves parfois viennent s’échouer
    Et s’achèvent, et s’achèvent devant l’écran d’une télé
    Dans un monde qui nous agresse, qui peut vous mettre en pièces
    Solitaire dans un trois pièces, tout ce qu’il nous reste

    C’est d’aimer les étoiles (laissons-les filer)
    Laissons-les filer
    Aimons les étoiles
    Laissons-les
    Laissons-les
    Laissons-les filer

    Tous les rêves, tous les rêves que l’on a poursuivis
    Tous les rêves, tous ces rêves pour un bel aujourd’hui
    Et qui nous donnaient l’envie d’aller jusqu’au bout
    À présent nous supplient de rester debout

    Mais les rêves, tous ces rêves que l’on ne faisait plus
    Mais les rêves, tous ces rêves que l’on croyait perdus
    Il suffit d’une étincelle pour que tout à coup
    Ils reviennent de plus belle, les rêves sont en nous
    Les rêves sont en nous

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    Van Gogh, La nuit étoilée

    Bonne & heureuse année 2021 !

    Tania

    * * * * *

    Chers visiteurs & lectrices de T&P, vous l'avez peut-être constaté, il n'est plus possible d'envoyer des commentaires sur les blogs de Blogspirit depuis hier. Dans l'attente d'un retour à la normale, je vous remercie pour votre passage ici. (2/1/2021, 14h30)

  • Moments de fête

    En Belgique, la famille royale organise traditionnellement en fin d’année un concert de Noël au Palais Royal, diffusé à la télévision. Cette année, il n’était pas possible d’y rassembler un public, mais le concert a été maintenu. Pour la première fois, les enfants de Philippe & Mathilde y ont participé, un encouragement sympathique à tous ceux qui apprennent à jouer d’un instrument de musique. C’était un beau concert de la chorale féminine Scala & Kolacny Brothers qui a interprété des airs variés, en commençant par My December (Linkin Park).

    Concert de Noël au Palais Royal 2020 Scala.jpg
    © BELGA / POOL FREDERIC SIERAKOWSKI
    Concert de Noël au Palais Royal de Bruxelles (20/12/2020)

    Depuis 1961, Les Belges ont en outre droit à un message royal de Noël et Nouvel An : ce discours télévisé s’adresse à toute la population dans les trois langues nationales. La veille de Noël, nous avons eu la belle surprise, avant l’intervention du roi Philippe, d’une émission inédite à 18h : « Noël ensemble à 11 millions ». Inédite, vu que ce programme était retransmis en direct et en même temps sur deux chaînes télévisées francophones et sur trois chaînes télévisées flamandes (première chanson à la 38e minute).

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    Noël ensemble à 11 millions (24/12/2020)
    Edition spéciale sur Auvio (rtbf.be)

    Ce programme belge sans frontière linguistique faisait chaud au cœur. J’étais très émue en pensant à ma famille flamande du côté maternel, à ma mère qui aurait tant aimé vivre cela, une même fête pour les Flamands, les Wallons et les Bruxellois ! Des témoignages sur l’année écoulée, des vues aériennes de beaux endroits du pays, et, bien sûr, de la musique : Axelle Red, Hooverphonic, Lous and The Yakuza, Jasper Steverlinck & Typh Barrow, à nouveau la chorale Scala, et Clouseau en exclusivité avec Charles, la gagnante de The Voice Belgique. Si vous avez accès à Auvio (RTBF), vous pouvez cliquer sur le lien ci-dessus pour revoir, réécouter cette émission spéciale très réussie. Sinon, vous trouverez sur YouTube un amusant clip vidéo où Scala chante Le vent nous portera (Noir Désir).

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    Origamis de Charles Kaisin dans les Galeries Royales Saint-Hubert, Noël 2020, Photo © Nicolas Lobet

    Remarquable décor festif à Bruxelles en cette fin d’année 2020 : au Palais Royal (derrière la chorale), à l’Hôtel de Ville de Bruxelles (le sapin dans la cour), dans les galeries royales Saint-Hubert et dans le centre, les origamis de Charles Kaisin font merveille, en prolongement de l’opération Origami for Life lancée durant le premier confinement.

    * * * Bon passage vers 2021 ! * * *

  • Liège

    nathalie skowronek,max,en apparence,roman,littérature française,belgique,shoah,rescapé,famille,bruxelles,liège,berlin,auschwitz,jawischowitz,marbella,culture« Dans une ancienne version de mon récit, le chapitre précédent débutait comme suit : « Max avait quitté depuis longtemps Liège, jolie ville wallonne célèbre pour sa citadelle, et avec elle, Rayele, ma grand-mère, et sa fille, ma mère. L’histoire ne m’avait pas souvent été racontée mais je compris suffisamment tôt combien ma mère ne s’était jamais remise de la désertion de son père. » Je n’avais alors aucune idée de ce que représentait la citadelle, pas plus que je ne me doutais que j’éprouverais un jour le besoin de m’y rendre, me retrouvant un matin d’hiver, par moins dix degrés et les poumons en feu, à marcher le long de ses murailles. »

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    Photo : Citadelle de Liège, Belgique (2011, par Romaine, Wikimedia Commons)

  • En mémoire de Max

    Max, en apparence, le deuxième roman de Nathalie Skowronek, rapporte la quête d’une petite-fille en mémoire de son grand-père, dont le numéro tatoué sur l’avant-bras, « seule trace visible de ses deux années et demie passées à Auschwitz », attirait toujours son regard quand il portait des manches courtes. La narratrice ne se souvient plus des chiffres, mais bien des étés passés à Marbella, de ses sept à ses seize ans, quand elle rejoignait dans leur maison de vacances Max et Gitta, sa femme allemande.

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    Les souvenirs sont choses mouvantes. Elle n’est plus sûre de la couleur de ce tatouage peut-être confondue avec celle de « L O V E » sur la main de Fernand, qui travaillait pour la société de ses parents (vêtements pour femme). Ses lectures – Un sac de billes, Au nom de tous les miens, Elie Wiesel, Primo Levi, Antelme – lui parlaient de que son grand-père taisait. Quand elle finit par oser le questionner, il s’était borné à répondre « Ce n’était pas facile, Epinglette » (son surnom). A Tel-Aviv où elle séjourne régulièrement, elle observe les habitants qui lui semblent tous tatoués à différents endroits du corps.

    « Nous ne savions des camps que ce que nous en disaient les films et les livres » : à part une opération de l’appendicite à Buchenwald après la marche de la mort et quelques anecdotes, son grand-père ne racontait rien à sa famille, sauf une fois, à Marbella, où il lui avait raconté sa déportation et une remarque, un jour, en promenade, en direction de la montagne où vivait Léon Degrelle depuis la fin de la guerre.

    Après la mort de Max, elle ne s’était plus intéressée à la Shoah durant une quinzaine d’années : études de lettres, mariage, enfants, quelques années de travail dans les magasins de ses parents. Après la découverte des jeunes Israéliens « ostensiblement tatoués », elle revient sur l’histoire de son grand-père, recueille les confidences d’une cousine de sa grand-mère à Haïfa, reprend des lectures sur le sujet, se rend chez la sœur de Max, Fanny, puis à Berlin.

    Tous les matins, son grand-père faisait à Berlin le tour du zoo avec ses cachets à prendre en cas d’urgence dans une poche et dans l’autre, une petite bourse en velours emplie d’un tiers de petits diamants faciles à revendre en cas de besoin. Quand il se rendait au Ciao, un restaurant italien « bruyant et mondain » où il avait ses habitudes avec Gitta, il était accueilli « avec moult accolades par le maître d’hôtel », il y prenait plaisir, fier de son succès. Sa famille bruxelloise ne comprenait pas comment il pouvait vivre « là-bas ».

    Dès les années 1960, il passait à l’Est sans problème pour retrouver son ami Pavel, rencontré en Pologne où ils travaillaient à la mine de Jawischowitz, à dix kilomètres d’Auschwitz. Celui-ci était devenu un homme d’affaires important, puis « un des principaux négociants de RDA ». Des affaires et des arrangements dont son grand-père « ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants », mais il ne refusait rien à Pavel. En dehors de la famille, Max « aimait séduire, créer des liens, lâcher le bon mot au bon moment, payer l’addition avec élégance. »

    Avant ces mystérieuses transactions entre l’Est et l’Ouest, Max avait été représentant en maroquinerie pour un ami de son père, puis il avait fait de l’import-export de tricots entre l’Italie et l’Allemagne. Il avait fini par quitter Rayele, sa femme, originaire de Liège où ils s’étaient installés, et leur fille, pour aller vivre à Berlin. Par sa mère, la narratrice sait que ce rescapé d’Auschwitz a perdu son père, sa mère, sa première femme, une sœur et deux frères – sa mère l’a souvent raconté aux thérapeutes consultés pour soigner sa dépression et ses angoisses.

    Marbella, Berlin-Ouest, Liège, Auschwitz-Jawischowitz… Pour écrire son deuxième roman, après Karen et moi, Nathalie Skowronek, qu’on suppose la petite-fille de Max, visite les lieux où son grand-père a vécu, traque les traces, fait remonter les souvenirs des uns et des autres. A-t-elle raison d’écrire, de décrire ? « On ne raconte pas comme si on y était quand on n’y était pas. » Elle lit, écoute les témoignages, s’efforce de ne parler que de ce qu’elle a vu personnellement. Elle découvre que Paula, la première femme de Max dont elle ignorait l’existence, a été arrêtée après que celui-ci avait confié l’adresse de sa cachette à quelqu’un qu’il pensait de confiance. Une archiviste de la caserne Dossin lui envoie une photo d’elle.

    Après avoir visité Auschwitz, elle se rend chez sa tante en Israël et l’entend répéter : « Max n’était pas à Auschwitz » ! En réalité, il était dans un autre camp proche, à Jawischowitz – incertaines certitudes. Le matricule oublié resurgit dans un ancien carnet d’enfant, c’est un palindrome : « 70807 ». La quête continue à Berlin-Est,  à Tel-Aviv, sur la tombe de son grand-père où Gitta, sa troisième épouse, après l’avoir d’abord enterré à Berlin dans les années 1990, avait souhaité le faire inhumer, et non au cimetière juif de Bruxelles comme le souhaitait sa fille.

    « Connaît-on jamais vraiment cet autre qui nous semblait si proche ? » peut-on lire à propos de La carte des regrets, son dernier roman, sur le site de la romancière. Qui était vraiment ce grand-père, cet homme charmeur et secret ? Max, en apparence n’est pas un récit linéaire. Nathalie Skowronek reconstitue peu à peu le puzzle d’une vie, d’une famille. On sent que la narratrice cherche aussi à clarifier certaines choses en elle-même.

    Dans son roman qui va et vient entre son enfance et le temps de l’écriture, beaucoup d’écrivains lui ont fourni un appui, montré une direction, d’où cette conclusion d’Alain Delaunois qui a présenté Max, en apparence dans Le Carnet et les Instants : « Une traversée littéraire qui, derrière le matricule oublié de Max, met à nouveau en lumière le talent d’écriture, singulier et sensible, parfois modianesque – c’est un compliment – de Nathalie Skowronek. »