Le musée des Beaux-Arts (MSK) de Gand résume bien sur son site l’esprit de ses collections permanentes : « un aperçu de l’art, du Moyen-Âge jusqu’à la première moitié du 20e siècle. » On y voit bien sûr des peintres des Pays-Bas méridionaux, mais aussi la sculpture et la peinture européenne – principalement française. L’art de la fin du XIXe siècle y est particulièrement bien représenté, et celui du début du XXe. L’art d’après 1950 se trouve au S.M.A.K. (Stedelijk Museum voor Actuele Kunst, Musée municipal d’art actuel), juste en face.
"L'Adoration de l'Agneau mystique", chef-d'oeuvre de la peinture primitive flamande, lors de sa présentation
après sa restauration le 12 octobre 2016 à la cathédrale Saint Bavon à Gand / AFP (source)
Après avoir visité l’exposition sur Verhaeren, nous avons traversé le hall d’entrée et jeté un coup d’œil à l’atelier de restauration de L’agneau mystique des frères Van Eyck, dont certains panneaux latéraux ont déjà retrouvé leur éclat d’origine. Commencée en octobre 2012, cette restauration du chef-d’œuvre de la cathédrale Saint-Bavon se déroule sous les yeux des visiteurs, derrière une vitrine. Puis nous avons continué vers les salles des XIXe et XXe.
Albert Bartsoen (1866-1922), Nuages sur la mer, Gand, MSK.
Quelques arrêts sur image, cela vous tente ? Commençons par un Gantois, Albert Bartsoen, et ses Nuages sur la mer. Il a vécu toute sa vie dans sa maison natale où il avait son atelier, près de la Lys qu’il a souvent peinte. La Lys et sa région inspiraient aussi Emile Claus, déjà présenté ici, et dont j’ai revu avec plaisir Journée ensoleillée et surtout Les Patineurs, sublime tableau d’hiver.
Vue d'ensemble : Emile Claus (Les patineurs), Constantin Meunier (Le faucheur), Anna Boch (Falaise à Sanary), Gand, MSK.
Je ne me souvenais pas de Torajiro Kojima, un peintre japonais qui s’est inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de Gand en 1909. Influencé par Claus, avant de retourner au Japon en 1912, il peint cette Femme lisant en jouant des couleurs complémentaires et des ombres colorées. Un Autoportrait illustre bien son évolution de l’impressionnisme vers le fauvisme. Falaise à Sanary, une toile signée Anna Boch, m’a donné fort envie de retourner dans cette région du Midi qui m’est chère.
Torajiro Kojima (1881-1929), Femme lisant, 1921, Gand, MSK.
Un portrait de Victoria Dubourg, son épouse, par Fantin-Latour, celui de sa fille par Xavier Mellery, illustrent l’art d’éclairer un visage, la douceur de la peau, de rendre l’expression malgré les yeux baissés. Ceux de la nymphe qui cueille des fleurs le sont aussi sur la grande toile décorative, Le Printemps de René Menard, qui donne des couleurs à la belle salle hémisphérique où sont exposées principalement des sculptures : au mur, un grand relief en plâtre, une étude pour les Passions humaines de Jef Lambeaux ; sur leur socle, des marbres, des bronzes, notamment d’Egide Rombaux (Les filles de Satan).
Au fond : Haut-relief de Jef Lambeaux, Les Passions humaines (étude, 1897)
Tout près, dans l’allée vitrée en arc de cercle, un de mes endroits préférés dans ce musée, des chefs-d’œuvre : Le fils prodigue et Ecce homo de Constantin Meunier, la fameuse Fontaine des agenouillés de George Minne. Une monumentale Tête de Pierre Wissant d’Auguste Rodin (un des Bourgeois de Calais), autour de laquelle il faut absolument tourner pour mesurer à quel point son modelage est expressif en tous points, créant la vie.
Auguste Rodin, Tête de Pierre Wissant, 1909, Gand, MSK.
Passons au XXe siècle avec la Femme assise à une table de jardin d’un peintre méconnu, Bernard Boutet de Monvel. Une jolie vue du Port d’Ostende a été peinte par Constant Permeke juste avant la Grande Guerre, encore sous l’influence des luministes. Le Diabolo d’Henri Lebasque montre une fillette à son jeu dans un jardin ou un parc, tandis qu’à l’arrière-plan, une femme tricote sur un banc. Dans la même veine paisible, une Idylle printanière d’Edward Atkinson-Hornel.
Edward Atkinson-Hornel, Idylle printanière, 1906, Gand, MSK.
J’ai choisi des oeuvres paisibles, les peintures du moins. Après 1914-1918, tout va changer, place à l’expressionnisme, l’abstraction, le surréalisme. Mais j’arrête là l’énumération, sans autre but que de vous inciter à découvrir ou redécouvrir un jour ce musée à l’atmosphère intimiste où chacun peut trouver de quoi se réjouir les yeux.
© Gustave Van de Woestyne, Fermière, Gand, MSK.
Le MSK possède plusieurs belles œuvres de Gustave Van de Woestyne : je vous en parlerai une autre fois, après avoir lu le catalogue de la rétrospective qui lui a été consacrée ici en 2010. Ce peintre est vraiment à part, et son œuvre, parfois jugée inégale, comporte des toiles magnifiques, vous verrez.
Commentaires
Merci pour ces reportages bien documentés et illustrés.
Je suis contraint de les survoler, dans l'impossibilité de me focaliser sur trop de sujets lors de mes pérégrinations par les blogs. À l'occasion, je goûte à l'une ou l'autre visite muséale, celui d'Orsay ce décembre.
Aux anges dans la belle librairie à la sortie, Je n'ai pu m'empêcher de cueillir quelques beaux catalogues – que je n'ai pas encore ouverts. Et puis, mis là pour me sourire, un Guy Goffette, "Elle, par bonheur, toujours nue", à lire aussi.
Je reviendrai dans quelques jours glaner ici quelque histoire de lecture.
je suis séduite par ces patineurs que j'ai téléchargé en grande taille et c'est magnifique
A la vue de « l’adoration de l’agneau mystique » tel que ce tableau restauré apparait après restauration, je me permets une réflexion, très personnelle, qui me vient à l'esprit. --- Je trouve que ces œuvres « restaurées » sont devenues très « chromo ». --- Je crois que la « platine du temps » leur apportait une douceur de tons que la restauration enlève. --- Elle devrait se contenter de "réparer". --- Le temps est aussi un facteur du beau. --- Les œuvres sont sacrifiées à la mode des couleurs "tranchantes"
Bonjour Tania, merci pour votre billet fort bien documenté avec de belles toiles dont celles des patineurs que j'aime beaucoup, la lumière y est magnifique.
Mes amitiés
@ Christw : Pas de problème, Christw. Les librairies - comment en sortir sans rien, il y a toujours quelque chose qui nous parle là. Bonne lecture de ce Goffette sur Bonnard, mon Nabi préféré.
@ Dominique : Heureuse que ces Patineurs te plaisent ! C'est une grande toile de 205 x 148.5 cm, devant laquelle on ne peut que s'arrêter longuement.
@ Doulidelle : Tu as raison, j'ai déjà éprouvé cela devant certaines restaurations. Pour celle-ci, c'est plutôt l'inverse : le temps avait "aplati" les personnages et le nettoyage leur a rendu leur relief, comme s'ils étaient sculptés plutôt que peints - du grand art !
@ Denise : Avec plaisir, Denise, il y avait l'embarras du choix.
merci pour cette magnifique visite tania - je sens qu'il me faudrait faire un saut à gand, un de ces jours - au printemps sans doute, je ne fais guère confiance à la sncb en cette saison (quoiqu'en toute honnêteté, en d'autres saisons pas vraiment non plus :D)
j'ai fait le même parcours et me suis arrêtée aux mêmes oeuvres (et tourné autour de certaines sculptures aussi ;-))
Un musée très intéressant, vous n'avez rien à nous envier .. Tu me donnes envie au passage de retourner au musée Rodin. Je n'y suis pas allée depuis longtemps.
@ Niki : Je te recommande ce musée et aussi celui du design (anciennement, des arts décoratifs) que j'aimerais revisiter.
@ Adrienne : Il fallait en choisir quelques-unes, il y a l'embarras du choix dans ces belles collections permanentes.
@ Aifelle : Rien... je ne dirais pas ;-) J'imagine que le musée Rodin célèbrera cette année le centenaire de sa mort, en tout cas j'ai vu que le Grand Palais prépare une grande exposition.
J'y suis allé il y a quelques années pour la rétrospective du peintre belge Emile Claus. Et Gand est une très jolie ville.
C'était une superbe rétrospective, je m'en souviens. Gand, ville universitaire, a beaucoup d'atouts.
J'y étais cette semaine. L'agneau mystique est toujours en rénovation. Nous sommes restées longtemps derrière la vitre à regarder des mains de dentellier.ère.s enlever les vernis pour retrouver la couleur initiale. Magnifique !
Merci, la bacchante, de revenir ici. Quel travail et quel soin pour ce chef-d'oeuvre. J'espère que le musée t'a plu également.