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Société - Page 10

  • Un combat

    le clézio,identité nomade,récit,littérature française,racines,lectures,littérature,culture« Pour lire à la façon des pays prospères, il faut avoir une chambre où on s’isole, il faut avoir le temps, or en Afrique on n’a pas vraiment le temps de lire ni de s’isoler, soit on dort à plusieurs dans une chambre, soit il y a la radio, la télévision qui marchent à côté ; c’est donc très difficile, sinon impossible. La littérature se révèle alors un combat qu’il faut mener conjointement contre les sollicitations du monde extérieur, mais aussi en s’accordant à elles. »

    J. M. G. Le Clézio, Identité nomade

  • Le Clézio, nomade

    Identité nomade, en un peu plus de cent pages, retrace l’itinéraire personnel de J. M. G. Le Clézio (°1940), de Nice à l’Afrique, de la Bretagne à l’Ile Maurice. Dans de courts chapitres, celui-ci revient sur des faits déjà abordés par ailleurs, notamment dans Chanson bretonne (L’enfant et la guerre), comme les bombardements à Nice où il vivait avec sa mère, sa grand-mère et son frère ; il ne connaîtra qu’à l’âge de dix ans son père médecin en Afrique (L’Africain).

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    © Mahi Binebine, sans titre, bas-relief, cire et pigments sur bois, 170 x 220 cm – 2021 (source)

    Nice alors était loin de l’image luxueuse d’aujourd’hui. On n’y mangeait pas à sa faim, on y mourait de dysenterie ou de dénutrition, on n’y avait pas accès au bord de mer, fermé par des murs peints montés par les Allemands. « Le bien, c’est la joie que peut donner un moment de liberté » : cette phrase éclaire son état d’esprit dans la guerre. Celle-ci aussi : « Je crois que si on veut définir ce qu’est la guerre, je dirais que c’est un crime contre les vieux et contre les enfants. »

    Sur le bateau pour le Nigéria, à huit ans, il écrit un « roman d’enfant » où un garçon africain de son âge, perdu en Europe, retourne en Afrique pour découvrir la terre de sa famille. Pour Le Clézio, l’Afrique était « la terre de l’abondance » avec ses fruits et légumes à satiété à chaque escale, le goût des fruits tropicaux. Là-bas, même si leur mère « faisait l’école », ils goûtaient ensuite à la liberté enivrante, « lâchés dans la savane », plus libres que les enfants africains qui devaient grandir très vite, jouaient moins, devaient très tôt se rendre utiles.

    « J’ai en moi cette profonde reconnaissance que l’Afrique m’a donné la joie de vivre quand j’avais huit ans, alors que je venais d’un pays détruit. Je crois que je n’oublierai jamais cette bascule. » En 1950, son père les emmène au Maroc pour un voyage touristique – premier aperçu des injustices de la colonisation. Au Nigéria aussi, ils sont les témoins d’injustices cruelles. Le pays est alors prospère, agricole. Ensuite le pétrole « a tout détruit, tout sali, tout aboli. »

    Ses parents sont mauriciens, mais à sa naissance, « le plus petit pays de l’Union des Etats africains » n’existait pas, c’était une colonie britannique. « C’est la raison pour laquelle je signe mes livres « JMG », en effet c’est ce qui est écrit sur mon passeport britannique : sur la couverture, on mettait les initiales du prénom et jamais le nom entier. » Français par sa mère, britannique par son père : à dix-sept ans se pose la question du service militaire. Il obtiendra des sursis pour terminer ses études « médiocres ». Il fera son service dans le civil, comme professeur de sciences politiques en Thaïlande ; expulsé pour avoir parlé du trafic d’êtres humains, il sera envoyé au Mexique.

    Cette « vie aventureuse » malgré lui ne lui a pas donné d’identité stable et cela va très loin, au point d’écrire : « Encore aujourd’hui je ne sais pas qui je suis, je ne sais pas si j’appartiens à la culture française » ! Le Clézio aime beaucoup la littérature anglaise, il indique ses lectures marquantes. Sa famille est « de lointaine origine bretonne », il porte un nom breton, hérité d’un ancêtre soldat révolutionnaire qui a refusé de couper ses cheveux longs et a quitté la France en bateau avec sa femme enceinte – elle a voulu rester à l’île Maurice.

    Identité nomade évoque des racines familiales et aussi le goût de l’aventure, du voyage, des cultures étrangères (un mot que l’auteur n’emploie pas). Dans le dernier tiers de ce petit livre sont cités de nombreux auteurs anglais, marocains, suédois, allemands, américains, latino-américains, africains…

    Quelle est l’utilité de la littérature ? Que vaut la littérature dite « engagée » ? A la question de savoir « si l’art peut quelque chose », Le Clézio se rallie à la définition de Mahi Binebine – dont un tableau figure au début du livre (non trouvé en ligne, d’où le choix d’une autre illustration) –, un artiste marocain, créateur, poète et romancier « qui exprime simplement la nécessité dans laquelle nous sommes de nous rencontrer entre voisins. »

  • JO 2024, mes triades

    Cérémonie d’ouverture

    le nuage bleu blanc rouge sur toute la longueur du pont d’Austerlitz

    le galop du cheval articulé sur la Seine avec le drapeau olympique

    Céline Dion chantant l’Hymne à l’amour du haut de la tour Eiffel

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    Source : La Libre.be
    À 29 ans, Nafi est "la première femme à remporter trois médailles d’or consécutives en heptathlon" (RTBF).
    "
    l’athlète la plus titrée de l’histoire des épreuves combinées" (Le Monde)

    Athlétisme

    Nafissatou Thiam et Noor Vidts, l’or et le bronze à l’heptathlon !

    Le vol de Duplantis à la perche, la barre à 6 m 25, record olympique

    Les bonds de joie de Winfred Yavi remportant le 3000 m steeple, à 24 ans 

     

    Versailles

    Le parcours d’obstacles dans les bois (cross-country)

    Le grand canal traversé par les cavaliers 

    Le souffle retenu, le temps suspendu à chaque saut

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    Source : Le Parisien.fr

    Le bonheur olympique

    Remco Evenepoel posant son vélo juste derrière la ligne d’arrivée – double médaille d’or

    Les larmes de Djokovitch à Roland-Garros

    La qualification du coureur John Heymans, 26 ans, pour la finale du 5000 m (arrivé 11e)

     

    Et aussi

    Les lignes design de la tenue olympique belge

    Les décors des obstacles équestres à Versailles

    Les médaillés d’or sonnant la cloche de Paris 2024, qui sera installée à Notre-Dame

     

    Et vous, quel grand ou beau moment de ces Jeux retiendrez-vous ?

  • Possibilité

    Fleury Folio.jpg« « En clinique, face au deuil de l’être aimé, de l’enfant, face au chagrin, face même au traumatisme cruel qui a fait effraction pour toujours dans le psychisme, il faut tenter cette pente-là, très âpre, du sens compris du tragique ; c’est généralement infaisable dans les premiers temps de la cure, et même sur plusieurs années. Mais ce qui est terriblement étonnant, et qui fait sans doute la différence morale et intellectuelle entre les êtres, c’est que cela advient pour certains, un jour. Personne ne peut prévoir ce jour, personne ne peut se reposer sur le fait qu’il advienne, car rien n’est moins sûr. Et pourtant, le temps retrouvé, c’est cela ; c’est le souvenir au loin de ce qui a été, mais c’est aussi l’oubli, c’est la place pour autre chose, autre chose qui sera tout aussi grand, ou pas. C’est la possibilité d’une joie, comme la possibilité d’une île ; c’est le maintien à côté de celle-ci d’un chagrin définitif ; et c’est la mobilité du sujet à travers cela. »

    Cynthia Fleury, Ci-gît l’amer. Guérir du ressentiment

  • Sortir de l'amertume

    L’essai de Cynthia Fleury, Ci-gît l’amer, a pour sous-titre « Guérir du ressentiment ». Lire les titres de la quinzaine d’ouvrages publiés depuis 2000 par cette philosophe et psychanalyste donne un aperçu de ses thèmes de prédilection : culture, soin, démocratie, courage, dignité… Elle rappelle au début que la lutte contre le ressentiment est l’objet premier de la cure psychanalytique et avertit : il n’y a pas de réparation au bout du chemin. Le bonheur visé « ne sera jamais cet ancien bonheur », il s’agit de « créer ce qui n’a jamais existé ».

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    Retrouver « une forme de santé », « ce sera reprendre le chemin de la création, de l’émergence possible ». L’incitation à écrire pour s’extraire du ressentiment n’est pas du côté de la rumination mais de la répétition, comme dans un rituel : « Le rituel permet d’habiter le monde. » Dans le ressentiment, on perd « l’accès au juste regard sur les choses », en sortir permet de « continuer à s’étonner du monde », à s’émerveiller.

    « Un monde incommensurable existe entre éprouver l’amertume, le sentiment d’humiliation et d’indignité, réel mais dont on refuse la permanence, et le fait de se considérer comme la victime expiatoire universelle, de poser cela comme un statut, de vouloir donner écho à cette aigreur, qu’elle vienne consolider une théorie, et se vivre comme réaction, comme débordement. »

    Le lien avec les discours victimaires ou les postures agressives, le ressentiment collectif dont l’actualité nous abreuve s’établit aisément, et en particulier dans la deuxième partie du livre, consacrée au fascisme. Qu’il s’agisse du leader, « un autre médiocre » vu comme protecteur, ou de l’idéologie fasciste, « idéal de rétrogradation » lié au délire de persécution, issu de l’impuissance à produire une action transformatrice dans le monde. De l’acquiescement secret à Vichy, l’autrice rapproche la prolifération des propos haineux sur les réseaux sociaux où l’on exprime son ressentiment « sans en payer le prix », anonymement.

    La part de vérité qui l’intéresse, écrit-elle, « se situe du seul côté de l’œuvre, qu’elle soit artistique ou qu’elle relève plus généralement de l’ordre de la subjectivation (enfantement, amour, partage, découverte du monde et des autres, engagement, contemplation, spiritualité, etc.) » Parmi les nombreux philosophes, psychanalystes et écrivains auxquels l’autrice fait référence, attentive à ce qui constitue l’essence du « soin », j’ai été frappée par cette citation de Frantz Fanon, « psychiatre et penseur de l’après-colonialisme » : « Je dois me rappeler à tout instant que le véritable saut consiste à introduire l’invention dans l’existence » (Peau noire, masques blancs).

    Cynthia Fleury : « L’expérience de la beauté est une éthique de la reconnaissance qui ne dit pas son nom. Et lorsque des êtres faillissent, lorsqu’ils sont incapables de nous donner un peu de cette reconnaissance dont nous avons tant besoin, il faut alors se saisir de la vie passée et faire alliance avec les morts, les grands artistes souvent non reconnus qui nous ont précédés. Il faut faire alliance avec la culture pour sortir du désastre de l’avilissement programmé. »

    Ci-gît l’amer, une fois analysées les multiples raisons ou façons de céder au ressentiment, individuel ou collectif, propose un chemin pour en sortir, même si cela peut prendre des années. Cet essai, une lecture exigeante, parfois difficile dans ses commentaires philosophiques et psychanalytiques, est en même temps une belle défense de l’art et de la littérature pour résister à l’assaut du ressentiment, rebâtir « une part de paix » en laissant derrière soi (« ci-gît ») l’appel ténébreux de l’amertume.