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Exposition Kiki Smith

De Kiki Smith, en entrant au Centre de la Gravure et de l’image imprimée à La Louvière, je n’avais que deux images en tête : un Nocturne vu à la Villa Empain l’an dernier et l’illustration qui accompagne l’article de Roger Pierre Turine dans La Libre Belgique. Une très belle photo d’elle en noir et blanc accueille les visiteurs de l’exposition Kiki Smith. Entre chien et loup au Centre de la Gravure.

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« Le titre de l’exposition de Kiki Smith évoque cette heure particulière du passage du jour à la nuit, ce moment où le chien est placé à la garde du bercail et où le loup profite de l’obscurité pour sortir du bois ! Toute l’œuvre de Kiki Smith oscille entre lumière et obscurité, glisse de la quiétude d’une nature apprivoisée à une animalité indomptable pour entrer dans le monde de la nuit, cet instant particulier où plaisir et peur se rejoignent. » (Catherine De Braekeleer, directrice du CGII)

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© Kiki Smith, Tattoo Print, 1995, sérigraphie, 51 x 76 cm,
La Louvière, Centre de la Gravure et de l'image imprimée

D’emblée, Tattoo Print illustre ses thèmes de prédilection : le corps féminin, intérieur et extérieur, visage et sexe ; la nature, animale et végétale, ici des papillons et des fleurs. Des mots s'y répètent comme des mantras (Sweet, Lucky, Special…). Une série de douze estampes, Banshee Pearls, multiplie les surimpressions de son visage à différents âges, les distorsions, les contrastes. Tout près, un bronze intitulé Fontaine de dents, surprend et par le motif et par la taille !

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© Kiki Smith, How I know I'm here I, 1985-2000, linogravure, 29,2 x 109,2 cm,
La Louvière, Centre de la Gravure et de l'image imprimée (suite de 4 estampes illustrées sur le site du Centre)

La suite How I know I’m Here, avec un fort contraste entre les lignes blanches et le fond noir (linogravure), mêle à nouveau son visage à des parties du corps (mains, pieds, organes), comme une exploration en profondeur du corps féminin dans tous ses aspects. « Ebranlée par l’apparition et les ravages causés par le sida », chez sa sœur entre autres, Kiki Smith voit dans le physique un « réceptacle de l’identité et de la condition humaine ». (Toutes les citations sont extraites du catalogue.)

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© Kiki Smith, Red Cap, 2001, lithographie et rehauts aux crayons de couleur, Paris, collection Galerie Lelong

Dans un autoportrait saisissant de 1996, l’artiste se montre dévêtue jusqu’à la taille, les mains posées sur les cuisses, le visage enduit de plâtre qui coule sur sa peau. Je pense à une scène inoubliable de Cris et Chuchotements (Bergman, 1972) à la manière d’une pietà. Cette photographie avait fait l’affiche d’une exposition passée, il y a dix ans, où 23 femmes exposaient sous ce titre pour marquer les 20 ans du Centre de la Gravure.

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© Kiki Smith, Large Birds, 2007, encre, crayon et paillettes sur papier népalais, 260 x 630 cm,
Bruxelles, Collection privée

Large Birds, une grande composition où l’artiste se représente de profil, étendant le bras vers le premier des trois paons – on y voit aussi des étoiles et d’autres oiseaux – exprime la connexion vitale que nous avons avec notre environnement, vulnérable comme nous. « Jusqu’à ce qu’il étende le cercle de sa compassion à toutes les créatures vivantes, l’homme lui-même ne trouvera pas la paix » (Albert Schweitzer). Toutes, et pas seulement les animaux domestiques comme cette chatte et sa portée : Kiki Smith dessine des biches, des chouettes, des insectes (même des mites) et, bien sûr, le loup.

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© Kiki Smith, Litter, 1999, 55 x 76,4 cm, lithographie en 4 couleurs, Paris, collection Galerie Lelong

Au premier étage, une série impressionnante de gravures sur bois date du dernier séjour de sa mère à l’hôpital : Mortal « montre la lente transition de la vie à la mort et, en même temps, aborde la façon dont notre société considère le vieillissement et le trépas comme étant tabous ». Kiki Smith a dessiné et photographié sa mère pendant ce mois où elle lui rendait visite tous les jours. Les traits du visage, les gestes des mains, la position des pieds montrent à la fois l’extrême fragilité et néanmoins l’énergie du corps qui rayonne jusqu’au bout.

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© Kiki Smith, Mortal, 2007, 6e sur 12 gravures sur bois, 58 x 72,5 cm,
La Louvière, Centre de la Gravure et de l'image imprimée

Près des gravures sont exposés aussi des bronzes, des livres qu’elle a illustrés, et même une estampe numérique sur soie, Sitting with a Snake, un autoportrait ? Et voici le loup : tantôt sage, assis près du Chaperon rouge comme un gentil chien (Friend), tantôt sauvage, prédateur de la femme nue (Splendid, In a Field), ambivalence qui se décline aussi dans Wolf Girl, l’affiche de Kiki Smith. Entre chien et loup (jusqu’au 23 février 2020).

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© Kiki Smith, Friend, 2008, eau-forte et rehauts, Paris, collection Galerie Lelong

Je ne connais pas assez l’art de la gravure pour apprécier la technique de Kiki Smith, qui m'a paru très variée. Cette exposition à La Louvière permet en tout cas d’appréhender son univers parfois déroutant, troublant, « étrange confluence entre le corporel et le fantastique ». Du concret, des choses ordinaires mais un regard qui ne l’est pas, des émotions. Sa « première exposition personnelle majeure en France » est en cours à La Monnaie de Paris. « L’œuvre de Kiki Smith ne véhicule pas des idées, elle montre des choses, elle dévoile une attitude. Que ces choses, cette attitude, nous donnent des idées à nous qui les regardons, est une autre affaire, c’est notre affaire. » (Jean Frémon)

Commentaires

  • Le trait est d'une grande délicatesse et les sujets d'inspiration ne laissent pas indifférents. J'aime beaucoup la main de sa maman, il émane une incroyable lumière de cette main fragile.
    La phrase d'Albert Schweitzer me parle, tout serait si simple si...
    Merci Tania, bises étoilées. brigitte

  • Tu auras deviné combien j'ai été sensible à cette série, entre autres. Merci, Brigitte.

  • Que de tendresse et de finesse chez cette artiste dont j'ignorais jusqu'au nom !
    " Entre chien et loup " . Je m'interroge : entre le sauvage et l'acquis peut-il exister un équilibre harmonieux ? N'est-ce pas la gageure à laquelle nous sommes , au XXI ème siècle , justement confrontés ? Préserver en nous-mêmes ce qui a été confié à la garde de chacun , de chaque société : les valeurs du chien, fidèle , respectueux des lois , protecteur du plus faible ? Mais également les valeurs du loup , instinctif , spontané , rebelle à toute enregimentation dans une pensée unique ?
    Les sages d'Israël ont une jolie définition de l'heure " entre chien et loup " :« c'est quand tu commences à distinguer ton frère . »

  • Heureuse que vous l'appréciiez à votre tour, Béatrice.
    Vos questions rejoignent exactement les thèmes de Kiki Smith. Merci pour la belle définition.

  • très intéressante cette exposition et cette artiste que je découvre grâce à toi

  • L'article de Roger-Pierre Turine dans La Libre m'a décidée à aller voir cela de près. (De la gare de La Louvière, il suffit de monter un peu à pied pour aller à Keramis et au Centre de la Gravure encore un peu plus haut.)

  • Je suis allée voir le site de la Monnaie de Paris, l'expo a l'air variée et très intéressante ; je n'en avais pas du tout entendu parler. C'est difficile d'aller à Paris en ce moment, mais j'ai jusqu'à début février .. croisons les doigts.

  • J'espère que tu pourras y aller, cette artiste est très intéressante.

  • Quelle artiste surprenante ! C'est vrai que son oeuvre est inquiétante. Dans Entre chien et loup elle joue avec les mots et nous montre aussi la dualité qui est en nous, entre l'animal et l'humain. J'ai aussi aimé Mortal où la matière semble se dissoudre, perdre sa forme.

  • Entre l'animal et l'humain, voilà bien où elle se cherche et nous conduit.

  • Ce corps si présent mais qui semble se diluer dans l'irréel. Vie et mort, c'est comme dit Claudialucia inquiétant et rassurant à la fois.
    Mortal, moi aussi, et puis dans tes liens Banshee Pearls.
    merci de nous la faire connaître Tania.

  • Et tout cela, Kiki Smith le montre simplement mais avec une telle intensité parfois. Avec plaisir, Colo.

  • Je ne connaissais que les sculptures de Kiki Smith. Ton article m'a beaucoup intéressée, du coup, je suis allée voir quelques articles et vidéos pour en savoir encore plus ! Merci Tania !

  • Peu de sculptures dans cette exposition-ci, je leur ai préféré ses gravures.

  • Merci, Tania. Kiki smith est décrit comme une fille-loup et un oiseau-âme. Elle crée des images de transformation physique inspirées des contes de fées.

  • Merci pour ces précisions, Jane. En effet, j'ai vu là, par exemple, un petit bronze couché intitulé "Mother" à corps de sirène.

  • inconnue pour moi et même si ce n'est pas ce que je préfère en art j'aime beaucoup le portrait Red Cap

  • Il y a d'autres beaux visages (d'hommes) à l'exposition, qui te plairaient peut-être aussi.

  • Je n'aime pas toutes ses oeuvres ( celles que tu montres) mais merci pour la découverte car je ne connaissais pas cette artiste !

  • Rares sont les artistes dont nous aimons tout, heureuse que tu apprécies ce billet, Maggie.

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