« Les choses qui comptent sont autant ailleurs qu’ici. La connaissance de soi passe par la découverte de l’autre, de l’étranger, dans ce libre jeu entre l’ancrage et le mouvement qui fonde l’idéal cosmopolite. Si tant de personnes de la génération de mes parents demeurent encore nostalgiques des dernières années de l’empire soviétique, s’ils refusent de reconnaître ses vices, depuis la pénurie de papier-toilette jusqu’au racisme ordinaire, c’est qu’ils croyaient dur comme fer à cette utopie-là. Ces Soviétiques jeunes, instruits, optimistes, métissés à l’image de leurs bibliothèques, attendaient de la perestroïka qu’elle ouvre les vannes de la démocratie dans la même joie unanime qu’avait fait jaillir la glasnost, quand tout le monde se mit à lire les livres que la veille encore on planquait sous le manteau.
On connaît la suite. »
Diana Filippova, De l’inconvénient d’être russe
Photo : Parmi les fondateurs de Place publique, le 5 novembre 2018, à Paris.
De gauche à droite, Claire Nouvian, Diana Filippova, Raphaël Glucksmann
Commentaires
C'est difficile à comprendre cet attachement "dur comme fer" à des dictatures.
Ici en Espagne il y avait (et il y a encore) beaucoup de gens qui étaient convaincus que "avec Franco on vivait mieux".
Merci pour cet extrait qui montre bien la frustration si compréhensible des jeunes générations
Certains en bénéficiaient, d'autres appréciaient plus d'ordre ou de stabilité peut-être. C'est tout aussi complexe de comprendre pourquoi tant de gens votent à présent en Europe (ou ailleurs) pour des partis extrémistes.
Est ce que cet attachement est aussi lié à la nostalgie de sa jeunesse ? Il y a aussi un tel formatage des esprits que c'est difficile de s'en défaire complètement sans doute.
Pour l'autrice, c'est clairement sa vie en France qui l'a construite. Pour elle-même, pas de nostalgie, il me semble.
Tant de dictatures fleurissent (le mot est mal choisi... ) et perdurent, c'est tellement incompréhensible...
Quand un régime ne permet aucune opposition, emprisonne voire empoisonne, c'est la force du pouvoir qui a le dessus, les véritables pensées restent cachées. Il y a aussi beaucoup de nationalisme là-dessous.
Je pensais plutôt à la génération de ses parents.
Ah d'accord, j'avais mal compris. Oui, cela compte sans nul doute pour ses parents.