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Passions - Page 6

  • Possible

    lize spit,l'honorable collectionneur,roman,littérature néerlandaise,belgique,enfance,amitié,réfugiés,kosovars,collection,culture« Sa prière terminée, Jimmy a sorti du tiroir à verrou ses quatre classeurs Flippo, deux pour lui-même et deux pour l’album de Tristan, puis les a soigneusement disposés en carré sur le bureau, pile entre les seize petites croix qu’il avait tracées au crayon. Dans l’espace resté libre au milieu, il a étalé son matériel : un rouleau d’essuie-tout, une feuille de papier blanc pliée en deux, un spray nettoyant pour lunettes, un gant en latex, des ciseaux et une pince à épiler. Il a enfilé le gant, qui luisait de graisse orange, et a ouvert le paquet de chips sans le déchirer.
    La tension est montée au maximum lorsque Jimmy a déversé par à-coups le contenu du sachet sur la feuille dépliée, un moment où tout était encore possi
    ble. »

    Lize Spit, L’honorable collectionneur

  • Son meilleur ami

    Traduit du néerlandais (Belgique) par Emmanuelle Tardi en 2024, L’honorable collectionneur (2023, De eerlijke vinder) est le dernier roman paru de Lize Spit (°1988). En un peu plus de cent pages, il raconte la grande amitié entre Jimmy Sas, onze ans, et Tristan Ibrahimi, un jeune Kosovar dont la famille nombreuse (il a sept frères et sœurs) a été accueillie dans son village.

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    Pour la première fois de sa vie, quelqu’un a invité Jimmy à passer l’après-midi et la nuit dans sa famille, le garçon se demande comment ce sera de dormir dans cette maison où tous dorment sur des matelas posés à même le sol. Avant d’y aller, sur son BMX, il fait sa « tournée quotidienne » de futur « collectionneur célèbre dans le monde entier » : passer près des commerces, des cafés, vérifier si personne n’a laissé tomber de monnaie par terre ou dans les distributeurs automatiques, dans les horodateurs – « il y avait souvent vingt francs belges à glaner ».

    Quel choc quand il aperçoit dans le distributeur de billets d’une agence bancaire une liasse de billets oubliés ! Des billets de cinq cents francs ! De quoi acheter plus de deux cent cinquante paquets de chips à l’hypermarché : Jimmy collectionne les flippos (petites rondelles de plastique à l’effigie des héros de Looney Tunes offertes aux consommateurs belges d’une marque de chips dans les années 1990) et le voilà assez riche pour remplir les manques et devenir un collectionneur célèbre pour sa collection complète.

    Juste quand il va repartir, une voiture de sport arrive en trombe devant l’agence. La dame élégante qui en sort devine tout de suite qu’il a pris les billets manquants, crachés dans un second temps par la machine. Adieu veau, vache, cochon, couvée ! Après avoir nié, Jimmy, « le chercheur honnête » (traduction littérale du titre original), tente bien de l’amadouer en lui parlant des Kosovars, mais la femme estime que le garçon a commencé par mentir et n’a donc pas droit à une récompense.

    Quand il est arrivé à l’école sans connaître un mot de néerlandais, Tristan avait été confié par la directrice à Jimmy, le petit génie de la classe, pour qu’il le prenne sous son aile. Avant de quitter la maison où il vit seul avec sa mère et ses chiens, il a téléphoné à Tristan pour demander s’il devait apporter des draps ou autre chose pour la nuit. « Il y a tout à la maison » a répondu Tristan, avant d’ajouter qu’ils venaient de recevoir « la lettre d’expulsion ».

    Aussi Jimmy décide d’emporter l’album de flippos qu’il confectionne en secret pour Tristan avec ses doubles, un travail minutieux, soigné, de véritable collectionneur. Mais Tristan, lui, ne pense qu’à la fameuse lettre qui leur annonce le rejet de leur demande d’asile : ils doivent tous partir, sauf la petite dernière, née sur le sol belge. Avec sa sœur Jetmira, Tristan a « un super plan » pour rester dans leur pays d’accueil, qu’ils ne peuvent réaliser sans la participation de Jimmy, à qui ils veulent d’abord faire passer une épreuve. Celui-ci veut des explications, leur attitude l’angoisse. Les flippos ne sont vraiment pas la préoccupation de Tristan.

    Lize Spit réussit, dans L’honorable collectionneur, à restituer les bonnes intentions de Jimmy, sa passion pour la collection et surtout la véritable amitié qui le pousse vers Tristan. Il ressent le décalage entre leurs situations, en ce moment décisif pour la famille kosovar. Le plan imaginé par Tristan et sa sœur provoque immédiatement de la crainte chez Jimmy, qui le juge déraisonnable, et en même temps il ne peut pas, en tant qu’ami, refuser de prendre des risques pour ne pas les décevoir.

    La fiction et la réalité suivent leur propre cours en fonction de nombreuses circonstances, à découvrir dans ce récit très attachant. Une note finale précise que ce court roman est inspiré de l’histoire d’une famille de dix personnes qui a fui la guerre au Kosovo et s’est retrouvée en novembre 1998 dans la commune flamande de Viersel. 

  • Le paon-du-jour

    Paon-du-jour.jpgDepuis des années, les papillons ont quasi disparu sur notre terrasse. J’en aperçois parfois un blanc, la piéride du chou, très commune. Un jour, j’ai pu identifier un grand, sombre et spectaculaire gamma, pendant qu’il se reposait contre la vitre.

    Et voici que par une journée très ensoleillée de ce mois de mars, annonçant le printemps, un paon-du-jour est venu visiter les fleurs du laurier-tin : quelle merveille de revoir un si beau papillon ! Une splendeur, comme le dit son nom en grec, aglais io.

  • Un poumon vert

    En ce 19 mars, veille du printemps, les signes du renouveau se multiplient dans mon jardin suspendu, dans les jardinets le long des trottoirs et bien sûr au parc Josaphat. C’est un mercredi après-midi : sous un ciel parfaitement bleu (depuis quelques jours dans le Nord, tandis qu’il pleut dans le Sud), les enfants y sont nombreux.

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    Sur la grande pelouse du tir à l’arc, l’appel de l’herbe est déjà irrésistible, qu’on s’y installe seul, en couple ou en famille. On lit, on scrute son téléphone, on bavarde, on regarde et on est regardé par ceux qui se promènent dans les allées ou se sont installés sur un banc. A gauche de la résidence Brusilia qui domine le quartier de ses trente-cinq étages, vous pouvez voir la flèche de l’église Saint-Servais, en haut de l’avenue Louis Bertrand.

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    Quelques arbres sont déjà en fleurs, j’en aperçois un par-dessus les buissons autour de cet abri. Son toit est soutenu par des colonnes en rocaille imitant des troncs. Une trentaine d’ouvrages de ce type ont été construits dans le parc schaerbeekois au début du XXe siècle, avant la première guerre mondiale, et contribuent à son charme.

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    Ce duo-ci a préféré s’asseoir sur l’herbe un peu plus loin, à l’écart. C’est une bonne place pour admirer les arbres encore dénudés, mais qui offrent déjà ce joli flou printanier au bout des branches, bien visible sur un ciel d’azur.

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    Plus loin, le grand talus au massif de forsythia attire toujours par ses couleurs et ceux qui s’y installent ont une belle vue sur les étangs. Sur la gauche de la photo, on voit que la floraison du magnolia rose pâle a commencé, celle du rose plus foncé, juste à côté, pas encore.

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    En continuant, on arrive au bout des étangs vers la « cascade », où l’eau ne coule plus depuis le percement d’une avenue en amont. On traverse sur quelques pierres plates dans l’eau avant de remonter de l’autre côté du parc. Un ruisseau le traverse mais l’alimentation en eau des étangs circule en circuit fermé.

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    Du jaune, du blanc, que ces couleurs printanières réjouissent le regard au milieu de tout ce vert! Près de la statue de l’élagueur, verdi lui aussi, un groupe d’enfants aux gilets vert fluo découvrent les sculptures du parc avec une guide, un feuillet à la main.

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    Et nous voilà cette fois en bas de la grande pelouse du tir à l’arc. D’ici, on voit bien que le parc s’étire en dessous du boulevard Lambermont, dont on aperçoit les maisons. Au centre de la pelouse, des poubelles dédiées, dans des bacs en bois, invitent au tri sélectif des déchets.

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    Si on traverse l’avenue Louis Bertrand vers le Crossing, le club de football local, on accède à l’autre partie du parc, le Parc de la Jeunesse. Sur cette dernière photo, prise tout près de la chaussée de Haecht et où on retrouve en haut le boulevard et ses maisons, je vous montre le terrain de football pris d’assaut par les enfants en ce mercredi après-midi. Le parc Josaphat est vraiment le poumon vert des Schaerbeekois.

  • Une bourge

    brisac,les enchanteurs,récit,études,travail,édition,culture,sexisme« J’allume une cigarette. Tout pèse soudain une tonne.
    En plus tu fumes. Tu fumes alors que tu es enceinte ?
    Sa méchanceté est comme une aile qui bat au-dessus de ma tête.
    Tu es chouchoutée et tu ne t’en rends même pas compte. C’est ça, les filles de luxe, les jewish princesses, on est aux petits soins et elles se plaignent, c’est ce qu’on m’avait dit à ton sujet, mais je ne voulais pas le croire. Une bourge.
    La question s’est encore coincée dans ma gorge, qui, on ?
    Je m’accroche à cette fichue branche : la positive attitude.
    Non, je t’assure, ça me va très bien. J’aime beaucoup le gris des murs. On dirait… les mots qui me viennent, je ne peux pas les dire. Je posais juste une question.
    Evite les questions, Nouk, tu ne t’en porteras que mieux, conclut-il, avant de filer vers l’autre monde, l’ensoleillé, le vrai, le paradis au bout du couloir, avec ses pluies de lumière.
    Il repart, content de sa séance de dressage, et je commence à installer mes affaires. »

    Geneviève Brisac, Les Enchanteurs