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Bruxelles - Page 15

  • A la Brafa 2023

    La prestigieuse BRAFA a retrouvé sa place en début d’année dans le calendrier des foires européennes et se déploie désormais sur deux halls de Brussels Expo au Heysel. 2023 étant l’année de l’Art nouveau à Bruxelles, des objets Art nouveau sont mis à l’honneur (dont de somptueux bijoux). Le tapis de la foire est imprimé de dessins du grand architecte belge Victor Horta, ainsi que la couverture du catalogue.

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    L’aménagement d’un stand importe pour attirer les visiteurs. Trois exemples : très « déco », ce stand expose au mur une « destruction » de Tadashi Kamawata, à partir de bois de palette récupéré. Sous un Concert champêtre de Botero, voici de beaux oiseaux en bronze du sculpteur animalier Jonathan Knight. Francis Maere en expose d’autres sous deux aquarelles de Spilliaert (déjà montrées). Je ne connaissais pas Jivko, qui signe cette jolie console contemporaine au hibou, en bronze doré.

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    De grandes fleurs en papier mâché datant de 1900 ont attiré mon regard : des modèles pour étudiants en botanique, devenus objets décoratifs. Mon coup de cœur floral est signé Redon : un magnifique Vase de fleurs au pastel ! Vu aussi des anémones de Renoir, des hydrangéas dans un jardin de Claus ou cette Terrasse fleurie sous la pluie d’Henri Martin, charmante bien que de composition fort symétrique.

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    Odilon Redon, Vase de fleurs, Pastel, 50 x 43 cm (Galerie Taménaga)

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    Henri Martin, Jour de pluie sur la terrasse fleurie de Marquayrol, huile sur toile, 79 x 108 cm (Willow Gallery)

    Autre coup de cœur, ce paysage de neige de Bonnard (ci-dessous). Il me semble que je n’en avais jamais vu de lui : j’ai adoré ces jaunes lumineux auxquels répond le bleu d’un buisson et des vêtements du personnage sur la gauche. D’une facture très différente, aussi sous un ciel jaune, j’ai aimé ce paysage aux arbustes givrés de Fjaestad.

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    Pierre Bonnard, La neige au Grand-Lemps, 1910, huile sur toile, 50 x 65 cm (Galerie Hurtebize)
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    Gustaf Fjaestad, La neige, 1919, huile sur toile, 100,5 x 140,5 cm (Ary Jan)

    Univers du bronze montrait de belles réductions de Rodin et cette séduisante Femme de Tours ou Mélancolie de Volti (1915-1989), dans la même veine que Jouvence présentée en pleine page dans La gazette Drouot qui cite le sculpteur : « Ce qui m’enchante dans un corps de femme, ce sont les rythmes et les volumes. » Sur le site d’UBD, une vidéo vous permet de visiter ce stand. Du rythme abstrait dans Gate, une sculpture contemporaine en acier poli de Tony Cragg, à l’entrée de la Galerie von Vertes.

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    Antoniucci Volti, Mélancolie ou Femme de Tours, bronze, H 60 x W 160 x D 80 cm (Univers du bronze)
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    © Tony Cragg, Gate, 2019, acier inox poli, 56 x 62 x 55 cm (Galerie von Vertes)

    En explorant le catalogue de la Brafa et les suppléments de presse mis à la disposition du public, je découvre plein de choses admirables que je n’ai pas vues. 130 galeries, ça ne se visite pas in extenso. Les œuvres devant lesquelles je me suis arrêtée, je ne les oublierai pas. Que dites-vous de ce Déjeuner du petit Jean Gosset en Normandie (1911) de Vuillard ? de L’écuyère sur l’âne vert (1981), un petit Chagall merveilleux ? Connaissez-vous Elisabeth Sonrel (1874-1953) ? Sa belle Yseult (aquarelle et gouache) somptueusement encadrée, d’époque art nouveau, m’a rappelé les sujets préraphaélites.

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    Edouard Vuillard, Le déjeuner du petit Jean Gosset, 1911, huile sur toile, 81 x 102 cm (Galerie des modernes)
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    © Marc Chagall, L'Ecuyère sur l'âne vert, 1981, huile sur toile, 27x 22 cm, (Galerie Claes) 

    J’ai bien failli  ramener chez moi – je plaisante – une petite marine de Paul César Helleu, chez le même galeriste (Ary Jan). Comment choisir entre ces Nuages du soir, Cancale d’Amédée Julien Marcel-Clément ou sa Matinée aux Sables d’Olonne ? A moins que vous préfériez Port du Croisic, un petit format de Jean Metzinger ?

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    Paul César Helleu, Dieppe, les falaises, 1884, huile sur toile, 21 x 27 cm (Ary Jan)

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    Amédée Marcel-Clément, Nuages du soir, Cancale, s.d., huile sur panneau, 44,5 x 80 cm (Ary Jan)
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    Jean Metzinger, Port du Croisic, 1903, huile sur carton, 22 x 27 cm (Galerie des modernes)

    Raccourcir, raccourcir ce billet – comme c’est difficile après une visite de la Brafa ! J’avais pensé vous montrer un étonnant bénitier en vermeil du XVIIe siècle, une paire de chaussures en bronze d’un hyperréalisme saisissant, mais je préfère terminer cet aperçu avec de l’art belge : j’aime ce Gardien de vaches, Joueur de flûte de Malfait. On peut lire sa biographie sur le site de la galerie Oscar De Vos, qui propose son catalogue en ligne.

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    © Hubert Malfait, Gardien de vaches, joueur de flûte, 1930, huile sur toile, 85 x 75 cm (Francis Maere)

    La Fondation Roi Baudouin exposait un paravent art nouveau de Paul Hankar et, parmi d’autres pièces remarquables, un portrait par Memling, revenu d’Amérique à Bruges « où Memling l’a peint au XVe siècle ». Je n’ai pas réussi à m’en approcher. Le public nombreux d’une conférence occupait tout le stand. Je me suis tout de même glissée derrière le dernier rang pour voir de plus près le Théâtre de Maeterlinck en trois volumes illustré de dessins originaux par Spilliaert. La FRB vous montre tout cela sur son site, si cela vous intéresse.

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    Théâtre de Maurice Maeterlinck, recueil en 3 volumes,
    dessins originaux de Léon Spilliaert (1902/1903) (FRB)

    A la prochaine pour un complément – court, c’est promis.

  • Le gâteau du bonheur

    Hanf L'enfer du bocal couverture Deville.jpgDe Juliette à Jacques :

    « Ne faites surtout pas la même erreur que moi : se focaliser uniquement sur un seul espace mental, délimité par la famille, l’amour ou le travail, peu importe. Le gâteau du bonheur n’est pas composé d’un ou de deux ingrédients, d’une ou deux personnes, d’une ou deux parts. Il se compose de plus, de beaucoup plus. Autour des éléments essentiels, il faut le remodeler, le recomposer sans cesse, ajouter de nouveaux ingrédients et d’autres saveurs pour garder le goût de la vie. »

    Verena Hanf, L’Enfer du bocal

  • L'Enfer du bocal

    Sur la couverture de L’Enfer du bocal, le dernier roman de Verena Hanf qui vient de paraître, un poisson rouge saute hors de l’eau. « L’enfer, c’est les autres » écrivait Sartre dans Huis clos. Dans ce récit dédié par la romancière à ses fils, le bocal est d’abord celui de la sphère familiale, mais pas seulement. Comme dans ses romans précédents, Verena Hanf se penche ici sur les difficultés des relations interpersonnelles.

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    « Ils se moquent de ma boîte à tartines, je le sais, je le sens, même s’ils ne disent rien devant moi. » Au boulot, Jacques, le narrateur, préfère les bonnes choses que lui prépare sa femme tous les matins (Clara se soucie de les nourrir sainement) aux aliments industriels que les autres déballent ou réchauffent dans une cuisine qui ne mérite pas ce nom.

    Le bureau non plus – « Bureau, mon œil ! » Plutôt une cage « dans ce qu’ils appellent l’open space et que moi j’appelle l’aquarium. Du verre tout autour, des piranhas à l’intérieur et un manque cruel d’air. Les fenêtres sont hermétiques. » Seules notes encourageantes près de lui, les photos de sa femme, de sa fille, de ses petites-filles, « et même celle de Bruno encore enfant, souriant, cliché rare. »

    Rien ne va plus au travail pour Jacques depuis qu’on l’a déclaré low performer neuf mois plus tôt et rétrogradé au profit d’un jeune collègue. Il l’avait soutenu dès son arrivée, comme un fils, et le voit désormais comme un Judas, un traître. Jacques a échappé au licenciement, encore heureux à son âge – pas au mépris des autres. Clara le soutient, mais il reste de plus en plus silencieux à la maison.

    « Une nouvelle voix dans l’aquarium. Et quelle voix ! Basse, feutrée, avec un timbre vanillé. » Une femme rondelette vient le saluer à son bureau, Juliette Antoine, une nouvelle employée des ressources humaines, dans la cinquantaine. Il se méfie de ce département, mais elle semble vraiment gentille, s’intéresse à sa famille et le remet un peu de bonne humeur.

    Bruno, son fils, prétendait que Jacques voyait le mal partout, lui reprochait une vie médiocre, son travail commercial, le genre de vie dont lui ne voulait pas ; il ferait des études de philologie et de philosophie. Jacques lui en voulait de ce dénigrement général et de son manque de reconnaissance. Il lui avait appris tant de choses, à son fils, le vélo, les maths, les échecs... Et son travail les nourrissait, tout de même, il leur payait des vacances.

    Cet idéalisme de l’adolescent qui se transforme en juge impitoyable de ses parents, Clara et Jacques en ont beaucoup souffert. Clara y voyait l’influence d’un ami qu’elle jugeait « manipulateur », « un vrai petit escroc sous ses airs de bobo » –  ils voulaient le protéger. Depuis que leurs deux enfants ont quitté la maison, Clara retravaille comme infirmière à mi-temps, leurs horaires sont désaccordés, Jacques mange souvent seul le soir. De toute façon, ils ne parlent plus de Bruno, Clara s’y refuse : « Il sait où nous trouver, s’il le veut. Moi, je ne courrai plus après lui. Il y a des limites à tout. »

    Clara « a des opinions presque sur tout » et cela plaisait à Jacques après « les années sombres » de sa jeunesse. Bruno avait été un enfant très éveillé, curieux, puis il avait commencé à tout mettre en doute et à provoquer de grosses disputes avec son père. Il avait fini par s’éloigner pour de bon en leur laissant quelques mots sur une carte dans la boîte aux lettres. Heureusement, leur fille Corinne fait leur joie, avec ses deux petites, ils se voient régulièrement.

    Le poisson qui saute hors du bocal, c’est donc avant tout ce fils qui a fui sa famille sans plus donner de nouvelles et qui hante l’esprit de son père. C’est peut-être aussi Jacques quand il sort de « l’aquarium » avec son paquet de cigarettes, même s’il ne fume plus. Parfois Juliette le rejoint dehors. Elle est la seule avec qui il a encore envie de parler. Quand il l’interroge sur ses enfants, elle lui apprend que sa fille est morte six ans plus tôt. « D’un geste impulsif, je pose ma main sur la sienne. Elle est molle et chaude. »

    Les soirs sans Clara, de garde, Jacques cuisine parfois, mais la fatigue, son ulcère l’en découragent souvent. Lire, sortir, regarder la télé, plus grand-chose ne l’intéresse. Il va se coucher. « Depuis le départ de Bruno, depuis sa carte postale, le joyeux va-et-vient s’est arrêté, la maison est silencieuse, même le chat ne miaule plus. »

    Verena Hanf campe dans L’Enfer du bocal un personnage à la dérive et montre le désarroi de parents aimants abandonnés sans raison par un fils. On se demande si ce couple qui n’arrive plus à communiquer tiendra le coup, et où cela va les mener. De petites lumières d’espoir éclairent ce roman centré sur les liens familiaux et largement inscrit dans un contexte social. On y reconnaît bien notre époque et la fragilité des rapports humains.

  • L'Arbre

    picasso & abstraction,exposition,bruxelles,musées royaux des beaux-arts,peinture,sculpture,représentation,art figuratif,art abstrait,création,culture« Un arbre ? ou une abstraction ? Des courbes, des contre-courbes, des formes humaines se mêlent aux formes végétales. Deux tonalités rassurent : des verts pour indiquer le feuillage et des bruns rose sable pour les troncs et le pourtour de l’arbre.
    Au sommet, une ouverture bleue indique le ciel. Ce sont nos points d’ancrage dans le réel. […] »

    Suite à lire ici : Picasso & Abstraction, podcasts/transcriptions, Episode #4, Textes de Jennifer Batla © MRBAB 2022

    Pablo Picasso, L'Arbre, 1907, huile sur toile, Musée national Picasso-Paris,
    Dation Pablo Picasso 1979 © Succession Picasso

     

     

  • Picasso, abstrait ?

    Merveilleuse affiche « musicale » (ci-dessous) pour Picasso & Abstraction, l’exposition en cours aux Musées royaux des Beaux-Arts à Bruxelles. Elle montre « les liens entre l’œuvre de Picasso et l’histoire de l’art abstrait » et l’on y observe « au fil des décennies le mouvement de balancier que l’artiste opère entre abstraction et figuration. » (MRBAB). Cécile Debray, actuelle présidente du musée Picasso-Paris, rappelait dans un entretien que Picasso « éprouve une certaine réticence vis-à-vis de l’abstraction qui ne serait que pur jeu de formes, décoratif ou spirituel » (La Libre Belgique).

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    Pablo Picasso, Violon et feuille de musique, 1912, Paris, Papiers collés sur carton, 78 x 63,5 cm,
    Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso 1979 © Succession Picasso
     (affiche de l'exposition) Photo © Adrien Didierjean/RMN 

    Comme cette exposition est exceptionnellement accessible tous les jours, j’ai profité d’un lundi matin pour éviter l’affluence ; les groupes scolaires se succédaient, ce qui permettait de goûter le dialogue parfois ardu entre conférencières et élèves. Devant Le peintre et son modèle, au début du parcours consacré à l’atelier du peintre (peintures, sculptures, photos), les visiteurs peuvent écouter le premier des quinze « podcasts » explicatifs ou en lire la transcription (liens sur le site de l’expo) dont je me suis inspirée ici et là pour ce billet.

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    Devant Pablo Picasso, Le Peintre et son modèle, 1926, Huile sur toile, 172 x 256 cm,
    Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979 © Succession Picasso

    Sur cette toile où ligne et couleur sont « radicalement dissociées », en suivant les lignes, on repère le peintre à droite, devant une toile fixée sur un châssis, et le modèle à gauche, bras croisés, son profil en grand, un pied géant… L’esquisse préparatoire près du bord droit indique que la composition n’est pas le fruit du hasard. Le thème du peintre et de son modèle, Picasso l’aborde depuis 1914. Dix ans plus tard, il travaille aux illustrations du Chef-d’œuvre inconnu de Balzac où on peut lire ceci : « En s'approchant, ils aperçurent dans un coin de la toile le bout d'un pied nu qui sortait de ce chaos de couleurs de tons, de nuances indécises, espèce de brouillard sans forme ; mais un pied délicieux, un pied vivant. Ils restèrent pétrifiés d'admiration devant ce fragment. »

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    Statuette de fécondité Abron, bois, Côte d'Ivoire, XXe s., Collection R. Dams / Pablo Picasso, Petit Nu de dos aux bras levés, 1907,
    huile sur toile, Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979 © Succession Picasso

    Retour à la figure dans la première salle (le parcours est à la fois thématique et chronologique) centrée sur la découverte des objets africains et océaniens au Musée du Trocadéro en 1907. Formes simplifiées, absence de perspective, une voie nouvelle s’ouvre pour représenter les corps. On voit bien la parenté de structure entre une statuette de fécondité africaine et Petit nu de dos aux bras levés, une étude pour Les demoiselles d’Avignon.

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     Pablo Picasso, Paysage aux deux figures, 1908, huile sur toile,
    Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979 © Succession Picasso

    Il y a là deux très beaux objets prêtés par l’Africa museum de Tervuren : une statue Kota en bois et laiton (Gabon), aux lignes du visage fortes et stylisées, et un masque Pende (RDCongo) bicolore qui évoque irrésistiblement le cubisme. Près d’un paysage de Cézanne, qui leur a montré la voie, un paysage cubiste de Braque et Paysage aux deux figures de Picasso montrent la même tendance à traiter le paysage par facettes, à disperser les couleurs, les lignes organisant la composition.

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    Pablo Picasso, Nature morte ovale au trousseau de clés, 1912, encre et crayon graphite sur papier d'emballage,
    Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979 © Succession Picasso

    Au début des années 1910, place au cubisme « analytique » : l’objet, la figure sont fragmentés, décortiqués en éléments constitutifs. Les gris, les bruns, les ocres dominent ; la structure importe plus que les tons. Picasso comme Braque donnent à leurs toiles des titres qui nous incitent à reconnaître une forme ici ou là, des clés, une bouche, une serrure, un damier (Nature morte ovale au trousseau de clés de Picasso), mais on est parfois « largué » comme l’écrivait une critique dans Le Temps à propos de Femme lisant de Braque, une toile par ailleurs harmonieuse et lumineuse. De Picasso, Guy Duplat écrit ceci dans La Libre Belgique : « Son art ramené parfois à des signes est toujours comme un condensé de la réalité jusqu’à s’en distancier très largement. »

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    Pablo Picasso, Guitare et bouteille de Bass, 1913, bois, papier collé, fusain, clous,
    Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979 © Succession Picasso

    Le collage de fragments sur la toile puis les papiers collés comme dans Violon et feuille de musique repris sur l’affiche (ill. 1) touchent à l’abstraction. Ce violon attire l’attention : rectangle bleu avec deux petits rectangles bruns (papier d’emballage) pour les ouïes, manche blanc « droit comme un métronome », segment de disque noir à la base, double galbe sur un côté en guise de profil. Beaucoup de douceur dans les couleurs un peu passées, le papier de la feuille de musique a un peu jauni. Quelle poésie dans cette composition ! Guitare et bouteille de Bass a été conçu dans le même esprit.

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    Pablo Picasso, Portrait de jeune fille, 1936, huile sur toile,
    Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979 © Succession Picasso

    Picasso cherchera d’autres façons de « spatialiser » à l’aide de lignes, par exemple dans Portrait de jeune fille dont les parties semblent posées comme une sculpture devant la mer, une toile peinte au printemps 1936 à Juan-les-Pins. A la fin de cette année-là, il multiplie les formes angulaires, les discordances entre forme et couleur dans Nature morte à la lampe : « trop blanc », « ça coupe comme le verre » comme quand la vie fait mal, d’après le commentaire de cette toile. Est-ce en référence à la guerre civile en Espagne ? La lampe à la « lumière mordante » annonce-t-elle celle de Guernica ?

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    Pablo Picasso, Nature morte à la lampe, déc. 1936, huile sur toile,
    Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979 © Succession Picasso

    Les dernières années de création suscitent des réactions diverses sur la « virulence » des couleurs, les sujets érotiques, la liberté gestuelle du peintre. Le parcours se termine avec La Cuisine, qui semble « une abstraction grise et blanche » de prime abord. Françoise Gilot, la compagne de Picasso à l’époque, y reconnaissait une fenêtre, une table, la cage aux deux tourterelles, celle du petit hibou, les assiettes, la plaque tournante du four…

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    Pablo Picasso, La cuisine, 1948, huile sur toile,
    Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979 © Succession Picasso

    En partenariat avec le Musée Picasso de Paris, Picasso & Abstraction propose un angle original pour observer comment a évolué Picasso, représentant incontestable de la création artistique sans cesse renouvelée. Les œuvres ont été choisies pour illustrer cette approche, elles montrent la diversité des moyens picturaux utilisés, entre figuration et abstraction, sans jamais renoncer au réel. « Il n’y a pas d’art abstrait, disait Picasso, il faut toujours commencer par quelque chose. On peut ensuite enlever toute apparence de réalité, il n’y a plus de danger, car l’idée de l’objet a laissé une empreinte ineffaçable. »