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sculpture - Page 36

  • Au parc Josaphat

    Un rayon de soleil ? Au cœur de Schaerbeek, la plus peuplée des dix-neuf communes de Bruxelles après Bruxelles-ville, le parc Josaphat offre les charmes d’un jardin à l’anglaise. Créé en 1904, actuellement restauré en profondeur, il doit son nom à un pèlerin frappé, à son retour de Palestine, par la ressemblance entre la vallée de Roodebeek et la vallée éponyme près de Jérusalem. Arbres magnifiques, pelouses en pente douce, étangs, statues, l’appel à la promenade est irrésistible pour les habitants de la Cité des Anes. Les coins discrets attirent des amoureux – c’est bien le moins dans un parc où coule une Fontaine d’Amour. 

     

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    A chaque saison, j’en fais volontiers le tour l’appareil photo à la main, à l’affût de l’une ou l’autre impression. On a refait récemment la large entrée à l’angle du boulevard Lambermont (bruyant) et de l’avenue Louis Bertrand (superbe), qui se pare au printemps des pompons roses des cerisiers du Japon. Le soleil qui traverse la voûte de verdure joue là sur le sol comme dans ces paysages impressionnistes tout en jeux d’ombre et de lumière.

     

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    On peut alors descendre près de la grande pelouse du tir à l’arc par des chemins en pente le long des talus, que soutiennent çà et là des clôtures en bois tressé. J’avoue ne pas reconnaître toutes les espèces d’arbres – une insulte à leur grand âge, certains se tiennent là depuis bien avant la création du parc – mais je ne manque jamais de saluer les splendides hêtres dont le rouge flamboie parmi les verts les plus variés.

     

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    En suivant le ruisseau où l’une ou l’autre poule d’eau s’affaire, on arrive aux étangs, puis à la partie sud du parc, pittoresque, avec un pont en faux bois et une cascade en rocaille. Entre-temps on a croisé quelques-unes des sculptures qui habitent le parc, dont une ronde et douce Maternité (Maurice De Korte), en pierre couleur terre cuite et, juché sur un haut socle, Borée, le vent du nord, (bronze de Joseph Van Hamme), tout en mouvement. Sans oublier les ânes Camille et Gribouille, nouvelles mascottes du parc.

     

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    Nettoyées depuis quelque temps, les statues ont aujourd’hui belle allure, pour la plupart. Déjà quelques barbouilleurs ont souillé un nu féminin à leur portée. Impossible de tout protéger, de surveiller à toute heure… Le kiosque à musique – à peine y avait-on mis une première couche de peinture que des graffitis, déjà, salissaient ses murs – sera-t-il préservé lorsque les barrières qui l’entourent depuis seront ôtées ?

     

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    Je suis chaque fois intriguée par le monument à la mémoire de Philippe Baucq, mort en 1918, dont je ne sais rien mais où une silhouette découpée dans la pierre donne sa part à l’ombre. De là, j’aime lever les yeux vers l’avenue des Azalées, avec ses maisons bourgeoises qui surplombent la verdure – depuis leurs fenêtres, quel jardin à disposition ! Les modestes maisons du parc, de ce côté, leur opposent de simples façades blanches sous des tuiles orange, qui leur siéent fort. 

     

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    Des vers me reviennent devant le buste de Verhaeren – « Dites, quel est le pas des mille pas qui vont et passent… » (Au passant d’un soir). Le poète traversait le parc lorsqu’il se rendait chez son ami le peintre Constant Montald à Evere, commune toute proche. Un sourire à la gracieuse Cendrillon (Edmond Lefever) dont un massif protège les charmes, un coup d’œil à Eve et le serpent (Albert Desenfans) et la balade s’achève, pour aujourd’hui. C’est l’heure du thé.

  • La passion Claudel

    Camille Claudel (1864 – 1943) est connue du grand public depuis les années ‘80, grâce à Une femme Camille Claudel d’Anne Delbée (1981), puis au livre de sa petite-nièce Reine-Marie Paris (1984), « avertie du destin de sa grand-tante non pas par son grand-père ni par sa mère, mais par un ami amateur d’art ». En 1989, Bruno Nuytten filme Adjani, superbe dans le rôle de l’artiste, face à Depardieu en Rodin, une rareté au cinéma peu tourné vers la sculpture.

     

    Dominique Bona renouvelle l’approche de cette destinée dans une biographie parallèle de la sœur et du frère, Camille et Paul - La passion Claudel (2006). Après son remarquable Berthe Morisot - Le secret de la femme en noir (2000), elle évoque ici l’affection entre deux fortes personnalités très tôt vouées à l’art, et puis le terrible éloignement qui va laisser Camille seule, à l’asile, pendant trente ans, sans personne
    de sa famille à sa mort ni à son enterrement. Même pas une tombe à la mémoire de la sculptrice, laissée à la fosse commune.

     

    Camille Claudel, Jeune Romain ou mon frère à seize ans.jpg

     

    Paul Claudel : « On était les Claudel, dans la conscience tranquille et indiscutable d’une espèce de supériorité mystique. » Camille est née en décembre, Paul en août quatre ans plus tard, Louise entre-temps. A la maison, l’ambiance est détestable. Beaucoup de disputes. La mère est sèche et sévère (sauf avec sa fille cadette), le père taciturne. « Ce qui manque au foyer des Claudel, c’est la joie. (…) Aucune espèce d’insouciance ne lève jamais la chape d’un monde où même les enfants sont graves. » Fonctionnaire à l’enregistrement, le père déménage régulièrement. C’est à treize ans que Camille suit ses premiers cours de sculpture, avec Alfred Boucher. Le petit Paul, comme elle l'appelle, adore marcher, et aussi lire : « Quand la lecture entre dans sa vie, elle ne le lâche plus. » Entre le frère et la sœur, qui s’aiment beaucoup, elle sera une passion partagée.

     

    La première oeuvre marquante de Camille, c’est un Paul Claudel à treize ans (1881). La famille vit alors à Paris : Paul va au lycée Louis-le-Grand, Camille à l’atelier Colarossi. Travail avec d'autres jeunes filles, visite des musées, liberté nouvelle, Paris exalte Camille. Paul, lui, déteste la ville. Rebelle au kantisme régnant,
    il préfère lire Baudelaire. La sœur et le frère, « les Claudel », se soutiennent l’un l’autre, passent leurs vacances ensemble, voyagent en tête à tête.

     

    Quand Camille entre à l’atelier de Rodin, elle n'a pas encore dix-huit ans, lui en a quarante-deux. On travaille beaucoup chez Rodin. Douée, Camille se voit confier des mains, des pieds, devient bientôt une praticienne du maître. Paul s’inscrit à Sciences-Po ; il veut voir du pays, traverser des mers – « Fuir ! Là-bas, fuir ! » (ensemble, ils fréquentent pendant des années les mardis de Mallarmé). 

     

    1886. Paul est ébloui par les Illuminations de Rimbaud, qui devient « la référence absolue ». Cette même année, à Notre-Dame de Paris,  le Magnificat chanté par des voix d’enfants à la messe de Noël le submerge. Une inscription au sol de la cathédrale garde le souvenir de sa conversion. Foi et poésie pour l’un, Art et amour pour l’autre, leurs chemins se séparent. Quai d’Orsay,  Amérique, Chine, … Le poète-diplomate ne cesse d’être ailleurs et d’y nourrir son œuvre.

     

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    Camille quitte l’atelier de Rodin en 1892. Dans l’onyx, elle sculpte ses Causeuses, ne vit que pour son art, et un temps, dans l’amour de Rodin. Mais elle n’est pas partageuse et lui ne veut pas se séparer de Rose Beuret. C’est la rupture. L’âge mûr l'évoque, même si on ne peut réduire ce chef-d’oeuvre à l’anecdote : une jeune femme à genoux implore un homme entraîné par une vieillarde. Dominique Bona fait revivre les heures créatrices de Camille, ses difficultés, ses réussites, celles de Paul en alternance. L’éclairage biographique passe de l’un à l’autre avec la même attention. Lui aussi est déchiré par l’amour : Rosalie Vetch, mariée, l’a aimé puis quitté, bien qu’enceinte de lui, pour un autre. Partage de Midi. Vie, douleur et création.

     

    Puis viennent les années terribles. Délire de persécution. Camille voit partout la « bande à Rodin » qui cherche à lui nuire. Son père, qui l’a toujours aidée, meurt. Une semaine plus tard, à quarante-huit ans, Camille, souffrant de paranoïa, est enfermée à l’asile. Quand elle va mieux, sa mère refuse de l’accueillir. Elle paie sa pension mais ne veut plus la voir. Pire, elle interdit toute correspondance ou visite qui ne soit pas de sa famille proche. Sa sœur verra Camille une seule fois, Paul quatorze - en trente ans, dix-sept visites seulement !

     

    Il faut lire là-dessus La robe bleue, le beau roman de Michèle Desbordes (2004), qui s’inspire d’une photographie de Camille prise en 1929 à l’asile de Montdevergues par le mari de Jessie Lipscomb, son amie d’atelier. Jean Amrouche, à qui Paul Claudel accepte de se confier au début des années ’50 pour des Mémoires improvisés,
    insiste pour qu’il parle davantage de sa sœur : « échec complet », juge celui-ci, qui l'oppose à sa réussite. Comme l’avait prédit Eugène Blot, ami fidèle de Camille Claudel, le temps a remis tout en place. Paul Claudel a connu les honneurs de son vivant, il a sa place dans l’histoire littéraire. La rétrospective Camille Claudel organisée l’hiver dernier a attiré les foules au musée Rodin. Elle est devenue une légende. « Claudel, ce nom glorieux, a désormais deux visages. »

     

    Photos d'après le catalogue de l'exposition Camille Claudel, musée Rodin, 1991.

  • Figures et paysages

    Sur les rivages méditerranéens, à la fin du mois d’août, l’été offrait encore toute sa splendeur...
    Toujours en fleurs, les lauriers-roses et les bougainvillées. Le bleu pâle des plumbagos buissonne généreusement le long des murs. La chaleur pousse à flâner dans les ruelles ou à s’asseoir sur une place, à l’ombre bienfaisante des platanes. Aux expositions d’été, parfois, de bonnes surprises vous retiennent.

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    A l’Atelier des Artistes de Sanary sur Mer, Laurence Castermans propose jusqu’à la mi-septembre Terres & Bronzes, des figures féminines. Une femme noire assise en tailleur porte une robe et un foulard, mais la plupart des sculptures sont des nus. Une adolescente assise sur un tabouret rêve, un coude sur la cuisse, le menton dans la main, les yeux bien ouverts, avec un vague sourire. Une autre, à plat ventre, les pieds en l’air, tourne la tête comme pour épier ce qui se passe à proximité. Ailleurs, une jeune femme, jambes croisées, tient la pose en nouant les mains autour d’un genou. Les terres cuites, lisses ou rugueuses, rendent bien la douceur des corps, le grain de la peau comme tiède sous le regard.

    Si je préfère en général les bronzes, c’est pour la lumière qui joue avec leur patine et leur donne vie. C’est en particulier le cas pour L’accroupie. Il a fallu à Laurence Castermans travailler beaucoup pour garder cette figure en équilibre sur ses pieds presque joints (sans parler du modèle). Elle se tourne vers le visiteur, son regard le défie. Une main contre la joue, l’autre sous le menton, elle se tient devant nous et nous interroge. Il y a de la force dans le mouvement du corps et dans la franchise du visage. C’est beau.

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    Autres œuvres visibles sur http://laurence-castermans.com/index.htm

    Les nombreuses affiches placées dans les environs du Brusc par sa Maison du Patrimoine avaient attiré mon regard sur un nom russe et des bouquets éclatants. Le Brusc, où il est si gai de faire le tour du petit Gaou, île aux bords escarpés et espace naturel protégé, se situe non loin de Sanary où de nombreux artistes allemands trouvèrent refuge loin des nazis, Thomas Mann en premier. Huxley y a écrit Le Meilleur des Mondes. Un sentier du littoral relie Sanary au Brusc. L’exposition du Moscovite fut l’autre bonne surprise de ce séjour.

    Fils d’un peintre homonyme, Serguéï Toutounov peint beaucoup, en Russie et en France depuis son mariage en 1982. Ses bouquets champêtres sont pleins de fraîcheur, ses paysages très sereins. Il explique dans un livre richement illustré avoir choisi de montrer la vie souriante, la vraie vie suffisant largement à nous pourvoir en drames et en soucis divers. La nature est son grand sujet.

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    Dans des formats plutôt intimistes, il aime croquer un joli coin dans un bois, une fenêtre fleurie, un portail, des poules dans une cour de ferme, des détails « universels ». Il peint d’après nature, dans une camionnette aménagée en atelier qu’il arrête au gré de son inspiration. L’impression d’un instant, voilà ce qu’il tient à communiquer, c’est pourquoi il se refuse à corriger l’œuvre ensuite. Dans la lignée des réalistes russes du XXe siècle, il cherche, écrit Ludmila Rudneva, à « raconter à nos contemporains l’infinie beauté du monde ».

    Toutounov peint des fleurs simples : lilas, pensées, iris, myosotis, bleuets, roses parfois. De vibrants bouquets de mimosas laissent entrevoir une prédilection pour le jaune, qui éclaire ses sujets printaniers et ses paysages d’automne, comme sur cette toile où un banc baigne dans la lumière dorée d’un érable. L’artiste s’installe souvent devant un petit pont du Bois de Boulogne où il aime travailler, qui l'attire à chaque saison. J’aime beaucoup ses paysages.

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    Quand il retourne en Russie, Toutounov trouve de quoi l'inspirer non loin de l’aéroport de Moscou, à Melkhizarovo : des maisons anciennes abandonnées, traces d’une Russie qui disparaît. La Moskova près de Kolomna, Eglise à Perslavl, Bouleaux en hiver : ces tableaux sont comme les visages des pèlerins du monastère Saint Serge dans les années ’70, auxquels il fait allusion dans son livre, « pleins de lumière et de joie douce ».