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poésie - Page 5

  • Kör, poète national

    mustafa kör,poète national,carl norac,poésie,belgique,cultureUn jour arrive où
    malgré toutes les promesses
    tu cesses de te tenir debout
    au milieu du combat
    pour le pain et l’amour

    Le corps après tout n’était qu’un outil
    qui exécute ce qu’a demandé le souffleur

    Finies l’agitation
    et la tragédie des cœurs
    Le mystique t’avait réservé
    le rôle principal

    Le monde t’avait assemblé en braillant
    quand tu devins un homme et serras les poings
    pour affronter la vie
    qui elle-même allait ce même jour brailler
    à cause du destin qui frappa ta moelle
    comme le gel une fleur

    Mustafa Kör, Brood en Liefde / De Pain et d’Amour, traduit du néerlandais par Katelijne De Vuyst & Danielle Losman, éditions maelstrÖm reEvolution, 2022. (Source : Les plats pays, 28/2/2022).

    * * *

    Mustafa Kör sera intronisé demain « poète national ». Il succédera pour deux ans à Carl Norac (merci encore pour les « Fleurs de funérailles » durant le premier confinement), Els Moors, Laurence Vielle et Charles Ducal.

    Né en Turquie en 1976, Kör a grandi au Limbourg dans une famille de mineurs. A 22 ans, la colonne brisée dans un accident de voiture, il commence à vivre dans un fauteuil roulant et se tourne vers l’écriture en autodidacte, devient romancier et poète en langue néerlandaise. « Même sans mon accident, la poésie aurait croisé ma route, mais l’aurais-je vue ? » (La Libre Belgique)

    Vous vous souvenez du Flirt Flamand ? Voici un nouveau concours de poésie « transfrontalier » (par-delà la frontière linguistique, je précise) : Ik poëzie je graag Je te poème.

  • Le ciel

    le ciel,christophe van rossom,poésie,littérature française,belgique,poésies belges,la fureur de lire,2021,cultureLe ciel belge avait bien commencé. Il était bleu, comme beaucoup d’autres, avec çà et là, certes, quelques nuages de beau gabarit, et, même, certains assez sombres et gonflés de pluie ; mais, baste, il n’était pour autant pas si mal.

    Puis vint une sous-commission qui, pour d’obscures raisons, souhaita le repeindre en gris. Elle octroya à cette fin, mais, en raison de grèves, de dysfonctionnements et d’un manque de compréhension entre les vents du Nord et du Sud, les travaux ne purent être achevés dans les temps. Ils ne reprirent jamais d’ailleurs.

    C’est pourquoi l’on peut voir quelquefois une trouée de bleu dans le ciel belge, souverain et vide.

    Christophe Van Rossom, né en 1969
    Recueil Sous un ciel dévoyé, 2005

    Poésies belges, anthologie, La fureur de lire, Bruxelles, 2021

    Les tours de Notre-Dame de Laeken, matin gris, 26/9/2021

  • Festin de silence

    LOUIS THÉVENET 1874 - 1930 NM aux poissons.jpgSur la table
    Le pain le beurre l’eau
    Et le vin
    Le poisson
    Les pommes de terre
    Cuites sous la cendre
    Des secrets
    Les paroles bues
    Les mots avalés
    Nous avons toujours faim
    Nous avons toujours soif
    Nos gestes ne combleront jamais
    L’abîme de nos voix

    Béatrice Libert, née en 1952
    Recueil Etre au monde, 2004

    Poésies belges, anthologie, La fureur de lire, Bruxelles, 2021

    Louis Thévenet, Nature morte aux poissons, 1925

  • Haïkus de printemps

    Après Oreiller d’herbes, voici Haïkus de Natsumé Sôseki (traduits du japonais par Elisabeth Suetsugu), cent-trente-cinq haïkus choisis dans son œuvre poétique où ils abondent. Ces poèmes en trois temps sont présentés dans l’ordre chronologique « pour échapper à la fixité d’une classification par thèmes » (E. S.), une intention que je suis bien consciente de trahir en optant ici pour le printemps. De nombreuses aquarelles et calligraphies de Sôseki (1867-1916) ajoutent au charme de ce petit recueil.

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    En couverture : motif de la couverture des Œuvres complètes de Sôseki publiées par les éditions Iwamani.
    L’écrivain était séduit par l’aspect insolite des kanji (caractères chinois),
    reproduction du « calque » d’une inscription sur pierre de la Chine ancienne.
    (Cette édition ne met pas de tréma sur le « i » de « haiku », à la façon anglaise.)

    Sur l’aile du vent
    Légère et lointaine
    L’hirondelle

    (1894)

    Akiyama Yutaka a dirigé aux éditions Iwanami la dernière collection en date des Œuvres complètes de Sôseki (vingt-huit volumes, dont l’Œuvre poétique au volume 17, plus un à part, en 1999). Dans sa préface, « Le dicible et l’indicible », il écrit : « Même après s’être affirmé en tant qu’« homme de lettres », Sôseki n’a jamais cessé de porter un poids tout au long de sa vie, déchiré jusqu’au bout entre la volonté de tout exprimer et la conscience de ce que le cœur renferme d’inexprimable. »

    Estampe patinée par le temps
    Il pleut sur Edo
    Averse de printemps

    (1896)

    Un de ses disciples, Terada Torahiko, physicien et essayiste, se souvient qu’à sa question : « Qu’est-ce qu’un haïku ? », Sôseki avait répondu : « en premier lieu, le haïku est un concentré de rhétorique, en second lieu, il est un univers irradiant à partir d’un point focal, comme le rivet d’un éventail qui permet de maintenir ensemble toutes ses branches. » Son ami Masaoka Shiki, grand maître dans cet art « qui abhorre l’expression directe du sentiment », l’a initié à la composition des haïkus et il appréciait l’originalité de Sôseki dans cette forme poétique.

    Vent d’est vent de printemps
    Si je savais que tu m’attends
    M’en irais de suite

    (1896, sur une carte adressée à Masaoka Shiki.
    A la mort de celui-ci en 1902, Sôseki composera cinq haïkus à sa mémoire.)

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    Sôseki, Glycine, 1915

    Le raffinement poétique du haïku échappe en grande part aux Occidentaux, explique bien Maurice Mourier dans Petits haïkus : grands poèmes, à propos des Journaux de voyage de Bashô et de L’esprit du haïku suivi de Retour sur les années avec le maître Sôseki de Torahiko Terada. Pour ce premier billet de mai, j’en extrais ceci, une des raisons qui nous y rendent si sensibles aujourd’hui : « Mais c’est l’importance démesurée du rapport à la nature au sens le plus large (vie animale, présence de l’arbre et de la fleur, météorologie, beauté des paysages, harmonie de la terre et du ciel) qui donne à ces textes si succincts leur coloration unique. »

    Dans la plaine acidulée
    Un ruisseau ondule
    Miroitement du colza en fleur

    (1894)

    Le temps s’étire
    Soirée de pluie printanière
    Et moi je songe

    (1897)

    Jardin au crépuscule
    Sans allumer la lampe ni tirer le volet
    Je reste à contempler les fleurs

    (1899)