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bonnard

  • Moment de beauté

    Bonnard Caumont (42) La petite fenêtre.JPG« Représenter la nature quand c’est beau. Tout a son moment de beauté. La beauté, c’est la satisfaction de la vision. La vision est satisfaite par la simplicité et l’ordre. La simplicité et l’ordre sont produits par les divisions de surfaces lisibles, les groupements de couleurs sympathiques, etc. » (16/2/1932)

    Pierre Bonnard, Un sentiment qui tient le mur

     

    Pierre Bonnard, La petite fenêtre, 1946, huile sur toile
    Collection belge LGR

  • Notes de Bonnard

    En sortant de l’exposition Bonnard et le Japon, j’ai trouvé à la boutique de l’Hôtel de Caumont un petit livre : Pierre Bonnard, Un sentiment qui tient le mur – Notes, propos et entretiens, dans la collection de poche de L’Atelier contemporain. J’ai découvert avec curiosité ces notes bien présentées sur papier ivoire, illustrées de photos, de dessins et de mots griffonnés sur des pages d’agendas.

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    « Ce livre regroupe des notes de Bonnard qui révèlent un artisan passionné du métier de peindre autant qu’un poète fervent de la vie brève, un célébrant du passage »  annonce Alain Lévêque dans la préface. Le titre vient de l’artiste lui-même qui se rangeait dans la peinture et aussi le dessin « de sentiment ». Soucieux de rendre en peignant l’émotion première, il écrit, en janvier 1934 : « Une vision sentimentale qui tient le mur. (Un sentiment qui tient le mur.) »

    Les premières notes extraites des agendas de Bonnard conservés à la Bibliothèque nationale datent de janvier 1927 (il a 59 ans) : « Violet dans les gris. Vermillon dans les ombres orangées, par un jour froid de beau temps. » (7/1/1927) Le temps qu’il fait, c’est ce qu’il écrit en premier sous la date, par exemple, à la fin de ce mois-là : « beau temps par vent d’est » ou « pluvieux le matin belle après-midi ». Ou tout simplement : « beau ».

    Ce sont des notes très concises, souvent des phrases nominales, des notations sur la couleur. « Si c’est harmonieux ce sera vrai – couleur, perspective, etc. Nous copions les lois de notre vision – non les objets. » (8/1/1928) Elles disent la recherche du beau : « Que le sentiment intérieur de beauté se rencontre avec la nature, c’est là le point. » (18/1/1939)

    Des peintres y sont nommés : Cézanne, Vallotton, Rubens… On trouvera plus loin de petits textes de Bonnard en hommage à Odilon Redon, Maurice Denis, Paul Signac, Maillol, ses souvenirs sur Renoir. Dans les premiers jours de septembre 1940, il cite des poètes : « 4 poètes Villon La Fontaine Verlaine Mallarmé ». En janvier 1944 : « Celui qui chante n’est pas toujours heureux. »

    Pour un numéro spécial que lui consacre la revue Verve, Bonnard sélectionne quelques notes dont celle-ci m’a fait penser au wabi-sabi japonais : « Les défauts sont quelquefois ce qui donne la vie à un tableau. » Son petit-neveu Antoine Terrasse en cite d’autres, devenues célèbres, pour le catalogue de Bonnard dans sa lumière à la Fondation Maeght en 1975 : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture » et aussi « J’espère que ma peinture tiendra, sans craquelures. Je voudrais arriver devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec des ailes de papillon. »

    Les divers entretiens qui suivent éclairent la manière dont l’artiste considérait l’art, sa vie de peintre, ce qui comptait pour lui, à différentes périodes de sa vie. A Raymond Cogniat, en 1933, il confiait une date clé pour sa conception de la peinture : « C’était pendant des vacances que je passais dans le Dauphiné, dans une propriété de ma famille, aux environs de 1895 ; un jour, les mots et les théories qui étaient le fond de nos conversations : couleurs, harmonies, rapports de lignes et de tons, équilibre, ont perdu leur signification abstraite pour devenir quelque chose de très concret. Brusquement j’avais compris ce que je cherchais et comment je pourrais tenter de l’obtenir. 
    La suite ? Le départ était donné ; le reste a été de la vie quotidienne. »

    Observations personnelles, propos tenus, correspondances, Un sentiment qui tient le mur est plein de ces mots d’artiste parfois fulgurants : une vision de l’art et de la vie. Avec justesse, à la fin de la préface, Alain Lévêque écrit que «  Bonnard est l’un des grands peintres de l’émotion première de vivre » et qu’« En nous redonnant à aimer la simple matière des heures journalières, sans jamais moraliser, Bonnard nous convie à faire fruit du temps fini. »

  • Le soleil blond

    Bonnard Etude pour le printemps.jpgAllongé près de la fenêtre
    Par où l’air du printemps pénètre,
    Le chat, de soleil imprégné,
    Ferme à demi ses yeux striés.

    Un merle tout reluisant lisse
    Du bec la lumière que glisse
    A ses plumes, dans l’air tiédi,
    L’or tout jeune de ce midi.

    Tu t’en vas, enfant, boucles libres,
    Par les prés où la brise vibre,
    Des rayons se posent, heureux,
    Aux détours blonds de tes cheveux.

    Et moi, je recueille en mon âme
    L’azur, les longs nuages pâles,
    Et ce doux soleil enfantin
    Marchant dans l’herbe de satin.

    Marie Gevers, « Brabançonnes » à travers les arbres

    Pierre Bonnard, Etude pour "Le Printemps", 1912, Huile sur toile, 70,3 x 64,6 cm
    © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Sylvie Chan-Liat

  • Pierre Lesieur

    On peut voir actuellement au musée Bonnard une exposition intitulée
    « Onze ans de collection ». J’y découvre le nom d’un peintre que je ne connaissais pas, Pierre Lesieur (1922-2011), qui signe cette lumineuse Table jaune à la bonbonnière verte. En 2018, ses œuvres dialoguaient dans ce musée avec celles de Bonnard pour l’exposition intitulée
    « Pierre Lesieur, Intérieurs ».

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    © Pierre Lesieur, Table jaune à la bonbonnière verte, années 2000,
    pastel et technique mixte sur panneau, Le Cannet, musée Bonnard, don de Michelle Lesieur

    « Pour lui comme pour Bonnard, les êtres et les choses qui l’entourent, sélectionnés avec soin, participent à l’atmosphère prégnante que l’on retrouve dans ses tableaux. […] Tous deux ont donné aux choses du quotidien un supplément d’âme, une place aussi importante que les êtres dans une tradition du regard, du peintre sur son environnement, symbolisant cette conversation ininterrompue entre les peintres dans la lignée de Bonnard, Matisse ou Vuillard. » (Site du musée Bonnard)

    Je vous recommande la visite du site de Pierre Lesieur, avec ses généreuses galeries photos. Parmi les textes cités là, un extrait de Claude Roy consacré au peintre dans son atelier de Saint-Rémy-de Provence : « Pierre est un piégeur de lumière. Qu’il peigne un mur crépi sous le soleil d’été ou une chambre à coucher aux volets demi clos, un jardin ou un atelier, qu’il fasse à une jeune femme ou au chat noir et blanc l’offrande réfléchie des couleurs autour d’eux, ou qu’une toile si claire et pâle nous apparaisse comme clignant des yeux, éblouie par la clarté diffuse, qu’il célèbre par la croisée ouverte le noir très noir de la nuit noire ou les ombres longues du coucher de soleil, c’est d’abord la lumière qui est le personnage central de sa peinture. »

  • Bonnard par l'image

    Délicate attention sous le sapin de Noël, le coffret Bonnard paru chez Hazan dans la collection « L’essentiel » est signé par Valérie Mettais (après ceux qu’elle a consacrés à Klimt, Van Gogh, Bosch, Turner, à l’impressionnisme, au Caravage). Lancée au printemps dernier, cette collection compte déjà douze titres qui proposent une « promenade visuelle » en une cinquantaine de chefs-d’œuvre. Ces coffrets sont conçus dans une nouvelle optique, en phase avec la mode contemporaine des « immersions » artistiques. 

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    Bonnard, Femme dans un paysage ou La sieste au jardin, vers 1914,
    huile sur toile, 100,5 x 249 cm, Oslo, Nasjonalmuseet (cliquer pour agrandir)

    On y privilégie les illustrations, disposées en accordéon entre deux cartons de couverture reprenant un détail d’une toile magnifique, Femme dans un paysage ou La sieste au jardin, conservée au musée national d’Oslo : une femme en blanc se repose et pose sur une chaise-longue devant un paysage. Quand Bonnard la peint, ils sont à Vernonnet, dans l’Eure, où ils ont acquis une maison de campagne non loin de Giverny, « Ma roulotte ». Il m’a fallu chercher longuement l’illustration entière, souvent coupée à droite de la table dressée à l’ombre d’un arbre, reprise en couverture du coffret. Non seulement le panorama se trouve ainsi tronqué, mais il manque une figure omniprésente dans l’œuvre du peintre : un chat roux et blanc qui tient compagnie à Marthe Bonnard.

    A l’intérieur du livre, ce sont des illustrations pleine page et le plus souvent en double page, sans bord, sans texte. La plupart sont complètes, comme ce lumineux Nu à la baignoire au petit chien ; quelques-unes sont légèrement tronquées pour se plier au format choisi. Un petit livret explicatif (48 pages) est joint : après une courte présentation du peintre, les œuvres (de différents musées et collections particulières) y sont reprises en vignettes noir et blanc, avec leur légende et un commentaire succinct. « L’ensemble offre une expérience immersive inédite. » (Site de l’éditeur)

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    Bonnard, Nu dans le bain au petit chien, 1940-1946,
    huile sur toile, 121,9 x 151 cm, Pittsburgh, Carnegie Museum of Art

    Quand on aime, on ne compte pas, dit-on, et voilà pourquoi plusieurs albums consacrés à Bonnard se suivent dans ma bibliothèque. Je les en ai retirés d’abord pour vérifier où ils avaient été imprimés : quasi tous en Europe, à l’exception d’une impression au Japon ; la plus belle vient de l’Imprimerie nationale (Michel Terrasse, Bonnard, du dessin au tableau, 1996). Si la photogravure est souvent italienne, j’ai été surprise de voir que l’impression et la reliure du coffret Hazan sont cette fois faites en Chine – dommage.

    Comme souvent, pour faire connaissance avec l’œuvre d’un artiste, rien de tel qu’un hors-série de Beaux-Arts magazine. Celui-ci avait été publié à l’occasion de l’exposition Bonnard au Centre Pompidou en 1984 – à peu près la période où j’ai commencé à m’intéresser à cet artiste dont quelqu’un m’avait dit qu’il était le « peintre du bonheur ». Un cadeau apprécié, lui aussi.

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    Chez Ars Mundi, Pierre Bonnard par André Fermigier (1987) m’a séduite par sa belle sélection de quarante œuvres majeures illustrées en couleurs et en pleine page à droite, avec pour chacune une bonne analyse de l’œuvre en regard. En l’ouvrant à la table des matières, j’y trouve un amusant chat à l’encre de Chine (1903) dont je ne me souvenais pas. Bonnard Inédits (2003), aux Editions Cercle d’art, est signé par Gilles Genty et Pierrette Vernon, qui se sont intéressés aux nombreux dessins de Bonnard : un excellent complément aux ouvrages sur le peintre.

    Et puis, bien sûr, des catalogues d’exposition. A la Fondation de l’Hermitage en 1991, dans cette belle maison de maître sur une colline de Lausanne. A la Fondation Pierre Gianadda, en 1999, à Martigny – heureux temps des vacances en Suisse ou au Val d’Aoste, propices à ces belles étapes ! Au Musée d’art moderne de la ville de Paris, en 2006 : glissée dans Bonnard, l’œuvre d’art, un arrêt du temps, une carte reproduisant L’atelier au mimosa porte une écriture amie qui me recommande d’y aller : « A contempler longuement, à revoir sûrement. » Quelle joie ce fut de découvrir en 2011 le musée Bonnard alors tout nouveau avec sa première exposition : « Bonnard et Le Cannet. Dans la lumière de la Méditerranée » !