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Culture - Page 99

  • Triangle andalou***

    Comment rendre compte d’un tel voyage ? Quelles photos choisir ? Tant d’images dans la tête, tant d’émotions, de merveilles ! Partir en voiture à la découverte de l’Andalousie, c’était à la fois excitant et stressant (aucune réservation, à peine un itinéraire, l’annonce d’un pic de chaleur à 40°). Inutile d’ajouter que cette longue route à la saison des genêts en fleurs nous a comblés par les paysages traversés pour explorer le triangle andalou magique : Séville, Grenade, Cordoue.

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    Vue partielle des toits de la Cathédrale de Séville depuis la Giralda.

    Repéré dans un vieux guide des hôtels de charme en Espagne (2003), notre premier havre à quelques kilomètres de Séville nous a enchantés – je vous le présenterai prochainement. L’accès au centre ville étant déconseillé vu l’afflux de supporters pour une finale de football, nous optons pour une journée d’excursion dans la lumineuse ville de Carmona. Le lendemain, nous visitons la cathédrale de Séville, en commençant par monter dans l’élégante Giralda. Heureusement, pas d’escalier dans cet ancien minaret devenu clocher, mais une pente douce prévue pour l’âne du muezzin. Du haut, les vues sur la toiture ouvragée et sur la ville sont époustouflantes.

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    Un détail des magnifiques stalles du chœur de la Cathédrale de Séville

    La cathédrale est un labyrinthe aux richesses assez écrasantes, quasi toutes ses chapelles retiennent l’attention par une statue, une peinture, un décor, en plus du spectaculaire tombeau de Christophe Colomb et du fameux retable majeur. On sort par le patio des orangers et la belle Porte du Pardon sur laquelle il ne faut pas manquer de se retourner. Après une pause, nous voilà à l’entrée de l’Alcazar de Séville – il faut montrer patte blanche pour visiter les célèbres monuments andalous et un petit canif de poche dans votre sac n’échappe pas aux rayons X du portail de sécurité !

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    Vue partielle du Patio de las Doncellas (des demoiselles) au Real Alcazar de Séville

    Le gardien rassuré sur notre compte, nous sommes entrés dans ce lieu splendide, où qu’on tourne le regard. De pièce en pièce, « Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté ». La finesse et l’élégance des décors mudéjar, les jeux de lumière et d’ombre, les azulejos andalous, les arcs, les touches bleutées, les alcôves, les patios et leurs bassins, les galeries… Et les jardins ! Le Real Alcazar est sans conteste un de mes coups de cœur du voyage.

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    Détail mural à l'Alcazar de Séville

    Une journée de repos s’imposait par 39 à 40 degrés à l’ombre. Le lendemain, nous nous sommes mis en route pour Grenade, où une chape de chaleur embrumait toute la ville. En fin d’après-midi, nous nous sommes tout de même mêlés aux passants sur une avenue fort fréquentée, bien que la circulation soit restreinte aux bus et aux taxis, le temps d’observer à la sortie de l’église Santa Ana le rituel photographique d’un mariage plein d’uniformes militaires et, plus étonnant, sur une place, de regarder des couples plutôt âgés en train de danser en public.

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    Vers 19 h, danseurs devant la Chancellerie royale (plaza Nueva, Grenade)

    Tous les guides recommandent de réserver longtemps à l’avance (en ligne) son entrée aux Palais Nasrides de l’Alhambra ; par chance, le surlendemain, il restait de la place pour le dernier créneau horaire, à dix-neuf heures. Entretemps, une excursion dans les villages blancs des Alpujarras nous a rendu un air plus respirable. Et, hasard, chance ou providence, le ciel de Grenade, débarrassé de la brume, était d’azur pour notre visite à l’Alhambra.

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    Vue depuis les jardins du Generalife (Grenade, Alhambra)

    Compter une demi-journée de visite, avais-je lu. Puisque l’après-midi se terminerait en apothéose, nous avons bien eu le temps d’y monter à pied par le parc public au pied des remparts, de nous promener, de contempler. Contrôle corsé à l’entrée du site, puis on circule librement sur la colline de l’Alhambra, sauf aux Palais Nasrides (où on refait la queue bien avant d’y accéder à l’heure prévue exactement).

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    Roses des Jardins du Generalife

    Autre coup de cœur pour moi : les jardins du Generalife, fleuris de roses à profusion – les Andalous, et peut-être les Espagnols en général, plantent des rosiers partout. Le doux parfum des roses accompagne la promenade entre les carrés et rectangles de verdure de ces jardins harmonieusement aménagés où l’eau attire aussi les oiseaux. Peu farouche, une bergeronnette allait d’une feuille à l’autre des nénuphars d’un bassin. Ces jardins offrent aussi une très belle vue sur le site avec ses remparts et ses cyprès.

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    Sorolla - Affiche de l'exposition "Sobre la Alhambra en el arte moderno"

    De la tour de l’Alcazaba, on découvre Grenade la blanche et même les neiges de la Sierra Nevada. Après la visite des autres palais (le musée des Beaux-Arts dans le palais de Charles-Quint était fermé, je me suis donc contentée de l’affiche alléchante de l’exposition en cours), nous nous sommes reposés sur l’agréable terrasse ombragée du parador situé sur le site même, qui offre une belle vue d’ensemble sur le Generalife.

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    Arcs géminés et petites fenêtres de l'Oratoire des Palais Nasrides (Grenade, Alhambra)

    Que dire des Palais Nasrides ? Il faut les voir. Un festival de fenêtres, de baies, de murs sculptés, de plafonds en relief ou en bois précieux, de colonnes et de portes au décor raffiné. On aimerait qu’il y ait moins de monde (le premier créneau horaire du matin est recommandé). La cour des lions est d’une finesse, d’une beauté indicibles. Quelle chance nous avons eue de pouvoir y entrer !

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    Vue partielle de l'intérieur de la Mezquita de Cordoue et de sa forêt de colonnes (854) 

    Enfin ce fut Cordoue, où nous nous sommes installés tout près de la Mezquita-Cathédrale, dont nous avons fait le tour le soir pour admirer ses portails. Nous découvrirons l’intérieur le lendemain matin, avec une grande émotion – mon troisième coup de cœur. Dans cette forêt de colonnes aux arcs doubles, rouges et blancs, à la lumière du jour et des multiples lampes suspendues, pour la première fois de ce voyage en Andalousie, j’ai ressenti une atmosphère de haute spiritualité dans cette ville où chrétiens, juifs et musulmans ont vécu en harmonie.

  • En attendant

    De retour d’un voyage de plus de cinq mille kilomètres en voiture, avec un excellent chauffeur qui en a lancé l’idée au début du mois – une traversée de l’Espagne improvisée à la découverte de l’Andalousie que je n’avais jamais encore visitée –, j’en partagerai bien sûr quelques impressions fortes dans les jours qui viennent.

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    En attendant, bien que je n’aie eu le temps de lire, en deux semaines, qu’un seul des livres que j’avais emportés (le plus court), voici une vitrine de librairie photographiée à Ségovie et son slogan, « Leer es sexy » : d’autant plus plaisant qu’il offre un dessin de lecteur, ne trouvez-vous pas ? L’une de vous (Colo ?) l’a déjà montré sur son blog. Il me rappelle le début de Si par une nuit d’hiver un voyageur d’Italo Calvino.

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    Et une partie du joli décor d’un bistro-restaurant très sympathique, « La mère poule » à Bourges, où nous nous sommes régalés lors de notre dernière étape au retour. Demain je trie les photos de voyage et je prépare un billet « coups de cœur ». Merci pour vos commentaires aux textes de Bonnefoy & à bientôt.

  • La pluie d'été

    I

    Mais le plus cher mais non
    Le moins cruel
    De tous nos souvenirs, la pluie d’été
    Soudaine, brève.

    Nous allions, et c’était
    Dans un autre monde,
    Nos bouches s’enivraient
    De l’odeur de l’herbe.

    Terre,
    L’étoffe de la pluie se plaquait sur toi.
    C’était comme le sein
    Qu’eût rêvé un peintre.

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    Pluie à la fenêtre

    II

    Et tôt après le ciel
    Nous consentait
    Cet or que l’alchimie
    Aura tant cherché.

    Nous le touchions, brillant,
    Sur les branches basses,
    Nous en aimions le goût
    D’eau, sur nos lèvres.

    Et quand nous ramassions
    Branches et feuilles chues,
    Cette fumée le soir puis, brusque, ce feu,
    C’était l’or encore.

    Yves Bonnefoy, La pluie d’été
    Les planches courbes, Poésie/Gallimard, 2020

  • Nommer

    yves bonnefoy,de grands blocs rouges,la vie errante,les planches courbes,poésie,littérature française,cultureIl se demandait comment il pourrait dire ces grands blocs rouges, cette eau grise, argentée, qui glissait entre eux et le silence, ce lichen sombre à diverses hauteurs du chaos des pierres. Il se demandait quels mots pourraient entrer comme son regard le faisait en cet instant même dans les anfractuosités du roc, ou prendre part à l’emmêlement des buissons sous les branches basses, devant ce bord de falaise qui dévalait sous ses pas parmi encore des ronces et des affleurements de safre taché de rouille. Pourquoi n’y a-t-il pas un vocable pour désigner par rien que quelques syllabes ces feuilles mortes et ces poussières qui tournent dans un remous de la brise ? Un autre pour dénommer à lui seul de façon spécifique autant que précise l’instant où un moucheron se détache de la masse de tous les autres, au-dessus des prunes pourries dans l’herbe, puis y revient, boucle vécue sans conscience, signe privé de sens autant que fait privé d’être, mais un absolu tout de même, à lui seul aussi vaste que tout l’abîme du ciel ? Et ces nuages, dans leur position de juste à présent, cou leurs et formes? Et ces coulées de sable dans l’herbe auprès du ruisseau ? Et ce petit mouvement de la tête brusque du merle qui s’est posé sans raison, qui va s’envoler sans raison? Comment se fait-il qu’auprès de si peu des aspects du monde le langage ait consenti à venir, non pour peiner à la connaissance mais pour trouver repos dans l’évidence rêveuse, posant sa tête aux yeux clos contre l’épaule des choses ? Quelle perte, nommer ! Quel leurre, parler ! Et quelle tâche lui est laissée, à lui qui s’interroge ainsi devant la terre qu’il aime et qu’il voudrait dire, quelle tâche sans fin pour simplement ne faire qu’un avec elle ! Quelle tâche que l’on conçoit de l’enfance, et que l’on vit de rêver possible, et que l’on meurt de ne pouvoir accomplir !

    […]

    Yves Bonnefoy, De grands blocs rouges in La vie errante,
    Les planches courbes, Poésie/Gallimard, 2020

  • Que ce monde demeure

    yves bonnefoy,que ce monde demeure!,les planches courbes,poésie,littérature française,cultureJe redresse une branche
    Qui s'est rompue. Les feuilles
    Sont lourdes d’eau et d’ombre
    Comme ce ciel, d’encore

    Avant le jour. Ô terre,
    Signes désaccordés, chemins épars,
    Mais beauté, absolue beauté,
    Beauté de fleuve,

    Que ce monde demeure,
    Malgré la mort !
    Serrée contre la branche
    L'olive grise.

    Yves Bonnefoy, Que ce monde demeure !
    Les planches courbes, Poésie/Gallimard, 2020

    Jardinet sur le boulevard, mai 2022