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Culture - Page 80

  • Vers le printemps

    « Mars qui rit, malgré les averses, / Prépare en secret le printemps. » Avez-vous aussi appris ce Premier sourire du printemps de Théophile Gautier ? Apprend-on encore ce poème à l’école ?

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    A la mi-février déjà, de jolies couleurs sont apparues devant certaines maisons du quartier. Jeter un coup d’œil aux jardinets fait partie des plaisirs de la promenade.

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    Des crocus précoces en bouquet, de petites trompettes jaunes non identifiées – de mini jonquilles ? – et même d’adorables iris miniatures comme je n’en avais jamais vu, d’un bleu vif très séduisant.

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    Ô surprise, quelques prunus d’un rose très pâle poudraient déjà l’atmosphère ce jour-là le long de l’avenue Huart Hamoir. Oui, décidément, un changement de saison s’annonçait, malgré le froid.

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    Quelques jours plus tard, dans mon jardin suspendu, je découvrais dans un bac, au pied des arbustes, un chemin d’étoiles pervenches. Avant mars, cette année en tout cas, février préparait déjà le printemps.

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  • Temple virtuel

    En revenant vers l’entrée de l’exposition « Swedish Ectasy », quelques marches sur la droite mènent à une présentation du joik à travers une série de photos et textes. C’est là que débute un couloir menant à l’expérience virtuelle du Temple d’Hilma of Klint. L’artiste « rêvait d’une construction en forme de spirale pour abrite son corpus d’œuvres les plus importantes. » Sur une île suédoise de préférence, un temple qui serait une « église d’une nouvelle ère » ou un musée, accessible à tous.

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    Hilma af Klint : The Temple, 2022, réalité virtuelle produite par Acute Art (cliquer sur le lien pour la bande annonce)

    Au bout du couloir où des écrans diffusent quelques images pour s’en faire une idée, des tabourets attendent les visiteurs, invités à s’y asseoir puis à glisser un casque sur la tête pour douze minutes de spectacle inédit. Une fois casquée, première expérience de ce genre pour moi, je suis entrée dans cette spirale géante où les œuvres d’Hilma af Klint se meuvent sur un fond sonore enveloppant. Au début, on regarde devant soi, puis on comprend qu’en levant la tête ou en l’abaissant, on peut explorer ce monde de couleurs en trois dimensions. Etonnant !

  • Extase suédoise

    Sous le titre Swedish Ecstasy, Bozar expose jusqu’en mai de nombreuses œuvres de la peintre Hilma af Klint, « disciple de l’anthroposophie » et pionnière de l’abstraction, en compagnie d’autres Suédois « dont les créations ont pour fil conducteur le mysticisme et les spéculations ésotériques ». Je ne m’attendais pas à y voir des toiles de l’écrivain Strindberg.  

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    Hilma af Klint, Le Cygne, The SUW Series, Group IX, No.2, 1914, huile sur toile, HaK 150.
    Fondation Hilma af Klint

    Née à Stockholm, Hilma af Klint (1862-1944) n’a que dix-huit ans quand sa sœur meurt à dix ans – elle se tourne alors vers le spiritisme et le spiritualisme. Une peinture de sa série Le Cygne a été choisie pour l’affiche de l’exposition (ci-dessus). On découvre dans la première salle la série complète de Chaos primordial, où le bleu et le jaune dominent. Des œuvres aux symboles abstraits, spirales, ondulations, cercles. Des formes rayonnantes et des croix – Hilma af Klint s’est passionnée pour le rosicrucianisme – des mots aussi.

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    Hilma af Klint, Le Chaos primordial, série, 1906-1907, huile sur toile, Fondation Hilma af Klint

    De grandes huiles de la série Le Cygne mêlent abstraction et figuration. Un colimaçon rose pâle occupe le centre d’une toile carrée divisée en huit triangles colorés, séparés par des médianes noires, des diagonales blanches. Parmi les variations sur le carré et la spirale, la plus étonnante est celle à fond noir où, en observant les formes dont le mouvement converge vers un petit cœur au centre, on reconnaît soudain quatre cygnes qui viennent le toucher du bec.

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    Vue partielle de la première salle Hilma af Klint à Bozar swedish ecstasy,exposition,bozar,bruxelles,hilma af klint,spiritualisme,suède,peinture,culture
    Hilma af Klint, Le Cygne, série SUW, n° 7, 1914, huile sur toile, Fondation Hilma af Klint, HAK 155

    Quatre ? Regardons mieux. Sur la gauche, ils sont deux, le cygne au col blanc et le cygne au col noir. La cohérence de la série apparaît : une exploration du dualisme avec la division en deux de l’espace, le contraste du noir et du blanc, les deux cygnes s’affrontant ou s’enlaçant, opposés et complémentaires. Af Klint pensait que l’unité élémentaire lors de la création du monde « avait été perdue et avait cédé la place à un monde polarisé : le bien et le mal, la femme et l’homme, la matière et l’esprit », « le principe de toute vie ».

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    © Cecila Edefalk, La fille aux abeilles, 1988, huile sur lin, Collection Stähl

    Des œuvres plus récentes alternent sur le parcours avec celles d’artistes à cheval sur les XIXe et XXe siècles, attirés par le spirituel et l’ésotérique. Cecilia Edefalk (°1954) crée des œuvres « hantées par les esprits ». A côté de grandes compositions abstraites quasi monochromes, j’ai eu un coup de cœur pour La fille aux abeilles (huile sur lin, 1988), sombre et lumineuse, qui m’a longuement retenue.

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    Ernst Josephson, Portrait d'une dame, s.d., huile sur toile, Nationalmuseum, Stockholm

    Ernst Josephson (1851-1906) participait avec ses amis à des séances d’occultisme, il se considérait comme un médium. Ses « visions extatiques » s’inspirent de Swedenborg, la personnalité tutélaire de cette exposition. Josephson fait face ici à Carl Fredrik Hill (1849-1911), son contemporain, l’un des grands peintres paysagistes de Suède, dont la peinture a changé quand sa santé mentale s’est détériorée ; il est entré alors dans une phase hallucinatoire.

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    Carl Fredrik Hill, L'arbre fruitier en fleur dans la grotte, après 1878, craie noire sur papier,
    Nationalmuseum, Stockholm

    Après quelques paysages réalistes signés Hill, à côté d’un Pommier en fleurs est accroché L’arbre fruitier en fleur dans la grotte, une craie noire qui illustre une autre facette de cet artiste avec des œuvres sur papier : craie, pastel (de beaux Paons). Les figures étranges sur un fond doré (ci-dessous) datent de sa maladie, c’est très mystérieux.

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    C. F. Hill, Figures sur fond doré, s.d., huile et peinture métallique dorée et argentée sur carton,
    Nationalmuseum, Stockholm

    « Inferno » : voici une seconde applique au néon, après « Swedish Ecstasy » à l’entrée, de Daniel Youssef (°1975). Suédois élevé dans un foyer arabophone, il  travaille sur les langues et les traductions. Plusieurs téléphones sont à décrocher sur le parcours ; on y entend des voix, des modulations : le joik est considéré comme la forme la plus ancienne de chant en Europe.

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    August Strindberg, Le Soleil se couche sur la mer, 1903, huile sur toile,
    Collection Albert Bonniers Förlag 

    « Inferno » est le titre d’un roman autobiographique d’August Strindberg, dont on expose un bel ensemble de peintures. Des paysages : marines, ciels, vagues, rochers, « comme des autoportraits symboliques révélant un esprit souvent tourmenté ». Il peignait dans les moments difficiles ou quand il n’arrivait plus à écrire. Composition et palette reflètent son humeur. J’aime beaucoup ces toiles tantôt sombres, tantôt claires, avec cette curieuse ligne d’horizon comme tracée à la règle entre mer et ciel. En vitrine,  une page de son Journal occulte (les mots alternent avec de petits dessins et collages) ; des livres ; des « célestographies ». C’est à voir.

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    Christine Ödlund, Botaniste psychédélique, 2022, huile, acrylique, pigments végétaux et crayon sur toile, CFHILL

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    Un détail de la série de Christine Ödlund

    La dernière grande salle de l’exposition est formidable. D’abord des œuvres de Christine Ödlund (°1963) qui mêle « la théosophie, la synesthésie et la biologie spéculative ». Elle a fait des recherches sur les plantes et qualifie ses dernières œuvres, à la fois scientifiques et artistiques, de « botanique spiritualiste ». Quatre toiles présentent des « Botanistes psychédéliques » : Annie Besant, Eva Ekeblad, Carl Linné, Emanuel Swedenborg.

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    Hilma af Klint, Retables, Groupe X, n° I, 1915, huile et feuille de métal sur toile,
    Fondation Hilma af Klint, HAK 187

    Un grand Retable d’Hilma af Klint domine dans le fond. On peut s’asseoir devant pour gravir doucement les degrés de la pyramide et leurs dégradés de couleurs, observer leurs fleurs de lotus au centre, puis s’élever vers le disque solaire. Non loin de là, des peintures de son amie Anna Cassel. Connue comme paysagiste, elle a fait partie du groupe « Les Cinq » (De Fem) et ces œuvres médiumniques ont été découvertes récemment.

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    Anna Cassel, 1913, huiles sur toile, Fondation Hilma af Klint (exposées pour la 1e fois)

    Elle a participé aux Peintures pour le Temple d’Hilma af Klint, dont je vous parlerai prochainement. Une exposition étonnante, une découverte totale pour moi, je vous la recommande. « C’est un événement ! » (Guy Duplat dans La Libre)

  • La tante idéale

    « Je vais prendre le thé chez Nigel Nicolson, éditeur de quatre-vingt-deux ans, auteur d’un journal autobiographique et ancien membre de la Chambre des communes. C’est le petit-fils du troisième lord Sackville et le fils de Harold Nicolson, diplomate et membre de la Chambre des communes, et de Vita Sackville-West, femme de lettres, également connue comme personnage principal d’Orlando, roman de Virginia Woolf. »

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    Vue aérienne du château et des jardins de Sissinghurst, Kent, Angleterre (Wikimedia, 2011)

    […] « Virginia Woolf était la tante idéale. « Elle nous apprenait à voir les choses à la manière des vrais écrivains. Elle voulait toujours en savoir plus. « De quelle couleur était la veste de ce professeur ? demandait-elle. Quelle voix avait-il ? Qu’est-ce que ça sentait ? Des détails, des détails ! » Une fois même, alors que nous attrapions des papillons, elle nous lança : « Dites-moi, qu’est-ce que ça fait d’être un enfant ? » Je me souviens encore que je répondis : « Tu sais très bien ce que ça fait, tu as été enfant toi-même. Mais moi, je n’ai aucune idée de ce que ça fait d’être toi, car je n’ai jamais été une grande personne. »

    Geert Mak, Voyage d’un Européen à travers le XXe siècle

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    Textes & prétextes, 15 ans

  • Europe 1900-1942

    Arrivée à la page 515 du Voyage d’un Européen dans le XXe siècle, j’ai parcouru avec Geert Mak les années 1900-1942 d’Amsterdam à Vienne, de Vienne à Versailles, de Stockholm à Riga, de Berlin à Vienne, de Predappio à Munich, de Fermont à Londres, de Berlin à Moscou. De janvier à juillet 1999 (soit 7 chapitres sur 12), l’auteur s’est rendu chaque mois dans quatre à six villes, à la recherche des traces laissées par l’histoire.

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    Exposition universelle, Paris, 1900 (source)

    Avant chaque chapitre, il indique son itinéraire sur une carte de l’Europe telle qu’elle se présentait à l’époque. Dans sa valise, « un ordinateur portable, un téléphone mobile pour transmettre [sa] chronique quotidienne au journal, des affaires de toilette, quelques chemises, le CD-ROM de l’Encyclopædia Britannica et une bonne quinzaine de kilos de livres pour [se] passer les nerfs. »

    Autour de 1900, l’Europe, c’est « l’insouciance de l’Exposition universelle à Paris », la reine Victoria, « souveraine d’un empire de certitudes » et Berlin « en pleine ascension ». Avant de se mettre en route, Mak s’est entretenu avec Marinus van der Goes van Naters, né en 1900, pour l’entendre sur les changements qu’il a connus. L’homme tire de sa bibliothèque un livre paru en 1890 dont il discutait avec ses amis : Cent ans après ou l’An 2000 d’Edward Bellamy : l’utopie d’un monde parfait, d’un « siècle doré ».

    L’histoire ici est un voyage, une exploration de ce qui fut à partir de ce qui est visible (ou pas), avec le concours de témoins, de textes d’écrivains mais aussi de journaux, de correspondances, d’extraits de discours, choisis pour la pertinence avec laquelle ils parlent de leur temps ou parfois se fourvoient complètement. Sur place, l’historien visite les musées, les monuments et les lieux de mémoire, cherche les traces visibles des conflits passés, rencontre des personnes qui s’en souviennent, parfois des descendants de ceux qui se sont engagés activement.

    Un « court extrait filmique du Derby de juin 1913 » fait apparaître le nom d’Emily Davison, la suffragette britannique qui a payé de sa vie son engagement en faveur du vote des femmes. Nombreuses sont les Européennes à qui Geert Mak réserve une place non anecdotique, comme Käthe Kollwitz, « femme sculpteur, caricaturiste » dont il cite le Journal tenu à Berlin au début du siècle. Cela aussi, c’est une manière contemporaine de lire l’histoire, sans ignorer la moitié du monde comme le faisaient trop souvent nos livres scolaires.

    Ce n’est pas seulement d’une capitale à l’autre que l’auteur se déplace, en Europe et même jusqu’à Constantinople. Voyage d’un Européen à travers le XXe siècle nous emmène dans des lieux moins connus, comme Doorn, par exemple, dans la province d’Utrecht, où Guillaume II s’exila en 1919, après la première guerre mondiale qui mit fin à son empire.

    1914-18.  Ypres, en février 1999, a « l’air d’une ville ancienne comme les autres », bien que reconstruite presque entièrement. Bataille après bataille. Verdun, « le hachoir ». Moments de répit au milieu des atrocités. La grippe espagnole en 1918 fera davantage de morts encore. Dans l’Europe réorganisée, les Allemands ne digéreront pas la défaite.

    En 1917, l’Allemagne s’intéressait aux révolutionnaires « susceptibles d’empoisonner la vie de ses ennemis » et après la révolution russe de février, a autorisé Lenine, le chef des bolcheviks, à rentrer au pays (train Zurich-Petrograd) et lui a procuré des fonds énormes qui lui permettront, en huit mois, de prendre la tête de la révolution d’octobre pour donner « tout le pouvoir aux soviets ».

    Que c’est intéressant de suivre l’histoire non seulement à l’Ouest, mais aussi à l’Est. De 1918 à 1920, Kiev, la capitale de l’Ukraine, a changé seize fois de régime ! (Je repense à Lviv, dans le magistral Retour à Lemberg de Philippe Sands.) Après le krach boursier de 1929, coup fatal pour l’économie allemande, le parti national-socialiste devient le deuxième parti d’Allemagne. Année après année, Mak décrit l’émergence de la seconde guerre mondiale.

    Saviez-vous que déjà dans les années 1930, le régime hitlérien avait pratiqué l’euthanasie des handicapés par gazage, sans grande résistance ? A Predappio, ville natale de Mussolini, on continue à faire commerce d’objets fascistes. La fin des livraisons d’armes soviétiques (vendues au prix fort par Staline) a sonné le glas de la guerre d’Espagne.

    1939-1945. Geert Mak raconte les faits marquants, explique les causes et les conséquences, décrit les personnalités (Churchill, Staline), continue ses allers-retours dans le temps (il visite à Londres la « Britain at War Experience », une expo immersive). Je découvre Zamosc, petite ville du sud-est de la Pologne, dont les nombreux habitants juifs furent exterminés et les autres habitants chassés pour former la première colonie SS.

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    Expulsion des Polonais des villages de la région de Zamość par les SS en décembre 1942 (Wikimedia)

    De l’antisémitisme à l’Holocauste : qui savait ? qui ne voulait pas savoir ? Tous les Etats n’y ont pas prêté la main – refus net du Maroc et de la Bulgarie. Geert Mak fait les comptes et décomptes, analyse les causes. Erreurs militaires, erreurs politiques, idéologies au nom du peuple et contre les populations… Terrible première moitié du XXe siècle.
    (A suivre)