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Culture - Page 76

  • Joyeux Noël

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    Icône de la Nativité du Christ (Novgorod)

    Joyeux Noël à toutes & à tous !

    Chacun, chacune le vit à sa façon,

    festive ou non, intime ou partagée,

    dans un grand désir de plus de douceur

    pour le monde, pour les autres et pour soi.

    Allumons une bougie, accueillons la lumière.

     

    *
    ***
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    ********
    *********

     

    Au plaisir de vous retrouver l'an prochain.
    A bientôt.

    Tania

  • Pitoyable

    tolstoï,enfance,adolescence,jeunesse,roman,littérature russe,autobiographie,russie,culture« Quel pitoyable et fragile pivot de l’activité morale est l’esprit de l’homme !
    Ma faible intelligence ne pouvait pénétrer l’impénétrable et, dans ce labeur au-dessus de mes forces, je perdais l’une après l’autre les convictions auxquelles pour mon bonheur je n’aurais jamais dû oser toucher.
    De tout ce pénible labeur moral je ne sortis rien, si ce n’est une agilité d’esprit qui affaiblit en moi la volonté et une habitude de l’analyse morale perpétuelle qui détruisit la fraîcheur de mes sentiments et la clarté de mon jugement. »

    Léon Tolstoï, Enfance. Adolescence. Jeunesse

  • Un être changeant

    La deuxième partie d’Enfance, Adolescence, Jeunesse est la plus courte, une centaine de pages. A nouveau, Nicolas goûte pleinement le plaisir de voyager pendant quatre jours – ils quittent la maison de Petrovskoïe (inspirée de Iasnaïa Poliana) pour Moscou, son frère Volodia et lui en cabriolet, avec le valet Basile, les autres en landau. « Les caisses des deux voitures commencent à tressauter sur le chemin raboteux et les bouleaux de la grande allée défilent à côté de nous à toute allure. Je n’éprouve nulle tristesse ; mon regard intérieur est tourné non vers ce que je laisse mais vers ce qui m’attend. »

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    Bouleaux à Iasnaïa Poliana

    Haltes, observations sur la route, plaisir de tenir un moment les rênes confiées par le cocher. Après un orage, N. parle avec Katenka venue s’asseoir dans le cabriolet : il la trouve changée, bizarrement indifférente quand il lui parle de Moscou où elle va pour la première fois. Il la sent s’éloigner de lui et ne s’attend pas à ses réponses quand il la questionne : « nous ne vivrons pas toujours ensemble » et « de toute façon, nous nous séparerons un jour : vous êtes riches… vous avez Petrovskoïe, tandis que nous, nous sommes pauvres… maman n’a rien. »

    « Vous est-il arrivé, lecteur, à une certaine période de votre vie, de remarquer tout d’un coup que votre façon de regarder les choses change totalement, comme si tous les objets que vous avez vus jusqu’alors se présentaient soudain sous un autre angle, inconnu de vous ? Cette espèce de métamorphose morale se produisit en moi pour la première fois pendant notre voyage, auquel je fais remonter le début de mon adolescence. »

    Cette prise de conscience est encore plus forte à Moscou où sa grand-mère, marquée par la perte de sa fille, laisse libre cours à sa tristesse. Nicolas n’a qu’un an et quelques mois de moins que Volodia, mais son aîné s’éloigne de lui et le surpasse en tout. De plus, il a un caractère « heureux et noblement sincère », contrairement à lui, hypersensible et envieux.

    Son regard sur les « filles de chambre » change aussi. Le garçon de quatorze ans observe que Macha, vingt-cinq ans, est très jolie et que Volodia ose à présent certains gestes – « J’étais pudique de nature, mais ma pudeur était accrue par la conviction d’être un monstre. » Il constate que rien dans son aspect extérieur ne pourrait attirer quelqu’un, aussi il s’efforce « de mépriser tous les plaisirs procurés par un extérieur agréable » et s’isole.

    Leur grand-mère convainc leur père de l’insuffisance de Karl Ivanovitch comme « chaperon » et de la nécessité de leur apprendre de meilleures manières. Aussi « Saint-Jérôme » qui leur donne déjà des leçons va-t-il devenir leur « gouverneur ». Ce « jeune et élégant Français » va remplacer leur précepteur, qui raconte toute sa vie à Nicolas avant de partir.

    « A la fin de la première année de deuil », du monde a été invité pour l’anniversaire de Lioubov, mais les garçons doivent suivre la leçon du maitre d’histoire avant de se mêler à la fête de leur sœur . Si Volodia travaille bien, Nicolas n’a eu que deux la dernière fois et Saint-Jérôme a promis une punition sévère s’il avait moins de trois la fois suivante. Or cela va de mal en pis et la soirée dont le garçon se réjouissait à l’avance va tourner au désastre.

    Adolescence raconte les souffrances d’un garçon qui n’a rien pour plaire, n’aime pas étudier, se juge « de faible intelligence » mais s’adonne à l’introspection, à la recherche de vérités utiles pour vivre, à l’analyse philosophique. Tandis que Volodia entre à l’Université, que Katenka devient une beauté et que Lioubov joue du piano et s’exprime d’une façon de plus en plus semblable à leur mère, Nicolas patauge encore et s’enferre dans son penchant pour la « ratiocination ». Heureusement, l’un des amis de Volodia aime aussi beaucoup discuter et apprécie de se retrouver seul à seul avec Nicolas. Ils partagent le même « idéal de vertu et la certitude que l’homme a pour mission de se perfectionner constamment ». Ce sera moins simple qu’ils ne le pensent.

  • A travers des larmes

    Tolstoï Enfance Mère.jpg« Tant de souvenirs du passé surgissent lorsqu’on essaye de ressusciter en imagination les traits d’un être aimé qu’on voit ceux-ci confusément à travers ces souvenirs comme à travers des larmes. Ce sont… les larmes de l’imagination. Lorsque je m’efforce de me rappeler ma mère telle qu’elle était à cette époque, je vois seulement ses yeux marron, qui exprimaient toujours la même bonté et le même amour, un grain de beauté qu’elle avait sur le cou, un peu plus bas que l’endroit où bouclaient de petits cheveux, son étroit col blanc orné de broderies, sa main sèche et tendre qui me caressait si souvent, que si souvent je baisais ; mais l’expression d’ensemble m’échappe. »

    Léon Tolstoï, Enfance. Adolescence. Jeunesse

    Illustration : La mère de Tolstoï à neuf ans

  • Enfance de Tolstoï

    L’hiver arrivant, poursuivre son chemin dans la littérature russe, voilà une proposition qui me plaît. Enfance est le premier récit publié de Tolstoï, à vingt-quatre ans, après l’abandon de ses études de droit à Kazan « pour aller vivre de ses rentes dans le domaine de Iasnaïa Poliana où il est né, où il a passé son enfance, et dont il est maintenant le propriétaire », écrit  Michel Aucouturier dans la préface d’Enfance, Adolescence, Jeunesse. Il y raconte comment Léon Tolstoï (1828-1910) s’est mis à l’écriture.

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    Valentin Serov, Enfants. Sasha et Yura Serov, 1899, huile sur toile,
    Musée russe, Saint-Pétersbourg (en couverture du Folio classique)

    Le titre initial, « Quatre époques d’une évolution », a été abandonné lorsqu’il a décidé, au lieu de raconter l’histoire d’amis d’enfance, de puiser aussi dans ses propres souvenirs. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une autobiographie (il proteste quand Le Contemporain publie Enfance sous le titre « Histoire de mon enfance », un titre qu’il avait envisagé auparavant), Tolstoï met beaucoup de lui-même dans le personnage de Nikolenka (le narrateur), le petit Nicolas qui comme lui a perdu sa mère trop tôt (Tolstoï à deux ans, N. à dix ans).

    Dans de courts chapitres (chacun d’eux devant « exprimer une seule pensée ou un seul sentiment », écrit Tolstoï dans son Journal), il fait d’abord les portraits du précepteur Karl Ivanovitch, de « maman » puis de « papa », avant de raconter une journée d’été à la campagne, du réveil au coucher. Quand leur précepteur vient les réveiller dans leur chambre, son frère aîné Volodia et lui, l’enfant lui en veut et fait semblant de dormir, puis se reproche son ressentiment envers ce vieil homme si bon à leur égard.

    De sa mère adorée, il cherche à restituer le merveilleux sourire – « Il me semble que le sourire à lui seul fait ce qu’on appelle la beauté d’un visage ; si le sourire ajoute de la grâce au visage, le visage est beau : s’il ne le transforme pas, il est ordinaire, s’il l’abîme, il est laid. » Son père, il le revoit près de son bureau, s’emportant dans une discussion avec l’intendant Iakov, un serf dévoué, puis préparant une enveloppe destinée au précepteur, avant d’annoncer à ses fils leur départ avec lui pour Moscou, où ils vivront chez leur grand-mère, tandis que leurs sœurs resteront à la campagne avec leur mère.

    Ce jour-là, Karl Ivanovitch est « de très mauvaise humeur ». Si Volodia s’applique, son petit frère n’arrive pas à se concentrer et pleure à l’idée de leur proche séparation – il entend leur précepteur se plaindre au valet d’être congédié après douze ans de service assidu auprès des garçons auxquels il s’est attaché.

    Après le portrait saisissant d’un « Fou de Dieu », le pèlerin Gricha aux pieds nus hiver comme été, voici les préparatifs de la chasse et le plaisir de monter un petit cheval, même si N. envie son frère aîné, plus élégant. A la chasse s’ajoute le plaisir de « prendre le thé sur l’herbe en forêt », une « délectation ». Et voilà N. qui tombe amoureux de Katenka, une petite paysanne. Ce soir-là, son père, ému par la peine du précepteur, change d’avis : celui-ci les accompagnera à Moscou.

    Enfance raconte en fait deux épisodes marquants, le premier se terminant le lendemain, jour de la séparation, quand « tout le monde fut réuni dans le salon autour de la table ronde pour passer une dernière fois quelques minutes ensemble ». Plutôt excité par le voyage, ce n’est qu’au moment de partir que N. perçoit soudain la tristesse de sa mère et ressent un profond chagrin en se serrant contre elle.

    « Heureux, heureux temps, temps à jamais écoulé de l’enfance ! Comment ne pas aimer, ne pas chérir les souvenirs qui vous en restent ? Ces souvenirs-là rafraîchissent, élèvent mon âme et sont pour moi la source des jouissances les plus pures. » (Début du chapitre « Enfance », XVe sur XXVIII) La suite sera d’abord des plus joyeuses (la fête de sa grand-mère à Moscou) puis des plus tristes (la mort de sa mère).

    Tolstoï réussit dans Enfance à rendre les perceptions enfantines des êtres et des événements, alliant l’observation et l’introspection. Si Nikolenka n’est pas encore un « personnage », « c’est parce qu’il est un enfant, et que c’est le propre de l’enfance que d’échapper encore, dans une certaine mesure, aux déterminations qui figent la personnalité en caractère ou en type social » (Michel Aucouturier).

    Ce premier récit d’Enfance, Adolescence, Jeunesse (le quatrième devait raconter le départ pour le Caucase), outre qu’il réveille en moi certains souvenirs (surtout la visite de Iasnaïa Poliana, le domaine de Tolstoï), me rappelle d’autres lectures : Nabokov, Sarraute, Proust, forcément, ou plus récemment Carlos Llop, Amigorena, Appelfeld… Mais l’enfance est bien plus qu’un thème littéraire, n'est-ce pas ?