« Avoir hâte : y a-t-il expression plus belle ?
La femme aux yeux gris parle à Sigvaldi, il ne saisit pas les mots, il pensait à autre chose – mais à quoi ? Ah oui, évidemment, comment oublier ?! Il pensait à l’époque où Sesselja avait cinq ans et il lui apprenait à lire.
Il avait toujours hâte de rentrer chez lui après le travail. Il avait passé ses journées à imaginer des contes et des histoires autour des lettres qu’elle devait apprendre à reconnaître. Sesselja l’attendait souvent à la fenêtre, elle criait et frappait dans les mains en le voyant arriver, Sigrid avait déjà préparé le café. Puis Sigvaldi s’asseyait à la table de la cuisine avec la petite sur ses genoux et ils se frayaient doucement un chemin à travers le savoir. Pendant ce temps, Sigrid faisait une réussite, elle fumait, souvent, on distinguait à la commissure de ses lèvres ce sourire presque invisible. Et parfois, Sesselja se penchait sur la main de Sigvaldi et y déposait un baiser. C’était le bonheur, dit-il à haute voix. Et qu’il est délicieux d’avoir hâte de vivre. »
Jón Kalman Stefánsson, Ásta
Commentaires
"Avoir hâte" est une expression que je n'aime pas, spécialement dans : "j'ai hâte de vivre ça", parce que l'attente fait partie du plaisir, qu'une fois que cette action attendue aura commencé, ce sera aussi le début de sa fin, et qu'avoir hâte d'une suite, c'est pour moi ne pas vouloir vivre pleinement du présent, qui, de facto, est le seul qui existe "vraiment"
Merci pour ta réflexion très pertinente, Nikole. Ici, après être tombé d'une échelle, Sigvaldi voit redéfiler sa vie avant de mourir - ce qui change évidemment la perspective.
J'adore (tu le sais) Stefanson, mais je n'ai pas lu Asta; j'en ai d'ailleurs plusieurs de lui en attente; j'achète des livres plus vite que je ne lis !!!
Si tu lis "Asta" un jour, n'hésite pas à revenir pour donner ton avis, Anne. Je vois qu'il y a du nouveau chez toi, j'y vais.