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film

  • Liberté

    cinéma,film,achter de wolken,au-delà des nuages,cecilia verheyden,2016,film flamand,belgique,chris lomme,jo de meyere« Jamais tape-à-l’œil, sa mise en scène élégante [celle de la jeune scénariste et réalisatrice flamande Cecilia Verheyden] n’élude pourtant aucune question liée au sujet. Notamment celle de la sexualité des personnes âgées, abordée frontalement mais avec énormément de tact et une touche d’humour. Et s’il évoque bien par exemple la "tendance" du "rétrosexe" (le fait de coucher avec un ancien amour), le film ne se résume jamais à une enquête sociologique, toujours concentré sur son personnage principal.

    Portée par des acteurs flamands très justes, cette chronique familiale aborde joliment la question de la liberté en amour. »

    Hubert Heyrendt (La Libre Belgique, 10/2/2016)
    à propos du film Achter de wolken / Au-delà des nuages

  • Au-delà des nuages

    Achter de wolken ou Au-delà des nuages, tel est le titre d’un beau film intimiste vu en août à la télévision. Ce premier long métrage de la réalisatrice Cecilia Verheyden date de 2016. Les rôles principaux sont magnifiquement interprétés par deux acteurs flamands renommés, Chris Lomme et Jo De Meyere.

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    Bande annonce à voir ici

    Après la mort du mari d’Emma, malade, leur fille et leur petite-fille viennent la soutenir, puis l’accompagnent à la cérémonie funéraire. Parmi les nombreux amis présents, il y a Gerard qui fut le meilleur ami du défunt dans sa jeunesse. Tandis que la fille d’Emma cherche à la faire sortir de la maison et à rencontrer des gens, celle-ci n’aspire qu’à être seule et tranquille.

    Puis elle reçoit un message de Gerard sur son téléphone : « wil je zien » (je veux te voir) auquel elle répond « waarom ? » (pourquoi ?) avant de raccourcir le mot en « waar ? » (où ?) Gerard et Emma s’aimaient avant qu’elle ne fasse le choix de se marier avec l’autre des deux amis il y a plus de cinquante ans. Il en reste quelque chose que le film va dévoiler peu à peu, pas à pas. Emma ne se rend pas au premier rendez-vous qu’elle a accepté, Mais Gerard n’a pas l’intention de s’en tenir là – après tant d’années où cette femme lui a manqué, il est décidé à persévérer.

    L’intrigue principale est bien sûr liée à l’évolution de la relation entre eux deux, à leurs rencontres, à leurs souvenirs qui reviennent à la surface. La personnalité d’Emma, son désir de continuer à mener sa vie de manière autonome, apparaît bien dans ses rapports tendus avec sa fille Jacky (Katelijne Verbeke), elle-même mal à l’aise dans une liaison amoureuse avec un homme marié. La mère supporte mal les visites et les conseils de sa fille qui lui semble vouloir prendre le contrôle sur son mode de vie. Elle refuse de lui raconter tout ce qu’elle fait.

    En revanche, les rencontres entre Emma et sa petite-fille Evelien (Charlotte De Bruyne) sont pleines de complicité et de franchise. Quand Emma lui parle d’un rendez-vous avec un homme qu’elle a aimé avant de se marier, Evelien est choquée – si vite après l’enterrement de son grand-père ?! – puis de plus en plus curieuse de la liberté avec laquelle Emma se conduit.

    Peut-on retomber amoureux après cinquante ans d’éloignement et où cela peut-il mener ? C’est la grande question explorée dans le scénario de Michael de Cock d’après sa propre pièce de théâtre, écrit en étroite collaboration avec Jo De Meyere et Chris Lomme. Après de nombreuses conversations intenses, ils ont abouti à cette histoire dont l’amour et la vie sont l’enjeu, à tous les âges de la vie. Les dialogues sont excellents. Il y a des moments très drôles aussi, comme la séquence du dancing (une idée de la fille d’Emma, désireuse que sa mère continue à voir du monde).

    J’ai trouvé les images et les ambiances de Cecilia Verheyden très belles, que ce soit dans la maison, le jardin d’Emma ou dans les scènes d’extérieur, sous la pluie ou sur une plage. J'ai aimé la musique (Steve Willaert) qui accompagne à merveille les scènes d’atmosphère, les moments de solitude, les retrouvailles. Bref, un premier film très réussi, notamment grâce au superbe jeu plein de sensibilité de ses deux grands acteurs. Achter de wolken / Au-delà des nuages a remporté le prix du Jury au Washington DC International Film Festival.

  • Filles du Dr March

    Si vous avez lu jadis Les quatre filles du Dr March (1868-1869) ou vu l’une de ses nombreuses adaptations cinématographiques, vous vous laisserez peut-être tenter comme moi par le dernier film de Greta Gerwig (Little women, 2019). La romancière américaine Louisa May Alcott (1832-1888), abolitionniste, écrivaine engagée, infirmière durant la guerre, s’est inspirée de sa propre vie dans ce roman.

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    Saoirse Ronan, l’interprète de Jo March (en vedette sur l’affiche ci-dessus), le personnage dans lequel Louisa May Alcott a mis beaucoup d’elle-même, est vraiment magnifique dans le rôle ; plusieurs prix l’ont récompensée cette année. Jo est une jeune femme indépendante, décidée à contribuer aux frais de la maison grâce à ses écrits – le film commence quand elle se rend dans les bureaux d’un journal pour y vendre une nouvelle –, méfiante par rapport au mariage tant elle tient à sa liberté.

    Le film alterne entre cette période de sa vie où elle commence à vivre de manière autonome et les souvenirs de la maison familiale, sept ans plus tôt. Les quatre filles du Dr March y étaient souvent seules. Leur mère, très soucieuse de la situation des familles pauvres, était souvent occupée ailleurs. Leur père, le pasteur March, le plus souvent absent, s’était engagé dans l’armée nordiste. (Niki s’est attardée sur ce personnage dans un billet sur March de Geraldine Brooks.) Hubert Heyrendt signale dans La Libre que le « docteur » du titre français était « une pure invention de l’éditeur français pour masquer le fait que leur père était en fait pasteur ».

    L’entente entre elles protège Meg, Jo, Beth et Amy – la plus jeune, jalouse des talents de Jo –, du sentiment d’abandon : elles aiment s’amuser ensemble au grenier, préparer un spectacle d’après une pièce écrite par Jo pour Noël ou s’adonner à leurs passions. Jo écrit, Beth joue du piano, Amy dessine et peint (inspirée par May, la sœur artiste de la romancière), tandis que l’aînée, Meg (Emma Watson), la plus jolie, se montre aussi la plus coquette.

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    L'affiche en V. O.

    A l’adolescence, les filles March ont pour voisin un veuf esseulé dans sa magnifique maison, préoccupé par son fils Laurence, dit Laurie (Timothée Chalamet se montre ici plus fade que dans Un jour de pluie à New York de Woody Allen ; dans un petit rôle secondaire, Louis Garrel m’a paru plus convaincant.) Très indocile avec son précepteur et très intéressé par les années et venues des sœurs March, Laurie se lie d’amitié avec Jo qui l’introduit dans leur cercle, malgré les protestations des autres qui préféreraient rester entre filles. Quant au veuf, il reprendra des couleurs en écoutant Beth jouer du piano dans son salon de musique.

    Nous sommes au XIXe siècle, en pleine guerre de Sécession. Le manque de moyens pèse sur cette famille quasi ruinée par la générosité du Dr March. Tante March, sa riche sœur, ne cesse de rappeler que seul un mariage avisé – c’est-à-dire avec un homme fortuné – peut leur procurer une meilleure situation sociale. Meryl Streep est parfaite dans le rôle de la tante, dragon mais bienveillante, et décidée à les aider à décrocher le bon parti. Laura Dern campe avec sensibilité la mère des filles March, une femme courageuse et attentive à leur épanouissement.

    Le film n’est pas pour autant passéiste. On s’attache à ces adolescentes qui admirent le dévouement de leur mère et l’aident comme elles peuvent. On prend plaisir à observer leur complicité, à voir évoluer leur conscience d’elle-même, leur approche de la société. Elles font face à des difficultés très concrètes : aller au bal sans robe de soirée, partager un petit déjeuner, ne pas être continuellement accompagnée par les plus jeunes quand on sort, réagir sincèrement quand on reçoit une déclaration d’amour…

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    L'affiche québécoise

    Les filles du Dr March est un film chaleureux, sympathique, agréable à suivre (beaux décors et costumes, facture classique). L’apprentissage de la vie, les joies et les peines, l’amitié et l’amour, la famille, les bals, le désir de s’émanciper… Le charme désuet d’une époque révolue se combine à des thèmes qui restent d’actualité, mutatis mutandis. Il me semble que les valeurs illustrées à travers cette histoire ont dû influencer par mal d’entre nous qui avons lu Alcott dans notre jeunesse et y avons trouvé un modèle de jeune femme à la fois volontaire et sensible, décidée à se réaliser pleinement – une dimension féministe avant l’heure accentuée par la réalisatrice.

    Little women de Greta Gerwig est un film sans temps morts, même s’il dure deux heures et quart ; la musique parfois trop enjouée et envahissante, les changements d’époque (avec les mêmes actrices) nuisent un peu à la profondeur des sentiments. Je termine avec cette remarque de Marcos Uzal dans Libération : « Une phrase de la romancière sert d’exergue au film : « J’ai eu beaucoup de problèmes, alors j’écris des histoires gaies. »»

  • Plus loin

    hors normes,toledano,nakache,cinéma français,film,autisme,aide sociale,réinsertion,vincent cassel,reda kateb,2019,tolérance,respect« Hors normes, qui va plus loin [qu’Intouchables], fait moins rire mais s’impose sans lourdeur sur un thème qui comporte tous les dangers. Les deux cinéastes les contournent par une écriture sèche, sans mièvrerie ni complaisance, un ton juste auquel répond une direction d’acteurs impeccable. »

    Véronique Cauhapé (Le Monde, 26/52019)

    Joseph (Benjamin Lesieur) © Carole Bethuel (Allociné)

  • Hors normes

    Que pourrais-je bien vous écrire à propos de Hors normes que vous ne sachiez déjà ? Eric Toledano et Olivier Nakache ont réussi un film percutant à propos des autistes. A Paris, une association juive et une association musulmane leur viennent en aide en trouvant un logement aux jeunes, des cas sévères qui échouent à l’hôpital où l’enfermement ne leur donne aucune perspective, et en formant d’autres jeunes, souvent issus de milieux défavorisés, pour les accompagner dans leurs activités et leur servir de référents.

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    Bruno (Vincent Cassel) et Malik (Reda Kateb), le duo de Hors normes

    Résumé ainsi, c’est un catalogue de bonnes intentions : prendre les autistes en charge et leur donner une vie sociale, refuser l’intolérance par la collaboration entre juifs et musulmans pour cette bonne cause, valoriser des jeunes qui ont du mal ne fût-ce que pour arriver à l’heure, montrer le dévouement des animateurs et les limites auxquelles ils sont confrontés, questionner le rôle de l’Etat dans l’appui aux structures qui ne respectent pas forcément les normes contraignantes de leur secteur, quoi de mieux ?

    Tout cela est bien présent dans Hors normes, mais sans prêchi-prêcha. C’est un film d’action, véritablement habité par ses acteurs : le responsable de « La voix des justes » (Vincent Cassel, extraordinaire dans le rôle de Bruno) doit si souvent répondre au téléphone pour trouver une solution aux urgences qu’il n’a quasi pas de temps ni l’esprit disponible pour les rendez-vous qu’on lui propose pour le marier à une fille bien. Avec le responsable de « L’Escale » (Reda Kateb, si juste dans son rôle d’éducateur au « savoir-être »), c’est un duo de choc pour affronter les défis quotidiens. Autour d’eux, des rôles tenus par de jeunes autistes et référents, c’est à souligner, et par une bouleversante Hélène Vincent dans un rôle de mère.

    Leur préoccupation essentielle est de donner une chance à chacun. Persévérer dans la réinsertion sociale d’un jeune, même s’il tire le signal d’alarme dans le métro ou se cogne la tête contre les murs, continuer à croire qu’il peut progresser, faire en sorte qu’il puisse vivre dans sa famille plutôt qu’en institution et que ce soit vivable pour son entourage. Ce n’est pas gagné d’avance, il faut parfois lutter contre la tentation des parents eux-mêmes d’abandonner, contre le découragement, la fatigue, le ras-le-bol.

    Pour ces regards, ces gestes pleins d’humanité et d’empathie, il faut aller voir le film de Toledano et Nakache. Dans la course quotidienne pour que tout aille mieux ou parfois le moins mal possible, disons, c’est du cinéma rythmé sans temps morts ni longueurs et plein de moments drôles, de situations angoissantes, de scènes émouvantes, délicates dans les deux sens du terme : difficiles ou pleines de grâce.

    Comme dans Le Sens de la Fête, une comédie plus légère, Toledano et Nakache combinent divertissement et gravité dans Hors normes, une « dramédie quotidienne » (pour reprendre l’expression de Fernand Denis dans La Libre) inspirée de faits et de personnages réels (bien regarder le générique de fin), une « comédie sociale » qui parle de l’importance qu’il convient d’accorder à chacun des êtres qui constituent notre société et à la qualité des relations humaines. Bravo !