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Culture - Page 403

  • Design parade 9

    Le festival international de design dont la neuvième édition vient de se terminer à Hyères était un excellent prétexte pour revisiter la Villa Noailles. Le 19 octobre prochain s’y ouvre une nouvelle exposition : « Charles et Marie-Laure de Noailles, une vie de mécènes ».  

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    Sur le site officiel, on apprend que parmi les dix designers sélectionnés pour le concours, Laura Couto Rosado, qui fait chanter le quartz, a remporté le grand prix du jury et Thibaud Penven, inspiré par sa rencontre avec un pêcheur du lac Léman, le prix du public et de la ville. 

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    Se promener dans ce bel endroit, c’est aller à la rencontre des volumes, des formes, des couleurs. Dès l’entrée sur la grande terrasse, on est invité à s’asseoir pour contempler la vue, magnifique. Les structures variées des sièges posés ici ou là ne peuvent rivaliser avec celles des grands pins parasols, mais tout ici s’ordonne, se répond, enchante.  

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    Les jardins, les végétaux dialoguent avec le bâti ; à l’intérieur, pour protéger les collections, des stores blancs voilent à présent les baies vitrées pour protéger les collections de la lumière – je les préférerais plus translucides, ils ferment trop l’espace, à mon goût. 

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    Du côté des expositions temporaires, des chaises et, non des livres comme à la Villa Empain, mais beaucoup d’objets de table, autant de recherches sur la couleur, la fonction, la forme, la matière… Stefane Scholten & Carole Baijings, un duo néerlandais, surfent sur l’arc-en-ciel avec une infinie douceur.  

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    © Scholten & Baijings

    De la manufacture de Sèvres, des créations contemporaines sont exposées à côté de rebuts – des inscriptions sur la porcelaine blanche indiquent pourquoi ces vases et coupes ont été déclassés – « hommage à l’exigence de Sèvres ». Le fond de papier doré m’a paru assez encombrant. 

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    ©Carlo Clopath

    C’est très éloigné de « Palutta », un ensemble de couverts et d’ustensiles de cuisine du suisse Carlo Clopath, qui associe habitudes culinaires des Grisons et emprunts aux cultures étrangères, comme l’utilisation d’une laque naturelle japonaise pour protéger le bois. 

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    ©Tijmen Smeulders

    Si tous les vases sont censés accueillir fleurs et verdure, certains sont de véritables objets décoratifs en eux-mêmes, comme ceux de Tijmen Smeulders. Et de simples ampoules assemblées au plafond peuvent offrir un bouquet en guise de lustre. 

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    © Rody Graumans (Droog Design, 1993) (mise à jour 8/11/2014)

    Dans l’air du soir, avant de reprendre la route, un dernier regard à la façade épurée de la Villa Noailles, puis au parc Saint Bernard, où toute la gamme du vert dessine d’autres façons les lignes et les formes, j’étais heureuse d’y assister au mariage sans cesse renouvelé de la nature et de la culture. 

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  • Binaire

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    La petite mer des Sablettes (baie de Toulon, IX.2014)

    « De telles circonstances m’ont permis, dès l’enfance je crois, de deviner l’essence binaire des rythmes phénoménaux : l’ombre n’allait pas sans la lumière, le plaisir n’allait pas sans une dose – tempérée – de douleur, le bonheur sans l’ennui, le désir sans la satiété et le beau temps sans la pluie. »

    Denis Grozdanovitch, Petit éloge du temps comme il va 

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    Le Brusc juste avant l'orage (Le Gaou, IX.2014)

     

  • Du temps au temps

    On peut compter sur Denis Grozdanovitch (Petit traité de désinvolture, Rêveurs et nageursL’art difficile de ne presque rien faire) pour nous faire humer une atmosphère ou savourer la grâce d’un moment perdu. Son Petit éloge du temps comme il va, dans une collection que vous connaissez, s’ouvre avec Proust – « On dirait que le temps a changé. Ces mots me remplirent de joie (…) » – et les citations, les extraits plutôt ne manquent pas chez ce grand lecteur sous ses airs de dilettante, toujours à propos.  

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    La sagesse d’une vieille Russe – « Il fait mauvais temps et nous attendons qu’il change. Mais il vaut mieux qu’il fasse mauvais temps que rien du tout et que nous attendions au lieu de ne rien attendre » – amorce une réflexion sur ce mot identique en français pour désigner « le temps qu’il fait et le temps qui passe ». 

    Comme beaucoup, il me semble, Grozdanovitch ressent un lien entre météo et humeur : « A vrai dire, il m’a toujours semblé que la météorologie climatique induisait en nous-mêmes, selon les variations de l’atmosphère, une météorologie plus subtile : celle de nos états d’âme. »

     

    N’en déduisez pas qu’il privilégie une saison au détriment d’une autre, sa bienveillance accueille tous les éléments, avec une prédilection pour la pluie qu’il aime depuis l’enfance, reconnaissant à son père de lui avoir fait remarquer, lors d’une séance d’aquarelle sur le motif, « à quel point sous la pluie les couleurs s’approfondissaient alors qu’elles étaient aplanies par le grand soleil. »

     

    Longues lectures des jours de pluie dans lesquelles ils s’embarquaient, sa sœur et lui, « chacun à un bout de la pièce », temps propice au recueillement, plaisir de regarder le ciel se transformer, la lumière changer, d’un endroit bien protégé, parfois en compagnie d’un chat complice « clignant doucement des yeux ». Jours pluvieux à écrire en rythme. Attente des éclaircies pour retourner sur le terrain de tennis, de quoi former « de fins météorologues amateurs, rompus à scruter et à interpréter les moindres variations du ciel. »

     

    Observant les formes des nuages, décelant dans leurs incessantes transformations quelque signe révélateur sur le monde ou sur lui-même, il redécouvre sans le savoir la néphomancie, ancienne forme de divination. Excellent antidote, écrit-il, « à tout excès de rationalité, tant la matière vaporeuse, presque onirique, de ce que nous avons sous les yeux est propre à nous rappeler la consistance essentiellement impondérable de la plupart de nos aspirations, ambitions, prospectives et autres plans tirés sur la comète. »

     

    Grozdanovitch évoque « l’adorable grisaille parisienne », des souvenirs pluvieux de Londres, New York, Venise… Puis viennent le vent et ses sortilèges, « l’heure soyeuse » des jours de neige – le soleil est peu présent, en réaction sans doute au diktat commercial d’éternel été. Quant au vieux rêve de l’humanité, « suspendre le temps », les poètes et les philosophes ne cessent de l’aborder, c’est l’occasion pour l’auteur de revenir à Proust et à d’autres qui ouvrent la voie à la « conquête du temps essentiel, synonyme de libération intérieure ».

     

    Ernst Jünger, dans Le mur du temps (1963) : « L’homme qui n’a pas le temps, et c’est là une de nos caractéristiques, ne saurait guère avoir de bonheur. Nécessairement, de grandes sources se ferment à lui, de grandes forces comme celles du loisir, de la foi, de la beauté dans l’art et la nature. » Grozdanovitch s’exerce à « ralentir certains moments », ce qui requiert « stratégie et tactique » et nous vaut de belles pages sur la danse, le sport, l’écriture, la musique. 

    Petit éloge du temps comme il va distille mine de rien un appel à résister aux injonctions hyperactives de notre époque et à s’éloigner des lieux communs du bonheur médiatique. La lecture de cet essai porte à siffloter, quel que soit le temps qu’il fait, et ouvre des fenêtres dans le temps qui passe. C’est une question d’attitude, donc un choix, et si l’auteur explore des manières inédites de prendre le temps « comme il va », nous pouvons aussi y reconnaître certaines des nôtres – « Une intense décélération se produit invariablement lorsque je franchis la porte d’un musée. »

  • Indigo

    usset,catherine,indigo,roman,littérature française,inde,culture« Derrière eux apparut le personnage préféré de Charlotte, en jean et mocassins au lieu de ses santiags. Il portait une chemise bleu-violet qui enserrait parfaitement ses épaules et moulait sa taille. Dans son genre décontracté, Raphaël était aussi coquet que Roland. Renata, qui le suivait avec ce dernier, le complimenta sur la couleur.
    « Indigo, c’est ça ?
    – Je crois.
    – C’est son adieu à l’Inde, dit Roland. Inde, I go ! »
    Charlotte sourit. Renata leva les yeux au ciel. Raphaël rit. »

    Catherine Cusset, Indigo

  • La couleur de l'Inde

    Indigo, le dernier roman de Catherine Cusset, commence à Roissy où Charlotte Greene, en transit entre New York et Delhi, risque de rater son avion à cause d’une alerte à la bombe, le 5 décembre 2009. Elle a laissé ses filles et son mari aux Etats-Unis pour se rendre à Trivandrum, dans le Kerala, à l’invitation de l’Alliance française – l’occasion de voir l’Inde, le pays de Debarati, son amie Deb, qui s’est suicidée six mois plus tôt. 

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    Hôtel Vivanda Taj Trivandrum

    Dans l’avion, elle reconnaît Roland Weinberg qui va retrouver l’Inde après dix-sept ans, « un passé mort et enterré », pense-t-il, et pourtant ce qui l’intéresse en premier dans ce voyage, c’est de revoir Srikala, un amour d’antan, ce qu’ignore Renata, sa jeune compagne qui vient le rejoindre. A l’aéroport de Delhi où il l’attend, il observe les femmes à son aise, et c’est un choc quand sa « Reine » débarque, les cheveux ras, sans sa belle chevelure noire.

    Géraldine Legac, responsable de l’Alliance française à Trivandrum, doit accueillir l’écrivain Roland Weinberg et Charlotte Greene, cinéaste et professeur de littérature, mais c’est surtout l’autre écrivain qu’elle attend personnellement – elle a été folle amoureuse en secret de Raphaël Eleuthère quand elle était adolescente, un Breton comme elle – la reconnaîtra-t-il ? De quoi perdre le sommeil, pendant que dorment son mari indien et leur fils.

    Raphaël accepte de se promener au hasard avec Charlotte dans le vieux Delhi, mais après s’être fait agresser par des gamins voleurs (un vieil homme les chasse in extremis), il n’a plus qu’une envie : fuir le bruit, la poussière et la pollution, se reposer à l’hôtel. Charlotte arrête un rickshaw pour lui et continue seule, se laisse aborder par un jeune homme, et finit par tomber dans le piège – seul son argent l’intéresse et pas « une bonne femme de quarante-sept ans ».

    Avec Jagdish Kapoor, le jeune Indien chargé d’accompagner les invités du festival culturel dans leurs déplacements, ce sont les personnages principaux du roman. Catherine Cusset passe de l’un à l’autre pour raconter leur séjour d’une dizaine de jours en Inde et ses péripéties, les conférences, les problèmes personnels, les incidents, les imprévus. La menace d’attentats terroristes et la chaleur pèsent, mais « une surprise attend chacun d’eux et bouleverse leur vie » (quatrième de couverture).

    La romancière a repris sur son site les critiques généralement élogieuses de son dixième roman, une « comédie humaine ». Comme Nicole Volle (Enfin livre !) ou Etienne Dumont (Tribune de Genève), je ne suis pas totalement convaincue. Pourquoi ? Peut-être à cause du morcellement du récit, de l’égocentrisme des personnages, de leur approche « touristique » de l’Inde, si différente de la quête de Meaghan Delahunt dans Le livre rouge, par exemple. Comme le dit la narratrice à propos de Charlotte Greene, « elle avait beau convoquer l’émotion de toutes ses forces, celle-ci restait absente. »