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amélie nothomb

  • Le côté expérimental

    Nothomb merle noir.jpg« Le rossignol du Japon est un oiseau somptueux. Vêtu d’un kimono multicolore, il chante comme une diva. On se doute que je ne parvins pas à lui ressembler. Je tiens davantage du merle, de par la noirceur de mon plumage mais aussi le côté expérimental de mon chant. Singulier artiste que le merle, capable du meilleur comme du pire. Ce que j’apprécie chez lui, c’est qu’il n’est jamais satisfait et qu’il ne se fixe aucune limite. »

    Amélie Nothomb, Psychopompe

    Aussi en hommage au merle noir qui nous en-chante jour après jour (source de la photo)

  • Nothomb en oiseau

    Avec Psychopompe, Amélie Nothomb a réussi un de ses plus beaux vols. Bien qu’il soit indiqué « roman », elle y déroule le fil d’une trajectoire personnelle moins aisée qu’il n’y paraît. Elle l’ouvre avec un conte traditionnel nippon que sa nounou japonaise lui a raconté quand elle avait quatre ans, celui d’un marchand de tissus subjugué par la splendeur des grues blanches. L’histoire est belle et cruelle.

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    La petite fille d’alors, qui rêve de voir des grues, ne s’intéresse pas encore aux passereaux. Mais une fois « arrachée au Japon », quand son père est « posté » à Pékin l’année suivante, les chants d’oiseaux lui manquent. Mao les a rendus responsables des « famines et autres nuisances », on les massacre. Seul le corbeau subsiste à Pékin, intelligent, mais au croassement décevant.

    New York, 1975, ce sont les retrouvailles avec toutes sortes d’oiseaux, « comme une résurrection », à Central Park et dans la forêt où ils vont le week-end : « Les geais, les merles – les fameux mocking birds, les cardinaux, les bruants hudsoniens, il n’y en avait que pour le ciel. » Ecouter leur chant à l’aube, les reconnaître. L’hiver, le chant du merle la bouleverse. « Beaucoup plus tard, quand j’entendis l’air célèbre du Génie du froid, je me demandai si Purcell n’avait pas trouvé son inspiration dans cette pratique hivernale des oiseaux. »

    Mais c’est au Bangladesh (son père nommé ambassadeur à Dacca), à onze ans, qu’elle situe le « kensho : éveil qui, pour ne pas être définitif, sépare le temps en un avant et un après » – « Il m’apparut que l’oiseau était la clef de mon existence. » Dans son « obsession aviaire », son père voit une quête symbolique de la liberté. « A quoi bon rêver d’anges et de chimères quand il existe pour de vrai une créature qui dépasse notre entendement ? »

    La lecture de manuels d’ornithologie est « une source d’étonnement sans fin », l’observation des oiseaux, une passion. A Sylhet, ville entourée de jungle, elle voit pour la première fois l’oiseau-dragon au « nom fabuleux d’engoulevent oreillard ». Elle l’observe aux jumelles. « L’affût du regard changea ma vie. » Elle rêve de voler comme lui ou de nicher au sol au-dessous des arbres à thé.

    Cox’s Bazar, la seule station balnéaire du Bangladesh, devient leur destination préférée. Nager dans le golfe du Bengale fait son bonheur. « Nager, c’était voler sous l’eau. » Ils y côtoient la misère, elle joue « avec les enfants du peuple de la plage » qui ne nagent pas. Les expatriés qui restent entre eux les voient comme des excentriques. Ses parents se passionnent pour « cette jeune démocratie ». Ils fréquentent la léproserie tenue par des religieuses belges.

    Amélie Nothomb raconte et fait flèche de tout bois : « Quand on se sent incapable d’une pensée digne de ce nom, il reste l’observation : voici ce que m’apprit l’amour des oiseaux. » Engoulevents ou autres. « La contemplation perpétuelle d’un être furtif m’enseigna l’art d’aimer l’insaisissable. »

    Au Bangladesh, à douze ans, « on mariait les filles de [son] âge ». L’adolescente a peur de l’armateur de Cox’s Bazar, la cinquantaine, qui la dévisage et recherche la compagnie de la « young lady », l’invite sur son yacht, sans que ses parents s’y opposent. Elle l’écoute, reste sur ses gardes. En étudiant les langues anciennes (neuf heures de latin, six heures de grec), elle découvre l’impératif passif : « Sois tué ! » ou « Sois mangé ! »

    En peu de mots mais si intenses, Amélie Nothomb dit l’agression subie dans l’eau du golfe du Bengale. Sa mère l’entend hurler et accourt : « Pauvre petite. » Ses agresseurs ont fui. « Je ne devins pas folle. Quelque chose s’éteignit en moi. On ne me vit plus dans aucune eau. » Treize ans. Elle apprend qu’Hermès, « le dieu messager aux pieds ailés, pouvait être qualifié de psychopompe. Le psychopompe était celui qui accompagnait les âmes des morts dans leur voyage. »

    Au milieu du roman, l’atmosphère change. Comment approcher la mort ? Deux ans d’anorexie. Après le Bangladesh, la Birmanie, le Laos. Réapprendre la nourriture. Après avoir été œuf, puis oisillon, Amélie Nothomb retrouve la santé, devient une jeune femme qui écrit. Dans cette nouvelle partie de son existence, elle se fait oiseau : « Désormais, écrire, ce serait voler. » La passion des oiseaux va désormais de pair avec la passion de l’écriture, sur laquelle l’écrivaine nous offre de très belles pages qui éclairent son œuvre.

    « Ecrire à tire-d’aile » est pour Amélie Nothomb sa façon d’apprivoiser le temps, le vide, la mort. Lisez Pyschopompe, un de ses plus beaux chants.

  • Yourcenar intime

    Marguerite Yourcenar, Portrait intime est un bel album signé Achmy Halley, paru en 2018. De très nombreuses illustrations accompagnent cette approche biographique, axée sur sa personnalité plutôt que sur son œuvre. Journaliste et auteur pour la jeunesse, chercheur en littérature contemporaine, Halley a consacré sa thèse de doctorat à Marguerite Yourcenar et publié plusieurs ouvrages à son sujet ; il a dirigé la Villa Marguerite Yourcenar ou Villa du Mont-Noir près de Lille, devenue un centre de résidence d’écrivains européens.

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    Amélie Nothomb, dans la préface, se souvient du choc ressenti à dix-neuf ans quand elle a lu les Mémoires d’Hadrien : « Ainsi il était possible d’écrire à une telle altitude. » Elle regrette de ne pas avoir écrit alors à celle dont l’œuvre l’a sauvée en la guérissant de sa « paranoïa de la féminité », celle dont le visage « n’a jamais été aussi beau qu’en sa vieillesse ».

    L’entrée en matière d’Achmy Halley m’a fait peur : « Je me souviens de ce que j’ai pensé quand j’ai pris ma douche pour la première fois dans la baignoire de Marguerite Yourcenar : « Mais qu’est-ce que tu fous là ? » C’était au début des années 2000. » Mais son admiration pour elle est sincère, née à dix-huit ans quand il l’a vue à Apostrophes (Bernard Pivot lui avait rendu visite sur l’île des Monts-Déserts en 1979). Yourcenar a voulu que sa maison, préservée telle quelle, puisse s’ouvrir au grand public quelques semaines en été.

    Explorant les bibliothèques dans chaque pièce de Petite Plaisance (l’inventaire a été réalisé par son hôte, Yvon Bernier, ami et bibliographe de Marguerite Yourcenar), à l’écoute de toutes les anecdotes, l’auteur est ému de découvrir non pas cette « star de la littérature mondiale, froide et hautaine » que les médias montraient au moment de son élection à l’Académie française à 77 ans, mais l’univers intime et familier d’une femme « sensible, passionnée et vulnérable ».

    C’est par cet « événement littéraire » de 1981 qu’il ouvre l’album de sa vie. Yves Saint Laurent a dessiné sa tenue de cérémonie – Yourcenar a refusé de porter « le trop militaire habit vert ». Puis il raconte la naissance de cette « pauvre petite fille riche » en 1903, avenue Louise à Bruxelles. Sa mère, Fernande Cartier de Marchienne, n’y survit que onze jours. L’enfant vivra avec son père, Michel Cleenewerck de Crayencour, dans le petit château de Flandre où habite « sa détestable mère ».

    Dès qu’elle peut voyager, elle partage la vie « errante et insouciante » de son père, sans fréquenter l’école, initiée par lui à l’amour des grands textes et de l’art. A douze ans, elle compose un sonnet pour sa gouvernante, puis des poèmes inspirés des romantiques. A Bernard Pivot, elle l’avouera : « Enfant, j’ai désiré la gloire. » Son père fait publier son premier recueil de poèmes pour ses 18 ans (Le jardin des Chimères), un deuxième l’année suivante (Les dieux ne sont pas morts). Elle choisit d’écrire sous le nom de Marg Yourcenar, anagramme qui deviendra son nom légal.

    L’album d’Achmy Halley montre des photos de toute sa vie, des voyages, les couvertures de ses livres… En 1929, Alexis ou le Traité du vain combat, le premier texte accepté par un éditeur, marque la naissance de Yourcenar en tant que « véritable écrivain ». Axé principalement sur son mode de vie, ce Portrait intime est truffé de citations tirées de son œuvre ou de sa correspondance.

    D’abord amoureuse d’André Fraigneau, proche de Cocteau, passion impossible qui lui inspire Feux en 1936, elle noue aussi de tendres amitiés féminines en Grèce. En 1937, elle rencontre une Américaine à Paris : Grace Frick, trente-quatre ans comme elle, qui va partager sa vie. Quand Grace rentre aux Etats-Unis pour préparer une thèse en littérature anglaise à Yale, Marguerite l’y rejoint bientôt et reprend là ses recherches historiques sur l’empereur Hadrien.

    Son retour en Europe sera de brève durée : en octobre 1939, elle s’embarque pour New York où elle va vivre en appartement avec Grace Frick. Pour survivre, elle donne des cours particuliers, fait des traductions, écrit des articles, donne des conférences. Après la guerre, elle décide de rester aux Etats-Unis et obtient la nationalité américaine en 1947 sous le nom de Marguerite Yourcenar. En 1950, elles s’installent dans une maison de bois sur l’île des Monts-Déserts

    Nous voilà à la fin du prologue. Dans Marguerite Yourcenar, Portrait intime, Achmy Halley décrit d’une manière originale l’art de vivre d’une femme hors du commun, une vie à deux choisie, « sans bruits artificiels et inutiles ». Pas une page sans photo d’elle (de beaux portraits) ou de ses proches, de ses voyages, des lieux et des objets qui lui étaient chers (la cuisine, le jardin). Dans cet album très plaisant à feuilleter, le dernier chapitre, « Carnets gourmands de Grace et Marguerite », donne quelques-unes de leurs recettes de pâtisserie.

  • Amélie à l'Académie

    nothomb,amélie,académie royale de langue et de littérature françaises de belgiq,réception,2015,écrivain belge,cultureComment ? Pas un titre d’Amélie Nothomb sur ce blog ? Alors que j’ai tant ri en lisant Stupeur et tremblements !

    Eh bien, elle m’épate, Amélie, reçue ce 19 décembre 2015 à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, au fauteuil de Simon Leys.

    Elle a confié son stress au micro de la RTBF : « Ne pas décevoir, c’est l’angoisse de ma vie. »

    Sa notice devrait paraître bientôt sur le site de l’Arllf, ainsi que tout ce qu’il faut savoir sur la réception de la nouvelle académicienne et baronne Amélie Nothomb.