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Art - Page 150

  • A quoi rime

    « Quand on entend ou lit que l’expo Hopper du Grand Palais, à Paris – au demeurant très belle, et nous en avons parlé dans La Libre en temps voulu – s’est conclue sur trois jours d’entrée non-stop pour clamer, à l’arrivée, ses 784 269 visiteurs, à quoi rime la performance, sinon pour comparer ce qui ne se compare pas et mesurer des enthousiasmes qui, à ce niveau de popularité tronquée par la pub, faussent toute évaluation sereine ? Est-il nécessaire de savoir qu’une expo Picasso en 2009 a, dans les mêmes conditions, aligné 783 500 amateurs et qu’une autre de Monet, en 2011, a fait mieux avec 900 000 convertis ? Des convertis à quoi et comment ? Evoquant ces trois jours et nuits de visite non-stop avec une attente fébrile dans la froidure pour mériter le saint des saints, la haute instance organisatrice osait cette assertion : « Pour favoriser l’accès à la culture ! » On se moque du monde et l’art est un otage déplacé ! »

    Roger Pierre Turine, Allez, qui dit mieux !
    (fin d
    un Commentaire dans Arts Libre,
    supplément à La Libre Belgiquedu 15 au 21 février 2013)

    Affiche Hopper.jpg

     

  • Masculin-féminin

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    "Sur une photo (ci-dessus) prise lors de l’inauguration de la boutique SAINT LAURENT rive gauche à Londres en 1969, Yves Saint Laurent et Betty Catroux portent tous les deux des sahariennes. Le pantalon pour Saint Laurent, le laçage du décolleté et les cuissardes pour Betty Catroux, apportent une nuance de style qui oppose les deux allures. Mais la structure de la veste qui tient lieu de mini-robe d’un côté et de tunique de l’autre est quasiment identique, ainsi que la ceinture posée bas sur les hanches. Avec ce traitement de la saharienne, Saint Laurent évoque les pôles masculin et féminin d’une même personne. 

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    La représentation des nouveaux codes des genres initiée ainsi anime de façon récurrente le grand cycle des tendances de mode dit du « masculin-féminin »."

    Florence Müller, commissaire de l’exposition Yves Saint Laurent Visionnaire  

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    *****

    P.S. Les associations féministes belges sont inquiètes pour l’avenir de la politique d’égalité des femmes et des hommes en Belgique. Voici une lettre ouverte à lire sur le site d’Amazone - vous avez la possibilité de la signer : 2013, année requiem pour la politique de l’Égalité des Femmes et des Hommes ? 

  • L'élégance YSL

    « La mode n’est pas un art, même si elle a besoin d’un artiste pour exister. » (Pierre Bergé) Yves Saint Laurent Visionnaire, l’exposition qui vient de s’ouvrir à l’Espace culturel ING,  place Royale à Bruxelles, avec l’appui de la Fondation Pierre Bergé YSL, donne l’occasion de rencontrer cet artiste. 1962-2002, 40 années de création illustrées par une centaine d’ensembles, vestes, robes, manteaux, et par des croquis, des affiches, des vidéos, des accessoires, qui reconstituent le parcours d’Yves Saint Laurent. 

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    Affiche officielle de l'exposition

    La voix du grand couturier accueille le visiteur avec des mannequins portant des tenues des années 60-70, dont quelques ensembles pantalon : il aimait que les femmes portent le pantalon non de manière revendicatrice mais pour s’y exprimer à leur façon, « en phase avec la vie, le mouvement et la place nouvelle occupée par les femmes dans la société ». Une vitrine intitulée « La valise d’un voyage en Saint Laurent » montre cette façon neuve de s’habiller et de voyager, une même veste pouvant se porter sur une jupe ou sur un pantalon, dans un style « midi-minuit », grâce à une garde-robe « modulaire ». L’invention des « basiques » ? 

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    Croquis pour la collection Automne Hiver 1976 © Fondation Pierre Bergé - Yves Saint-Laurent

    « Dessiner l’époque » présente 81 collections, deux grandes feuilles de croquis, année par année. Sur douze colonnes,  douze silhouettes au crayon (« Tailleurs », « Ensembles A-M », « Soir-Long », « Sport »…), accompagnées chacune d’un bout de tissu épinglé, et parfois d’une broderie ou d’une passementerie. Des silhouettes en mouvement, déhanchées. On peut ainsi suivre l’évolution des formes, des couleurs sur quarante ans, comparer les longueurs, les carrures, les lignes.

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    Mariée YSL de 1965 en tricot de laine

    La ligne, c’est le mot qui correspond le mieux à ce créateur inspiré par l’art, accueilli dès 1983 au Metropolitan de New York pour une première exposition personnelle. Sa mariée en laine de 1965, Babouchka, ressemble à une matriochka, les pays lointains le fascinent : la Chine, la Russie, l’Inde – col mandarin pour un « Manteau du soir » de 1962 en brocart vert à galons de fils dorés. Le visiteur reçoit un descriptif des « œuvres », où ceux qui comme moi ne disposent que d’un vocabulaire de base pour désigner les étoffes pourront dénicher des appellations aussi poétiques que « cannetille » ou « gazar » – quel plaisir ce sera de dénicher ce qu’elles désignent. 

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    Isabelle Adjani dans Subway © Fondation Pierre Bergé - Yves Saint-Laurent

    Des affiches et des vidéos rappellent quelques films célèbres pour lesquels YSL a travaillé : La panthère rose (Claudia Cardinale et Capucine), Stavisky (Annie Duperey)... Des couvertures de magazine, la présentation du parfum « Opium », différents documents d’époque accompagnent des pièces magnifiques exposées en vitrine, comme l’ensemble noir « post-punk » porté par Isabelle Adjani dans Subway (corsage de velours noir et tulle, jupe gitane gris acier, 1984) ou un manteau ciré noir « brodé de motifs d’arabesques en sequins dorés »,  bordé de vison noir. 

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    Yves Saint Laurent aime particulièrement le noir, « traduction parfaite de la pureté du trait de crayon transposé dans le tracé de la silhouette » (catalogue), mais sa collection « Mondrian » en 1965 et sa découverte du Maroc l’année suivante vont enrichir sa palette et révéler un coloriste qui ose marier le rouge et le rose, accorder le rose et l’orange, opposer les couleurs. 

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     http://www.lesoir.be/175013/article/styles/air-du-temps/2013-01-30/yves-saint-laurent-sous-toutes-coutures

    C’est sous ce thème de « L’éclatement des couleurs » qu’apparaissent dans la plus grande salle, disposés sur des gradins, des mannequins habillés par YSL, « fantômes d’esthétique » : le clou de l’exposition. Comment décrire la beauté, la coupe, la sobriété, le fini, le tombé impeccable ? La perfection voulue par un créateur bien de son temps : quand il ouvre en 1966 Saint Laurent rive gauche, première boutique de prêt-à-porter du nom d'un couturier, il révolutionne le monde de la mode. 

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    Cartes LOVE de YSL “YSL I Love You!” (3BM 7/5/2012)

    A côté de ces pièces de collection prêtées par la Fondation, vous découvrirez sur un immense cœur noir (le signe porte-bonheur d’YSL), 240 bijoux, scintillement garanti, et à proximité, les affiches des cartes postales « LOVE » que le grand couturier composait chaque année à la gouache pour présenter ses vœux (on peut en acheter des reproductions, je ne m’en suis pas privée.) Là aussi, créativité toujours renouvelée : cœur, serpent, oiseau, fleurs, paysage, nœuds, mosaïque, étoiles…

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    Coeur fétiche d'YSL, Paris 1990 © Christine Spengler photographe

    Une salle est consacrée aux robes « Mondrian » et à d’autres inspirées par la peinture – aucune couture apparente, c’est magique. Etonnante aussi, la maison de couture de papier des années 50 : adolescent, Yves Saint Laurent se fabriquait des poupées à partir de mannequins découpés dans les magazines de sa mère, et leur confectionnait des vêtements de papier (avec des rabats pour les faire tenir). Il leur donnait un nom (Vera, Bettina, Florence…) et décrivait déjà leurs atours de manière professionnelle. 

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    http://www.fondationtanagra.com/fr/article/hommage-a-monsieur-yves-saint-laurent 

    « Une vocation est un miracle qu’il faut faire avec soi-même », disait Louis Jouvet. Yves Saint Laurent a fait ce miracle. Visionnaire, il a bouleversé les codes du masculin-féminin, associé les contraires, caché et dévoilé, rendu la mode au présent, libéré les couleurs. Vous avez jusqu’au 5 mai 2013 pour aller le saluer.

  • Baigner dans l'art

    Roubaix a inauguré en 2001 son Musée d’Art et d’industrie André Diligent plus connu sous le nom de La Piscine (à une heure trente de Bruxelles en voiture, n’hésitez pas à vous y rendre en train, ce n’est pas loin de la gare). Après une matinée à l’exposition Chagall, une après-midi ne m’a pas suffi pour découvrir toutes les facettes de ce musée hors du commun, aux collections hétéroclites. Je serais heureuse d’y retourner à la belle saison et de me promener aussi à l’étage et au jardin.  

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    La Piscine de Roubaix (Photo Camster 2 - Wikimedia Commons)

    Pour l’histoire des lieux, je vous renvoie au site de La Piscine, « sanctuaire de l’hygiénisme » inauguré en 1932 « en réponse à la misère des populations ouvrières » et fermé en 1985 à cause de la fragilité de sa voûte. (L’histoire se répète au Havre, où les Bains des Docks de Jean Nouvel viennent de fermer – quatre ans après leur ouverture !) Musée industriel de Roubaix, collections et legs divers ont trouvé de nouveaux espaces dans l’ancienne piscine et les nouveaux bâtiments qui l’entourent, où se côtoient beaux-arts et arts décoratifs, mode et design.

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    Vase de Beauvais (Horace Bieuville) et détail du socle

    Le plus spectaculaire et le plus connu, c’est bien sûr le grand bassin, avec ses deux verrières solaires en demi-cercle, le levant et le couchant : près de la lame d’eau, fascinant piège à reflets, des écoliers s’étaient installés çà et là pour dessiner l’une ou l’autre des sculptures qui la longent. Des œuvres des XIXe et XXe siècles composent un ensemble décoratif qui s’insère parfaitement dans cette architecture art déco, avec en point de mire un extraordinaire Portique en grès cérame de Sèvres, blanc, turquoise et brun, conçu par Alexandre Sandier pour la bibliothèque du pavillon français à l’Exposition Internationale de Gand en 1913. D’énormes vases terminent les rangées de sculptures, certains posés non sur les sobres cubes de bois du nouveau musée mais sur de très beaux socles en céramique (détail ci-dessus).

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     Alfred Boucher, Amour maternel (détail)

    Les sculptures les plus intéressantes sont à découvrir dans l’aile consacrée aux beaux-arts, mais chez les petits maîtres, il y a déjà de jolies choses à regarder – baigneuses, plongeuses, athlètes, travailleurs, musiciens, Pierrot... Et puis, le décor même de la piscine vaut le coup d’oeil, les volutes bleues qui la bordent, les cabines de douches en briques émaillées qui séparent cet espace central des galeries parallèles dévolues aux arts décoratifs. Sur le mur des douches, des citations sur l’art. 

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    Steinlen, Chat sur un fauteuil

    Du côté des « arts appliqués », à peine regardés faute de temps – des tables couvertes de vases, un ensemble de céramiques signées Picasso –, des peintures d’intérêt inégal ont été accrochées dans le passage emprunté par les visiteurs. L’une ou l’autre ne manque pas de charme, et je les ai retrouvées sur un blog d'artiste (Franck Guidolin) : une Fenêtre sur Honfleur de Cavaillès, un Intérieur de Bessie Davidson, une Nature morte à la nappe blanche de Georges Arditi, un bouquet d’œillets de Raymond Woog et enfin, inattendu, le magnifique Chat sur un fauteuil de Steinlen qui vous regarde de ses yeux mi-clos (dépôt du musée d’Orsay). 

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    Laumonnerie, Souvenir d'automne (1900) 

    la piscine,musée,roubaix,art et industrie,arts décoratifs,beaux-arts,cultureConstant Roux, L’eau (au centre) 

    Souvenir d’automne (Paris, 1900), un grand vitrail art nouveau de Théophile Laumonnerie, comporte dans sa bordure inférieure quatre vers de Jeanne Furrer : « Dans l’allée solitaire jonchée de feuilles mortes / Qu’en calme tourbillon le triste vent emporte / L’atmosphère d’Automne qui grise et qu’on oublie / T’imprègne toute entière de sa mélancolie. »  Juste à côté, un grand triptyque mural en grès émaillé blanc et vert pâle plein de charme : trois enfants nus près d’une cascade (L’eau de Constant Roux), entourés de deux naïades dans un décor végétal.  

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    Pompon, Panthère (Sculpture animalière du XXe siècle)

    Mais voilà, au bout de cette allée, un Chien rongeant un os de Camille Claudel dans une vitrine, près d’autres sculptures animalières du XIXe siècle. Un énorme groupe en bronze de Théodore Rivière, Attila et la horde des Huns, semblait comme une transition vers l’exposition consacrée à Robert Werhlin, artiste engagé contre Hitler (Le mauvais peintre) et le nazisme – une réponse aux critiques concernant Bouchard ? Si vous aimez les sculptures danimaux, ne manquez pas celles du XXe siècle, à la fin du parcours au rez-de-chaussée, près de la boutique, vous y verrez quelques chefs-d’œuvre de François Pompon : grand cerf, ours, panthère... 

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    Jean-Joseph Weerts, Rêverie ou Tout est rompu (1908) 

    Les salles « Beaux-Arts », autour du jardin botanique, réunissent des œuvres très diverses, dans tous les genres. Sur la plage de Martha Walter (prêt du Centre Pompidou), près d’autres jolies scènes de plein air, précède une série de portraits signés Jean-Joseph Weerts, « l’enfant du pays », comme Rêverie ou Tout est rompu (1905) : les cadres d’époque sont intéressants à observer ; conçus pour créer une perspective, ils sont parfois de petits temples élevés à la peinture. Weerts, célèbre pour ses portraits mondains et ses décors publics, élève de Cabanel, a donné son fonds d’atelier à la ville de Roubaix. Le portrait de l’architecte Ferdinand Dutert a beaucoup de présence. 

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    Camille Claudel, La petite châtelaine (1896)

    Parmi les sculptures de Camille Claudel exposées ici, deux chefs-d’œuvre : La petite châtelaine, qu’on a entourée de tableaux évoquant l’enfance (dont un ensemble de quatre frimousses dues au Belge Frans Depooter) et le fameux Buste de Rodin, emprisonné lui aussi dans un cube de verre et placé contre un mur, ce qui ne permet malheureusement pas de tourner autour. De Rodin, un beau buste en bronze de Dalou, hommage d’un sculpteur à un ami sculpteur.

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    Dioniso Baixeras-Verdaguer, Jeune pêcheur dans un port

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    Montezin, Les marais de la Somme (vers 1924)

    Le site du Musée vous offre un aperçu illustré des collections, je terminerai en vous signalant quelques coups de cœur côté peinture dans la première moitié du XXe siècle : le Jeune pêcheur dans un port de Dioniso Baixeras-Verdaguer, un artiste catalan ; La cigarette, une élégante en robe rayée jaune et bleue de Henri Lebasque ; La Pergola en été d’Henri Martin, une couseuse ; Les Marais de la Somme de Pierre Montezin. Et surtout ce Foujita de la plus belle eau : Au café, à ne pas manquer, « la Joconde de La Piscine » selon les amis du musée, dont je suivrai désormais Le Fil de l'eau.

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    Foujita, Au café (1949)