« Dans le jardin, de temps à autre, Enjo voyait passer l’homme aux tempes grises, une bêche sur l’épaule ou un éventail à la main. Elle ne lui avait encore jamais adressé la parole et celui-ci semblait l’éviter, arborant un sourire contrit lorsque leurs itinéraires malgré tout se croisaient. Son livre tombé sur les genoux, délaissant les dragons et les princes, c’est d’une attention soutenue qu’elle l’observait alors qu’il taillait un arbre avec une application d’orfèvre, ou agençait des pierres comme s’il s’agissait d’ossements d’un dinosaurien. Il y avait dans ses gestes toute l’étrangeté de la constance. »
Hubert Haddad, Le peintre d’éventail
Maison de thé dans le jardin aux azalées
Yoshida Hiroshi, 1876–1950 © Museum of Fine Arts Boston
Commentaires
L'étrangeté de la constance, magnifique, qui fait oublier les princes et les dragons. Un passage vraiment très beau.
J'aime beaucoup cette expression, merci d'apprécier ce passage. Bonne journée.
où qu'on le prenne ce livre est un petit trésor !
Oh oui, il y a l'embarras du choix, tu as raison.
l'étrangeté de la constance, voilà une expression qui me semble étrange... ;-)
la constance ne serait donc pas dans la norme?
(j'aime cet extrait, il donne envie de se faire son film dans la tête et de continuer l'histoire :-))
Pourquoi cette étrangeté ? Peut-être aux yeux d'une jeune femme que cette patience jardinière étonne ? que ces gestes justes fascinent ? Peut-être parce que notre époque est à l'impatience, à la rapidité, au changement ?
L'expression me plaît justement pour l'éclairage inattendu qu'il apporte à ce mot, "constance", à cette qualité si précieuse, pour les interrogations qu'elle suscite.
Un romancier délicat que j'aime beaucoup. Il a habité Villerville, près de Trouville à une certaine époque, et je l'avais rencontré à plusieurs reprises. Un homme très discret.
Beaucoup de délicatesse, en effet. Merci de me signaler si vous avez écrit à propos de ces rencontres.