Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : anne le Maître

  • Demain selon Garat

    Si vous avez aimé Dans la main du diable d’Anne-Marie Garat et L’enfant des ténèbres, vous serez sans doute curieux, si ce n’est fait, de découvrir le troisième volet de cette traversée du XXe siècle dans Pense à demain (2010). Un peu plus de mille pages (en Babel) qu’on peut aborder aussi sans avoir lu les romans précédents. 

    garat,pense à demain,roman,littérature française,trilogie,xxe siècle,1963,culture

    Pense à demain débute le 15 août 1963 : Christine Lewenthal, étudiante, 21 ans, fille de Camille Galay et de Simon Lewenthal (déporté disparu en 1944), suit un stage dans un bureau parisien d’avocats-conseils. Melville (alias Etienne Louvain pendant la guerre) l’a recommandée, lui qui vit à présent avec sa mère à la rue Stendhal. Christine n’y a guère occupé sa chambre, sa mère souffrant de dépression ; elle a grandi en internat et aussi en Irlande, chez une tante, près de son cousin William – « Pauvre Camille, pauvre Melville, ils étaient vivants, mais ils avaient du mal avec la communicabilité et l’attachement. »

    Au cours, Christine a rencontré par hasard une cousine éloignée, Viviane Guillemot, qui l’a invitée à son mariage. En général, elle évite de fréquenter « le gratin bourgeois capitaliste » de la famille Bertin-Galay, mais il a bien fallu qu’elle assiste la veille à la « clôture du chantier de la fondation Simon-Lewenthal, quai d’Austerlitz » : elle porte son nom, elle est sa fille unique. L’ancien siège de la biscuiterie industrielle B&G a été rénové pour accueillir bientôt la collection de son père. Il y a du monde pour « soutenir Mme Lewenthal, saluer son entreprise, qui honore les arts et la culture en mémoire de son mari tragiquement déporté, sans retour. »

    Le lendemain, Camille Galay est en route avec l’acteur Louis Personne et son ami-chauffeur-compagnon Sacha, un couple singulier. Ils sont attendus à la campagne chez Elise Casson, mère adoptive de Louis et libraire à Paris ; elle accueille pour l’été Leni Zeisser, la fille d’une amie allemande, un an de plus que Christine – elles se rencontreront bientôt.

    La propriété des Bertin-Galay au Mesnil n’est plus habitée, un incendie l’a ravagée en partie, mais le vieux Gaston Donné et Soizik tiennent toujours la ferme des Armand. Antoine, leur cadet, instituteur, y partage le dîner rituel du 15 août. Sa mère lui annonce en aparté – le père « enrage dès qu’il entend le nom de Guillemot » – les noces de la fille cadette du député, « un événement ». En 1932, la maîtresse du domaine, Mme Mathilde avait légué la ferme et les terres à ses fermiers « fidèles et loyaux ». Gaston avait signé sans comprendre, pour le bien des enfants. Aujourd’hui le député Guillemot voudrait bien acheter ses deux hectares de terres qui gênent un futur lotissement et manigance pour les lui faire lâcher.

    « La famille, on s’y réchauffe les mains, on se serre les coudes, les jeunes, les vieux, concorde et cohésion, paix des ménages, fraternités, filiations, mais si, par inadvertance, ou par intention, l’un souffle sur l’amadou, la mèche grésille, elle part en éclair, met le feu aux poudres. Fusées, pétarade du canon. Vieux comme le monde. » Aussi Antoine est-il content de s’éloigner dans sa 2 CV, mais une voiture bloque l’allée du parc. Les coups de klaxon font revenir le gêneur, un jeune homme curieux, ravi de rencontrer quelqu’un du coin. Alexis Jamais – « Alex » – lui propose de prendre un verre et ils font connaissance.

    Alex est en possession d’un vieux film au contenu horrible, une scène de massacre, et a trouvé dans un cahier qui l’accompagnait le nom de Pierre Galay, d’où son intérêt pour les occupants du Mesnil. Antoine, projectionniste dans un ciné-club, n’a pas envie d’exhumer le passé des « maîtres », mais Alex le persuade de ranimer cette pellicule fragile : « Les images sont nos ostraca modernes » (ces tessons de poterie antiques sur lesquels on écrivait ou dessinait). Antoine connaît quelqu’un à la Cinémathèque qui pourrait les aider. Mais il est temps de rentrer chez lui, à Nanterre.

    Au mariage de Viviane, la cérémonie attire la foule à l’église, et puis ce sont les retrouvailles à la maison Rougerie, les premiers contacts avec la belle-famille. Christine retrouve son cousin William, fait la connaissance de Louis Personne. Ambiance de fête, puis premier drame d’une série : Sabine, la sœur de la mariée, ne retrouve plus ses enfants, on découvrira les deux corps flottant sur l’étang au fond du parc, morts.

    Lentement, Anne-Marie Garat met un monde en place, ranime le passé, arrange les rencontres, peint les milieux divers tout en rappelant ce qui agite l’époque, en France et dans le monde. Pense à demain montre la jeune génération avec ses attentes, ses doutes, ses refus, ses amitiés, ses amours, mais aussi aux prises avec les secrets de famille qui hantent leurs aînés. Cela fait beaucoup, c’est trop long, on s’y perd parfois, on s’y ennuie même un peu en se demandant où mènent tous les chemins ouverts.

    Un personnage qu’on croyait mort surgit alors, au premier tiers du récit. Encouragée par Melville, Camille Galay a le courage de réinterroger le dernier message codé reçu de Simon Lewenthal qui finit par « adieu pardon pense à DEMAIN ». Images, papiers, souvenirs, « rien ne se ruine du temps qu’on ne soumette à la révision, quelle que soit la visée de mémoire ou d’histoire qui travaille à l’enfouir, la nier, elle se récrit, chacun y collabore. »

    Qui s’en prend à la famille du député Guillemot et pourquoi ? Que voulait dire Simon à Camille ? Antoine et Christine, « orphelins d’un passé qui leur est refusé » écrit Christine Rousseau dans Le Monde, vont-ils pouvoir s’aimer ? Plus on avance, plus l’histoire nous happe. L’écriture fine d’Anne-Marie Garat, très visuelle, décrit les êtres, les paysages, épouse les arabesques du temps, nous enfonce dans les ténèbres et nous ramène à la lumière. Aux cent dernières pages, l’épilogue poursuit au-delà de 1963 et boucle le siècle. « Voit-on la rive que l’on quitte, celle où l’on va, comment naissent les histoires ? Par leur fin souvent. »

  • Une soirée Duras

    Au rayon des souvenirs, une soirée inoubliable au Théâtre du Rond-Point Renaud-Barrault, le 20 mars 1985. Une organisatrice de voyages à Paris hors pair nous avait obtenu des places pour une première : la création de La Musica Deuxième dans une mise en scène de Duras elle-même, avec Miou Miou et Sami Frey. En relisant la pièce, tout me revient. La salle bruissante, le passage devant nous de Barbara avec ses lunettes noires, au bras de Jean Marais, la curiosité de découvrir sur les planches l’actrice de la bande à Patrick Dewaere face à l’amant de Romy Schneider dans César et Rosalie, dont la voix magique allait cette fois sortir d’un être en chair et en os. Que d’émotions !

     

     

    Hall d’un hôtel de province« ce hall est le secteur d’un cercle qui, sur le dessin achevé, coïnciderait avec la surface entière de la salle. Les spectateurs sont donc à l’intérieur de l’hôtel, dans le hall. » Michel Nollet et Anne-Marie Roche (trente, trente-cinq ans) sont revenus pour le prononcé de leur divorce, trois ans après leur séparation, dans cet hôtel d’Evreux où ils ont vécu le meilleur de leur amour, pendant quelques mois, avant de s’installer dans une maison qu’ils n’aimaient ni l’un ni l’autre. Lui entre le premier par la porte-tambour, demande à la Réception un numéro de téléphone à Paris. Elle arrive ensuite, reçoit un télégramme en même temps que sa clé, le lit. Quand le téléphone sonne, elle découvre sa présence. Une voix de femme en off, à peine audible, s’assure d’un retour à Paris le lendemain à l’heure dite. Le téléphone raccroché, il se retourne, ils se regardent. Il parle à son ex-femme des meubles encore au garde-meubles, il veut bien les lui expédier si elle le souhaite – elle ne sait pas encore.

     

    Lui, se levant : Pourquoi ne pas nous parler ?

    Elle : Pourquoi nous parler ?

    Lui : Comme ça, on n’a rien d’autre à faire.

    Elle fait une grimace de dégoût, d’amertume, de tristesse.

    Elle : Rien n’est plus fini que ça… de toutes les choses finies.

    Lui, après une hésitation : Si nous étions morts quand même… La mort comprise, vous croyez ?

    Il sourit. Elle ne sourit pas.

    Elle : Je ne sais pas… Mais peut-être, oui, la mort comprise.

     

    Le dialogue est lancé, le théâtre est devenu ce cercle où tout le monde joue, eux leur rôle, le public le sien, où tout le monde vit ces retrouvailles qui n’en sont pas entre un homme et une femme qui se sont aimés, s’aiment peut-être encore, se disent des choses banales et puis, doucement, réveillent leur histoire qui a mal tourné. Ils osent à peine se regarder, gênés. « Mais la curiosité est plus forte que la gêne. » Des questions brutales fusent.

     

    Lui : Vous vous remariez ? 

    Elle : Qu’est-ce qui s’est passé sur le quai de la gare ?

     

    Ils se souviennent des derniers mois, « l’enfer ».

     

    Elle : C’est quand même étrange, vous ne trouvez pas, qu’on se souvienne si mal ?

    Lui : Certains… moments paraissent mieux éclairés que d’autres… mais je crois que ce qui est derrière ces moments-là fait aussi partie de la mémoire… on ne le sait pas toujours.

    Elle, très directe, mais c’est comme si elle parlait de la mémoire en général et non pas de la leur. Et il y a des moments qui sont en pleine lumière.

     

    Auraient-ils dû vivre comme ça, à l’hôtel, sans s’installer ? Ils ont fait comme tout le monde : mariage, famille, maison, et puis le divorce, la fin. Mais ils ne savent pas tout de ce qui leur est advenu. Elle lui a caché une tentative de suicide. Des silences s’installent, il est de plus en plus tard, le personnel attend pour éteindre.

     

    Lui : Qu’ils attendent…

    Un silence long.

    Elle : Ca ne sert à rien de parler comme ça, il faut aller se coucher.

    Lui, c’est la première fois qu’il l’appelle par son nom : Anne-Marie… c’est la dernière fois de notre vie…

     

    Après avoir laissé passer du temps, elle se met à raconter, à parler d’un autre homme – « il y avait tous les hommes que je ne connaîtrais jamais » – qu’elle a rencontré dans un autobus, à Paris, qui l’a attendue plusieurs fois devant son hôtel. « Vous savez, c’est tout à fait terrible d’être infidèle pour la première fois… c’est… épouvantable. » Lui, il l’a suivie plusieurs fois quand elle se croyait seule, dans un cinéma, dans un bois – stupéfait qu’elle ne lui dise rien, le soir, de ces sorties solitaires, de cette vie secrète. Sur le quai de la gare, il a voulu la tuer, il avait acheté une arme.

     

    Sur un air de Duke Ellington, on passe de La Musica (1965) à La Musica Deuxième, un second acte écrit vingt ans après le premier. Sans entracte – juste deux minutes où la lumière baisse, où les comédiens fument dans la pénombre, se reposent. De nouveau, une voix de femme au téléphone, inquiète, à qui l’homme répond : « Elle est là. Nous sommes dans le salon de l’hôtel. (Un temps) Nous sommes désespérés. » Le dialogue reprend entre Michel Nollet et Anne-Marie Roche, qui reconnaissent dans les paroles de l’autre des traits de caractère, des affleurements de leur histoire passée. Parfois le tutoiement revient entre eux, brièvement. Dans la deuxième moitié de la nuit, de leur dernière nuit ensemble, « ils se contrediront, ils se répéteront. Mais avec le jour, inéluctable, la fin de l’histoire surviendra », écrit Duras.

    Monique Verdussen, dans une chronique intitulée « Deux actrices de cinéma vont au théâtre, à Paris et à Nanterre » (Jane Birkin dans La Fausse Suivante et Miou Miou dans La Musica), notait le contraste entre « Sami Frey, si violent et si élégant, passionné mais désespéré, très maître de lui et de l’espace scénique » et Miou Miou, malhabile, appliquée, « gauche de ses mains et incertaine de son corps dès qu’elle se trouve debout. Emouvante. Petite souris cherchant refuge. » (La Libre Belgique, 30-31 mars 1985) Faiblesses positives, conclut-elle à propos des deux comédiennes alors inexpérimentées sur les planches (une première au théâtre pour Miou Miou), maladresses et fragilités jamais fortuites. Passé si présent, par la grâce d’une coupure de journal glissée dans un livre, d’une date inscrite sur une page de garde, et surtout d’un texte de Duras qui n’a pas pris une ride.

  • Quartier des Fleurs

    Le dernier dimanche d’août, un gros groupe s’est rendu à l’invitation de PatriS pour découvrir le Quartier des Fleurs. Je m’y promène souvent, c’était l’occasion d’en apprendre un peu plus sur ce quartier plein de charme construit non loin du parc Josaphat, de l’autre côté du boulevard Lambermont, dans l’entre-deux-guerres. Entre style pittoresque et art déco. (Photos du 4 septembre, sous un ciel plus riant.) 

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture
    Avenue des Jacinthes

    Devant l’église Sainte Suzanne, Anne-Cécile Maréchal, la guide, nous a montré sur un plan d’époque la situation du quartier, conçu pour des résidences bourgeoises, dans la courbe du boulevard, tandis que de l’autre côté du cimetière de Schaerbeek (aujourd’hui à Evere), s’étendait un quartier populaire, celui de la Cité Terdelt, avec une école communale et des logements sociaux, le Foyer schaerbeekois. 

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture

    Sainte-Suzanne date de 1928. Révolutionnaire, cette première église bruxelloise en béton a été édifiée en pleine campagne, comme on peut le voir sur des photos du début du XXe siècle (visibles à l’intérieur) – les alentours étaient très peu bâtis. Elle attend depuis longtemps une restauration des façades promise pour bientôt. Inspiré par Augustin Perret, Jean Combaz dessine un empilement de cubes au modernisme tempéré par quelques ornements extérieurs. L’intérieur sans colonnes est un immense rectangle aux soubassements de marbre art déco, coupé aux quatre coins pour des locaux divers.  

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture
    Détail d'un vitrail : Le bon pasteur

    Les premiers paroissiens n’ont pas apprécié les énormes baies et, pour rendre à l’église une obscurité propice au recueillement, on a noirci les plafonds, voilé puis muré le grand vitrail derrière le maître autel. Les vitraux dus au peintre Simon Steger et au maître verrier Jacques Colpaert datent des années cinquante : à l’origine, c’étaient de simples vitraux clairs, peu à peu remplacés par des scènes colorées, dont le style varie. 

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture

    Mais promenons-nous, puisque le soleil a bien voulu se montrer après la pluie. Dans l’avenue des Glycines (n° 22), nous admirons un immeuble de style paquebot dû à Jos Bal. Grandes horizontales (un appartement par étage), balcons ponctués de larmiers, hublots, bouches de poissons au bas des colonnes à l’entrée, des finitions très soignées. 

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture

    Plus loin (n°s 8 et 10), deux maisons de style « cottage » illustrent l’architecture pittoresque en vogue dans les années vingt : l’une a été peinte avec de faux colombages, dans le style normand ; l’autre, un peu plus art déco, comporte aussi de nombreux décrochages, auvents, niches qui lui donnent grande allure. 

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture

    En face, à l’angle de la rue des Mimosas, une maison à toit plat de 1936, aujourd’hui couverte de lierre, rompt par son absence d’ornements avec ce style décoratif. Dans la jolie rue des Mimosas, l’architecte Dehaen a placé un aigle sur le toit de sa propre maison – il en a construit beaucoup dans les environs. 

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture

    Un grand hôtel de maître aux châssis verts (n° 15) m’a toujours intriguée par son minimalisme, si sobre qu’il paraît inhabité. On l’a construit pour un ministre des colonies. Les joints creux ont été maintenus entre les briques, dont le jeu orne à lui seul l’entrée et la façade.   

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture

    A l’angle de l’avenue des Héliotropes, plusieurs maisons ont fait place récemment à un immeuble de style contemporain. Certains éléments antérieurs ont été conservés, un enduit taupe assure l’unité de l’ensemble. Le portail en bois brut surprend, plutôt massif. 

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture

    Nous suivons la guide jusqu’à l’angle du boulevard Lambermont pour observer une énorme villa en retrait, occupée par une notaire, puis au n° 378 du boulevard, une double « maison de rapport » d’avant la première guerre. Sous la très belle corniche, les deux façades d’inspiration art nouveau invitent au « jeu des sept erreurs » avec leurs ornements différents mais en parallèle de fausses jumelles. 

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture

    Non loin de là, un passage mène à un clos en intérieur d’îlot dont peu connaissent l’existence. Six maisons de style « pittoresque » y goûtent le calme à l’écart du boulevard. D’après un participant, le cinéaste André Delvaux y aurait habité. Au 416, un immeuble art nouveau transformé en art déco, longtemps occupé par une ambassade, présente une façade en piteux état – les grilles très originales ont heureusement été conservées. 

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture

    Après un arrêt avenue des Jacinthes, nous revenons à la rue des Mimosas où se trouve la dernière maison de Magritte, de style cottage. Plus loin, une trois façades moderne primée offre un beau contraste à l’hollandaise entre briques jaunes et châssis noirs.  

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture

    La promenade s’est terminée devant une superbe demeure au n° 44, vendue récemment. Adrien Blomme l’a conçue en 1938 pour un ingénieur allemand, ce sera quelque temps l’ambassade d’Allemagne. Une balustrade ornée des signes du zodiaque entoure cette propriété de vingt ares. Un mystère non résolu : le motif du voilier au-dessus de l’entrée. 

    quartier des fleurs,schaerbeek,promenade,patris,patrimoine,urbanisme,entre-deux-guerres,architecture,culture

    Schaerbeek veille à maintenir « l’authenticité, la qualité et la cohérence architecturale » du Quartier des Fleurs, très recherché. Il n’est pas à la portée de toutes les bourses, mais il est ouvert à tous, je vous le recommande pour une balade urbaine très agréable et variée.

  • Le Carnet des Lettres belges

    C’est un plaisir de le recevoir tous les deux mois dans sa boîte aux lettres, de retrouver son format presque carré, sa typographie soignée, son beau papier, son élégant noir et blanc y compris pour ses nombreuses illustrations – à ne pas manquer
    si l’on s’intéresse à l’actualité littéraire dans notre pays. Le Carnet et les Instants, sous-titré Lettres belges de langue française, revêt pour son numéro 163 (octobre 2010) une nouvelle maquette présentée par Michel Lambert, rédacteur en chef : « Tout change, tout demeure », le titre convient bien à cette formule rajeunie mais fidèle à son objectif. Edité par Jean-Luc Outers pour la Promotion des lettres (Ministère de la Communauté française), Le Carnet offre en une centaine de pages, sur abonnement (gratuit), un magazine consacré aux écrivains belges et l’agenda des rencontres et spectacles qui leur sont consacrés, tant à Bruxelles qu’en Wallonie, voire à Paris (Centre Wallonie-Bruxelles en face du Centre Pompidou).

     

    Le Carnet et les Instants n° 163.JPG

     

    Le numéro de ce mois propose un dossier sur l’humour signé Paul Aron. « Aucune histoire de la littérature belge ne comporte un chapitre sur le rire ou sur les humoristes, et cela surprend quand on se souvient du rôle fondateur joué par La légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs de Charles de Coster. » Et d'explorer l'humour de potache des revues étudiantes, les satires – quel Bruxellois ne s’est jamais esclaffé en assistant au Mariage de Mlle Beulemans (Wicheler et Fonson), un vaudeville bon enfant où l’on voit un Parisien s’adapter à la vie et au langage bruxellois – ou, plus proche, l’ironie d’un Jean-Philippe Toussaint dans La salle de bain.

     

    Autre portrait, celui du romancier Jean-Baptiste Baronian, bien connu aussi pour ses essais sur le fantastique belge. Francine Ghysen détaille le parcours de ce « fou de livres », bibliophile et mélomane. Rony Demaeseneer s’est rendu chez Pierre Mertens pour la rubrique « Bibliothèque d’écrivain », l’occasion d’un entretien à propos de ses lectures, parmi lesquelles celle de Kafka fut décisive.  « Les livres sont en mouvement » dans la maison de Mertens qui déborde de livres, documents, journaux, fiches, dossiers, dans toutes les pièces y compris à la cave. Sa bibliothèque comporte même des extensions « chez des amies » !

     

    On découvre aussi dans ce Carnet n° 163 le parcours littéraire et éditorial d’Armel Job, mais c’est sans nul doute le portrait d’Hubert Lampo par Xavier Hanotte qui m’a le plus touchée dans cette partie du magazine. L’auteur de Derrière la colline, entre autres, n’a pas accompagné au cimetière, en juin 2006, celui qui fut pour lui « un ami autant qu’un maître en littérature ». Il lui écrit ici une lettre, biographie, « exercice d’admiration », témoignage, remerciement, un très bel hommage à l’écrivain flamand du « réalisme magique ».

     

    Quant à Karel Logist, il a rencontré Pascale Fonteneau, Nadine Monfils, Barbara Abel, trois romancières « de génération, de style et de caractère différents » – « Le noir leur va si bien… » – pour leur demander comment elles voient le monde, comment elles se rencontrent, comment elles tuent, comment elles lisent, comment elles démarrent, gagnent leur vie, trouvent leurs sujets, comment elles se situent, comment elles jouent avec le cinéma, comment elles regardent la télé, comment elles voient la nature humaine – ouf ! Côté théâtre, un article de Geneviève Damas aborde la
    création collective « ou comment tordre le cou à la toute-puissance du texte théâtral », tout un programme, que le travail fameux du Groupov avec Jacques Delcuvellerie illustre à merveille.

     

    Passé l’agenda copieux, une vingtaine de pages, et la liste des publications,
    nouveautés et rééditions, une autre vingtaine de pages, viennent les critiques de parutions récentes, consacrées ce mois-ci à Vincent Engel, Geneviève Bergé, Xavier Deutsch, Ariane Le Fort, Hubert Nyssen, Anne Richter, pour n’en citer que quelques-uns.
    Le Carnet et les Instants n’est pas qu’une vitrine, c’est un magazine littéraire –  de promotion sans doute, c’est son rôle – qui alimente copieusement le buffet des lecteurs, spectateurs et autres amoureux de la littérature. De bon aloi, la revue des Lettres belges de langue française a sa place dans toutes les bibliothèques, où elle constitue une ressource de premier choix. J’apprécie sa façon de lire, faire découvrir et servir les écrivains belges d’hier et d’aujourd’hui, qu’elle en soit ici remerciée par une de ses fidèles lectrices.

  • Aller près

    Le retour du beau temps estival m’a fait prendre des libertés avec mon rythme habituel, voici un billet de week-end qui s’était endormi à l’ombre !

    lire le journal,la libre belgique,voyager,découvrir,curiosité,proximité,nothomb,air du temps,presse,culture
    © Taf Wallet, La lecture sur la plage

    Dans La Libre Belgique du 21 août dernier, deux textes rejoignent certaines réflexions dont je me suis déjà fait l’écho ici. D’abord, aux pages Débats, une « opinion » d’Aymeric de Lamotte intitulée « Revisiter notre rapport au voyage ». En voici le chapeau : « Redécouvrir ce qui nous est proche géographiquement ne permet pas seulement de préserver l’environnement : il s’agit de renouer avec un monde tangible, palpable, enraciné. »

    Mona Chollet a parlé des « vertus surestimées du mouvement perpétuel » dans Chez soi. Ici, l’auteur s’interroge à partir du nouveau record de notre aéroport national pour le nombre de passagers accueillis durant le premier trimestre de cette année. « Aller loin » est devenu la norme en matière de voyage, beaucoup cherchent un « changement radical de continent, de climat, de décor ».

    Il déplore que, trop souvent, « nous ignorons notre propre géographie, notre histoire et nos semblables ». L’espace « enjambé » compterait davantage que « la qualité des échanges humains », l’approche physique de la nature, la découverte culturelle. Non qu’il faille se détourner de l’ailleurs, mais nous y perdrions le goût et la curiosité pour ce qui est proche de chez nous.

    Je ne partage pas forcément son analyse sous l’intertitre « La question du sens », mais j’y ai trouvé un bel éloge de la marche et du vélo pour se déplacer, des notions de hasard, lenteur, contrainte, simplicité au cœur de l’expérience du voyage. Est-ce que « l’aventure locale et charnelle approfondit la connaissance de nous-mêmes, l’attachement à notre environnement, et facilite notre aptitude au bonheur » ? Dans une certaine mesure, oui, comme le montre Anne Le Maître dans Sagesse de l’herbe.

    Le texte se termine sur une « inquiétude écologique » face à la manière consumériste de voyager en sautant dans des avions et en collectionnant les destinations. Le tourisme de masse est devenu un fléau, pour les habitants locaux et pour la planète. J’ajouterai que la vogue du partage de photos en ligne dont a parlé Adrienne et le succès des influenceurs rétribués pour renouveler le langage publicitaire encouragent cette fuite en avant.

    L’article suivant, « Voyage dans ma rue », une chronique de Florence Richter, est une invitation sympathique à l’art de « redécouvrir de temps en temps son chez-soi ». Elle a passé le mois de juillet à Bruxelles et est partie à l’aventure dans son quartier. Observations, sourires entre passants, découverte d’un petit parc public très paisible derrière une résidence pour seniors, fresques urbaines, il y a tant à voir quand on prend le temps de regarder. De quoi inciter au « vagabondage à pied sans but et sans raison », une autre façon de vivre ses vacances.

    Passons aux pages Culture de La Libre qui suivent. J’y apprends que le dernier roman d’Amélie Nothomb parle de Jésus : « L’Evangile selon Amélie Nothomb : étonnant et formidable » titre Guy Duplat en haut de cet entretien très intéressant qui se termine sur un éloge de la solitude. « C’est essentiel de trouver des moments de solitude. Proust écrivait que la solitude est un état de profondeur dont on ne peut jamais se passer. Et la lecture y aide. » (Amélie Nothomb)