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la libre belgique

  • Défendre la culture

    Une première secousse avait ébranlé certains lecteurs & lectrices en juin dernier, en lisant ce qu’un président de parti, après sa victoire aux élections, déclarait dans La Libre Belgique : « On va gérer le pays comme des ingénieurs, pas comme des poètes. » La petite phrase avait provoqué une série de réponses, du monde culturel et des ingénieurs eux-mêmes, et pas seulement dans « mon » journal.

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    Maurice Wagemans (1877-1927), La lecture sur le pont

    Et voici que le porte-parole de ce même parti, s’exprimant « à titre personnel » dans le même journal, le 9 mars dernier, signe une opinion dont le titre et le chapeau révèlent clairement l’intention. Je les cite : « La culture ne devrait pas grimper par subsides, mais s’élever par plébiscite. » « Laisser la culture s’autoréguler n'est pas une menace, c’est une nécessité. Car si personne ne veut d’un spectacle, d’un film ou d’une exposition, pourquoi forcer son existence à coups de subventions publiques ? » Bien que le texte commence par une belle déclaration (« La culture a sauvé ma vie »), on reste très dubitatif en le lisant, aussi par rapport à cette affirmation finale : « Ceux qui méritent de briller n’ont pas besoin de tuteurs : ils s’élèvent par eux-mêmes. Vive la culture, et vive la liberté. »

    Depuis lors, des voix qui comptent dans le secteur culturel se font entendre dans les pages « Débats » du journal. Le 12 mars, Jean-Marie Klinkenberg, membre de l’Académie royale de Belgique, a répondu par une opinion intitulée « Culture libératrice ou culture libertarienne ? » : « Je ne puis certes témoigner que de quelques modestes expériences de la "culture subventionnée" de ce pays : dix années à la Commission d’aide à l’édition, vingt autres à la Commission des lettres, quarante au Conseil de la langue française. Toutes charges exercées bénévolement, à titre de service à la communauté, en marge de ma carrière de chercheur. »

    S’inquiétant d’une « révolution culturelle » du côté américain, Klinkenberg observe qu’elle a aussi commencé chez nous.  Ceux qui opposent « la culture qui sait se vendre et une culture élitiste déconnectée du réel » vont dans la même direction. « Il est temps de nous opposer, à notre niveau, à un mouvement dont l’aboutissement, l’histoire nous l’a appris, est l’abolition du savoir, de la culture et, in fine, de la vraie liberté : non celle de quelques-uns, mais celle de toutes et tous. »

    La philosophe Pascale Seys, dont je vous ai déjà parlé ici, a écrit une carte blanche le 17 mars : « Défendre la culture, armer l’avenir ». Elle y rappelle que « L’argument selon lequel l’impôt ne devrait pas soutenir des œuvres qui ne correspondent pas aux préférences du grand nombre va totalement à l’encontre de la culture en tant que bien commun. » Comment ne pas acquiescer à ceci : « L’avenir s’invente dans la palpitation des idées et des cœurs, par l’art et par les œuvres qui nous élèvent, qui nous rassemblent, et qui donnent à nos existences un horizon de désir et d’espérance. »

    La ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles et ministre de la culture (un ministère vraiment nécessaire ? avait aussi osé le parti dont il est question), Élisabeth Degryse, a précisé dans un entretien du 21 mars : « La qualité d’un spectacle ne se mesure pas à l’applaudimètre, mais des indicateurs chiffrés pourraient être pris en compte. » Elle rassure : « Le soutien public à la culture est, reste et restera essentiel. »

    Pour terminer ce billet sur un sujet qui me tient à cœur, vous le savez, je reprends encore quelques propos de Bernard Foccroulle, organiste et compositeur, qui a été successivement directeur de la Monnaie et du Festival d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence. Lui aussi s’inquiète des discours pernicieux qui se répandent : « Au cœur de la culture, il y a l’art, et au cœur de l’art, il y a la poésie, à laquelle j’ajouterai la notion de complexité – infinie – le tout procédant fondamentalement par interaction. En cela, la culture est totalement étrangère au consumérisme – dont l'emblème superlatif est le selfie au musée, pris devant l’œuvre à laquelle on tourne le dos ! Et pour que la société puisse aller à la rencontre de la culture, les projets participatifs sont essentiels. »

    « Et c’est là que le pouvoir agissant de la poésie refait surface. […] Alors, qu’est-ce qui définirait cette "poésie" ? Il me semble que c’est tout à la fois un certain "regard" sur les choses et les gens, une forme de quintessence, une invitation à la contemplation et à l’intériorisation. À travers leurs œuvres, ces grands artistes convoquent la part de poète qui se trouve en chaque être humain. La poésie me semble indissociable de notre humanité. » (La Libre Belgique, 24/3/2025)

    ***

    Sur le calendrier de mars, les résultats d’un dépistage ont tout à coup semé de multiples rendez-vous, en ont annulé d’autres. L’opération est pour après-demain. Je vous reviens dès que possible.
    En attendant, comme dit l’Augustin, lisez bien.

    Tania

  • L'escalier oublié

    la libre belgique,journal,opinion,simone falanca,l'escalier des juifs,mont des arts,bruxelles,louis titz,aquarelle,histoire,massacre,antisémitismeLe 3 février, une opinion publiée dans La Libre m’a beaucoup intéressée, à propos d’un lieu bien connu dans le centre de Bruxelles, le Mont des Arts. Simone Falanca, auteur et journaliste d’investigation italien, actuellement basé en Belgique, y parle de « L’escalier oublié du Mont des Arts, une histoire enfouie sous le béton ». Au départ, il s’agit d’une aquarelle mise en vente chez Horta le mois dernier : « Rue Ravenstein Bruxelles, vue de l’escalier des Juifs en 1906. Signée et datée: Louis Titz 1906. »

    L’histoire du Mont des Arts et de ses transformations au cours des siècles comporte donc un « escalier des Juifs » méconnu. L’auteur a mené l’enquête et raconte comment « cet escalier avait plus qu’un rôle pratique : il était l’artère d’une communauté ancrée dans la vie économique et sociale de Bruxelles. » J’ai appris ainsi un épisode peu glorieux du XIVe siècle, le massacre de Bruxelles, qui a mis fin brutalement à « la présence juive sur cette colline ». Je l’ignorais.

    Louis Titz, Rue Ravenstein Bruxelles, vue de l’escalier des Juifs, aquarelle, 1906. 

  • Lu dans La Libre

    L’actualité n’est pas drôle ces temps-ci, c’est le moins qu’on puisse dire. Aussi je lis le journal dans l’espoir de mieux comprendre le monde. Souvent, avouons-le, on respire mieux en arrivant aux pages du sport, pour l’un, de la culture, pour l’autre. Voici donc un billet de lecture d’un autre genre, si ça vous tente.

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    « Dans un environnement qui privilégie la célébrité au détriment des expériences réelles, qui a droit à la parole ? Quelles voix sommes-nous prêts à écouter dans un monde saturé de médias ? » (BPS22). « Off Voices » est le titre de l’exposition actuelle, à Charleroi, de « l’artiste sud-africaine blanche Candice Breitz, née en 1972, qui vit et travaille à Berlin » (La Libre). Guy Duplat la présente dans le journal du week-end dernier. C’est le « premier solo show » de Candice Breitz en Belgique. En 2020 elle était à Bonn, en 2022 à Londres.

    A ses vidéos d’accouchements projetées à l’envers – « chaque nouveau-né, dans ce dispositif, semble arraché aux bras de sa mère avant d’être réintroduit lentement dans l’utérus » –, elle donne des noms, eux aussi inversés, de grands dirigeants populistes comme « Pmurt, Nitup, Oranoslob, etc. », pour « continuer à imaginer un monde libéré des chaînes du patriarcat » (Installation Matriarcat utopiste). Sa série « Ghost » où elle a blanchi les peaux noires de cartes postales « exotiques » pour questionner « le privilège blanc » a été critiquée, vue par certains comme un « effacement ».

    Après les nouvelles sportives, le menu culturel du week-end dernier était copieux : « Je doute de moi et cela me rassure... », un grand entretien avec Stéphane De Groodt, si « sympa » – l’adjectif qui lui est le plus souvent associé, signale Francis Van de Woestyne. Un texte d’opinion ensuite, signé Aurélia Gervasoni, étudiante en droit, qui a pris conscience d’être privilégiée par rapport à « la personne qu’elle aime », de nationalité colombienne, pour une demande de visa vers les Etats-Unis (Pmurt, encore). Frédéric Beigbeder ne manque pas d’air, qui déclare à Jacques Besnard : « J’ai l’impression d’être le Claude Lévi-Strauss de la teuf » ! Expo, Musique, Humour… De bonnes pages.

    Lundi, un article inspiré par l’AFP, « De Paris à New York, les grands musées en pleine mutation », était illustré par une photo de deux jeunes femmes prenant la pose pour se photographier au Louvre, devant La Joconde toute petite à l’arrière-plan. Je me pince en lisant que « 80% des 30000 visiteurs quotidiens (limités par une jauge) viennent voir le chef-d’œuvre de Leonard de Vinci et… faire des selfies. » Le Prado de Madrid interdit toute prise de photo, cela paraît la meilleure des solutions pour les musées qui attirent les foules.

    Voilà qui me ramène aux pages « Débats » de vendredi : « Les audioguides détournent-ils l’attention des visiteurs de musée ? » J’ai souvent renoncé à écouter un audioguide parce qu’il m’empêchait de bien regarder. En général, je n’arrive pas à faire les deux en même temps. Quand Geneviève Simon pose la question à Géraldine Barbery, responsable de la médiation culturelle aux MRBAB, celle-ci répond que « oui, cela éloigne de l’œuvre ou de l’intention de l’artiste, mais [que] cela apporte autre chose. » On peut lire au-dessus de sa petite photo : « On essaie de s’adapter à la diversité de la société. » Elle y explique la conception d’un commentaire audio « idéal ».

    En regard, je lis au-dessus de la photo d’Yves Depelsenaire, psychanalyste, essayiste : « Une œuvre d’art se découvre en silence, parce qu’elle dit quelque chose. » Pour lui, « les audioguides sont comme les GPS qui vous conduisent droit au but, vous interdisent de flâner et de découvrir des coins imprévus. » (On peut tout de même les interrompre.) Il recommande la lecture des Dialogues du Louvre de Pierre Schneider (1991). 

    Si j’ajoute que la double page suivante est consacrée à Pascal Quignard, à l’occasion de la publication de son dernier roman, Trésor caché (une rencontre avec Laurence Bertels), vous comprendrez pourquoi je reste abonnée à La Libre depuis tant d’années, heureuse d’y lire les nouvelles et d’y trouver encore des articles de qualité. Et vous, avez-vous un quotidien de prédilection ?

  • Simon Gronowski

    « J’ai pardonné à mon geôlier nazi… » Quatre pages dans La Libre Belgique du week-end pour Simon Gronowski, formidable ! Linda, avec qui j’ai visité la Kazerne Dossin, m’a fait connaître ce « Passeur de mémoire » qui vient de fêter ses 90 ans. Francis Van de Woestyne l’a rencontré chez lui à Ixelles. Leur entretien parle de sa vie exceptionnelle, « l’histoire d’un petit garçon qui s’est évadé à 11 ans du vingtième convoi qui emmenait 1600 Juifs à Auschwitz… »

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    Simon Gronowski jouant du jazz au piano à sa fenêtre en Belgique durant le confinement, 2021
    © Ksenia Kuleshova for The New York Times

    Simon Gronowski est né à Bruxelles, où son père polonais, qui avait fui l’antisémitisme, tenait un commerce. Celui-ci était absent quand la Gestapo est venue les arrêter en mars 1943, sa mère, sa sœur et lui. Enfermés un mois à la Caserne Dossin, ils reçoivent leur numéro de déporté, sa mère et lui ensemble, sa sœur dans un autre convoi.

    Trois jeunes résistants ont attaqué le train à Boortmeerbeek et ont fait descendre 17 personnes dans la nuit. Plus loin, sa mère lui a demandé de sauter du train en marche par la porte ouverte, mais elle ne l’a pas suivi. Aidé par plusieurs personnes, dont un gendarme, il a pu rejoindre son père là où il se cachait. Sa mère et sa sœur ne sont jamais revenues. Son père malade est mort en 1945.

    Au récit de sa vie, « faite de miracles », s’ajoute un témoignage sur l’engagement magnifique de Simon Gronowski : un livre, L’Enfant du XXe convoi (repris aussi en bédé) ; les rencontres avec les jeunes dans les écoles, en Belgique et à l’étranger, comme le faisait Kichka ; l’amitié avec Koenraad, fils d’un collabo flamand, qui a souhaité le rencontrer et est devenu son « frère ». « Il est plus dur d’être le fils du criminel que le fils d’une victime », selon Simon Gronowski. Pour lui, qui n’a jamais eu de haine en lui, « la leçon est qu’il faut pardonner ».

  • Du positif

    « Avec la pénombre de cet automne, même une luciole nous éblouirait. Dès lors, tentons de déceler des aspects lumineux dans chaque contrainte imposée par le virus ou les autorités. Le télétravail nous épargne, par exemple, beaucoup de temps dans les transports. Il nous permet de voir davantage nos proches, d’être moins déconcentrés. Le confinement nous offre aussi l’occasion de redécouvrir de grands auteurs, des classiques du cinéma ou des séries inédites. » (Dorian de Meeûs)

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    Sous le titre « Admirer une luciole dans l’obscurité », le rédacteur en chef de La Libre Belgique a envoyé aux abonnés du journal une invitation à chercher ou à mettre du positif dans la vie. Depuis mardi dernier, dans cet esprit, ceux-ci reçoivent « La newsletter des bonnes nouvelles » de La Libre Belgique, une belle initiative.

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    La semaine dernière, on y parlait entre autres de la première rencontre entre le roi Philippe et sa demi-sœur Delphine – Delphine, anciennement Boël, devenue princesse Delphine de Saxe-Cobourg par décision de justice. Ce feuilleton judiciaire ouvert en 2013 par l’intéressée en demande d’une reconnaissance de paternité par notre ancien roi Albert II trouve enfin un dénouement digne. Celui-ci a reçu récemment sa fille Delphine dans sa résidence privée.

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    Cette semaine, on annonce que le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles débloque des moyens supplémentaires pour équiper les écoles secondaires d’ordinateurs. Bonne nouvelle, même si on peut regretter les mois de retard pour que tout cela se concrétise ; dès le printemps dernier, l’enseignement flamand a fourni plus de douze mille ordinateurs aux élèves du secondaire qui n’en avaient pas chez eux. (En Belgique, l’enseignement relève des communautés linguistiques.)

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    Je vous ai déjà parlé de Daardaar, le site qui propose en français des articles parus dans la presse flamande. Si cela vous intéresse, vous trouverez sur ce site des podcasts d’une demi-heure, intitulés « dring dring ». Des journalistes parcourent la Flandre à vélo et interrogent ses habitants, dont vous pourrez entendre  les accents différents selon leur région. Voici déjà quatre épisodes à écouter :
    1 Les Flamands sont-ils racistes ?
    2 Flamands et Belges francophones sont-ils si différents ?
    3 Etre flamand, c’est quoi ?
    4 Que savent les Flamands des Wallons et des Bruxellois ?

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    Enfin, pour les Belges qui ont l’habitude de se tourner vers un géant américain pour leurs commandes de livres, une bonne nouvelle : Librel.be, portail qui proposait déjà des livres numériques, devient une plateforme d’accès aux livres « papier ». Grâce à une cinquantaine de librairies indépendantes qui « mutualisent » leur stock, celui-ci est de huit cent mille livres. On réserve en ligne, le paiement se fait en librairie lorsqu’on va chercher ses livres. Notez que la librairie Tropismes, qui s’y associe, livre à domicile dans les dix-neuf communes bruxelloises.

    Ce soir, tiens, je vais allumer une bougie.

    Photos T&P : Choses gaies à regarder en se promenant dans le quartier