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pascale seys

  • Baladodiffusion

    « Podcast » est plus court, mais moins joli, vous ne trouvez pas ? Le samedi matin, de onze heures à midi sur Musiq3, j’écoute La couleur des idéesPascale Seys propose chaque semaine un entretien avec « une personnalité du monde des idées et de la création qui fait l’actualité pour partager sa pensée et sa vision du monde ».

    Automne 2020 (4).jpgSamedi dernier, son invité était Emmanuel Tourpe. Le temps court des médias, le temps long de la pensée, ce philosophe français, qui est l’actuel directeur de la chaîne Arte (pour son parcours, consulter son site), ne les oppose pas. Il plaide pour sortir de la polarisation qui tue notre société. Comment ? Par la pratique de l’empathie et de la bienveillance, par un dialogue qui prend vraiment en compte le point de vue d’autrui. Du positif comme on n’en entend plus souvent aujourd’hui. Emmanuel Tourpe ose même réinviter l’amour dans le champ de la philosophie.

    Autre entretien proposé en baladodiffusion, La couleur des idées avec l’islamologue Rachid Benzine, que vous aurez peut-être remarqué à La Grande Librairie, où il présentait son roman Dans les yeux du ciel. Je vous signale aussi « Un p’tit shoot de philo », la nouvelle chronique de Pascale Seys diffusée chaque jeudi : des podcasts de trois minutes à retrouver sur le site de la RTBF.

    Roses blanches (31 octobre 2020)

  • Cultiver l'inutile

    Quel bonheur d’écouter Nuccio Ordine ce samedi 8 février 2020 au micro de Pascale Seys ! Pendant des années, cette philosophe et chroniqueuse animait une excellente émission d’entretien à la radio, Le grand charivari. A présent, c’est dans La couleur des idées, chaque samedi de 11 à 12 heures sur Musiq3, qu’elle interroge « une personnalité du monde des idées et de la création qui fait l’actualité pour partager sa pensée et sa vision du monde ».

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    Nuccio Ordine, Angélique Kidjo, François Taddei, Dr Honoris Causa 2020 de l'UCLouvain (source)

    Nuccio Ordine a été récemment nommé Docteur Honoris Causa de l’UCLouvain. Grand défenseur de l’humanisme, ce professeur italien continue à attirer l’attention sur L’utilité de l’inutile. Il dénonce la dérive utilitariste qu’il constate dans l’enseignement, aussi bien à l’école qu’à l’université, censée « former des citoyens cultivés et libres ». Il donne l’exemple de Fabiola Gianotti, la directrice du Cern à Genève. « Elle a fait du grec et du latin, et dix ans de piano. Pour elle, c’est cette culture de base qui lui a permis d’être une bonne physicienne. »

    En même temps que lui, l’UCL a honoré la chanteuse et compositrice béninoise Angélique Kidjo qui « milite pour favoriser l'éducation des jeunes filles et femmes d'Afrique » – si vous avez suivi la cérémonie du centenaire de l’armistice de 1918 à Paris, vous vous souvenez certainement de son interprétation magnifique de « Blewu » (Doucement) – et aussi François Taddei, qui cherche au CRI à « développer une société où le partage, le mentorat et la coopération sont la norme et transforment l'apprentissage tout au long de la vie ».

    Ecoutons Ordine : « Souvent, je demande à mes étudiants : pourquoi vous êtes-vous inscrit à l’Université? Ils me répondent : pour obtenir un diplôme. J’essaye de leur faire comprendre qu’on ne vient pas à l’Université pour obtenir un diplôme. On s’inscrit à l’Université pour devenir meilleur. Hélas, aujourd’hui, on vit dans une société qui nous dit qu’étudier signifie apprendre un métier et gagner de l’argent. »

    Certains étudiants confondent l’amitié véritable, qui est rencontre, échange, présence à l’autre, bref, une relation personnelle, avec des clics et de nombreux amis sur les réseaux sociaux. Qui n’a jamais observé un petit groupe occupé à communiquer sur le téléphone au lieu de se parler entre eux ? « Le rôle d’un professeur est de changer la vie de ses étudiants. Un ordinateur ne changera jamais la vie de personne. Actuellement, on dépense beaucoup d’argent pour créer l’école digitale et, dans le même temps, on massacre les budgets pour la formation des professeurs. »

    J’ai été émue d’entendre l’invité lire la fameuse lettre de Camus à M. Germain, son instituteur, à qui il rend hommage dans Le premier homme. Cette lettre qu’il lui a envoyée après avoir reçu le Prix Nobel de Littérature y est d’ailleurs reprise à la fin du volume, j’ai omis de le signaler, ainsi que la réponse de Germain Louis à Camus, datée d’Alger, le 30 avril 1959, et qui commence par ces mots « Mon cher petit ».

    Ordine m’a également touchée en évoquant ses deux maîtres et amis, George Steiner qui vient de décéder, et Umberto Eco qui savait toujours faire rire en glissant une blague même dans les conversations les plus sérieuses. L’émission devrait pouvoir être bientôt réécoutée en ligne. Elle nourrit ma réflexion sur l’importance de toutes ces choses inutiles comme la littérature, la musique, l’art, et de la transmission, que beaucoup aujourd’hui ressentent comme fragilisée.

    Nuccio Ordine a publié l’an dernier Les Hommes ne sont pas des îles, dans le prolongement d’Une année avec les classiques (2015), une « petite bibliothèque idéale pour nous accompagner dans un voyage fascinant à travers la littérature et la philosophie. » Professeur à l’Université de Calabre, ce grand défenseur des études dans le but d’apprendre, de comprendre et de découvrir a repris à son compte les propos de Victor Hugo réclamant plus de fonds destinés au savoir et à l’éducation des jeunes, surtout en période de crise (lire ici sa conférence à Louvain-la-Neuve, riche en citations).

    Au micro de Pascale Seys, il ajoutait : « Aujourd’hui, toute la politique est basée sur l’égoïsme. Trump, Bolsonaro et Salvini disent tous la même chose : mon pays d’abord, ce qui arrive aux autres n’est pas important. Or, les classiques nous enseignent exactement le contraire. Le sens de la solidarité est décisif. Le futur de l’humanité n’est pas possible sans le bien commun. » A méditer aussi en Belgique, où l’on attend toujours la formation d’un gouvernement fédéral.

  • Varia d'avant Noël

    21 décembre, solstice d’hiver. Comme presque tous les samedis matins, j’écoute sur Musiq3, la radio culturelle de la RTBF, « Le grand charivari » présenté par Pascale Seys, et l’invité du jour est passionnant : Jan Hoet, historien d’art et grand connaisseur de l’art contemporain. Ecoutez-le parler, avec son charmant accent de Flandre, et vous le suivrez jusqu’au bout. 

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    http://www.rtbf.be/radio/podcast/player?id=1879699&channel=musiq3

    A Gand, il a fondé le SMAK, musée d’art actuel de la ville, puis il a organisé « Chambres d’amis » en invitant des artistes à exposer dans des maisons privées, inspiré par la tradition de Geel où il a grandi (en Campine anversoise) dans une famille qui accueillait des patients psychiatriques chez elle. C’est là qu’il vient de présenter « Middle Gate Geel'13 » dans quatre lieux différents, « un magnifique parcours entre art et psychiatrie » écrit Guy Duplat dans La Libre, avec un beau portrait du « pape de l’art » qui considère le musée comme un lieu de débat – sur l’art.

    A l’époque où le père de Jan Hoet était psychiatre à Geel, 3 000 malades vivaient chez les gens et non à l’asile, « intégrés à la vie "normale", sans être sans cesse confrontés à leur image de malade comme dans un hôpital, 3 000 malades pour une ville qui ne comptait encore que 19 000 habitants » (Guy Duplat). Les enfants Hoet appelaient « zotjes » (petits fous) ceux qui logeaient chez eux, c’était gentil. Ailleurs en Belgique, on se moquait de quelqu’un en lui disant qu’il finirait à Geel (chez les fous), par ignorance. 

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    Le logo de Middle Gate Geel'13 (Photo du blog de Nadja Vilenne)
    commenté au cours de l'émission
    http://www.nadjavilenne.com/wordpress/?p=8479

    Un monde trop préoccupé d’économie et trop peu de culture, voilà une des réalités que Jan Hoet déplore – « Creative Europe » ne s’intéresse à l’art que quand il peut servir l’économie. Où se trouve l’art dans le manifeste européen ? demande-t-il. Souvent les subsides vont aux multinationales et non aux artistes, il en donne des exemples. Il applaudit à la présentation d’un petit livre, « L’utilité de l’inutile » de Nuccio Ordine, un essai que je me suis promis de lire.

    L’art, la recherche, son occupation quotidienne, sa nourriture : lire un livre sur l’art, visiter un atelier d’artiste, une exposition, c’est sa vie. « Ça (lui) donne de l’énergie », explique Jan Hoet, même quand ce qu’il a vu ne lui plaît pas ; cela nourrit la réflexion sur ce qu’est l’art, si difficile à définir. Aujourd’hui, « nous sommes tous éduqués à accepter tout » alors que l’artiste, lui, ne veut pas être comme tout le monde. Dans l’œuvre d’un artiste, il y a toujours quelque chose de local et aussi quelque chose d’universel. Jan Hoet parle entre autres de Sophie Langohr, de Jacques Charlier, de l’art, de la vie, avec une simplicité et une lucidité formidables.

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    Puis c’était la rubrique cinéma, et là aussi, je me suis régalée, avec les commentaires sur cette belle et terrible série télévisée, « Top of the Lake », filmée par Jane Campion, vue sur Arte, aujourd’hui disponible en DVD. Un grand film en six épisodes, des images, des situations inédites dont vous aurez un aperçu ici en « scrollant » vers le bas comme indiqué, et un extrait avec Elisabeth Moss dans le rôle de Robin Griffin, « agent de police spécialisé dans la protection de l'enfance ».

    J’étais en train de décorer le séjour pour Noël avec des babioles remontées de la cave – quelques boules, une couronne de Noël, et surtout la crèche toute simple de mon enfance et l’étoile lumineuse à la fenêtre –, quand le son de tambours puis le chant joyeux d’une clarinette se sont fait entendre, inattendus. 

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    Une image de Night of Silence de Reis Celik (Turquie)
     
    (Festival International du Film Indépendant)

    De l’appartement, je ne vois pas la rue, mais j’ai tout à coup pensé : un mariage ! Une fois en bas, chez mes voisins turcs, c’était le spectacle. Devant leur jolie maison ancienne unique en son genre dans le quartier (elle mériterait une restauration), une limousine extra longue (comme j’en ai vu en Russie pour les mariages) attendait devant l’entrée, suivie d’un cortège de voitures. Sur le trottoir, quelques parents et amis, et, mettant l’ambiance, les musiciens qui tournaient autour de la voiture de fête. La mariée a fini par apparaître sur le seuil, cachée sous le voile rouge traditionnel, très droite. Je ne connais pas ces traditions, mais il était clair que les choses se passaient dans les règles. 

    Une jeune femme s’est approchée de la voiture avec un miroir dans les bras ; il fait partie, avec le ruban, le voile, le trousseau, du rituel d’alliance, peut-on lire sur le site de l’Association Minkowski où Ilknur Deveci décrit exactement ce dont j’ai été témoin : « Lorsque la mariée entre dans la voiture, la personne tenant le miroir l’accompagne. Le hoca (maître de cérémonie ?) commence à lire des versets et des sourates ; tout le monde ouvre les deux mains vers le ciel ; à la fin de sa récitation, ils lisent tous la sourate El Fatiha, passent leurs mains sur leur visage et disent Amin (Amen). Cette sourate est connue pour être celle qui ouvre. Elle est une ouverture. C’est elle qui est lue pour commencer la prière. » C’était émouvant d’assister à ce grand départ.