A Namur, la Belgian Gallery (place d’Armes) expose actuellement soixante œuvres de Taf Wallet dans un ensemble sur le thème de « La côte belge, un siècle d’inspiration artistique », en compagnie d’autres peintres, graveurs et sculpteurs belges parmi lesquels Ensor et Delvaux. Taf Wallet (1902-2001) est né à La Louvière, puis il s’est installé à Bruxelles, plus précisément à Schaerbeek. Après avoir fondé avec d’autres artistes wallons le groupe Nervia en 1928, puis fait l’acquisition d’une maison de pêcheurs à Saint-Idesbald en 1933, il s’est partagé entre ses deux ateliers, l’un au square Riga et l’autre à la côte : la mer est devenue son motif préféré.
Sa petite-fille Isabelle lui rend hommage en première page du catalogue : « Presque 100 ans à rire chaque jour, et presque 80 ans à courir après la lumière ». Depuis le tube de bleu de Prusse acheté en cachette par le petit garçon doué pour le dessin, Taf Wallet a fait du bleu sa couleur phare, en particulier quand il peint « la mer comme un personnage central, parfois accompagné de silhouettes, de voiles et de parasols, et du sable jusque dans le mélange sur la palette. » Il était membre de la Société belge des Peintres de la Mer.
© Taf Wallet, Compétition de chars à voile
Le ciel et la mer du Nord, la plage où l’eau se mêle au sable, le peintre n’a cessé de les guetter à toutes les heures du jour. Comme le personnage de Matinale, il aimait se camper les pieds dans l’eau pour capturer tous les bleus du paysage. Il a même eu un atelier dans les dunes. Sa façon de peindre, d’abord inspirée d’Ensor et de Jakob Smits, a évolué vers un pointillisme « qui marquera la part de son œuvre la plus connue » (catalogue). Un pointillisme très personnel, pour rendre la vibration de la lumière.
© Taf Wallet, Coucher de soleil II
Les toiles accrochées dans la grande salle au rez-de-chaussée de la galerie en sont un merveilleux témoignage : Compétition de chars à voiles, avec ses triangles blancs et ses touches de rouge, montre les chars alignés sur la ligne d’horizon, sous un ciel aux subtiles nuances de bleu ; à l’avant-plan, deux personnages se promènent sur le sable où l’eau s’insinue, cette particularité des plages du Nord que Spilliaert a si bien rendue dans ses marines. Dans Coucher de soleil II, à dominante jaune, du jaune clair du soleil jusqu’à l’ocre, une mince bande bleue sépare le ciel et la plage – couleurs complémentaires.
© Taf Wallet, Promenade à Nieuport
L’Estacade blanche de Nieuport (1957) révèle une composition plus graphique au milieu du XXe siècle, un sens du graphisme attesté par sa signature en lettres capitales. Les lignes de l’estacade occupent la majeure partie de la toile, puis on remarque, sur un axe parallèle, une embarcation à voile rouge. A comparer avec Promenade à Nieuport, une toile exposée à l’étage : là, les formes géométriques du bord de mer, un jeu de triangles, ne sont plus cernées d’un trait noir. Une vue magnifique, vivante et paisible.
Avant de prendre l’escalier pour y monter, nous prenons le temps de détailler les « croquetons » exposés sur un mur de briques : Taf Wallet commençait toujours par ces petits formats (35 x 20 cm) peints sur le vif. C’est l’atmosphère des grandes vacances à la mer du Nord : parasols et transats, toiles rayées retenues par des piquets, fanions colorés, cabines de plage sur roues, estivants, promeneurs… Dans cette seconde salle, j’ai particulièrement aimé Coupe-vent rouges avec une ligne d’horizon très haute : sur la droite, juste devant la toile rouge et blanche, une fillette en bleu s’est assise dans le sable – pour s’isoler ? se cacher ?
© Taf Wallet, Coupe-vent rouges
A l’étage, on découvre un bel ensemble de gravures signées James Ensor. Des œuvres d’autres peintres belges illustres comme Paul Delvaux, Emile Claus, Léon Spilliaert. De petites sculptures de Georges Grard, qui a côtoyé Taf Wallet du côté de Saint-Idesbald. Inspiré par la beauté féminine, Georges Grard (1901-1984) aimait sculpter les courbes expressives (en général, ses œuvres étaient de grande taille).
© Taf Wallet (en couverture du catalogue de la Belgian Gallery)
Marée basse ou marée haute, méandres de l’eau sur le sable, brise-lames, plages calmes ou venteuses, lumières du jour ou du couchant, Taf Wallet n’a cessé de peindre la mer qu’il aimait et de chercher la lumière, jusqu’à ses dernières peintures rayonnantes qu’il nommait « la lumière de Dieu ». On respire le plein air dans cette exposition namuroise à la Belgian Gallery, c’est une occasion exceptionnelle de découvrir les marines et l’œuvre de Taf Wallet avec un tel ensemble, jusqu’au 27 avril 2019. Je vous la recommande.
Commentaires
ah zut, jusqu'au 27 avril, je n'y arriverai pas...
(c'est vraiment tout à fait la mer du Nord comme je la vois et comme je l'aime:-))
Merci Tania!
Heureuse que tu apprécies ces vues de Taf Wallet, Adrienne.
Bonne journée - froide mais ensoleillée !
Jamais je n'avais entendu son nom ni vu de tableaux de lui.
Oui, ces vues de la mer de Nord me rappellent tant de souvenirs de jeunesse.
J'aime particulièrement Matinale.
Merci Tania, bonne journée.
A moi aussi. Les ciels de Taf Wallet sont plus clairs en réalité, ses toiles plus lumineuses aussi (photos prises sans flash),
Bonne soirée, Colo.
j'aime venir ici faire un peu changer son regard vers des peintres inconnus de moi c'est très agréable et un bin excitant
Tant mieux, Dominique.
Merci Tania, je ne connaissais pas Taf Wallet. Tu nous ouvres à beaucoup de choses, avec des visites détaillées et sensibles ! Bises. Claudie.
La peinture belge reste bien vivante et la peinture non abstraite aussi. Bonne journée !
Je n'en avais jamais entendu parler, c'est incroyable, car grâce à toi ce fut love at first sight... J'adore la plage ridée et humide, ces langueurs bleues sur le sable... Trop beau!
Ton enthousiasme me fait plaisir, Edmée, c'est l'univers de nos vacances à la mer du Nord, ces jeux d'eau et de sable, ces lumières. Une escapade namuroise en vue ?
Je ne le connais pas. En voyant par exemple "coupe-vent rouges", j'ai pensé que cette toile aurait pu être peinte à Cabourg. Avec un atelier dans les dunes, il était vraiment à pied d'oeuvre.
Heureuse de te faire découvrir ce peintre de la mer du Nord. Il a aussi peint quelques paysages du Midi, des oliveraies.
J'aime les rayures rouges et bleues!
Merci, Jane, des couleurs contre le vent ou plutôt qui jouent avec lui.
Merci Tania de m'avoir fait découvrir cet artiste. En effet ces bleus sont superbes et c'est ce que je me suis dit en regardant le premier tableau avant de lire ton texte. Cent ans à rire chaque jour", quel beau programme qu'évoquent bien les lumineuses teintes de ses oeuvres.
C'était un bon vivant et un acharné de son art. Il a aussi peint des natures mortes de légumes et de fruits, de poissons, des étals de marché, des bouquets…
Taf Wallet, je ne connaissais absolument pas mais j'adopte toutes les toiles que tu montres, côté mer ou côté jardin, son pointillisme donne un rendu que j'aime.
Merci pour cette découverte.
Nous voilà d'accord, merci de l'apprécier aussi.