Le retour du beau temps estival m’a fait prendre des libertés avec mon rythme habituel, voici un billet de week-end qui s’était endormi à l’ombre !
© Taf Wallet, La lecture sur la plage
Dans La Libre Belgique du 21 août dernier, deux textes rejoignent certaines réflexions dont je me suis déjà fait l’écho ici. D’abord, aux pages Débats, une « opinion » d’Aymeric de Lamotte intitulée « Revisiter notre rapport au voyage ». En voici le chapeau : « Redécouvrir ce qui nous est proche géographiquement ne permet pas seulement de préserver l’environnement : il s’agit de renouer avec un monde tangible, palpable, enraciné. »
Mona Chollet a parlé des « vertus surestimées du mouvement perpétuel » dans Chez soi. Ici, l’auteur s’interroge à partir du nouveau record de notre aéroport national pour le nombre de passagers accueillis durant le premier trimestre de cette année. « Aller loin » est devenu la norme en matière de voyage, beaucoup cherchent un « changement radical de continent, de climat, de décor ».
Il déplore que, trop souvent, « nous ignorons notre propre géographie, notre histoire et nos semblables ». L’espace « enjambé » compterait davantage que « la qualité des échanges humains », l’approche physique de la nature, la découverte culturelle. Non qu’il faille se détourner de l’ailleurs, mais nous y perdrions le goût et la curiosité pour ce qui est proche de chez nous.
Je ne partage pas forcément son analyse sous l’intertitre « La question du sens », mais j’y ai trouvé un bel éloge de la marche et du vélo pour se déplacer, des notions de hasard, lenteur, contrainte, simplicité au cœur de l’expérience du voyage. Est-ce que « l’aventure locale et charnelle approfondit la connaissance de nous-mêmes, l’attachement à notre environnement, et facilite notre aptitude au bonheur » ? Dans une certaine mesure, oui, comme le montre Anne Le Maître dans Sagesse de l’herbe.
Le texte se termine sur une « inquiétude écologique » face à la manière consumériste de voyager en sautant dans des avions et en collectionnant les destinations. Le tourisme de masse est devenu un fléau, pour les habitants locaux et pour la planète. J’ajouterai que la vogue du partage de photos en ligne dont a parlé Adrienne et le succès des influenceurs rétribués pour renouveler le langage publicitaire encouragent cette fuite en avant.
L’article suivant, « Voyage dans ma rue », une chronique de Florence Richter, est une invitation sympathique à l’art de « redécouvrir de temps en temps son chez-soi ». Elle a passé le mois de juillet à Bruxelles et est partie à l’aventure dans son quartier. Observations, sourires entre passants, découverte d’un petit parc public très paisible derrière une résidence pour seniors, fresques urbaines, il y a tant à voir quand on prend le temps de regarder. De quoi inciter au « vagabondage à pied sans but et sans raison », une autre façon de vivre ses vacances.
Passons aux pages Culture de La Libre qui suivent. J’y apprends que le dernier roman d’Amélie Nothomb parle de Jésus : « L’Evangile selon Amélie Nothomb : étonnant et formidable » titre Guy Duplat en haut de cet entretien très intéressant qui se termine sur un éloge de la solitude. « C’est essentiel de trouver des moments de solitude. Proust écrivait que la solitude est un état de profondeur dont on ne peut jamais se passer. Et la lecture y aide. » (Amélie Nothomb)
Commentaires
je suis tellement d'accord avec tout ça, le "tourisme" de proximité, la découverte tranquille de lieux qu'on croit familiers, le besoin de se retirer du monde avec un livre… :-)
La lecture permet aussi de se retirer de son environnement familier pour voyager dans l'imaginaire… Le livre dont je parlerai la semaine prochaine est de ceux-là, qui dépaysent et nous font vivre une autre vie.
Oh moi aussi! Il y a plus de 40 ans que je parcours ma petite île et je n'ai pas encore été partout. Je retourne souvent, hors saison, à des endroits de prédilection. Nature, culture, cuisine locale, rencontres, on ne s'en lasse pas, comme toi de Bruxelles, de ton quartier!
Le reste du temps j'aimerais que plus de gens découvrent leurs alentours plutôt que nos plages muettes:-)
C'est vrai qu'il y a tant de beaux endroits à Majorque en dehors des plages ! Et c'est dommage quand on ne s'intéresse pas à ce qui existe près de chez soi. Bonne soirée, Colo.
Oubli, le tableau que tu as choisi, les couleurs vives des parasols et la pâleur du reste est vraiment joli!
Bon dimanche au soleil après une soirée agréable Tania
Merci, une toile de ma collection virtuelle ;-).
Je pense que je n'échapperai pas à un prochain voyage lointain pour raisons familiales, mais désormais je n'en fais plus que pour me rendre dans ma famille (qui est éparpillée). J'apprécie tant, en effet, de découvrir tout ce qu'il y a chez nous, ou pas loin... et de pouvoir m'y rendre en train!
Il n'est pas question, Edmée, de condamner les voyages à travers ce billet, mais de dénoncer une certaine façon de "consommer" l'ailleurs en collectionnant les selfies-cartes postales et sans égards pour l'environnement.
Si j'emprunte les transports en commun en ville, je prends peu le train, mais c'est dans mes projets de le faire plus souvent.
Je ne pars plus à l'étranger pour des raisons bien concrètes et pas par militantisme, mais quand je vois l'évolution du tourisme sur la planète, je ne me sens pas en manque. Et ça m'a permis de découvrir tellement de régions en France, sans compter les surprises que me réserve encore la mienne.
Je te rejoins, Aifelle, sur bien des points. Je ne connais que certaines régions de France, mais la richesse et la variété de ses paysages, de sa culture, la préservation du patrimoine, tout cela m'attache très fort à ton pays où je retournerai bientôt, dans la Drôme que j'aime.
coïncidence dans la dernière émission de l'été sur France inter : le temps d'un bivouac il y avait Olivier Bleys qui après avoir tenté de faire un tour du monde en étapes d'un mois par an est en train de réfléchir à ce qui est près de chez lui : les aventures de poche au coin de la rue, c'est un peu dans l'esprit de ton billet
Merci de me faire découvrir cet écrivain-voyageur. Je suis allée voir son site et son blog et "Les aventures de poche" correspondent à ce qui est dit plus haut, c'est vrai.
http://olivierbleys.com/livres/les-aventures-de-poche/
Je note également cette référence, merci.
Il y a du juste et du moins juste.
Je me sens visée moi qui vais repartir en Inde (pour transmettre, c'est MA bonne cause) Cette phrase:
« Redécouvrir ce qui nous est proche géographiquement ne permet pas seulement de préserver l’environnement : il s’agit de renouer avec un monde tangible, palpable, enraciné. »
Oui, pour renouer avec le proche, mais ce qui est loin est tout aussi enraciné, palpable, tangible………..En même temps, je sais combien notre France est variée et mérite d'être découverte…..Il me semble que chacun a une ligne de vie personnelle; il ne faut pas tenter à partir de soi, de bâtir une théorie. si je prends mon cas, l'Inde au 8° voyage est revenu aussi mon univers, mon continent mon pays………….Pas mal de proposer des extraits qui donnent à discussion!
Chère Anne, ne te sens pas visée : ton blog rayonne de ton amour pour l'Inde, "enraciné' dans les échanges que tu y noues. Le premier texte dénonce le tourisme de masse qui traite l'étranger (pays et habitants) comme un simple décor dans lequel il faut se photographier à son avantage pour montrer qu'on est dans le coup et les dégâts sociaux et environnementaux que cela engendre.
Merci d'avoir ouvert la discussion par ton témoignage.
J'aime aussi visiter ma propre région et, comme Colo, depuis tant d'années que je vais et viens à l'est et à l'ouest de Toulon, je découvre encore des endroits magnifiques et/ou surprenants.
C'est bien d'aller loin - je rêve de voir un jour les chutes du Niagara, par exemple, ou les cerisiers en fleurs à Tokyo au Printemps - mais juste devant ma porte, c'est bien aussi.
Bonne journée !
Garder l'œil ouvert, rester curieuse au beau sens du terme, oui, et aussi continuer à rêver. (Je te raconterai un jour mes impressions des chutes du Niagara.) Bonne semaine, Marie.
Nous sommes à présent dans la crise d'un modèle, celui du consumérisme, qui atteint ses limites. Il en va ainsi du tourisme. Plus loin, c'est tendance.
Si notre quinzaine au sud européen nous font respirer autrement, je reprendrai les mots de Bonheur du jour: "juste devant ma porte, c'est bien aussi.".
Le beau temps de ces derniers jours nous met presque en vacances chez nous, mais je serai heureuse de respirer bientôt un autre air, en effet.
Un sujet qui me passionne et pour lequel tu me fournis matière à réflexion. A suivre...
Qui aurait pensé dans les années 60-70 que le tourisme prendrait de telles proportions et aussi la société de consommation, malgré les critiques qui s'exprimaient déjà alors !
Tu ne peux pas savoir comme ton article m'a fait plaisir, Tania. Bien qu'ayant beaucoup voyagé, toujours un peu contre mon gré.. mais souvent avec bonheur aussi, je suis, de nature, profondément sédentaire. J'aime ce qui m'entoure, ma maison, le calme. Je n'ai plus du tout envie des préparatifs sans fin qui précédent un long voyage. A présent, je pars peu, pas très loin de chez moi et pour peu de temps et cela me convient très bien.
Comme Aifelle, j'ai dû renoncer à certains voyages pour des raisons personnelles et je préfère les séjours qui permettent de s'imprégner à la marche forcée pour voir tout ce qu'il y a à voir. Je me reconnais aussi dans ce bonheur sédentaire que tu décris bien. Bonne soirée, Annie.
Ce billet me va comme un gant!
Qui ne voyage pas loin, avec tous les clichés consuméristes accrochés aux basques, est souvent regardé de travers, d'un air condescendant.
Je me reconnais dans ce monde de proximité, avec des échappées au niveau national et de très rares voyages internationaux dans ma vie.
Cette vie qui passe et que je compare à celle des livres; tout cela me laisse désolée de ces richesses géographiques, humaines(très important!) que je n'ai pas encore vues, de tous ces livres que je n'ai pas lus.
Tu parles dans une réponse d'imprégnation, j'y adhère à 100%.
A bientôt Tania