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paysage - Page 3

  • Finch, peintre et céramiste

    Voici un autre artiste du groupe des XX, ce cercle belge d’avant-garde et de réputation internationale, très actif de 1883 à 1893 : Alfred William Finch, né à Bruxelles en 1854 et décédé à Helsinki en 1930. Une belle rétrospective lui a été consacrée en 1992 aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles, après avoir été présentée en Finlande au Musée de l’Ateneum.

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    En couverture du catalogue, un détail de
    A.W. Finch, Les falaises au Southforeland, 1892

    Pour rappel, c’est Willy Finch qui figure de profil dans La musique russe d’Ensor, où il écoute une pianiste (la sœur d’Ensor, selon certains ; Anna Boch, selon d’autres). Comme Ensor, dont il est très proche au début (le père d’Ensor est anglais comme les parents de Finch), comme Anna Boch et Théo Van Rysselberghe, Finch est un « vingtiste » à Bruxelles, avant de faire partie du groupe finlandais Septem.

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    A.W. Finch, Le chenal à Nieuport, 1889

    Le catalogue est signé par des experts belges et finlandais, ce qui rend bien compte du double parcours de cet artiste anglo-belge. En Belgique, il est surtout connu pour ses peintures pointillistes, mais il y a aussi innové dans l’art de la céramique, qu’il développera en Finlande où il a renouvelé et enseigné cet art.

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    A.W. Finch, Les meules, 1889, Musée d'Ixelles, Bruxelles

    A ses débuts, Finch s’intéresse au paysage, dans l’esprit de Guillaume Vogels qui excelle à rendre les atmosphères nuageuses. Van Rysselberghe n’est pas le seul à s’enthousiasmer pour les idées neuves de Seurat ; avant lui, même, Finch est ébloui par le pointillisme. En 1902, il écrit un article sur « Georges Seurat et la technique néo-impressionniste » pour la revue Euterpe. Van Rysselberghe change sa manière de peindre des portraits, Finch renouvelle son approche du paysage « à travers sa structure, sa synthèse formelle et son rythme » (Philippe Roberts-Jones).

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    A.W. Finch, Verger à La Louvière, 1890, Ateneum, Helsinki

    Séduit également par le renouveau des arts appliqués, à la suite de Ruskin et Morris et du mouvement Arts & Crafts, Finch va travailler aux faïenceries Boch à La Louvière, collaborer avec Henry Van de Velde pour sa maison Bloemenwerf à Uccle. Un comte suédois, Louis Sparre, remarque ses créations et l’invite à diriger la firme de céramique Iris à Porvoo/Borga. « Ainsi un artiste né à Bruxelles, au sang britannique, devint-il l’un des principaux ferments d’une orientation majeure du design au XXe siècle : l’école finlandaise » (Ph. R.-J.) 


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    A.W. Finch, Pot à lait, vers 1901,
    Terre cuite, glaçure à décor sgraffité,
    rehaussé de points blancs
    (sous la base : A.W.F. / IRIS / Finland)
    MRBAB, Bruxelles

     

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    A.W. Finch, Vase, vers 1900,
    Céramique, glaçure vert-bleu, Iris, 
    H. 20,5 cm
    (Bukowkis auctions)

     

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    A.W. Finch, Tasse en faïence avec décor "vague et lune"
    pour La Maison Moderne à Paris,
    Iris, Porvoo, Finlande, H. 9,5 cm
    (Collectors Weekly)

     

     

     

    De 1890 à 1897, il a appris le métier chez Boch Keramis, expérimenté « oxydes, glaçures et cuissons », puis il a travaillé à Virginal et surtout à Forges, dans une région réputée pour sa poterie populaire et utilitaire. Finch poursuivra ce travail à Porvoo et y fera évoluer les couleurs et les décors, tout en exposant ses créations en Belgique à La Libre Esthétique (mouvement qui a succédé aux XX). 

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    A.W. Finch, Paysage, soleil couchant, 1892, Musée d'art de Turku, Finlande

    Celui-ci n’abandonne pas la peinture ni le dessin pour autant. Il arrive en Finlande à l’automne 1897, « un moment particulièrement favorable de l’évolution des arts graphiques finlandais » (Heikki Malme). Il a déjà réalisé des eaux-fortes en Belgique et renoue avec la gravure, inspiré par le thème de Porvoo, « petite ville aux ruelles étroites et aux cours pittoresques » où il s’est installé à son arrivée. Quand la firme Iris ferme ses portes, il devient en 1902 professeur de gravure à l’Ecole de dessin de la Société des Beaux-Arts de Finlande et professeur de céramique à l’Ecole centrale des Arts décoratifs.

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    A.W. Finch, Le Pier de Rosehearty, 1910, Ateneum, Helsinki

    L’enseignement l’appelle à Helsinki, où il retourne aussi à la peinture, à la gravure et au dessin. Il correspond régulièrement avec son ami Georges Lemmen, qui l’encourage à envoyer des œuvres aux expositions : en 1912, 34 peintures et des céramiques à Paris (Galerie Bernheim Jeune) ; dès 1913, à l’Ateneum avec le groupe Septem.

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    A.W. Finch, Profil de femme, 1915, Finnish National Gallery

    Finch continue à peindre surtout des paysages, de Finlande et des pays où il voyage : Angleterre, Italie, sud de la France. Dégagé du respect strict des principes du divisionnisme, il laisse libre cours à plus de spontanéité dans l’impression. L’année précédant sa mort (en 1930, des suites d’une opération), une grande rétrospective A.W. Finch a eu lieu au Taidehalli d’Helsinki, « une fête pendant laquelle le spectateur ressent l’intense émotion que peuvent susciter la sensibilité des formes et le triomphe des couleurs, qui caressent l’œil et réveillent l’esprit », selon le critique Onni Okkonen. « Une seule vie, c’est bien trop court pour l’Art » avait déclaré Finch en 1928.

  • Comme un sculpteur

    balthasar burkhard,photographies,1969-2009,exposition,le botanique,bruxelles,noir et blanc,paysage,animaux,corps,nus,villes,culture« Si Hitchcock filmait les scènes d’amour comme des meurtres, Burkhard photographie le corps comme un sculpteur ou comme un arpenteur. Tel un Gulliver au pays des géants, il trouve ainsi des angles qui semblent ineffables et qui, en décalant ce que nous voyons agissent sur notre regard en le transformant. »

    Johan-Frédérik Hel Guedj, Burkhard et la vie sur papier, L’Echo, 9/1/2020

     

    © Balthasar Burkhard, Torso, 1984, 222 x 125 cm, Coll. Rodolphe Janssen

  • Balthasar Burkhard

    Jusqu’au 2 février, le Botanique expose des photographies de Balthasar Burkhard (1944-2010). Le photographe suisse est célèbre pour sa « maîtrise du noir, du blanc et de leurs dégradés », il a aussi abordé la couleur dans les dernières années de sa vie. Photographies 1969-2009 montre les principaux thèmes qu’il a explorés, dans différents formats, et sa technique variée, toujours impeccable (mes illustrations ne sont que des à-peu-près, bien sûr).

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    © Balthasar Burkhard, Autoportraits, 1977 - T&P

    Trois autoportraits, au début du parcours, illustrent à la fois l’expérience physique qu’il cherche à créer pour le « regardeur » et son art de présenter le corps par fragments, en gros plan. Dans l’espace central, une magnifique Aile de faucon se déploie sur 200 x 300 cm – ouvrez les liens pour des photos sans les incessants jeux de reflets à l’exposition. Devant une autre aile, une héliogravure de plus petit format à sa droite, on ressent la douceur du beau plumage.

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    T&P

    Peut-être inspiré par son père, pilote dans les Forces aériennes suisses, Balthasar Burkhard a pris des photos aériennes de villes dans les années 1990 (Chicago, Mexico City entre autres) présentées dans un très grand format (135 x 275 cm) qui rend bien la densité et l’étendue de ces mégalopoles. Presque aussi grand, Rio Negro (2002) est un paysage exemplaire de la magie du noir et blanc.

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    © Balthasar Burkhard, Orchidée 02, 1988, 54 x 45,5cm, Coll. Estate Burkhard - T&P

    Deux fleurs d’orchidées m’éblouissent, saisies dans leur texture intime. Elles datent de l’année d’un voyage en Normandie (1988) comme La Source, une des œuvres hommages à Courbet – allusive, comme plusieurs photographies d’escargots très sensuelles. On verra à l’étage L’Origine qui l’est plus explicitement, d’après L’Origine du monde. Passionnant dialogue entre la photographie et la peinture dans l’histoire de l’art.

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    © Balthasar Burkhard, La Source 03, 1988, 199 x 141 cm, Coll. Estate Burkhard (au centre) - T&P
    B. B. joue avec les échelles de grandeur, notamment pour cette photographie d’une source,
    en réalité très petite.

    Dans les années 1990, Burkhard s’est mis à photographier des animaux à la manière d’un inventaire, « chacun pris isolément devant une bâche grise, comme le représentant unique et idéalisé de son espèce ». Dans la série de « portraits animaliers » pour Klick ! de Lars Müller (livre pour enfants), je choisis le loup. Le photographe s’est rendu dans des zoos d’Europe et d’Amérique et a fait prendre la pose aux animaux, de profil, ce qui prenait parfois plusieurs jours, avec « un temps de pose très long pour l’enregistrement de la plaque sensible ».

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    © Balthasar Burkhard, Loup, 1995, Coll. Estate Burkhard (Source B. B.)

    En revenant vers l’entrée, avant d’emprunter l’escalier qui mène aux mezzanines, j’observe quelques héliogravures en couleurs : des roses sur fond noir, des plantes in situ. Le vert de fougères surgit mystérieusement de l’ombre. Et comme Burkhard a su capter les fleurs, l’herbe et les reflets dans ce paysage sans titre (de l’année précédant sa mort), très bien commenté sur le site du Mac’s (Entre chien et loup, pdf).

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    © Balthasar Burkhard, Sans titre (Paysage), 2009, photographie couleur sur aluminium, 97 x 120 cm,
    Collection Mac's (source)

    Aux cimaises de droite, en haut, d’un côté des photographies N/B prises dans le désert de Namibie : des animaux sauvages dans leur milieu naturel, des paysages. J’ai admiré longtemps cette dune de sable entre ombre et lumière, comme une raie géante – cliquer sur la photo pour observer l’échelle, les détails en bas – une merveille !

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    © Balthasar Burkhard, Namibie, 2000 - T&P

    Plus loin, la fameuse Origine (devant une visiteuse) et trois grands nus féminins (180 x 180 cm) datés de Séville en 2002 suivis d’un petit torse vu de dos, où la femme modèle porte joliment la main à son cou sous ses longs cheveux. Sur l’autre mezzanine, en face, des sommets enneigés des Alpes que Balthazar Burkhard a photographiés d’un hélicoptère piloté par un de ses frères, qui participait à des missions de sauvetage. Des vues magnifiques.

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    T&P

    Derniers coups de cœur sur cette mezzanine, des nus masculins de dos, datés des années 1980. Quel rendu de la peau en grand format sur ces « corps-sculptures » ! Un Torse me fait penser à L’âge d’airain de Rodin. Sur un autre (avec une oreille, précise la légende de Body 41, ci-dessous), le regard glisse sur la colonne vertébrale, passe dans les cheveux, s’arrête aux courbes d’un pavillon.

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    © Balthasar Burkhard, Body 41 (Torse avec oreille) - détail, 1989, Coll. Estate Burkhard - T&P

    Au fond de la salle, on présente des clichés d’archives de Balthazar Burkhard et quelques portraits. Je vous signale, sur le site du Botanique, une vidéo et un dossier pédagogique très éclairant. « Balthasar fut le premier artiste utilisant le medium photographique à avoir été exposé en musée au tout début des années ‘70. La photographie était alors considérée "à part" des arts plastiques. Par ses formats monumentaux, sa technique irréprochable, ses références à l’histoire de l’art, à la peinture, Balthasar a mis à l’honneur la photographie en tant qu’Art. » (Grégory Thirion)

  • Ecriture d'images

    peter handke,la leçon de la sainte-victoire,essai,littérature allemande,peinture,cézanne,écriture,paysage,aix-en-provence,culture« Cézanne, prié un jour de décrire ce qu’il entendait par « motif », rapprocha « très lentement » les doigts écartés des deux mains, les plia et les croisa. Lorsque je lus cela, je me rappelai qu’à la vue du tableau, les pins et les blocs de rochers m’étaient apparus en caractères d’écriture entremêlés, aussi nets qu’indéfinissables. Dans une lettre de Cézanne je lus qu’il ne peignait nullement « d’après la nature » – et je le compris par la toile elle-même : les objets, pins et rochers s’étaient entrecroisés en une écriture d’images sur la simple surface, en cet instant historique – fin désormais de l’illusion d’espace, – mais c’était en leur lieu même (« au-dessus de Château noir ») tel qu’il rendait obligatoires couleurs et formes, ils s’étaient entrecroisés en une écriture d’images cohérente, unique dans l’histoire de l’humanité. »

    Peter Handke, La leçon de la Sainte-Victoire

    Paul Cézanne, Rochers près des grottes au-dessus du Château-Noir, vers 1904, Paris, Musée d’Orsay

  • Handke avec Cézanne

    Peter Handke a reçu le prix Nobel de littérature en 2019. La leçon de la Sainte-Victoire (« écrit en hiver et au printemps 1980, à Salzbourg ») se situe à mi-chemin entre deux livres courts gardés dans ma bibliothèque – Le Malheur indifférent (écrit après le suicide de sa mère en 1971), La femme gauchère (une femme qui quitte son mari et son fils sans explication) – et un autre de sept cents pages, « le grand livre de Peter Handke » selon l’éditeur, Mon année dans la baie de Personne (1994), à relire.

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    Paul Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire au grand pin et la Bastide Vieille II, vers 1887,
    66 x 90 cm R599 FWN235 (Société Paul Cézanne

    La leçon de la Sainte-Victoire (traduit de l’allemand par Georges-Arthur Goldschmidt) est un essai d’une centaine de pages, judicieusement offert par quelqu’un qui m’a souvent encouragée à mettre mes pas dans ceux de Cézanne à partir d’Aix, ce que je ferai un jour – je l’en remercie. Handke l’introduit par cette phrase : « Revenu en Europe, il me fallut l’Ecriture quotidienne et je lus beaucoup de choses d’un œil neuf. » Notamment, Cristal de roche de Stifter.

    Un jour, en se promenant, il s’est senti chez lui « dans les couleurs », heureux – « un instant d’éternité » : « Les buissons : du genêt jaune, les arbres : des pins isolés, bruns, les nuages : bleuâtres à travers la brume, le ciel (comme Stifter pouvait encore si tranquillement le mettre dans ses récits) était bleu. Je m’étais arrêté sur une colline de la route Paul-Cézanne qui, d’Aix-en-Provence, mène vers l’est jusqu’au Tholonet. »

    Handke a toujours éprouvé des difficultés à distinguer et identifier les couleurs, bien qu’il ne soit pas daltonien au sens propre. Dans sa famille, on s’amusait même à les lui faire dire. « Parfois mes couleurs, je les vois, et ce sont les bonnes. » Ce n’est pas une digression que ces notes sur les couleurs, qui prolongent sa lecture des récits de Stifter.

    Et voici Cézanne, se faisant remplacer pendant la guerre de 1870-1871 et la passant à peindre dans un petit village de pêcheurs près de Marseille : l’Estaque. C’est à lui que Peter Handke doit de s’être trouvé « entouré de couleurs » sur cette colline. Ayant grandi « dans un milieu de petits paysans où il n’y avait d’images, pour ainsi dire, qu’à l’église ou sur les reposoirs », il ne les regardait pas vraiment et manquait de gratitude envers « les peintres de tableaux ».

    Attiré par les paysages, Handke observe que Cézanne, avec le temps, a cherché « la « réalisation » de l’innocence et de la pureté terrestres : la pomme, le rocher, un visage humain. La réalité, c’est donc l’accès à la forme et celle-ci n’est pas regret de ce qui est anéanti par les alternances de l’histoire, mais elle transmet, dans la paix, ce qui est. – Dans l’art, il ne s’agit de rien d’autre. Or cela même qui fait sentir la vie fait problème quand on veut le transmettre. »

    Souvenirs de voyages jusqu’à la côte méditerranéenne avec « la femme » qui lui a appris le nom des pins parasols, associés à sa « joie à exister ». De cyprès sombres, un été en Yougoslavie. Quête d’images « magiques » qui le réconcilient avec l’écriture. Handke mêle ses propres fluctuations au commentaire de tableaux de Cézanne. En premier, Le Grand Pin.

    « Le grand pin figure encore sur d’autres tableaux mais plus jamais ainsi, pour lui-même. Sur l’un d’eux (il s’y trouve une signature) [illustration du billet], sa plus grande branche basse fait, pour ainsi dire, signe jusqu’au cœur du paysage et forme, avec les branches d’un pin voisin, l’arc d’un portail ouvert sur le lointain où s’étend, dans les couleurs claires du ciel, le massif de la Sainte-Victoire. »

    L’essai, centré sur cette montagne qu’à sa suite, Peter Handke a voulu parcourir de tous côtés, dérive au gré de ses pensées vers d’autres peintres (Hopper, Courbet, entre autres). « C’est au cours d’une exposition, au printemps de 1978, que les tableaux de Cézanne m’apparurent comme ces objets du commencement et je fus pris de l’envie d’étudier, comme cela ne m’était arrivé que devant les suites de phrases de Flaubert. »

    Regards de Handke sur Cézanne peignant la Sainte-Victoire – « la colline aux couleurs » –, les arbres, parfois des gens. Comme l’évocation d’un peintre appelle d’autres peintres, une promenade en montagne en rappelle d’autres. L’écrivain met des mots sur ses pas, décrit, raconte, cherche à dépeindre l’effet que produisent une vue, une lumière, la marche même, qui ramène souvent à soi, dans le soliloque de la pensée.

    Il y retournera en automne, accompagné de D. qui « fait des robes à Paris » et rêve de réussir « le manteau des manteaux ». Décidé à laisser dans sa « leçon » une vue d’ensemble, Handke l’interroge sur sa manière de faire, cherche une structure, fait sienne sa phrase : « La transition, pour moi, doit séparer clairement et être à la fois dans l’un et dans l’autre. » La leçon de la Sainte-Victoire se termine dans un musée de Vienne, en regardant La Grande Forêt de Jacob van Ruysdael.

    * * *

    (Une remarque sur ce petit livre de la collection Arcades chez Gallimard : on attend mieux de cet éditeur qu’une impression où l’ajustement a fait onduler le texte sur la page, varier la taille des caractères. Cela ne saute pas aux yeux, une affaire de demi-millimètre, mais je me suis demandé si j’avais un problème de vue et cela m’a gênée tout au long de cette lecture.)