Logée entre le Sablon et le Palais de Justice, l’Association du patrimoine artistique ouvre régulièrement ses portes au public pour de petites expositions au 7, rue Charles Hanssens. « Autour de l’impressionnisme » propose une sélection de peintures du XIXe siècle, à voir jusqu’au dimanche 22 mars. Quatorze artistes parmi lesquels Guillaume Vogels et Henri Evenepoel sont les mieux représentés. L’affiche est un détail d’un beau pastel, Paysage, de Rodolphe De Saegher.
Au rez-de-chaussée de cette maison bruxelloise, quelques pièces en enfilade prêtent leurs murs aux couleurs de ces peintres belges, connus ou méconnus, des œuvres issues exclusivement de collections privées. Vogels est ici à l’honneur. Les paysages de ce peintre bruxellois, que j’aime depuis la première toile que j’ai vue, sont avant tout des atmosphères. Au soleil éclatant, il préfère les ambiances de pluie, d’orage, les crépuscules, la neige, on en montre ici de magnifiques exemples : Hiver et Chemin sous la neige, dans la première salle, puis le grand Neige, exposé au Cercle des XX en 1988 ; en face, dans des tons plus chauds, Un coin des étangs de la distillerie (dernière illustration).
Il paraît que les cadres dorés surprennent ou gênent certains, plus habitués aux pages blanches des livres d’art ou aux toiles contemporaines sans cadres : un joli texte de Pierre Loze prend leur défense, contre « le goût dominant des graphistes, grands créateurs, metteurs en forme de notre goût ». Il rappelle que tous les cadres ont leur caractère, leur époque. « Et si ces cadres apparemment envahissants avaient bel et bien une fonction ? Celle de nous faire entrer dans une longue contemplation qui éloigne la contamination du contexte, d’organiser une sorte d’effort de concentration pour se vouer exclusivement à l’œuvre ? »
Près des Bords de la Lys d’Emile Claus (au centre de la vue d’ensemble ci-dessous), une petite toile d’Anna Boch sur un chevalet : Maison de campagne, avec la silhouette d’une femme dans l’ombre sur la route. La lumière, c’est le grand sujet de tous ces peintres de plein air et en particulier des luministes. Juliette Wytsman s’installe dans un jardin, Anna De Weert au milieu d’un verger ou près de son atelier, Jenny Montigny devant une allée d’arbres.
Le titre de l’exposition – Autour de l’impressionnisme – ouvre à la diversité des approches. Voici Constantin Meunier avec une Hierscheuse, et surtout Henri Evenepoel, avec des dessins, peintures, affiches, près desquels sont repris des extraits de sa correspondance – ces observations terribles qu’il écrit à son père, de Paris, où il tombe très malade et meurt du typhus en 1899, à l’âge de vingt-sept ans !
Evenepoel, Au square, lithographie
Evenepoel a l’art de camper des silhouettes vivantes d’un coup de crayon, il croque des enfants de dos, assis à jouer. On retrouve « le petit Charles » dessiné près d’une chromolithographie, « Au square » (sous verre, impossible à photographier sans reflets) : une élégante à l’ombrelle rouge retient par le poignet une fillette en robe jaune tenant un petit seau rouge, le regard attiré par quelque chose au sol que nous ne voyons pas – une scène toute en mouvement, très gaie.
Les lavandières, un pastel aux figures stylisées et aux aplats à la manière nabi, est accroché un peu haut pour être bien regardé. Un grand dessin aquarellé d’Evenepoel est exposé dans le hall d’entrée, projet d’affiche pour le parfumeur Blaise. On peut voir aussi cette affiche pour le Salon des Cent, un projet pour une couverture de magazine, « La Vie à Paris ». Et des peintures à l’huile, comme Bateaux sur le canal de Willebroeck, Portrait d’un sculpteur. D’un séjour en Algérie, une lumineuse Vue d’Alger, la ville blanche, la mer et le ciel, un mendiant, des joueurs de tambour…
L’APA prépare un hommage à Evenepoel d’ici un an. La dernière monographie le concernant (1994) répertorie quelque trois cents œuvres parmi lesquelles une centaine n’était pas localisée. L’Association en a retrouvé à ce jour une vingtaine et fait appel à ceux qui peuvent l’aider à en redécouvrir dans des collections privées.
C’est une noble tâche de mettre le patrimoine artistique de Belgique en valeur, et de travailler à sa connaissance, sa conservation et sa restauration, les « trois mots-clés » de cette association. Quelques livres sur les peintres exposés sont proposés à la vente, comme cette monographie consacrée à Guillaume Vogels bien illustrée et à prix modique (textes de Constantin Ekonomidès, un des collaborateurs de l’APA). Un beau peintre dont je vous reparlerai sans doute un jour.
Attention à l’horaire des visites, si ce parcours impressionniste belge vous tente : jeudi, vendredi et samedi de 14 à 18h et dimanche 22 mars de 14 à 18h. D'où ce billet dès aujourd’hui.
Commentaires
Merci pour la découverte de cette exposition dont je n'avais pas entendu parler. Et bon week-end Tania.
ah zut! je devrais quasiment sauter dans le train, là, tout de suite!
(j'aime énormément ces peintres, Claus, Evenepoel...)
@ Un petit Belge : Il reste une semaine pour la visiter. Bon week-end.
@ Adrienne : Pour Evenepoel, il y aura une exposition plus importante l'an prochain, si ça peut te consoler.
Une exposition qui a l'air très intéressante. Les paysages de neige sont très beaux.
J'aime beaucoup Vogels et ses "ambiances" que j'ai découvert au hasard de mes recherches sur les impressionnistes. Je ne déteste pas les cadres non plus que je considère comme des fenêtres ouvrant sur les œuvres d'art. Merci pour ces "lumières" Tania et beau dimanche.
@ Aifelle : Une exposition qui ne manque pas de charme - oui, ces paysages d'hiver de Vogels sont remarquables.
@ Gérard : Je suis ravie que vous aimiez Vogels. Pour ce qui est des cadres, je me souviens de l'étonnement de mes élèves de rhéto au musée d'Orsay devant certaines œuvres très connues : leur format, leur cadre, leur matière - c'était la révélation de l'œuvre "en vrai", différente de la reproduction.
Fine pluie sur Bruxelles, bienvenue pour arroser les plantes qui en avaient besoin après une semaine plutôt sèche. Beau dimanche, Gérard.
J'en reviens grâce à toi, mon amie et moi avons beaucoup aimé cette petite exposition. Je ne connaissais aucun - ou très peu - de ces impressionnistes, une vraie découverte. Je ne manquerai pas de revenir pour Evenepoel, dont l'écriture nous a autant plu que les œuvres. Merci pour la découverte de cette expo et de bien d'autres.
Voilà qui me fait un très grand plaisir, Mina. Merci d'être venue partager ici tes impressions. Très bon week-end !
Quel talent, ce jeune Evenepoel ! Et quelle fin abominable !
Oui, quel dommage que sa vie ait été si courte !
Oh ! J'ai raté cela de peu. Je connais la plupart des peintres, heureusement, et j'aime Guillaume Vogels (vu à d'autres expos, notamment sur les peintres de la forêt de Soignes) parce qu'on retrouve bien l'atmosphère de la Belgique (des paysages du Brabant) d'hiver. Et Emile Claus, ce qui me paraît intéressant, c'est qu'il y avait des femmes.
Anna Boch avait son hôtel dans mon ancien (premier) quartier. Je me souviens vaguement de la démolition de cet hôtel de maître (qui formait un coin avec la chaussée de Vleurgat) et de la construction d'un très quelconque immeuble à flats/appartements...
Connaissez-vous Zoum Walter ? (La fille de Jean Vanden Eeckhout, et qui a écrit "Pour Sylvie").
(J'ai été un jour reçue chez une dame qui avait un authentique Jenny Montigny chez elle et un grand format, encore bien).
Oui, cela fait partie du plaisir que nous donnent ces peintres, d'y retrouver des paysages, des ambiances que nous connaissons bien.
Non, je ne connais pas Zoum Walter, merci d'attirer l'attention sur elle.