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anniversaire

  • Encore et encore

    A la Maison des Arts de Schaerbeek, l’exposition Encore et encore. Rituels d’artistes, interroge leurs pratiques et aussi les nôtres, par ricochet. Certaines personnes ont plus de rituels que d’autres, nous en avons tous : des gestes, mouvements, actions qu’on répète quasi obsessionnellement. Ils font partie du jour après jour de l’existence. Quel sens leur donner ? Pourquoi continuer ? A travers les rituels d’une douzaine d’artistes, l’exposition montre à la fois les protocoles qu’ils se sont donnés et les œuvres ainsi créées au fil des jours, voire des années.

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    ©  Sahar Saâdaoui, Le rituel du bonheur & Alphabet (vue partielle)

    Dans le hall d’entrée, Just My Luck, une fresque de billets à gratter de la Loterie nationale interroge le rituel du jeu. Au centre, on le voit mieux en prenant du recul, on lit les les lettres de « BINGO ! ». Depuis six ans, Katherine Longly (°1980) & Cécile Hupin (°1987) collectent des tickets grattés et y observent les traces des joueurs et joueuses « comme les empreintes d’un rituel intime ». Certains grattent avec frénésie, d’autres patiemment ou ne s’intéressent qu’au code QR. Elles y ont vu des profils individuels, des écritures, des gestuelles répétées. Leur analyse de ce rituel, une manière de tenter sa chance, est racontée dans un livre publié en 2023.

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    © Katherine Longly & Cécile Hupin, Just My Luck, 2017-2023, fresque installée in situ

    « Le rituel du bonheur » de Sahar Saâdaoui (°1986) est tout différent. Au centre de la pièce, dans une table-vitrine, une partie de son « dictionnaire » donne la clé d’un travail basé sur la « translation », minutieux, rigoureux, raffiné, subtil. Sur un quadrillage tracé à la main, elle a conçu ce « dictionnaire » où l’alphabet se change en chiffres (sa passion) : chaque lettre s’inscrit dans un carré de 4 sur 4, les intersections sont marquées d’un point, ce qui donne un nombre de points fixe par lettre. Ce code lui sert à agencer ses compositions sur papier (photo ci-dessus) ou sur soie, en jouant sur les couleurs, les matières.

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    ©  Sahar Saâdaoui, Alphabet x 26 code, 2015,
    Collage, acrylique, papier, 63,5 x 46,5 cm

    Les vidéos des dix écrans installés dans la salle à manger nous font entrer dans un rituel beaucoup plus intime. Laurent Quillet (°1989) filme depuis 2015 le moment où il dit « au revoir » à ses proches, un projet intitulé Détachement. J’ai eu la chance de suivre une visite guidée en présence des artistes et je n’imaginais pas à quel point l’émotion allait me gagner en l’écoutant raconter comment son projet était né et l’aidait à vivre. Dans cette embrassade rituelle se nichent un contact fugace, un nombre de bises qui varie, la présence avant l’absence, l’espérance de se revoir, la crainte de la mort. C’est personnel et universel, bouleversant.

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    ©  Laurent Quillet, Détachement, 10 vidéos

    Les rituels sont un recommencement pour apprivoiser le temps, l’espace, ou les deux. Juan d’Oultremont (°1954) « pratique la collection » d’objets improbables ; ce qui l’intéresse, c’est de « ramener sur le terrain de l’art des choses qui ne sont pas de l’art ». Claude Viallat (°1936) décline une « forme » peinte sur toutes sortes de tissus. Katherine Longly se photographie tous les jours à la même heure depuis juin 2009, « un pied de nez à l’oubli ». A l’affiche de l’exposition, des photographies d’objets de Barbara Iweins (°1974) : pendant quatre ans, à la suite d’un divorce et d’un déménagement, elle a photographié « pièce par pièce, tiroir par tiroir » tout le contenu de sa maison, 12795 objets, d’où Katalog 2017-2022.

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    ©  Barbara Iweins, Katalog (détail)

    Une fois de plus, la Maison des Arts réussit à transformer un thème a priori mystérieux en parcours étonnant et passionnant, à la rencontre d’artistes contemporains. Allez-y, vous verrez le travail entrepris par Côme Lequin (°1989) avec ses chaussures, ce que peint Yves Gobart (°1973) chaque matin en arrivant à l’atelier, l’Ode à la souche (d’arbre) de Marie Van Elder (°1965), une série née sur la côte sauvage en Californie du Nord, un autre artiste avec un ensemble de peintures qui fera l’objet d’un billet complémentaire. C’est à découvrir en prenant le temps de lire l’affichette de présentation ou le petit catalogue illustré (5 €).

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    ©  Roman Opalka, détail OPALKA 1965/1 - ∞, 50 photographies offset en bichromie, 32 x 26 cm. Collection privée

    En fin de parcours, les cinquante autoportraits en noir et blanc de Roman Opalka (1931-2011) prêtés par un collectionneur privé révèlent un protocole immuable : visage neutre, col de chemise blanche, cadrage identique. Photo imprimée sur une double page en regard avec un nombre auquel elle correspond. A partir de 1965 (ici la période, de1972 à 2008), il a peint des suites de nombres pour « manifester le temps, son changement dans la durée, celui que montre la nature, mais d’une manière propre à l’homme ». Un portfolio impressionnant.

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    (Textes & prétextes, 4 x 4 ans)

  • La tante idéale

    « Je vais prendre le thé chez Nigel Nicolson, éditeur de quatre-vingt-deux ans, auteur d’un journal autobiographique et ancien membre de la Chambre des communes. C’est le petit-fils du troisième lord Sackville et le fils de Harold Nicolson, diplomate et membre de la Chambre des communes, et de Vita Sackville-West, femme de lettres, également connue comme personnage principal d’Orlando, roman de Virginia Woolf. »

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    Vue aérienne du château et des jardins de Sissinghurst, Kent, Angleterre (Wikimedia, 2011)

    […] « Virginia Woolf était la tante idéale. « Elle nous apprenait à voir les choses à la manière des vrais écrivains. Elle voulait toujours en savoir plus. « De quelle couleur était la veste de ce professeur ? demandait-elle. Quelle voix avait-il ? Qu’est-ce que ça sentait ? Des détails, des détails ! » Une fois même, alors que nous attrapions des papillons, elle nous lança : « Dites-moi, qu’est-ce que ça fait d’être un enfant ? » Je me souviens encore que je répondis : « Tu sais très bien ce que ça fait, tu as été enfant toi-même. Mais moi, je n’ai aucune idée de ce que ça fait d’être toi, car je n’ai jamais été une grande personne. »

    Geert Mak, Voyage d’un Européen à travers le XXe siècle

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    Textes & prétextes, 15 ans

  • Depardieu en lecteur

    gérard depardieu,françois busnel,la grande libraire,16 février 2022,littérature,anniversaire,blog,culture,textes & prétextesA La grande librairie du 16 février, Gérard Depardieu était le seul invité de l’émission. « Du grand Depardieu » (Catherine Pacary dans Le Monde), que François Busnel a laissé parler, citer, digresser, lire, pour le bonheur des spectateurs.

    Ce « fou des mots » (Nicolas Dutent dans Marianne) connaît ses classiques, aime les romantiques plus que les contemporains, reconnaît sa dette envers Duras – « Marguerite » – qui lui a beaucoup appris, notamment à lire lentement, à apprécier les silences. Il a apporté un livre dont il s’émerveille et s’inspire : Amitiés d’écrivains. Entre gens du métier de Philippe Berthier.

    Depardieu incarne pour la première fois Maigret dans le film de Patrice Leconte adapté de Maigret et la jeune morte. Ce fut l’occasion d’un bel éloge de Simenon, de son commissaire si humain qui « écoute » plus qu’il n’enquête.

  • L'océan des lettres

    « On me demande souvent si je considère la littérature comme réellement importante.

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    © Frans Masereel (1889-1972), Jeune homme lisant sur un rocher

    N’ayant pas vécu toute mon enfance entouré de livres, je n’ai commencé à lire ce qu’on appelle les grandes œuvres littéraires qu’à partir d’environ 20 ans. Mais je n’oublierai jamais la joie et le bonheur que j’ai ressentis en me plongeant dans l’océan infini des lettres. Le souvenir de cette joie, de ce bonheur, me revient à l’esprit chaque fois qu’on m’interroge sur le sujet, ou quand je lis des articles qui contestent sérieusement l’influence de la littérature sur la vie et la société ou qui affirment qu’elle n’a d’autre rôle que décoratif et que son unique raison d’être est de divertir le bourgeois. Il me semble que ceux qui le contestent ne comprennent pas la puissance de la littérature, qu’ils l’ont oubliée, ou qu’ils n’ont plus foi en elle. Mais la littérature et sa force demeurent inchangées même lorsque vous cessez d’y croire. La seule chose qui change, c’est vous. Et c’est vous qui êtes perdants. »

    Jón Kalman Stefánsson, La littérature est un éternel franc-tireur (Le Monde, 16/5/2019, à l’occasion des Assises internationales du roman à Lyon).

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    Textes & prétextes, 14 ans

  • Lire, vivre

    Parmi vous, personne ne considère que lire des livres soit une perte de temps, je le sais. Mais si, à notre époque qui s’inquiète du déclin de la lecture, rares sont ceux qui reprendraient à leur compte l’insulte criée par son père à Julien Sorel dans Le rouge et le noir – « Chien de lisard » –, il existe encore des familles où l’on demande aux enfants plongés dans un livre : « Tu n’as donc rien à faire ? »

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    A l’occasion du troisième anniversaire bissextile de ce blog, créé un 29 février, voici quelques réflexions sur la lecture et la vie. « La lecture est une activité intérieure », écrit Siri Hustvedt dans un essai dont je vous parlerai bientôt. Une activité qui requiert de l’attention, de la concentration, de la mémoire, bonne pour la santé et le cerveau. Une activité intellectuelle. La passion de la lecture ne concernerait que 10 % des Français (en neuvième position des loisirs préférés selon une enquête de 2013).

    « Lire, c’est vivre plusieurs vies » pouvait-on lire jadis en haut des pages littéraires du Nouvel Obs. Pour Pierre Dumayet, « Lire, c’est vivre » ou encore « Lire est le seul moyen de vivre plusieurs fois. » Proust l’a exprimé mieux que personne : « Par l’art seulement, nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n'est pas le même que le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. »

    Est-ce à dire que lire nous met en congé de notre propre vie ? que nous oublierions de vivre en découvrant la vie des autres ? Le paradoxe de la lecture est qu’elle nous retire du monde pour nous y faire entrer. Nous vivons les heures de lecture à l’écart de la vie sociale, mais elles sont riches en fréquentations. En nous mettant à l’écoute des auteurs, nous nous interrogeons, nous nous efforçons de mieux comprendre les autres et nous-mêmes. Est-ce vivre la vie des autres ? Non. Je dirais : les rencontrer, les côtoyer, accéder à l’intime, nager en grande profondeur, comme il est si rare et si précieux de le faire vraiment entre êtres humains.

    lire,vivre,vie active,lecture,passion,partage,littérature,cultureEn lisant, nous ne vivons pas rien. Ce que nous vivons en lisant s’inscrit dans la trame de notre vie. Les heures de lecture ne sont ni inactives ni perdues, elles sont la vie. Certains écrivains ont dit bien mieux que moi la part essentielle des livres dans leur existence – je vous renvoie à ces extraits de Marcel Proust, Virginia Woolf, Italo Calvino, Hubert Nyssen, entre autres, au magnifique Don des morts de Danièle Sallenave.

    Le miracle de la lecture – qui ne doit pas nous faire renoncer à l’exercice physique, à la vie sociale, aux rencontres, entendez-moi bien –, c’est qu’elle agrandit la vie, c’est qu’elle nous ouvre au monde. Quel bonheur, ne trouvez-vous pas, de pouvoir partager ce qui nous tient à cœur dans la blogosphère !

    Lectrice de Nicolae Grigorescu / Lecteur de Sergius Pauser

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    Grand merci à toutes & à tous pour votre fidélité,

    vos partages, vos commentaires ou vos visites silencieuses.

    Tania

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    Textes & prétextes, 12 ans