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Lecture - Page 14

  • Teinture de l'âme

    A  G. E.         

     

    « Paroles, gestes, lettres. Chevaux, incendies. Branches basses du feu dans la forêt de l’âme. Vous ouvrez le livre un vendredi soir, vous atteignez la dernière page un dimanche dans la nuit. Après, il faut sortir, retourner dans le monde. C’est difficile. C’est difficile d’aller de l’inutile, la lecture, à l’utile, le mensonge. Au sortir d’un grand livre vous connaissez toujours ce fin malaise, ce temps de gêne. Comme si l’on pouvait lire en vous. Comme si le livre aimé vous donnait un visage transparent – indécent : on ne va pas dans la rue avec un visage aussi nu, avec ce visage dénudé de bonheur.  Il faut attendre un peu. Il faut attendre que la poussière des mots s’éparpille dans le jour.

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    De vos lectures, vous ne retenez rien, ou bien juste une phrase. Vous êtes comme un enfant à qui on montrerait un château et qui n’en verrait qu’un détail, une herbe entre deux pierres, comme si le château tenait sa vraie puissance du tremblement d’une herbe folle. Les livres aimés se mêlent au pain que vous mangez. Ils connaissent le même sort que les visages entrevus, que les limpides journées d’automne et que toute beauté dans la vie : ils ignorent la porte de la conscience, se glissent en vous par la fenêtre du songe et se faufilent jusqu’à une pièce où vous n’allez jamais, la plus profonde, la plus retirée. Des heures et des heures de lecture pour cette légère teinture de l’âme, pour cette infime variation de l’invisible en vous, dans votre voix, dans vos yeux, dans vos façons d’aller et de faire. »

     

    Christian Bobin, Terre promise in Une petite robe de fête, Gallimard, 1991.

  • Entrer dans un livre

    Après m’être passionnée pour le récit de Sofia Tolstoï, vous avouerai-je ma difficulté de passer à autre chose ? On sort d’un grand livre avec un regard transformé, une sensibilité particulière. Une atmosphère, des questions, des caractères continuent d’irriguer la mémoire. Est-ce cela qui rend l’esprit un temps indisponible ? 

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    Serre-livres par X. Duchêne 

    Comment entrer dans un livre ? J’ai pris ici le parti de ne pas parler de ceux qui me déplaisent ou m’indiffèrent, lus ou abandonnés. Il est rare que cela m’arrive coup sur coup et pourtant c’est le cas ces jours derniers. Le premier, dont j’ai poussé l’intrigue jusqu’à son terme, « pour voir », m’a agacée par la grossièreté du vocabulaire – « connard, gros connard » et des situations stéréotypées, trop en surface. Le second, d’un écrivain auquel j’ai consacré déjà plusieurs billets, commence si lentement, son narrateur promène un regard si désabusé sur ce qui l’entoure, que je l’ai planté là – sur la pile « retour à la bibliothèque ».

     

    Que se passe-t-il au seuil d’un texte qui nous fasse franchir cet espace liminaire ? Début en plein action, première phrase magique, ton qui capte d’emblée, dépaysement ou au contraire reconnaissance, beauté du phrasé, multiples sont les voies du commencement. Un été, vous en vous souvenez peut-être, j’en avais choisi quelques-uns, de ces incipits qui m’ont directement ouvert un chemin de lecture, même si, sans doute, il n’en va pas forcément de même pour les autres lecteurs. L’entrée en matière est décisive, je ne vous apprends rien.

     

    Mais déjà bien avant de lire, comme avant de voyager, nous passons par une phase d’anticipation : une critique dans le journal ou sur un blog nous a mis la puce à l’oreille, ou la quatrième de couverture, bien que je m’en méfie généralement. Un éditeur nous a séduite par la couverture, cela arrive. Un nom, un titre titillent au premier regard, sans que l’on mette le doigt sur la raison de cette résonance particulière.

     

    Quelque chose se passe, au moment de choisir un livre, dans une librairie ou une bibliothèque. Comme lorsque nous rencontrons quelqu’un pour la première fois, le courant passe – ou non. C’est mystérieux, impalpable, intuitif. Le livre et son contenu ne sont pas seuls en cause, je le sais. Il faudrait dire aussi nos résistances, nos engouements, nos partis pris, nos souplesses et nos raideurs, nos couleurs et nos goûts, bref, esquisser notre autoportrait en lectrice.

  • La lecture

    « Passé le temps de celles qui sont imposées par l’enseignement – de moins en moins imposées d’ailleurs –, la lecture ne peut plus être que la pratique que nous avons adoptée avec le dessein de nous meubler l’esprit, dans l’ambition d’enrichir nos connaissances et notre mémoire, dans le désir d’entretenir les jardins de l’affectif et de découvrir le théâtre de nos émotions. »

     

    Hubert Nyssen, Lira bien qui lira le dernier, Lettre libertine sur la lecture, Labor / Espaces de liberté (Babel), 2004.

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  • Le temps de lire

    « De toute manière, le temps, et en particulier le temps de lire, dites-vous bien qu’on ne le trouve pas, on ne le trouve jamais qui, tout à coup disponible, vous attendrait. Le temps, ça se prend ou ça se perd ! Si vous voulez en disposer, vous ne pouvez que l’attraper, le choper, le ravir. C’est un choix à faire dans les priorités que vous vous donnez. Oui, voilà bien une autre des conditions dont l’avenir de la lecture dépend : l’attitude à l’endroit du temps.

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    Réfléchissez tout de même… Le désir et la capacité d’arrêter le temps n’ont jamais trouvé à se réaliser que dans les œuvres. Un tableau, une symphonie, un poème ou un roman sont autant de cages dans lesquelles le temps se trouve soudainement immobilisé. Et avec lui, vous, pour tout le temps où vous regardez, écoutez, lisez. Ce qui revient à dire que ne pas lire, ce serait perdre deux fois votre temps, le temps de lire et le temps à lire.

     

    Pour avoir organisé de nombreuses lectures publiques, bonnes pages lues par de belles voix, l’occasion m’a maintes fois été fournie de constater que les premières réflexions auxquelles se livrent les auditeurs en s’égaillant ne sont pas seulement pour les textes qu’ils viennent d’entendre, ou pour le talent des acteurs, mais aussi, et parfois même en premier, pour le plaisir qu’ils ont eu de « prendre le temps » d’écouter. Un peu comme s’ils découvraient soudain le sens de l’expression et se rendaient compte qu’à ne pas prendre assez souvent le temps de lire parce qu’ils sont victimes d’empressements auxquels les invitent les sirènes de la société ils laissaient passer la chance de profiter des petites éternités que l’on trouve dans les oasis de la durée. »

     

    Hubert Nyssen, Lira bien qui lira le dernier, Lettre libertine sur la lecture, Labor / Espaces de liberté (Babel), 2004.

  • Histoire de l'art

    « En histoire de l’art, l’intérêt des interprétations ou des théories n’est pas qu’elles soient définitives, mais que leur cohérence et leur pertinence nous obligent à vraiment regarder une œuvre, et nous offrent ainsi une chance de se l’approprier. »

    Jacques Bonnet, Des bibliothèques pleines de fantômes

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     Mai en janvier ? Pourquoi pas, le temps d'un livre ?  

    Bonne année 2011 à vous qui passez me lire.  

     

    Tania