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Lecture - Page 18

  • La grande librairie

    En trois mois, elle est entrée dans mes habitudes. Sur France 5, La Grande Librairie est le nouveau rendez-vous littéraire de qualité. Vous n’avez pas accès à cette excellente chaîne ? Qu’importe, vous pouvez suivre l’émission quand vous voulez sur le site de France 5. Programmée chaque jeudi à 20h35, rediffusée le dimanche à 9h55, La Grande Librairie est aussi visible sur internet. Toutes les vidéos sont en ligne. Au format « plein écran », l’image est un peu floue, mais - et ça, c’est d’une facilité formidable -, le curseur en dessous de l’image permet de se déplacer dans l’enregistrement, pour réentendre l’un ou l’autre à sa guise.

     

    François Busnel et son équipe ont eu la bonne idée de ne pas renier l’héritage télévisuel de Bernard Pivot. Comme dans Apostrophes, Bouillon de culture et Double je, c’est la rencontre directe avec les auteurs qui prime ici. Quatre invités, pendant une heure, répondent aux questions de Busnel et partagent leurs réactions. Chaque séquence est précédée d’un portrait. L’émission est rythmée, sans temps mort, avec un coup d’œil sur les meilleures ventes et le choix des libraires en intermèdes. Il faut de solides qualités d’animateur pour que la sauce prenne. Et, ma foi, François Busnel est très bien. Livre en main, souriant, il cite, interroge, provoque, insiste. C’était très amusant, le 2 octobre, de le voir donner la réplique à l’intarissable Pivot, invité en même temps que d’Ormesson qui crevait l’écran comme toujours. D’être assis côte à côte, cette fois, cela leur semblait bizarre.

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    Personnellement, j’ai adoré l’émission new-yorkaise du 30 octobre. En pleine ville et en plein air ! Avec Salman Rushdie, d’abord, il est question de L’Enchanteresse de Florence, dans Central Park. Pour commenter Le cas Sonderberg d’Elie Wiesel, Busnel l’accompagne en voiture jusqu’à Brooklyn. Il faut voir le vieil homme remettre ses cheveux en place et y attacher sa kippa avant de se rendre dans un quartier juif très orthodoxe où, dit-il, les familles vivent comme en Europe de l’Est autrefois. On lui demande pourquoi il ne vit pas là, Wiesel répond : « Ce n’est pas mon monde. »
    Il parle de son dernier roman, d’Auschwitz, de la foi, de ses parents. Des gens le reconnaissent dans la rue et interrompent la conversation pour lui exprimer leur gratitude. Quand il est arrivé aux Etats-Unis, qu’il a traversé le Sud, Elie Wiesel a découvert la réalité du racisme ordinaire envers les noirs : « Je n’ai jamais eu honte d’être juif, mais là, j’avais honte d’être blanc. » C’est une séquence formidable, d’une simplicité, d’une authenticité bouleversantes. Puis vient le tour de deux jeunes écrivains qui vivent à New York.

     

    Le 20 novembre, François Busnel a reçu sur son plateau quatre femmes de lettres. Elisabeth Badinter pour une audacieuse correspondance du XVIIIe siècle, signée Isabelle de Bourbon-Parme ; Nina Bouraoui pour son dernier roman Appelez-moi par mon prénom ; Alice Ferney pour Paradis conjugal. Avec Claire Castillon, la benjamine, cela faisait quatre voix pour discuter avec Busnel des rapports amoureux, sans clichés. C'était passionnant. Vous pouvez les retrouver sur le site de La Grande Librairie. Chaque sommaire affiche la photo des invités, accompagnée d'une notice. Le générique, le décor… Non, je ne vous en parle pas, dites-moi ce que vous en pensez, si vous voulez.

     

    Citant Alberto Manguel, jeudi dernier, François Busnel y voyait une devise pour La Grande Librairie : « Question : Que peut faire le lecteur ? Réponse : Lire et rester conscient des questions. »

  • A vous

    A vous, visiteurs fidèles, à vous, les irréguliers, voire les occasionnels, salut !
    Sept mois après la création de Textes & Prétextes, les statistiques de fréquentation du blog / blogue / bloc-notes (choisissez) ont joliment bondi en sens inverse des cours de bourse. Chaque mois, blogs.lalibre m’indique le nombre de visiteurs différents, je peux ainsi suivre son évolution. Aujourd’hui, pause.
    « Qu’as-tu lu de beau ces temps-ci ? Tu connais  ce bouquin ? Qu’en penses-tu ? » Désireuse de partager mes impressions, j’ai voulu prolonger mes plaisirs de lecture sur la Toile. Après tant de notes et de fiches, prendre le temps d’écrire. Elargir le cercle des échanges.

    Quel amoureux des livres ne s’est jamais laissé à penser qu’il y a dans le tête-à-tête avec un auteur plus d’idées ou de vibrations échangées que dans une journée ordinaire ou une réunion quelconque ? La lecture est une conversation de choix. « Fenêtre par laquelle on s’évade » (Julien Green), « clé qui m’ouvrait le monde » (Beauvoir), le livre « sème à foison les questions » (Cocteau).

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    Lire ne fait pas que nous divertir, lire ouvre à autrui, bouscule, inquiète, émeut, nourrit. « Passé le temps de celles qui sont imposées par l’enseignement – de moins en moins imposées d’ailleurs -, la lecture ne peut plus être que la pratique que nous avons adoptée avec le dessein de nous meubler l’esprit, dans l’ambition d’enrichir nos connaissances et notre mémoire, dans le désir d’entretenir les jardins de l’affectif et de découvrir le théâtre de nos émotions. » résume Hubert Nyssen dans Lira bien qui lira le dernier (Lettre libertine sur la lecture).

    La fréquentation des écrivains – de leurs textes - permet d’entendre d’autres sensibilités que la sienne, de mieux approcher les autres et la réalité du monde. « Réservons le terme de littérature, écrit Maurice Nadeau, à ces œuvres dont André Gide disait qu’elles ne laissent pas le lecteur dans l’état où elles l’ont trouvé. » Loin de moi l’idée de jouer les critiques littéraires ou les critiques d’art.
    Sans attache éditoriale ni journalistique, l’espace de liberté du blogue me permet de traiter de sujets délicieusement inactuels ou d’écrire sur le passionnant aujourd’hui, à mon gré, au hasard des mes lectures et de mes promenades. Je n’écris que sur ce qui me plaît ou m’intéresse, c’est un parti pris.

    Cette note serait incomplète sans un chaleureux merci à ceux qui me font l’amitié d’un commentaire. Ils sont peu nombreux, mais toujours appréciés. Merci à mon amie et sorcière de haut vol, Colo, qui s’est lancée avant moi sur la Toile. Merci à Doulidelle, facétieux pseudo d’un supporter enthousiaste. Merci aux autres commentateurs d’exprimer de temps en temps leur intérêt. A vous qui hésitez à signaler votre passage, je précise que celui-ci peut rester anonyme – un pseudo, des initiales suffisent – et que l’@dresse demandée ne sera pas mise en ligne ni communiquée, c’est un simple outil de sécurisation. Une fois le commentaire rédigé, vous pouvez en demander un aperçu et le modifier.

    A ceux qui seraient tentés de bloguer à leur tour, blogs.lalibre permet de se lancer avec beaucoup de facilité : on complète un formulaire pour s’inscrire, puis on choisit parmi différents modèles. On personnalise par la suite. Nul besoin d’être initié à l’informatique, quoique cela puisse aider. Certains mystères continuent à m’échapper, comme les raisons techniques qui m’empêchent de justifier le texte. Vous aurez remarqué, sans doute, la souris malicieuse cachée dans la marge de droite qui adore grignoter le dernier caractère et m’oblige à certains ajustements.

    Je voulais faire court, j’ai encore fait long.
    A vous.

  • Les Tilleuls

    A la maison. Chez soi. Là où l’on revient, là où l’on rentre. Après trois ans d’enfermement au Liban, il n’était plus possible à Jean-Paul Kauffmann d’habiter sa maison de Sologne qui appartenait à « un âge d’or qu’il était illusoire de vouloir ressusciter ». C’est par la recherche d’un nouveau lieu de vie que s’ouvre La maison du retour (2007).

    Il fallait une demeure isolée, rustique, sans clôtures surtout. Dès le premier coup d’œil, « la maison dans la clairière » (l’ultime proposition  de M. Lapouyade, l’agent immobilier, par acquit de conscience, après bien des rendez-vous stériles) donne réalité à ce rêve : « une vaste retraite campagnarde, des arbres, beaucoup d’arbres, dont deux immenses platanes qui déploient leur ligne brisée autour de la façade. Et la forêt de pins qui entoure sans étouffer. » Peu lui importe que les Allemands l’aient occupée pour en faire un lieu de plaisir pendant la guerre, chaque chose a son histoire.

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    Les Tilleuls, c’est le nom de cette propriété dans les Landes, si chères à Mauriac. Kauffmann nous en raconte l’acquisition, l’apprivoisement. Il s’y installe d’emblée, sous le prétexte de surveiller les travaux. Au fil des découvertes, dans la maison et autour d’elle, jour après jour, c’est d’une reconstruction intérieure qu’il s’agit aussi, même si ce n’est que vers la fin qu’il aborde explicitement les problèmes de son retour en France après « l’expérience » libanaise – « Reprendre une vie normale, il n’en était pas question. » De brefs paragraphes, par intermittence, font écho à l’actualité du Proche-Orient, à la fatwa contre Rushdie.

    Autour de la maison, un espace qu’on appelle dans les Landes « l’airial » (mot qu’il découvre en même temps que ce qu’il désigne) sera un des leitmotive du récit. Le nouveau propriétaire veut respecter le patrimoine landais. La nature est au cœur de sa nouvelle vie aux Tilleuls. Kauffmann est suspendu à son spectacle, à son chant, à son rythme. « Pourquoi en effet ce besoin de s’installer en marge du temps, au cœur de la forêt, loin du monde ? Peut-être l’illusion que le spectacle de la nature et de la métamorphose universelle guérit tout. » Dès son arrivée, il a planté un magnolia. D’autres arbres suivront, de plus en plus nombreux à remplacer ceux qui sont malades ou  trop vieux.

    La restauration est confiée à deux taiseux, qu’il surnomme Castor et Pollux. Pendant qu’ils travaillent au rez-de-chaussée, lui campe à l’étage. Ses journées passent à « faire la planche » sur sa liberté retrouvée, à écouter en boucle un oratorio de Haydn, à lire Virgile (une page chaque soir, comme une drogue). Pâques amène ses enfants aux Tilleuls, « Un vrai temps de Pâques, lumineux, vif et venteux. Un temps de convalescent. Je me relève d’une longue maladie. Je savoure cet entre-deux, à mi-distance de l’épreuve qui n’existe plus et d’une guérison qui s’annonce quoiqu’elle tarde un peu à venir. »

    Peu de visiteurs en dehors de sa famille, de sa femme qui le rejoint le week-end. M. Lapouyade se montre curieux de cette installation réussie qu’il n’avait pas su prévoir mais qui devient tout de même son œuvre, en quelque sorte. Le Voisin, affable, s’y connaît en vins rares, et ce sera leur sujet de conversation favori, en plus de l’histoire et des mœurs landaises. Toutefois la solitude des matins d’été l’enivre davantage : « J’affectionne ce moment où la maison dort, alors que la rosée perle sur l’herbe comme des billes de mercure. Ravissement de la belle journée à vivre. Elle sera étincelante. » Levé à l’aube, il se met à écrire, et d’abord sur le vin, « expression d’une société débrutalisée ».

    Pendant sa captivité, les livres ont terriblement manqué à Jean-Paul Kauffmann. Leurs geôliers leur en procuraient irrégulièrement, notamment de la collection Harlequin. « Quand on n’a plus rien, s’appuyer sur une histoire – même pas une histoire, des lignes suffisent, des phrases pourvu qu’elles soient à peu près cohérentes –, c’est se constituer un bouclier contre le monde hostile. La lecture plus que la littérature m’a sauvé. » Aux Tilleuls, malgré Virgile, il ne retrouve plus ce lien et son goût passionné des livres s’est tari ; il ressent cela comme un désenchantement, « une malédiction » même. Mais le « lecteur déchu » ressuscite en écrivant. J’ai aimé son refus de toute affectation, son souci du mot juste, parfois rare, cette allure de bon aloi qui s’appelle l’élégance du style.

    L’amour des arbres, le goût de planter, voici le cœur de sa nouvelle existence : « être vivant suscitait en moi une joie invincible ». Solaire et sensible, La maison du retour est un livre de sagesse.

  • Le Monde des Livres

    A qui veut suivre l’actualité littéraire, Le Monde des Livres (supplément du Monde du jeudi en France, du vendredi en Belgique) est indispensable. Celui du 23 mai 2008 était consacré aux Assises internationales du roman qui se tiennent actuellement à Lyon (Villa Gillet), sur le thème « Le roman, quelle invention ! »

    On y apprend qu’un livre vendu sur quatre est un roman – 93,6 millions d’exemplaires vendus en 2006 - et que le chiffre d’affaires de l’édition française a connu en 2007 une croissance de 1,7  %, avec une forte hausse des essais et des documents. Pour le sociologue Jean-Claude Kaufmann, à notre époque marquée par « un questionnement sans fin », « il n’y a rien de mieux que de voir d’autres êtres en situation, de pouvoir éventuellement s’identifier à eux, à travers des histoires vraies, des témoignages ou des fictions. » Dans un entretien, il décrit la lecture comme « un acte strictement individuel, mais par lequel on entre en relation avec d’autres fragments d’humanité. »

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    L’écrivain irlandais Joseph O’Connor propose une réflexion sur « Les territoires du roman ». Contrairement au roman traditionnel, dont la chronologie épouse une certaine vision du monde, le roman depuis Joyce et Woolf (j’ajouterai Proust pour le roman français, j’y reviendrai une autre fois) restitue mieux la complexité de la vie : « Nous avançons en transportant avec nous le passé et l’avenir. Nous traînons des ancres qui sont attachées à nous – parfois même nous nous y agrippons. (…) L’essence de l’être humain consiste à faire ainsi l’expérience du temps. » A propos des grandes œuvres, O’Connor aime « qu’un roman donne le sentiment qu’on peut y pénétrer, regarder alentour, toucher les murs, à la manière dont nous entrons dans un grand morceau de musique, comme le Messie de Haendel, ou Satyagraha de Philip Glass. Ce sont là des structures que nous avons envie de retrouver : une seule visite ne suffit pas. » Pour les lecteurs, « Connaître, brièvement, la transcendance du moi, imaginer, brièvement, ce que c’est qu’être un autre, c’est apprendre à connaître de façon plus approfondie ce qu’on est soi-même. »

    Je ne vais pas commenter tous les articles de ce supplément riche en contributions d’écrivains français et étrangers. Jean-Bertrand Pontalis, écrivain, psychanalyste et éditeur, revient sur la question des commencements – « On a beau ne jamais trouver, on ne peut pas se passer de chercher les origines » - et Hélène Cixous, inconsolable du fils qu’elle a perdu, en fait le secret du Livre-qu’elle-n’écrira-pas. Rachid El-Daïf, né au Liban, confronte les valeurs modernes et les valeurs traditionnelles, Occident et Orient : « L’image qu’on a de la femme arabe, dans les pays arabes mêmes, ainsi que dans les pays occidentaux, devrait absolument être remise en question. Je veux dire l’image de la femme soumise et acculée au mutisme. »

    Enfin, la romancière Ludmila Oulitskaïa, dans une réflexion sur l’amour des autres et l’amour de soi, s’interroge sur la frontière entre l’instinct de conservation et la complaisance envers soi-même, nous apprenant que le russe traduit « égoïsme » par « amour-propre ». Ironisant sur le « happy end » qui s’impose au XXe siècle à la fin des romans d’amour, elle rappelle qu’au XIXe siècle, ceux-ci se terminaient généralement par la mort d’un personnage, le plus souvent féminin. « Et c’est inéluctable : si l’on n’appose pas le point final à temps et que l’on donne aux amants une longue vie conjugale, qui peut garantir que Béatrice, ayant acquis l’expérience de la vie au fil des années, ne va pas tromper son époux avec un palefrenier, que Juliette ne va pas se métamorphoser en une matrone autoritaire harcelant son mari avec sa jalousie et ses soupçons, et qu’Anna Karenine, une fois remariée, ne va pas devenir toxicomane en voyant s’éteindre tout intérêt sexuel chez un mari passionné exclusivement par les chevaux ? » Dans le monde du roman comme dans la vie, on peut sourire.

  • Un soir au Louvre

    L’ouverture du Louvre en nocturne le mercredi jusqu’à vingt-deux heures permet d’y terminer une journée parisienne en beauté, avant de reprendre le dernier Thalys pour Bruxelles. Les visiteurs sont moins nombreux le soir, on peut se retrouver seul, dans les salles moins courues, en tête à tête avec Corot, Chardin ou Fragonard, par exemple.

    Mercredi dernier, on était loin de cette ambiance feutrée. C’était la grande foule. Dans les salles consacrées aux Ecoles du Nord, la reine Paola était présente à l’inauguration de l’exposition exceptionnelle de Jan Fabre, L’ange de la métamorphose, que le public peut découvrir jusqu’au 7 juillet dans l’aile Richelieu. Le site de France Culture en offre une excellente visite guidée (images et sons). 

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    J’ignore si cela se produit fréquemment, mais tandis que je visitais l’exposition consacrée à Van Dyck graveur, l’art du portrait, le son d’un instrument qui s’accordait m’attira vers une salle voisine. Un jeune homme à la clarinette basse proposait avec une jeune accordéoniste, duo inattendu, une transposition du Voyage d’hiver de Schubert. Les musiciens s’étaient installés juste en dessous d’un magnifique paysage de neige, Environs de Honfleur, signé Monet. Pour les visiteurs qui choisirent de rester là pour les écouter, ce furent des instants magiques.

    Imaginez-les, assis sur les banquettes ovales au milieu de la salle dédiée aux peintures de la donation Hélène et Victor Lyon, enveloppés par la voix chaude et caressante de la clarinette basse, accompagnée par l’accordéon. Sous les yeux, quelques belles toiles impressionnistes – il en reste au Louvre : d’autres paysages de Monet, dont les Glaçons sur la Seine à Bougival,  des arbres en fleurs sur un Pissarro, Paysage à Pontoise, un chemin dans les bois de Sisley, des fleurs de Fantin-Latour

    Trois Renoir dont la délicieuse Lecture : une fille aux longs cheveux blonds retenus par un nœud blanc, les mains croisées sur un livre ouvert, se tient les yeux baissés sur le texte ; sa compagne, brune en robe rouge, absorbée elle aussi par la lecture, le menton appuyé sur la main gauche, a posé l’autre bras sur le dossier de la chaise, dans le dos de son amie. « Il y a une telle émotion dans Renoir, un mouvement parfait, une douceur… On peut toucher le bonheur rien qu’en voyant les nœuds dans les cheveux des petites filles. » répond le peintre du roman Escalier C d’Elvire Murail à un critique d’art qui s’étonne de voir un artiste contemporain s’intéresser à ce peintre qu’il juge trop sucré (Renucci campe ce personnage de manière formidable dans l’adaptation cinématographique de Tacchella).

    Et, dans le même temps, la musique de Schubert. Un cadeau du ciel.

    Ailleurs, des étudiants du Conservatoire jouaient sur divers instruments, seuls, en groupe. Plus loin, même, de jeunes danseurs aux pieds nus improvisaient sur une musique contemporaine interprétée par des cuivres. La plupart des visiteurs se détournaient des cimaises, ce type d’événement a aussi son revers.

    Cette soirée du 9 avril 2008 au Louvre représente pour moi bien des choses. Elle restera un moment très particulier, touché par la grâce. Je le dédie à une femme remarquable, un professeur de français exceptionnel, qui a révélé à des générations de rhétoriciennes les beautés de la littérature, de l’art, de la musique, et qui, lors de voyages à Paris, les a initiées aux charmes de la ville lumière et de ses musées.