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Passions - Page 77

  • Une jeune femme

    Garcia Marquez El Espectador.jpg« Mais pendant que la police démolissait les témoignages, les journaux attisaient le scandale. Et l’on finit par découvrir que le 14 avril, deux jours après la découverte du cadavre, un mécanicien d’Ostie s’était présenté au commissariat de police pour raconter ce qu’il savait de la voiture ensablée sur la plage dont Il Roma avait parlé dans son article à sensation. Le mécanicien s’appelait Mario Piccini. Il raconta à la police que la première décade de mars, alors qu’il travaillait pour la gare ferroviaire d’Ostie, un jeune homme était venu le trouver, peu avant le lever du jour, pour lui demander de l’aider à remorquer son automobile. Piccini dit avoir accepté très volontiers, et remarqué pendant la manœuvre la présence d’une jeune femme à l’intérieur du véhicule ensablé. Cette jeune femme ressemblait beaucoup aux portraits de Wilma Montesi publiés dans les journaux. »

    Gabriel García Márquez, Le scandale du siècle, El Espectador, septembre 1955.

  • Gabo journaliste

    Repéré sur la table des nouveautés à la bibliothèque, Le scandale du siècle de Gabriel García Márquez (2018, traduit de l’espagnol (Colombie) par Gabriel Iaculli, 2022) rassemble des « Ecrits journalistiques » du grand écrivain colombien (1927-2014), prix Nobel de littérature. Sur plus de quatre cents pages, la moitié date des années 1950, quand le « journaliste » n’avait pas encore écrit Cent ans de solitude (1967). Il me reste à lire la suite, qui va de 1966 à 1984. Les premiers textes ne comptent pas plus de trois pages et leur ton est celui d’un homme qui sait raconter des histoires.

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     « Sujet pour un sujet » commence ainsi : « Il en est qui font d’un manque de sujet un sujet pour une note de presse. Le recours est absurde dans un monde comme le nôtre, où se succèdent tant de choses d’un inestimable intérêt. » Après avoir passé en revue tout ce qui pourrait l’inspirer mais ne l’inspire pas, défini le journalisme comme « la profession qui ressemble le plus à la boxe, avec l’avantage que la rotative gagne toujours et l’inconvénient qu’il n’est pas permis de jeter l’éponge », voilà comment il le termine : « La grande difficulté, c’est de s’y mettre. Commençons donc par chercher un sujet. Ecrivons la première phrase : « Il en est qui font d’un manque de sujet un sujet pour une note de presse. » Le recours est absurde… Ça alors, mais c’est très facile ! Non ? »

    L’humour est déjà là, l’audace aussi, et la manière d’emmener le lecteur dans des situations étranges, par exemple dans « Un homme vient sous la pluie ». « La Maison des Buendia » est carrément sous-titrée « Notes pour un roman » : on y rencontre Aureliano Buendia, un nom qui parle aux aficionados de Cent ans de solitude. Le journalisme, écrit García Márquez dans « Les Précurseurs », « a commencé quand un quidam a raconté à son voisin ce que quelqu’un d’autre a fait la veille au soir. » Le « commentateur de faits divers » qui réagit par écrit à la dernière nouvelle « et en donne lecture le soir même à la pharmacie », serait-ce lui ?

    « Le facteur sonne mille fois » conte avec art le sort des lettres non arrivées au destinataire et la visite du « cimetière des lettres perdues ». Comme à chaque fois, la chute de l’article est étonnante, drôle, impeccable. « Le Scandale du siècle » qui donne son titre au recueil compte 90 pages : une suite de chroniques écrites à Rome et publiées du 17 au 30 septembre 1955 à Bogota (El Espectador). En chapeau (ou « chapô » comme on le lit de plus en plus souvent, je ne sais d’où vient ce « ô »), deux lignes : « Morte, Wilma Montesi / va et vient de par le monde ».

    Cela commence par une disparition. Un charpentier romain s’inquiète de ne pas voir rentrer sa fille, Wilma Montesi, vingt-et-un ans, sortie en début d’après-midi, part à sa recherche et finit par se présenter au commissariat pour demander de l’aide. Sa femme et son autre fille, Wanda, s’étaient rendues au cinéma dans l’après-midi sans Wilma – « ce genre de film ne lui disait rien ». La gardienne de l’immeuble a vu sortir Wilma « seule, avec un sac en cuir noir », sans les bijoux offerts par son fiancé, un agent de police, quelques mois auparavant.

    Le père est le premier à imaginer un suicide, Wilma se désespérant à l’idée de quitter sa famille et d’aller vivre à Potenza après son mariage. Contacté par téléphone, le fiancé n’a reçu aucune nouvelle depuis la lettre reçue la veille au soir, « une lettre d’amour conventionnelle ». Deux jours plus tard, un ouvrier découvre le corps d’une femme morte sur une plage à quarante-deux kilomètres de Rome, « sans jupe, sans chaussures et sans bas », juste vêtue d’un jupon, de sous-vêtements et d’un sweater léger, sous une veste tenue au cou par un seul bouton – le cadavre de la jeune femme.

    Position du corps, constatations du médecin légiste, hypothèse d’une asphyxie par noyade, conditions météorologiques, tous les détails du rapport sont repris dans l’article, et puis toutes les pistes suivies par les enquêteurs, y compris celle-ci : « le 9 avril, Wilma entrait en phase post-ovulatoire » ! García Márquez fait régulièrement le point sur les réponses récoltées, les déclarations des uns et des autres, les faits importants « à garder en mémoire » : Wilma ne savait pas nager, elle aimait prendre des bains de pieds dans la mer. Sa mère opte plutôt pour un homicide, vu le fait que le cadavre de sa fille ne portait pas de porte-jarretelles, entre autres.

    Les circonvolutions de l’enquête sur cette mort jugée accidentelle par la police donnent lieu à de nombreux commentaires dans la presse italienne. « Le 4 mai, Il Roma, un périodique de Naples, largua la bombe qui donna naissance au « Scandale du siècle ». » On n’imagine pas tous les détours de cette affaire que le journaliste colombien distille savamment au fil de ses chroniques. La face cachée du mystère sera-t-elle dévoilée ?

    Dans « L’Année la plus célèbre du monde » (article du 3 janvier 1958) où il fait le tour du monde de l’actualité en 1957, l’auteur signale que ce fameux scandale « prend fin », le jugement de l’affaire Montesi laissant le meurtre de Wilma « apparemment à jamais impuni ». L’annonce par M. Khroutchev, cette année-là, selon laquelle l’Union soviétique disposait de « l’arme absolue », un missile « capable d’atteindre n’importe quel objectif à la surface du globe », établissait « la supériorité du pouvoir d’attaque de l’Union soviétique ». « L’Occident essaya de faire passer cette pilule amère en trouvant une consolation dans le fait que Gina Lollobrigida avait eu une fille en parfaite santé d’un peu plus de trois kilos. »

    (A suivre)

  • Le beau temps

    En avance sur l’été, le beau temps s’est installé depuis trois semaines et ce week-end, voici déjà la première canicule de l’année. Et le plaisir de siroter le thé du matin sur la terrasse à l’ombre par vingt degrés à sept heures. Dès que le soleil y sera, tout fermer, baisser les écrans solaires, ce sera parfait pour regarder la finale masculine à Roland Garros. Celle des dames samedi, peu disputée au début, a tout de même été à la hauteur. Muchova a fini par retrouver son beau tennis montré en demi-finale, même si la numéro un, Swiatek, a remporté la partie en trois manches.

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    Nul doute que le parc Josaphat aura attiré beaucoup de monde, comme le dimanche de Pentecôte où j’y ai pris cette photo. Nous y allons rarement le week-end, ce fut l’occasion de voir les nombreuses nappes des pique-niques en famille sur la pelouse du tir à l’arc et la joyeuse ambiance partout, dans ce poumon vert de la commune si apprécié.

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    Sous les tilleuls de l’avenue Demolder, les coquelicots flamboient entre les plantes vivaces et à l’angle du square Riga, toute une bande danse joliment avec leurs partenaires en jaune. On retrouve aussi des coquelicots sous l’olivier du square qui a déménagé lors du réaménagement du rond-point, laissant la place centrale à un hêtre pourpre. Les lavandes et les vivaces qui l’entourent forment un bel ensemble, il faudra que je le photographie.

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    On se réjouit chaque jour de voir les vieux arbres du square, comme ce splendide marronnier, échapper année après année au couperet fatal annoncé pour la future station de métro. Quand les journaux ont parlé il y a peu de la menace qui pèse sur la réalisation complète du métro 3, étant donné les dépassements faramineux – comprenez ruineux – des coûts par rapport au budget annoncé, on a annoncé la bonne nouvelle aux arbres, sauvés peut-être ?

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    Une option raisonnable serait de continuer les travaux pour cette ligne 3 du métro bruxellois en la terminant à la gare du Nord (où mène le tram 55 que la plupart des riverains souhaitent conserver). Hélas, la décision de démanteler l’intérieur du Palais du Midi  en ne sauvant que la façade – du façadisme, encore et encore… – a un peu douché cet espoir.

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    Photo © PhotoNews dans L'Echo

    Que deviendra cet « imposant bâtiment bruxellois de 175 mètres de long [qui] accueille des commerces, des clubs de sports et une école de 1.200 élèves » (Le Soir), ancien marché couvert (1875-1880) restauré un siècle plus tard (Inventaire du patrimoine) ? Tout le quartier s’en émeut et les commerçants en particulier, ceux du Palais du Midi comme leurs voisins qui savent ce que leur côutera un chantier de plusieurs années. Une alternative au métro 3 a été proposée, mais les contestations semblent se heurter à une fuite en avant (pour des raisons politiques ?), quel que soit le prix à payer. Wikipedia ne donne aucun écho à toutes les contestations de ce grand chantier, je m’en étonne.

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    Revenons au square Riga tant que nous pouvons nous réjouir de ses charmes. En face de l’Institut Champagnat (école primaire), toutes sortes de plantes poussent dans les bacs installés avec les écoliers. C’est gai d’y voir des bleuets qui foisonnent en ce mois de juin, ces fleurs champêtres assez rares en ville.

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    Certains s’assoient à l’ombre bienfaisante du hêtre pourpre, de l’autre côté du square, un de ces vieux arbres devant lesquels on fait halte pour les admirer. Il porte de vilains tags sur le tronc, mais cela ne lui enlève rien de sa majesté, appuyée sur de puissantes racines. 

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    Puissent-elles le nourrir encore des années et des années ! Les grands arbres rendent tant de services : on espère que les décideurs savent à quel point ils stockent le carbone et apportent de la fraîcheur au quartier.

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    Une promenade dominicale à neuf heures du matin, c’est très agréable par ce beau temps de juin. Merci à tous ceux qui entretiennent leur jardinet, installent des plantes le long des trottoirs, des cadeaux offert aux passants. Comme cette jolie fleur, une grande boule étoilée que je remarque pour la première fois. La connaissez-vous ? 

  • Deux extraits

    « J’avais noté comme une maxime : L’écriture peut naître d’une révolte, devenir un engagement, être une protestation.

    C’est alors que je m’étais dit, n’oublie pas : ou bien on se bat, ou bien on se couche. Comment se bat un écri-vain ? Et une écri-vaine, comment elle se bat, puisqu’on fait la différence ? Ses armes sont-elles différentes de celles d’un écri-vain ? Je veux dire ses livres ? » (pp. 169-170)

    Claudie Hunzinger couverture Grasset.jpeg

    « Le matin, j’ouvrais la porte sur le pré et sur une sorte de bourdonnement mental, non, les abeilles. Une incandescence sonore. Celle du monde. Il était toujours là. Scintillant. Je me disais, personnellement, je ne me sens pas assez déprimée pour manier l’ironie, pas encore assez disjointe de ses débris, même si c’est vraiment classe d’être sans illusions. L’ironie, qu’est-ce que c’est classe. J’aurais aimé être une ironique contestataire. Mais pour moi, il y avait encore un écho, un éclat, un frisson qui se manifestait dans le monde, comme le palimpseste d’un paradis à déchiffrer entre ses débris. Auxquels je tenais, profondément imbriquée.

    A chaque fois, dehors, je n’ai pas honte de trouver, malgré l’évidence, que le monde est une perfection. » (pp. 245-246)

    Claudie Hunzinger, Un chien à ma table

    * * *

    Au moment de programmer ce billet, j’apprends que Coumarine, dont le blog était en pause depuis un an et demi, a pris son dernier envol ce 7 juin 2023.
    Ces extraits auraient pu plaire, il me semble, à cette passionnée d’écriture qui signait ses livres de son nom, Nicole Versailles. En guise d’hommage.

    Tania