La Foire du Livre de Bruxelles bat son plein à Tour & Taxis, elle se termine aujourd’hui, lundi 2 mars. L’affiche d’Yslaire sur le thème des « Liaisons dangereuses » n’est pas vraiment à mon goût, mais comme disait J. qui m’accompagnait vendredi dernier, « elle accroche l’œil » et montre bien l’importance particulière donnée à l’image cette année – dessin d’illustration, bande dessinée, cinéma – à côté du texte.
Après le Centre Rogier puis le Palais des Congrès au Mont des Arts, entre autres déménagements depuis sa création en 1970, la Foire a trouvé là de beaux espaces, on y respire malgré la foule. Au grand stand de la Communauté française de Belgique (Fédération Wallonie Bruxelles), la collection Espace Nord met à l’honneur les écrivains belges (premier achat), et on y distribue aussi la brochure mise à jour des noms de métier au féminin, très pratique – on peut la consulter en ligne.
Maisons d’édition, librairies, organismes officiels, universités, fondations, presse, les exposants sont très variés, près de deux cents stands, trop peut-être : il me semble que les grandes librairies font de l’ombre aux éditeurs. De nombreux espaces de rencontre aussi : le Café littéraire, la Tribune des éditeurs, l’Agora, entre autres, où je me suis laissé happer par un sujet de débat (« Quels lecteurs pour ce XXIe siècle ? ») et ensuite par l’éloquence d’un écrivain haïtien-québécois (Dany Laferrière, invité d’honneur avec les éditeurs québécois).
Débat… Le terme est impropre : il s’agissait pour chaque intervenant de présenter son sujet en dix, quinze minutes, ce qui n’a guère laissé de place aux échanges. Il s’agissait principalement d’examiner comment on peut aider les enfants à aborder le livre ou la lecture, dès la petite enfance.
Une enquête récente de l’ONE et de l’ULg sur les enfants de 18 à 36 mois montre qu’à l’âge de l’entrée à l’école maternelle, on constate déjà chez les petits francophones un retard linguistique aussi bien pour le vocabulaire que pour le décodage du sens. En plus des soins aux nourrissons et de l’accompagnement des parents, l’ONE propose des « coins lecture » en consultation, surtout pour un premier contact avec « l’objet-livre » et on y fait appel aussi à des conteuses, puisque « On ne lit pas tout seul » à cet âge.
Puis ce fut le tour d’une inspectrice de l’enseignement maternel, d’une formatrice à la littérature de jeunesse. La dernière évaluation des compétences en quatrième primaire a conclu à 45% de lecteurs « précaires » et à seulement 25 % de « bons » lecteurs à ce niveau, un constat très préoccupant qui ne peut que donner du grain à moudre à l’actuelle ministre de l’enseignement et de la culture, arrivée un quart d’heure en retard et qui, à l’entendre, avait ici plus à écouter qu’à dire.
J’aurais mieux fait d’aller voir les expositions ou de m’asseoir au Café littéraire où Dany Laferrière charmait son public (assis et debout) par des propos pleins de bon sens et enthousiastes sur la littérature, l’écriture (« le jouet essentiel »), l’époque – très écouté sur L’art presque perdu de ne rien faire (2011), titre accrocheur comme celui de son premier succès, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer. Il faudra que je le lise pour comparer avec L’art difficile de ne presque rien faire (2009) de Grozdanovitch (est-ce une impression ou les éditeurs sont moins stricts qu’avant sur la proximité des titres ?)
On rencontre toujours une connaissance ou l’autre à la Foire du livre de Bruxelles, excellent lieu de rencontres où les gourmands ne sont pas oubliés, et avec des livres en veux-tu en voilà, comment résister ? « Pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise. » (Baudelaire) Rares sont ceux qui sortent sans avoir rien acheté à la Foire du Livre, je n’ai pas fait exception. J’ai résisté aux sirènes du design suisse, mais je me suis trop approchée du dangereux Citadelles & Mazenod, où j’ai signé un bon de commande – à suivre, donc.