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Passions - Page 167

  • Improviser

    boualem sansal,harraga,roman,littérature française,algérie,alger,femmes,islam,culture« La réalité est autre. J’avais peur, horriblement peur, je retombais dans la solitude, trente-six étages plus bas. Celle-ci était trop grande, Dieu lui-même n’y résisterait pas. Je me suis ramassée dans un coin et j’ai fait le dos rond. Puis j’ai bondi, j’ai ouvert portes et fenêtres et j’ai respiré à pleins poumons. Je n’allais pas m’enterrer vivante ! Non, non et non !
    C’est une nouvelle vie qu’il me faut, improviser, rebondir, c’est ça. »

    Boualem Sansal, Harraga

  • L'oiseau de Lamia

    Du Ki kii kii chez Murakami au Cui-cui, cui-cui chez Sansal, des oiseaux nichent dans nos lectures. Parmi les Romans 1999-2011 de Boualem Sansal (excellent Quarto), Harraga (2005) donne la parole à une femme d’Alger, Lamia – une histoire « véridique » (Au lecteur, à lire en ligne). Le premier des cinq actes s’ouvre sur un poème « Bonjour, oiseau ! » dont la chute est un avertissement : « Un oiseau, c’est beau / Hélas, il a des ailes. / Comme elles lui servent pour se poser / Elles lui servent pour s’envoler. C’est tout le drame avec les oiseaux. »

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    Alger / Source : http://diaressaada.alger.free.fr/index.html

    Quand une inconnue frappe à la porte de Lamia, « menue, vêtue à la Star’Ac », un « scandale ambulant », celle-ci ne peut qu’ouvrir à la jeune fille visiblement enceinte de plusieurs mois qui cherche « Tata Lamia ». Chérifa, seize ans, est envoyée par Sofiane, le frère de Lamia « parti pour ne jamais revenir » et qui lui manque tant, de même que sa « tendre et douce » Louiza, son amie d’enfance, mariée à seize ans « à un clochard d’une lointaine banlieue maintes fois sinistrée qui lui a fait une ribambelle de filles et pas un garçon. » La jeune inconnue va bouleverser sa vie.

    D’abord celle-ci a vite fait de s’installer et de semer des affaires un peu partout dans la grande maison ; Lamia, arrachée à ses habitudes, est en même temps « folle de rage » et « ravie de sa présence ». Chérifa a rencontré Sofiane à Oran et il a dû, imagine-t-elle, lui recommander sa sœur « toubib » en ces termes : « Elle est vieille, grincheuse comme un cactus, mais c’est bon pour le petit. Il filera droit. »

    Pédiatre à l’hôpital Parnet, Lamia est attachée à sa « bonne vieille solitude » et à sa « vieille demeure deux fois centenaire ». Bâtie et habitée par un officier turc puis par un vicomte français, un Juif, des pieds-noirs, enfin par ses parents « descendus de la Haute Kabylie après l’indépendance », elle est pleine de mystères, de fantômes même. En quelques mois, Lamia a perdu toute sa famille. Ce qui la sauve, ce sont ses huit à douze heures de travail par jour. A trente-cinq ans – on l’appelle « la Vieille » – , elle n’est pas de ceux qui restent debout à rêvasser.

    Très vite, les escapades, les caprices de Chérifa ruinent sa tranquillité d’esprit et elle l’enguirlande, la met dehors sur un coup de tête. Aussitôt le vide s’accroît « vertigineusement », l’inquiétude aussi. La gamine ne sait rien des dangers d’Alger. Lamia doit retrouver sa trace, mais ne la trouve ni près de la gare, ni du côté de l’université. Comme sa maison dans le quartier de Rampe Valée, elle se sent au bord de l’effondrement, à force de chagrin, de peur et de solitude. « Nous sommes tous, de tout temps, des harragas, des brûleurs de routes, c’est le sens de notre histoire. Mon tour de partir serait-il arrivé ? »

    Chérifa réapparaît un jour, ramenée par un conducteur de bus qui la dépose devant la porte. Cette fois, elles se parlent ; Chérifa a fui sa famille qui voulait l’enfermer, lui faire porter le hidjab. Celui qui l’a séduite est devenu vizir et ne donne plus de nouvelles. Lamia décide de s’occuper d’elle sérieusement : achats de vêtements plus corrects, de quoi arranger sa chambre, d’un trousseau pour le bébé. « Et il y a le reste, du basique, qu’elle devra se caser dans le crâne une fois pour toutes : l’ordre, la discipline, la gentillesse, la propreté, et j’en passe. J’ai grande confiance dans les vertus élévatrices du calme, de l’hygiène et de la douceur dans le propos. »

    Lamia se rend aussi à l’Association algérienne pour l’aide aux familles, espérant des nouvelles de son frère disparu – peine perdue. Quand elle rentre de l’hôpital, désormais, c’est avec de l’appréhension : Chérifa sera-t-elle à la maison ? Pour éviter l’ennui, elle essaie le ménage à fond, la grande musique, la culture, le Jardin d’Essai, les musées, mais Chérifa ne s’intéresse à rien. « C’est là que j’ai compris ce que désespérer veut dire. La culture est le salut mais aussi ce qui sépare le mieux. » Lamia redoute qu’un jour sa protégée ne soit pas là à son retour, une nouvelle fugue.

    Harraga est un très beau roman de femmes. Boualem Sansal y glisse son amour d’Alger, ses révoltes contre l’incurie. Lamia l’indépendante a choisi le célibat, les études, la médecine et rien ne la met plus en colère que la manière dont trop de musulmans traitent les femmes. Cette rencontre avec une jeune femme bohème et vulnérable réveille quelque chose de fort en elle. Un espoir.

  • Tous les rêves

    Pour vous présenter mes meilleurs vœux, voici une chanson de Pierre Rapsat, très bien reprise par Scala à Noël (aller à 21:30 sur l’enregistrement RTBF du concert de Noël au Palais Royal), portée par la si belle voix de Pierre Rapsat lui-même :

    Tous les rêves, tous les rêves que l’on a partagés
    Tous les rêves, tous ces rêves faut pas les oublier
    Tout ce qui nous apporte un peu de redoux
    Tout ce qui nous importe s’éloigne de nous

    Tous les rêves, tous ces rêves, tous ces baisers volés
    Tous ces rêves envolés qu’on a abandonnés
    Et qui nous donnaient l’envie d’aller jusqu’au bout
    À présent nous supplient de rester debout

    Mais les rêves, tous ces rêves que l’on ne faisait plus
    Mais les rêves, tous ces rêves que l’on croyait perdus
    Il suffit d’une étincelle pour que tout à coup
    Ils reviennent de plus belle, au plus profond de nous

    Aimons les étoiles (laissons-les filer)
    Laissons-les filer
    Aimons les étoiles

    Tous ces rêves nous élèvent, nous font aimer la vie
    Tous ces rêves, ça soulève et ça donne l’envie
    L’envie d’un monde meilleur, c’est beau mais facile
    De pas commettre trop d’erreurs, c’est bien plus difficile

    Car les rêves, car les rêves parfois viennent s’échouer
    Et s’achèvent, et s’achèvent devant l’écran d’une télé
    Dans un monde qui nous agresse, qui peut vous mettre en pièces
    Solitaire dans un trois pièces, tout ce qu’il nous reste

    C’est d’aimer les étoiles (laissons-les filer)
    Laissons-les filer
    Aimons les étoiles
    Laissons-les
    Laissons-les
    Laissons-les filer

    Tous les rêves, tous les rêves que l’on a poursuivis
    Tous les rêves, tous ces rêves pour un bel aujourd’hui
    Et qui nous donnaient l’envie d’aller jusqu’au bout
    À présent nous supplient de rester debout

    Mais les rêves, tous ces rêves que l’on ne faisait plus
    Mais les rêves, tous ces rêves que l’on croyait perdus
    Il suffit d’une étincelle pour que tout à coup
    Ils reviennent de plus belle, les rêves sont en nous
    Les rêves sont en nous

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    Van Gogh, La nuit étoilée

    Bonne & heureuse année 2021 !

    Tania

    * * * * *

    Chers visiteurs & lectrices de T&P, vous l'avez peut-être constaté, il n'est plus possible d'envoyer des commentaires sur les blogs de Blogspirit depuis hier. Dans l'attente d'un retour à la normale, je vous remercie pour votre passage ici. (2/1/2021, 14h30)

  • Moments de fête

    En Belgique, la famille royale organise traditionnellement en fin d’année un concert de Noël au Palais Royal, diffusé à la télévision. Cette année, il n’était pas possible d’y rassembler un public, mais le concert a été maintenu. Pour la première fois, les enfants de Philippe & Mathilde y ont participé, un encouragement sympathique à tous ceux qui apprennent à jouer d’un instrument de musique. C’était un beau concert de la chorale féminine Scala & Kolacny Brothers qui a interprété des airs variés, en commençant par My December (Linkin Park).

    Concert de Noël au Palais Royal 2020 Scala.jpg
    © BELGA / POOL FREDERIC SIERAKOWSKI
    Concert de Noël au Palais Royal de Bruxelles (20/12/2020)

    Depuis 1961, Les Belges ont en outre droit à un message royal de Noël et Nouvel An : ce discours télévisé s’adresse à toute la population dans les trois langues nationales. La veille de Noël, nous avons eu la belle surprise, avant l’intervention du roi Philippe, d’une émission inédite à 18h : « Noël ensemble à 11 millions ». Inédite, vu que ce programme était retransmis en direct et en même temps sur deux chaînes télévisées francophones et sur trois chaînes télévisées flamandes (première chanson à la 38e minute).

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    Noël ensemble à 11 millions (24/12/2020)
    Edition spéciale sur Auvio (rtbf.be)

    Ce programme belge sans frontière linguistique faisait chaud au cœur. J’étais très émue en pensant à ma famille flamande du côté maternel, à ma mère qui aurait tant aimé vivre cela, une même fête pour les Flamands, les Wallons et les Bruxellois ! Des témoignages sur l’année écoulée, des vues aériennes de beaux endroits du pays, et, bien sûr, de la musique : Axelle Red, Hooverphonic, Lous and The Yakuza, Jasper Steverlinck & Typh Barrow, à nouveau la chorale Scala, et Clouseau en exclusivité avec Charles, la gagnante de The Voice Belgique. Si vous avez accès à Auvio (RTBF), vous pouvez cliquer sur le lien ci-dessus pour revoir, réécouter cette émission spéciale très réussie. Sinon, vous trouverez sur YouTube un amusant clip vidéo où Scala chante Le vent nous portera (Noir Désir).

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    Origamis de Charles Kaisin dans les Galeries Royales Saint-Hubert, Noël 2020, Photo © Nicolas Lobet

    Remarquable décor festif à Bruxelles en cette fin d’année 2020 : au Palais Royal (derrière la chorale), à l’Hôtel de Ville de Bruxelles (le sapin dans la cour), dans les galeries royales Saint-Hubert et dans le centre, les origamis de Charles Kaisin font merveille, en prolongement de l’opération Origami for Life lancée durant le premier confinement.

    * * * Bon passage vers 2021 ! * * *

  • A l'aveuglette

    Sontag-Sur-la-photographie-Bourgois Titres.jpg« Au printemps de 1921, deux appareils photographiques automatiques, qui venaient d’être inventés à l’étranger, furent installés à Prague : ils reproduisaient l’image de la même personne six fois, dix fois ou plus sur la même épreuve.
    Quand j’amenai à Kafka une série de ces photos, je lui dis avec enjouement : « Pour quelques couronnes, on peut se faire photographier sous tous les angles. Cet appareil est un
    Connais-toi toi-même mécanique.
    – Vous voulez dire un
    Méprends-toi toi-même, répondit Kafka avec un léger sourire.
    – Que voulez-vous dire ? protestai-je. L’appareil photo ne saurait mentir !
    – Qui vous a dit une chose pareille ? » Kafka pencha la tête sur son épaule. « La photographie concentre le regard sur la surface. Pour cette raison, elle obscurcit la vie secrète dont la faible lueur traverse les contours des choses comme un jeu de lumière et d’ombre. Cela, même la lentille la plus fine ne saurait le saisir. Il faut le sentir à l’aveuglette… Cet appareil photo automatique ne multiplie pas le regard des hommes ; il se contente de lui donner, en infiniment plus simple, un regard de mouche. »

    Extrait de Conversation avec Kafka, Gustav Janouch

    Cité par Susan Sontag à la fin de Sur la photographie (Petite anthologie de citations)