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Passions - Page 168

  • T comme thé

    thé,déco,étéCela fait quelque temps qu’il n’a plus été question ici de l’heure du thé. Or un vrai jour d’été, chez moi, c’est quand je peux préparer une théière de Ceylan O. P. ou de goût russe Douchka (thés noirs de Dammann frères), sortir avec un plateau et prendre le thé dehors – en bonne compagnie ou avec un livre.

    A Tournai, un petit salon de thé offrait une déco originale, avec des lampes cafetières ou théières éclairées de l’intérieur. Joli, vous ne trouvez pas ?

  • Jours d'été

    Après le quinze août, l’atmosphère change souvent et c’est encore bien le cas cette année : un dimanche radieux, suivi de jours pluvieux et du retour de températures en dessous des vingt degrés. Il n’y a pas là matière à se plaindre ; tant de gens souffrent de chaleur excessive, d’inondations désastreuses, de tremblements de terre ou de ces terribles maux que certains hommes infligent à d’autres.

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    L’azur du ciel m’a un peu manqué, je l’avoue, cet été, mais les martinets sont bien revenus avec leurs cris et leurs courses folles parfois très haut au-dessus des toits. Et aussi des moineaux, à plusieurs endroits du quartier, à notre grand plaisir – cela fait plusieurs années qu’on n’en voyait plus ici. Quant aux ballets des nuages, comment s’en lasser, pourvu tout de même qu’ils laissent un peu de place à la lumière.

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    Une journée vraiment estivale à la mer du Nord, quel plaisir ! On comprend le succès des appartements sur la digue quand on contemple le large spectacle renouvelé du sable et de la mer qui roule ses ourlets d’écume. On suit des yeux les cerfs-volants. Assis sur la plage ou les pieds dans l’eau, on accueille les souvenirs d’enfance qui se mêlent au moment présent.

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    Passer l’été chez soi permet de suivre toutes les floraisons : le laurier-rose fleurit dès juillet, mais l’hibiscus, le dipladénia, les rudbeckias en pot attendent en général le mois d’août pour exhiber leurs couleurs. Fidèles aussi, les bourdons visitent la sarriette de fleur en fleur.
    Lire au vert du jardin suspendu Le consentement de Vanessa Springora et constater qu’elle a parfaitement réussi à « prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre ».

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    Au Rouge-Cloître, la grande rénovation du prieuré touche à sa fin. Dès cet automne, peut-être, les barrières du chantier auront disparu et l’on pourra, j’espère, se réinstaller sur la grande terrasse et admirer les jardins restaurés. Sur le côté, le potager a belle allure avec ses soleils en fleurs. Bonne idée d’avoir installé une guinguette dans la cour d’entrée !

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    Un des endroits préférés de Mina la noiraude, c’est le grand coussin jaune sur le coin du bureau où dormir tout son saoul. Elle y a une bonne vue vers l’intérieur et vers l’extérieur. Cet été, une musaraigne a fait de courtes apparitions sur la terrasse puis disparu, mystère. La chatte veille, surveille, inspecte tous les recoins quand elle sort. Mais pas aujourd’hui, il pleut. Et quand je rentre de chez une autre chatte aux magnifiques yeux bleus qui se languit de sa maîtresse, Mina flaire bien sûr des odeurs d’ailleurs et se frotte à moi pour retrouver sa place de favorite – rien à craindre, elle est la préférée.

  • Des choses incroyables

    zamiatine,nous,roman,1920,anticipation,littérature russe,urss,totalitarisme,culture,contre-utopie« J’ai eu l’occasion de lire et d’entendre bien des choses incroyables sur les temps où les gens vivaient encore à l’état libre, c’est-à-dire inorganisé, sauvage. Mais ce qui m’est toujours apparu le plus incroyable, c’est ceci : comment le pouvoir d’alors – même embryonnaire – a-t-il pu admettre que les gens vivent sans l’équivalent de nos Tables, sans les promenades obligatoires, sans aucune régulation des heures de repas, qu’ils aient pu se lever et se coucher quand bon leur semblait ? Il paraît même, selon certains historiens, que, à cette époque, la lumière brûlait toute la nuit dans les rues, toute la nuit il y avait des passants et des voitures. »

    Evgueni Zamiatine, Nous

    Couverture de la première édition complète de Nous en russe
    (Casa editrice Cechov / Wikimedia)

  • Nous, Zamiatine, 1920

    Evgueni Zamiatine a écrit Nous en 1920, trois ans après la révolution d’Octobre. Ce récit d’anticipation aurait inspiré Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley (écrit en 1931 à Sanary-sur-mer) et 1984 (publié en 1949) de George Orwell, qui l’a lu en français sous le titre Nous autres (première traduction en 1929). Dans un avant-propos à sa nouvelle traduction, Hélène Henry rappelle qui était Zamiatine, né en Russie en 1884 : un ingénieur naval doué et, « dès 1916, un écrivain reconnu et publié ». En 1917, il quitte le parti bolchevique dont il a d’abord partagé les idées.

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    L’URSS a interdit la publication de Nous. Des copies du texte ont circulé, une traduction, des extraits en russe à l’étranger : le régime soviétique engage alors des poursuites contre l’auteur d’un « infect pamphlet contre le socialisme ». Zamiatine démissionne de l’Union des écrivains et, en 1931, sur les conseils de Boulgakov, demande à Staline l’autorisation d’aller vivre à l’étranger. Il participe, comme Pasternak, au Congrès des écrivains de 1935 à Paris, où il meurt en 1937. Ce n’est qu’en 1952 que le texte complet de Nous paraît en russe, à New York. Les Russes n’y ont eu accès qu’en 1988.

    « Note n° 1 » (tous les chapitres sont numérotés ainsi) s’ouvre sur un extrait du Journal officiel à la gloire de l’« INTEGRALE » dont la construction s’achève : « cette machine électrique de verre qui souffle le feu » devrait permettre à « l’Etat Unitaire » de soumettre ceux qui vivent en dehors de lui pour leur apporter « un bonheur mathématiquement exact » et « les obliger à être heureux ».

    D-503, constructeur de l’INTEGRALE, ému par l’annonce, décide de prendre des notes : « Je ne ferai qu’essayer de transcrire ce que je vois, ce que je pense, ou plutôt ce que nous pensons (oui, nous, et ce « NOUS » sera le titre que je donnerai à ces notes.) » Un ciel de printemps sans nuage coule tout « dans le même cristal éternel, irréfragable, dont sont faits la Muraille verte et tous nos édifices ». Il admire le « grandiose ballet mécanique » sur le chantier.

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    Le « numérateur » résonne : c’est l’heure d’O-90, la femme douce et ronde avec qui il se promène durant « l’Heure privative » d’après-déjeuner, comme tous les « Numéros », en rangs par quatre, dans leurs « Tenues d’uniforme bleutées, la plaque dorée sur la poitrine – immatriculation officielle ». Il en est ébloui, comme s’il voyait ce spectacle parfait pour la première fois.

    Un rire et un visage de femme aux dents « extraordinairement blanches et aiguës » à sa droite le surprennent, comme si I-330 avait deviné ses pensées. Troublé par ses remarques inattendues et gêné par l’intervention d’O-90 pour dire qu’il « est inscrit » avec elle, il a juste le temps d’entendre son invitation à la rejoindre le surlendemain à l’amphithéâtre 112 – l’Heure privative est terminée. Juste le temps d’embrasser les yeux bleus de O en attendant leur prochain « jour sexuel », où l’on peut « baisser les stores » (à condition de posséder « un billet rose »).

    Le narrateur, quand il relit ses notes, a conscience de n’être peut-être pas assez clair pour les inconnus qui les liront sans connaître « les Tables du Temps, les Heures privatives, la Norme maternelle, la Muraille verte, le Bienfaiteur ». Il rappelle qu’après « la guerre de Deux Cents Ans », on a détruit les routes pour couper les villes les unes des autres et les séparer par une « jungle verte » dont la couverture de verre de la Muraille les protège. Dans l’Etat unitaire, tous se fondent dans un corps unique avec le même emploi du temps, à l’exception des Heures privatives (16-17h, 21-22h).

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    Ce qu’on raconte des temps anciens lui semble absurde : « Absolument ascientifique, carrément bestial. Et pour les naissances, c’est pareil : au hasard, comme les bêtes. » S’il s’est réjoui jusqu’alors de vivre dans un monde parfaitement clair et organisé, D-503 ressent pourtant des émotions nouvelles quand il se rend à une convocation pour l’amphithéâtre 112 et voit apparaître I-330 dans « le costume fantastique d’une lointaine époque : une robe noire étroitement moulante » et décolletée.

    C’en est fini de sa tranquillité d’esprit. D-503 se rend un jour avec elle à la « Vieille maison » au mobilier d’autrefois, où I-330 revêt une autre tenue originale : elle aime « se distinguer des autres », « enfreindre l’égalité ». La séduction opère. Il a beau chanter les bienfaits de l’Etat unitaire, il en découvre une faille qui va en s’élargissant. Le journal signale qu’on aurait « retrouvé les traces d’une organisation jusqu’ici demeurée insaisissable, ayant pour objectif la libération du joug bienfaisant de l’Etat. » Devrait-il la dénoncer ?

    Entre la description du fonctionnement qu’il juge idéal de son monde totalitaire et le récit de ses rendez-vous avec cette femme imprévisible, dont O-90 sera jalouse, D-503 se découvre un moi divisé, doté d’imagination, malade peut-être. Toute sa vie en est ébranlée, sa vision des choses, ses relations avec les autres, sa place dans la société. Osera-t-il se lier avec ceux qui se révoltent ?

  • Enfin

    sibilla,aleramo,une femme,roman,autobiographie,littérature italienne,condition féminine,féminisme,mariage,maternité,travail,société,écriture« Enfin, j’acceptais en moi le dur devoir de marcher seule, de lutter seule, de mettre au jour tout ce qui montait en moi de plus fort, de plus pur, de plus beau. Enfin, je rougissais de mes inutiles remords, de ma longue souffrance stérile, de la désaffection dans laquelle j’avais laissé mon esprit comme si je l’avais haï. Enfin, je goûtais la saveur de la vie comme à quinze ans. »

    Sibilla Aleramo, Une femme